VOIE DE GRENOBLE A FREJUS ET A FORUM VOCONII

 

Tite Live, selon un récit emprunté à un géographe du 3ème  siècle avant notre ère dit que, dès au moins cette époque, une piste traversait de part en part le territoire des Tricorii : de Cularo elle se dirigeait vers le Sud. Aménagée après la conquête romaine, à une époque qui n’est pas connue, c’est cette voie que suivit Munatius Plancus lors des évènements de l’année 43 avant J. C. Il l’aurait empruntée dans sa totalité s’il n’avait décidé de faire demi tour au niveau du Verdon. Elle devait être particulièrement bien aménagée puisque Plancus indique que, de Cularo à Forum Voconii, huit jours de marche sont suffisants.

 

« Vieux chemin, écrit Camille Jullian, qui, depuis Grenoble, monte et descend sans cesse à travers les vallées et les contreforts des Alpes, cette route est, peut-être, la plus paysannes des Gaules ».

 

De fait, entre ces deux points, par le col de la Croix Haute, Sisteron et Riez vont circuler, de manière quasi ininterrompue entre mai et juin 43 avant notre ère, courriers et armées.

 

Dès 3 avant notre ère, la voie subit des réparations et fut jalonnée de bornes. Sous Tibère elle fut de nouveau réparée et bornée. La dernière réfection dont on ait la trace se place sous Antonin en 144-145 après J. C.

 

Sujette aux orages violents, et donc aux inondations dévastatrices, cette région de montagnes a eu, de tous temps, des difficultés à maintenir en état son réseau routier, mis à mal par l’érosion ou par submersion. Strabon y fait allusion pour la Via Domitia. Il en va vraisemblablement de même pour celle ci, d’où les nombreuses réfections et modifications ponctuelles dont témoignent les milliaires.

 

Cette voie Cularo – Forum Julii est identifiée par des textes littéraires du 1er siècle avant J. C. (« Epistulae ad Familiares ») et, partiellement, par la Table de Peutinger, pour la section Riez – Fréjus.

 

De la vallée de la Bléone à celle de l’Argens, 12 milliaires du Haut Empire ont été retrouvés sur son tracé. Elle est jalonnée par un important pont sur le Verdon – à Sainte Croix du Verdon – et, en deux points, par des aménagements rupestres spectaculaires – le Bourguet de l’Escale et Sainte Croix –.

 

Certaines formules épigraphiques employées sur les bornes milliaires « refecit et restituit », semblent indiquer une réfection complète qui touchait jusqu’aux substructions de la chaussée. D’autres,  « vias silice sternendas curavit », que la voie devait être rechargée de pierres et de graviers, des dernières, enfin, « vias et pontes restiturunt », que la réfection de la chaussée s’était également accompagnée de la réfection des ponts.

 

Dans certains cas, remarquables, le tracé de cette voie permet de repérer, de fort loin, la ligne directionnelle, souvent évidente encore, vingt siècles après ; ainsi, d’Espinouze jusqu’à Saint Christol, du Poteau de Telle jusqu’à Saint Jeannet ou du plateau de Saint Paul les Monestier jusqu’à Grenoble.

 

Emplacement théorique des milliaires :

 

La recherche des emplacements théoriques des milliaires fait partie de l’enquête topographique qui accompagne toute étude de voie romaine. Sur les parcours ne subsistent parfois qu’une croix, un embranchement, un passage de limites – souvent communales – un toponyme – la Pierre, Croix, Colonne, Colombe, Logis… - ou encore un fourré de buissons. R. Chevallier rappelle, à cet égard, que les bornes milliaires ont servi, des siècles durant, de limites ou de repères déterminant l’aboutissement des chemins et des finages paroissiaux ou fixant des croix. Même disparues, elles restent matérialisées par des points remarquables espacés d’un nombre entier de modules.

 

Une voie ne comporte qu’un seul élément métrique : l’espacement de ses bornes. Mais les cas de milliaires restés en place sont exceptionnels. La seule possibilité de retrouver leur ancien emplacement réside dans le fait que, pendant des siècles, ils ont, en maints endroits, été l’élément principal du paysage routier avec valeur de repère et de limite.

 

On doit donc, le long d’une voie romaine ou supposée telle, trouver une série de points tels que départs de chemins secondaires, limites de communes et même, parfois, boqueteaux ou croix, séparés par un nombre entier de milles comptés le long de la voie.

 

Des coïncidences métriques répétées, donnent rapidement, en vertu de la théorie des probabilités composées, un degré de probabilité si élevé qu’il exclut pratiquement l’erreur. Soit, par exemple, le cas d’une route ou d’un chemin offrant 25 carrefours pour 12 milles, soit, approximativement, 2 par mille. Cette densité place deux carrefours, en moyenne, à portée de chaque ancien emplacement présumé de milliaire. Le mille romain correspondant à mille « pasus » - le double pas romain – soit 1480 mètres (quasiment 1,5 km), il y a, pour chacun de ces carrefours, une chance sur quinze de tomber dans un intervalle de cent mètres donné. Il y a donc, dans l’exemple choisi, deux chances sur quinze (ou, pour simplifier, une sur sept) pour trouver un carrefour, à cent mètres près, à un mille du milliaire supposé.

 

Si l’on trouve, comme à Pré la Croix – Gruère – col du Fau (sur la commune de Saint Paul les Monestier) trois coïncidences réelles simultanées, voire quatre comme dans le secteur Croix de Boulaud – Pont sur l’Orbanne – Croix de Malverger (si l’on y inclut le pont Saint Michel), chacune n’ayant qu’une chance sur sept de se produire, cela donne, dans le premier cas une chance sur 343 (7X7X7) et une chance sur 2401 (7X7X7X7) dans le second cas.

 

Il est douteux que le hasard seul ait pu produire une telle série.

 

Des 179 milliaires vraisemblables de la voie de Cularo à Forum Julii, six sont conservés « in situ » (ou à proximité), y compris ceux de Vérignon récemment déposés, 17 sont attestés, 25 sont probables (toponymes, croix de chemin correspondant à des distances modulaires) et 7, enfin, sont dans des musées.

Mais si la connaissance de ces milliaires est relativement bonne – voire très bonne – pour le segment Riez – Fréjus, elle devient beaucoup plus aléatoire pour le segment Riez – Sisteron et franchement spéculative pour le segment Sisteron – Grenoble.

 

Aujourd’hui, le trajet automobile le plus direct pour joindre Grenoble à Fréjus, en respectant, autant que faire se peut, l’itinéraire antique (Grenoble, Sisteron, Riez, Draguignan, le Muy, Fréjus) représente 307 kilomètres, soit l’équivalent de 207 Milles romains. A l’époque romaine, la distance était moindre. Le relevé global effectué sur les cartes IGN au 1/25 000°, selon le trajet le plus vraisemblable, équivaut seulement à 179 Milles (265 km) soit entre six et neuf jours de marche diurne.

 

Ce trajet se décompose comme suit :

 

-          de Grenoble (Porte Romaine) à Lachar : 9 Milles

-          de Lachar au col du Fau :                       14 Milles

-          du col du Fau au col de la Croix Haute : 17 Milles

-          de la Croix Haute à Sisteron :                            51 Milles

-          de Sisteron à St Jeannet (Salignac) :     22 Milles

-          de Saint Jeannet (Salignac) à Riez :       15 Milles

-          de Riez à Anteae (T. de Peutinger) :        32 Milles

-          d’Anteae à Forum Julii (T. de P.) :          19 Milles

 

soit, au total                                                    179 Milles

 

En partant du postulat de 179 Milliaires et en prenant l’écart type de 10 Milles entre « mutationes » (avec fourchette de 7 à 12 Milles) et de 20 Milles entre « mansiones » (avec fourchette de 18 à 24 Milles), tout en tenant compte des agglomérations antiques connues ou supposées et des réalités de la voie, on aurait le parcours type (parfois théorique) ci après :

 

Milliaire

théorique      Commune                Lieu                Indices, références ou observations

 

6                     Claix                          Pont Rouge ?

7                     Claix/Varces limites communales ?

8                             Varces

9                             Varces                       Lachar           limites civitas Allobroges/Voconces

Relai ? Douane ? Mutatio ?

10                   Varces/Vif                 limites communales

11                   Vif                                                      Vicus ?

12                   Vif                              La Grange ?

13                   Vif/ Le Gua               gué du Genevrey

14                   Le Gua                      vers Jailleyre ?

15                   Le Gua                      le Groin ?

16                   Le Gua                      La Pierre       (milliaire ?)

17                          Miribel Lanchâtre

18                          Miribel Lanchâtre    gué sur la Gresse

19                          St Paul les Monestier

20                                     «                      Rivoiranche ? (mansio ?)

21                                     «                      Pré la Croix   : croix

22                                     «                      Gruère           : croix

23                                     «                      Col du Fau

24                          Roissard                   vers les « Hôpitaux » ?

25                                     «                      limites communales

26                          St Michel les Portes                       Gerbaud

27                                    «                       pont Saint Michel

28                          St Martin de Clelles                        Croix de Boulaud

29                                    «                       pont sur l’Orbannes

30                          Clelles                       croix de Malverger

31                          Clelles                       lieudit « la Fourche » vers Teyssonnières

32                          Clelles                       Longefont

33                          Le Percy                    au Sud du Bachat

34                          Monestier du Percy            Croix de Pré Dessous

35                                   «                        vers les Serrettes ?

36                          St Maurice en Trièves                    la Commanderie

37                                   «                        col Tourdot

38                          Lalley                         vers le pont de Ruelle

39                              « 

40                               «                            Col de la Croix Haute

41                          Lus la Croix Haute

42                                   « 

43                                   « 

44                                   «                        Grand Logis ?          (Mansio ?)

45                                   «                        Pont Lombard ?

46                                   « 

47                          St Julien Beauchène                     Baudinard ?

48                                   « 

49                                   « 

50                                   « 

51                                   « 

52                                   «                        limites communales ?

53                          La Faurie                  Saint André ?

54                                  « 

55                                  « 

56                          Aspres sur Buech  

57                                  « 

58                                  « 

59                                  «             Serre la Croix ?

60                                  «             Grand Mur ?

61                          La Bâtie Montsaléon                      Col des Ourines

62                                  « 

63                                  «             Agglomération antique de Monte Seleuco

64                                  «             le Brieu ?

65                                  «                         Pont la Barque ?

 

 

 

Itinéraire par la rive gauche du Buech :

 

66                   Serres                        le Pardy ?

67                        «                           

68                                 « 

69                                 « 

70                                 «                            limites communales

71                          Montrond

72                          Eyguians

73                               « 

74                               « 

75                               «                            limites communales

76                          Laragne

77                              « 

78                              «                             limites communales

 

 

Itinéraire par la rive droite du Buech

 

66                   Serres                        le Pardy ?

66                          « 

67                          « 

68                          « 

69                          « 

70                          Méreuil

71                          « 

72                          Trescleoux                Plan du Buech ?

73                          « 

74                          Saléon/Lagrand      limites communales

75                          Saléon

76                          «                                 la Ruilière ?

77                          « 

78                          Laragne                    limites communales

79                          Chât. de Chabre

80                          « 

81                          «                                 limites communales

82                          Antonaves/Ribiers  limites communales

83                          Ribiers                       croix Saint Aubert

84                          «                                 le prieuré ?

85                          «                                 l’ Enclos ?

86                          «                                 Vieille Guillonne ?

87                          «                                 Tour du Puy ?

88                          «                                 les Eymarrons

89                          Ribiers/Sisteron       limites communales

90                          Sisteron

91                          «                                 Segustero, chef lieu de Civitas

92                          «                                 la Baume ?

93                          « 

94                          «                                 limites communales

95                          Entrepierres             limites communales

96                          Salignac

97                          «                                 Ponchonère ?

98                          Volonne                    les Démesses ?

99                          « 

100                       «                                 la Croix ?

101                       l’Escale                     agglomération antique du Bourguet

102                       « 

103                       « 

104                       «                                 limites communales

105                       Malijai

106                       «                                 le prieuré ?

107                       Mirabeau                  vers St Christol (mutatio ?)

108                       «                                 Plan de Fontenelle

109                       Chaffaut St Jurson St Jaume ?

110                       «                                 ancien lieudit « la Croix » : XVIII° Mille de Riez

111                       «                                 N. D. d’Espinousse : XVII° Mille de Riez

112                       St Jeannet                Saint Mathieu : XVI° Mille de Riez

113                       «                                 Salignac : XV° Mille de Riez (Musée de Riez)

114                       «                                 au Nord de Vaudène : XIV° Mille de Riez

115                       «                                 les Cardaires : XIII° Mille de Riez

116                       «                                 Saint Jeannet : XII° Mille de Riez

117                       «                                 Pierre d’Arc : XI° Mille de Riez

118                       Bras d’Asse              Peira Michou : X° Mille de Riez

119                       «                                 Crouès : IX° Mille de Riez

120                       «                                 Saint Jean : VIII° Mille de Riez

121                       «                                 ? : VII° Mille de Riez

122                       Puimoisson              la Commanderie : VI° Mille de Riez

123                       «                                 ? : V° Mille de Riez

124                       «                                 Oratoire : IV° Mille de Riez

125                       «                                 vers les Adrets : III° Mille de Riez

126                       «                                 limites communales : II° Mille de Riez

127                       Riez

128                       «                                 Reii, chef lieu de civitas à 32 Milles d’Anteae

129                       « 

130                       Riez/Montagnac      limites communales

131                       Montagnac               Plan de Croix

132                       «                                 Saint Jean

133                       «                                 limites communales

134                       Sainte Croix

135                       «                                 vers la Fare ?

136                       «                                 vers Pont de Sorps ? (monolithe signalé)

137                       Bauduen                  les Cavalets ?

138                       « 

139                       « 

140                       « 

141                       « 

142                       «                                 Saint André d’Obellis : milliaire XXXVI de Fréjus

143                       Vérignon                   les Aumades : milliaire XXXV

144                       «                                 pont de la Darre : milliaire XXXIV

145                       « 

146                       « 

147                       «                                 Milliaire in situ : XXXI de Fréjus

148                       « 

149                       «                                 limites communales

150                       Ampus

151                       «                                 Ville Haute : milliaire détruit

152                       «                                 Mercandier : millaire de N. D. de Spéluque

153                       «                                 Grange Rimade : milliaire XXV

154                       «                                 Grand Chemin : milliaire XXIV

155                       «                                 Collefrat ?

156                       «                                 la Signe ?

157                       Draguignan              la Granégone

158                       «                                 St Michel : milliaire XXI

159                       «                                 Sud des Salles ?  milliaire XX

160                       «                                 Anteae, agglomération antique secondaire

161                       «                                 vers Billette ?

162                       «                                 limites communales

163                       Trans

164                       «                                 vers St Vincent : milliaire de Tibère

165                       « 

166                       La Motte                    vers Ste Roseline

167                       Le Muy                      Ouest des Ferrières ?

168                       «                                 Est de St Cassien ?

169                       «                                 embranchement de la Via Aurélia : milliaire

170                       « 

171                       «                                 Vérignas : milliaire in situ

172                       «                                 limites communales

173                       Roquebrune sur Argens

174                       «                                 le Blavet : milliaire d’Auguste

175                       la Puget sur Argens           Milliaire IV

176                       « 

177                       « 

178                       Fréjus                        Milliaire d’Aurélien

179                       Fréjus                        Forum Juli

 

 

 

 

D’ Anteae à Forum Voconii il y avait, à l’époque républicaine 24 Milles et deux de moins à l’époque impériale.

 

 

Itinéraire de Forum Voconii (époque républicaine)

 

169                 Le Muy                      embranchement Via Aurélia

170                       «

171                       « 

172                       Les Arcs

173                       «                                 vers Pont Rout : milliaire de Néron

174                       «                                 Pont d’Argens : milliaire de Constantin

175                       « 

176                       Taradeau

177                       «                                 Saint Martin : 4 milliaires anépigraphes

178                       Vidauban                  Collet Redon ?

179                       «                                 Pont de Rondin

180                       «                                 Chateauneuf : milliaire de Probus

181                       «                                 Est de Ramatuelle

182                       Vidauban/Le Cannet         milliaire de la Trinité

183                       Le Cannet                Agglomération antique de Forum Voconii

 

 

 

Itinéraire de Forum Voconii (époque impériale)

 

169                 Le Muy                      embranchement Via Aurélia

170                       « 

171                       « 

172                       Les Arcs

173                       «                                 vers Pont Rout : milliaire de Néron

174                       «                                 Pont d’Argens : milliaire de Constantin

175                       « 

176                       «                                 Milliaire VII de la Cognasse

177                       Vidauban                  Milliaire de Constantin

178                       «                                 Milliaire de Constantin

179                       «                                 Chateauneuf : milliaire de Probus

180                       «                                 Milliaire de Ramatuelle in situ

181                       Vidauban/ Le Cannet        agglomération antique de Forum Voconii

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DE GRENOBLE AU COL DU FAU :

 

La voie sortait de Cularo/Gratianopolis par la Porte Romaine puis suivait l’actuelle rue Saint Jacques en bordure du Draquet. De là, par un tracé que l’éventail du Drac ne permet pas de restituer, la voie devait tendre sur Saint Jacques d’Echirolles. Dans ce secteur la voie se confondait avec la « voie de Rome », par l’Oisans et le Montgenèvre, seule, pour le secteur, à être mentionnée par la Table de Peutinger.

 

A Echirolles, la voie devait passer à proximité du coteau de Saint Jacques où, de toute évidence, se trouvait un autel ou un temple à Mercure, élevé par Lucius Manilius Silanus ; c’est sur son emplacement que s’élevait, sans doute dès la fin de l’époque antique, la première église d’Echirolles.

 C’est sans doute dans ce secteur que devaient se séparer la voie de Rome et celle de Fréjus : de tous temps ce fut un carrefour routier important : halte des pèlerins de Rome, puis de Saint Jacques de Compostelle, Commanderie de templiers puis relai postal.

 

D’Echirolles jusqu’à Lachar sur Varces le tracé de la voie est incertain. Franchissait-elle le Drac à gué à hauteur de l’actuel pont de Claix ? Arrivait-elle de Saint Jacques par les bois de Marcelline avec franchissement du Drac à gué au « Saut du Moine », où les traces d’une piste protohistorique ont été découvertes ? Abordait-elle, enfin, Varces par les coteaux de Claix ? Les trois hypothèses sont toutes plausibles et ont pu correspondre au tracé de la voie romaine à différentes époques, voire à différentes saisons.

 

 La dernière de ces hypothèses mérite néanmoins une attention particulière. En effet, lorsqu’on venait de Valence par la rive gauche de l’Isère, Grenoble pouvait être contournée, ce qui évitait un franchissement du Drac qui, en période de crue, devait engendrer d’importantes difficultés. De Seyssinet, cette voie gagnait Seyssins puis montait au col de Cossey ou de Comboire. Ce tracé, étudié à la fin du XIX° siècle, est jalonné d’indices : sépultures gallo romaines, notamment autour de Saint Martin de Seyssins et au Sud du village, monnaies romaines, mentions orales d’anciens pavages… Entre Seyssins et le col de Cossey, cette voie est encore bien marquée sous la forme d’un très vieux cheminement, en faible pente, bordé de murets de soutènement anciens, aboutissant à la chapelle de Cossey construite, peut-être, sur un monument antique. De là, par Furonnières, le Bourg, la Croix, Allières, Risset et Pontcharra, elle pouvait gagner l’Achard.

Il existe en faveur de cette hypothèse, une série de coïncidences métriques répétées pouvant laisser penser à un tracé antique : en effet, si l’on considère que le col de Comboire, de tous temps, a du constituer un passage remarquable, on peut penser que, comme dans les endroits similaires, un milliaire y était implanté ; or, à 1500 mètres du col, se trouve un carrefour de routes de haute origine : Cossey – Claix, d’une part, Malhivert – la Balme, d’autre part ; une croix très ancienne, encore figurée en 1784 sous le nom de « croix du Fournel », était implantée à ce carrefour. De plus, à 1500 mètres de cette croix une autre croix était également implantée : le lieudit « la Croix », en marque toujours l’emplacement. Et à 1500 mètres de là, par le Val d’Allières, habité à l’époque gallo romaine, se situe l’église de Risset, emplacement d’un lieu de culte remontant probablement à une très haute origine.

 

Ce qui est aujourd’hui établi c’est qu’à Lachar existait une agglomération secondaire située sur le tracé d’une importante voie. Cette agglomération assurait vraisemblablement le contrôle des voyageurs et des marchandises à la sortie du territoire des Allobroges et un bureau de la « Quadragesima Galliarum » pouvait y être établi : c’est dire que l’on doit situer dans ce secteur les limites des civitates des Allobroges et des Voconces pour tout le Haut Empire. Après l’élévation de Cularo au rang de civitas, sous Dioclétien et Maximien, cette frontière sera reportée plus au Sud, sans doute entre Miribel et Lanchâtre.

 

La voie romaine a été retrouvée sur plus de cent mètres de long, à Lachar, avec une orientation Nord – Sud s’infléchissant ensuite vers l’Est. Elle était constituée de blocs de calcaire et de graviers sur une largeur variant de cinq mètres à huit mètres.

 

Elle semble ensuite se prolonger en direction de Pellissière puis se diriger sur Vif par un tracé situé un peu plus à l’Est que l’actuelle Nationale 75, ce que rendait possible le cours de la Gresse qui coulait alors beaucoup plus à l’Est qu’aujourd’hui, pour rejoindre le Drac vers « le Santon », au pied du Petit Brion.

 

Le tracé de la voie est incertain sur Vif. Vif était-il un vicus  Voconce ? son nom même et divers vestiges laissent à le penser mais ils sont de basse époque. On observera que dans l’église, édifiée sur des structures antiques, est conservé un tronçon de colonne sur base carrée, qui pourrait correspondre à la partie inférieure d’un milliaire dont le socle était très souvent carré pour permettre un meilleur ancrage dans le sol. Du Bourg antique, situé sur la rive droite de la Gresse, qui n’avait donc pas à être franchie, la voie peut être pressentie par divers indices toponymiques et, notamment, les lieudits l’  « Etrat » et le « Bois du Gua ». De plus, des travaux effectués il y a quelques  dizaines d’années au lieudit « Pas du Loup », auraient fait découvrir le pavage de cette voie. Mais un tracé par l’actuelle Départementale 8 jusqu’au Genevray, où existait un gué sur la Gresse, est également vraisemblable.

 

Est ce ce gué qui a donné son nom à la commune du Gua ou celui situé sur le ruisseau du Bruyant qu’il fallait franchir pour atteindre Prélenfrey quand on venait du château delphinal du Gua ?

 

La voie est également imprécise sur cette commune ; à titre d’hypothèse on peut proposer les Rossets, Lanceteyre, Chaudemeyre et un très ancien chemin qui, de là, conduit à l’ancienne maison forte du Groin. Il s’agit là, nonobstant l’absence de découverte, du tracé le plus évident.

 

Du Groin, la voie devait tendre sur la Pierre (ancien milliaire ?) puis, passant non loin de la Fontaine Ardente, connue dès l’antiquité, que devait atteindre un embranchement de la voie elle gagnait  Bayanne et Cassoulet : dans ce secteur on a conjecturé l’emplacement possible d’une agglomération antique ou, du moins, d’une « mutatio » à 16 Milles de Grenoble, détruite peut-être par une coulée de boue, qui aurait donné naissance à la tradition plaçant en ces lieux une ville du nom de Bayanne, « détruite – comme Sodome et Gomorrhe – par la main de Dieu ».

 

De Cassoulet jusqu’à Lanchâtre son tracé semble se confondre avec celui de la Départementale 8. Elle bifurque alors pour passer à proximité d’un champ remarquable où une tradition place un « camp romain » et qui y correspond du reste assez bien surtout quand on l’observe des hauteurs du Vernay ou de la crête de la Ferrière. S’agirait-il des restes d’un camp légionnaire temporaire lié aux évènements de l’an 43 avant notre ère, époque où les armées de Plancus allaient et venaient entre Cularo et le Verdon ?

 

C’est aussi dans ce secteur, si les circonscriptions épiscopales correspondent à peu près aux anciennes limites de civitates qu’il faut situer, pour le Bas Empire, les limites entre Allobroges et Voconces. Miribel relevait, en effet, de l’évêché de Die cependant que Lanchâtre relevait de celui de Grenoble.

 

De ce présumé camp et peu après la « croix de la Condamine »,  par un chemin encore parfaitement fossile, tracé en crête, avec d’importants murs de soutènement, chaque fois que nécessaire, sans pente excessive, on atteint très rapidement la Gresse en un endroit où existait, jusqu’à récemment, un gué pavé au niveau du « Moulin Colombat ».

 

De la Gresse, la voie remonte sur Caillatère puis gagne Sagnebatu et Bournaire,  passant non loin d’un lieudit encore nommé « Colonge » (Colonica ?) sur le cadastre napoléonien. Dans ce secteur, plusieurs gués pavés ont été observés sur des ruisseaux ; leur largeur est toujours comparable : entre 6 mètres et  6,50 mètres. De Bonnotaire jusqu’à Rivoiranche elle est parfaitement rectiligne et offre des vues superbes jusqu’à Grenoble. Dans le secteur de Rivoiranche la voie n’est plus matérialisée ; sa trace a été toutefois repérée dans la forêt, envahie par la végétation. Une croix ancienne, disparue de nos jours, existait non loin du château de Rivoiranche.

 

A Saint Paul les Monestier, dans l’axe de l’église connue dès le XI° siècle, la voie a laissé la place à un jardin potager mais on la retrouve, sous la forme d’un bon chemin, au delà de l’église et jusqu’au lieudit « Pré la Croix » où une croix indique toujours un carrefour de chemins. De cette croix à celle de Gruère, par Coucouri, il y a exactement 1500 mètres. Il y a encore un intervalle d’un Mille romain de la croix de Gruère au col du Fau.

 

Le col, qui marque encore les limites de trois communes (Monestier de Clermont, Saint Paul les Monestier et Roissard) est un passage de très haute origine : un campement néolithique y a été découvert il y a quelques années.

La voie protohistorique, puis romaine, doit être aujourd’hui recouverte par le chemin qui passe à proximité de la « Pierre du Prêtre » (mégalithe ?).

 

DU COL DU FAU AU COL DE LA CROIX HAUTE

 

Du col du Fau, carrefour de voies probables dès la protohistoire, la voie se poursuit sur la commune de Roissard par un chemin quasiment rectiligne et très bien matérialisé, passant à proximité du lieudit « les Hôpitaux », emplacement de l’hôpital de Saint Jean de Jérusalem fondé vers 1230 comme dépendance de la Commanderie de Saint Maurice en Trièves ; les prospections archéologiques faites dans les années soixante dix n’ont pas permis de confirmer l’existence, pourtant probable, d’un site haut médiéval ou médiéval. A proximité de ce site, au lieudit « les Araignées » a été découverte fortuitement, au cours de labours, une sépulture du Bas Empire qui a livré deux vases. L’habitat et la nécropole de la « Grande Côte », site probable de la localité mérovingienne de Riaciosco, attestée en 739 dans le testament d’Abbon, sont également très proches.

 

La voie se retrouve ensuite aux Peyrouses, puis à Martine où le ruisseau de Riffol était franchi à gué. Par le flanc Est des Côtes de Gerboux, la voie, bien tracée, d’une largeur constante de cinq à six mètres, atteint le Gerbaud où, en Février 1905, fut mise au jour une sépulture du Hallstatt final avec deux bracelets de bronze (époque des Tricorii ?) du type dit « de Rochefort », prouvant l’existence d’une piste Nord Sud, de Grenoble au Sud de la France, dès au moins la protohistoire. Non loin de là, au bord de l’actuelle route départementale, ancienne voie royale, subsiste une ancienne borne indiquant « 40 (km) de Grenoble » qui, remarquablement correspond parfaitement aux 27 Milles estimés de la voie antique (39,980 km).

 

De Gerbaud à Vicaire la voie est recouverte par la route départementale. Passant ensuite derrière la chapelle Saint Michel qui conserve une colonne sciée en deux morceaux (ancien milliaire ?), la voie descend jusqu’au torrent de Grosse Riffol. Dans ce secteur, et sur une largeur impressionnante l’ancienne Nationale 75 a été totalement emportée au début des années cinquante : seule une partie des contreforts Nord se voit encore. Le pont Saint Michel, dans son état actuel, est relativement moderne mais son origine (ou sa réfection ?) remonte à Lesdiguières et à la route royale du XVII° siècle. Un siècle plus tard, semble t-il, il était détruit et dut être reconstruit. Antérieurement au pont du XVII° siècle il existait peut-être un pont en bois car ni la rive gauche, ni la rive droite n’offrent de traces d’un ouvrage plus ancien. Toutefois, un gué n’est pas improbable car de très grosses pierres plates, sous la pont et sur la rive gauche du torrent, peuvent correspondre à un gué initial.

 

Sur la rive méridionale du torrent de Grosse Riffol la voie est mieux conservée. Du pont Saint Michel, elle passe au « Babe » et remonte jusqu’à l’altitude 742 m à la croix de Bouland, à proximité du hameau des « Vorzis » (les voies ?). Entre le pont et la croix il y a un intervalle de 1500 mètres. De la croix de Bouland, la voie se poursuit sur Saint Martin de Clelles qu’elle traverse, puis elle descend jusqu’à l’Orbanne qu’elle franchit par le remarquable pont construit en 1610, sur ordre de Lesdiguières, par Jehan Albert et Pierre Salomon, déjà auteurs des ponts de Claix et de Cognet. L’arche unique de ce pont – dit pont de Chardon - a treize mètres d’ouverture. La voie de l’Orbanne existait déjà lorsque Lesdiguières fit construire le pont mais on ne sait s’il a succédé à un ouvrage plus ancien ou à un gué qui, du reste, paraît aujourd’hui difficilement imaginable, eu égard à la verticalité des parois que l’Orbanne a creusées. On observera que de la croix de Bouland au pont sur l’Orbanne il y a également 1500 mètres.

 

De ce pont – limites communales de Clelles et de Saint Martin de Clelles – la voie remonte le coteau de Bouland jusqu’à la croix de Malverger, à l’attitude 778 mètres, carrefour encore bien marqué, situé également à 1500 mètres du pont sur l’Orbanne.

 

Ainsi, depuis le pont Saint Michel, trouve t-on trois intervalles nets de 1500 mètres, pouvant correspondre à l’emplacement initial de quatre milliaires ; la probabilité du hasard est très faible : 1 chance sur 2401, selon la théorie des probabilités composées.

 

La voie traverse ensuite Clelles, qui a livré un fond de vase à céramique grise du 1er siècle après J. C. conservé au Musée Dauphinois. Sur une courte distance, elle correspond à l’actuelle Départementale 252.

 

Dès Teyssonières, elle se retrouve sous la forme d’un bon chemin jusqu’au Pontou (« Bouthoux » sur la carte IGN), carrefour de chemins. De là, elle descend jusqu’au ruisseau du Merdari qui sert de limites entre Clelles et le Percy et qui est franchi par un ponteau d’aspect ancien et atteint le lieudit encore caractéristique de « la Fourche », à proximité immédiate de Longefont.

 

Oscillant entre 760 m et 800 m la voie, bien tracée et soulignée part des lignes d’arbres, sert encore de limite aux champs. Elle atteint le « Bachat », carrefour de chemins à 1500 mètres  de la fourche de Longefont.

 

C’est vraisemblablement à la Croix de Pré Dessous, ou non loin, que devaient bifurquer la voie, jusqu’alors unique, en direction,  d’une part, de Sisteron par la Croix Haute et, d’autre part, de Die par le col de Menée.

 

La voie de Fréjus se retrouve, après Monestier du Percy, à Malaterre, aux Bayles, à Goutaret et à Bayardière. Dans ce secteur elle est encore relativement bien marquée sous la forme d’un chemin presque rectiligne et d’une largeur constante.

 

Elle atteint alors le lieudit « la Commanderie », où un bâtiment, aujourd’hui restauré, rappelle le souvenir de l’ancienne commanderie de Saint Jean de Jérusalem, connue dès 1240, mais sans doute d’origine templière, qui fut réunie à celle d’Echirolles au début du XVI° siècle et resta dans les possessions de l’ordre de Malte jusqu’à la Révolution. A proximité, il y avait une chapelle, aujourd’hui disparue, vouée à Saint Jean. Il n’est pas impossible que ce site médiéval ait succédé à une mutatio antique.

 

Le tracé de la voie est alors parallèle à celui de la Nationale 75 et apparaît, en contrebas de celle ci, sous la forme d’un ancien chemin encore bien marqué.

 

Peu avant d’atteindre le bourg de Saint Maurice en Trièves, la voie franchit le ruisseau Bonson où un sarcophage romain, de petites dimensions, fut jadis découvert.

 

Après avoir traversé Saint Maurice – où l’on suppose un habitat romain – la voie monte, par un axe en cours de restitution du fait d’une opération de remembrement,  au Col Turdot, à l’altitude 855 mètres, d’où, par un tracé plus rapide que l’actuelle Départementale 66 B, elle gagne Lalley qui, jusqu’en 1730 n’était qu’un hameau de Saint Maurice en Trièves qui s’étendait jusqu’au col de la Croix Haute. De Lalley elle longe le ruisseau de la Croix Haute qu’elle franchissait, sans doute à gué, au niveau de l’actuel pont de Ruelle. Celui ci est situé à un peu moins de 3000 mètres du col géographique. Dans ce secteur, la voie est encore relativement bien marquée jusqu’à un point, situé à quelques centaines de mètres de Notre Dame de Trièves, où elle se perd. Elle devait, originellement tirer droit sur l’actuel oratoire mais les aménagements qu’elle devait avoir, dans ce secteur délicat, semblent avoir disparu.

 

Peu après cet oratoire, elle est de nouveau visible, parallèle à la Nationale 75.

 

DE LA CROIX HAUTE A SISTERON

 

Le passage de la Croix Haute est de très haute origine. On y a découvert une fibule « à navicella », à deux protubérances dont l’arc, peu profond, autorise une datation de la fin du VIIème au VIème siècle avant notre ère, confirmant, vraisemblablement, une pénétration dans la cluse de Grenoble des Hallstattiens dès le VIIème siècle et un commerce actif. Il s’agit là de la piste primitive jalonnée par les découvertes de Rochefort et de Saint Michel les Portes.

 

Sur l’immense territoire que représente l’actuelle commune de Lus la Croix Haute, le tracé de la voie n’est pas connu mais deux toponymes permettent de la jalonner : Grand Logis (mansio possible) et Pont Lombard, à l’Est duquel subsistent les ruines d’un établissement templier.

 

Au delà, les traces de l’ancienne voie semblent avoir disparu mais on peut envisager un tracé, le long du Buech, parallèle à la Nationale 75. Au Sud de Saint Julien de Beauchêne, la croix du Chambon, peut avoir remplacé un ancien jalon.

 

Sur le territoire de la Faurie, des grottes préhistoriques sont connues, le long du Buech. Dans ce secteur deux tracés sont envisageables ; le premier par le pont de la Dame, correspondant à l’actuelle Nationale 75 et le second, plus direct par Seille et le col du même nom : tous deux conduisent à Aspres sur Buech. Il existait vraisemblablement à cet endroit une station au carrefour de la voie de Grenoble à Fréjus et de la voie de Gap à Die. De nombreux vestiges romains sont connus sur cette commune :

 

-          à « Serre la Croix », un camp romain de 125 m X 105 m entouré d’un « agger » de quatre mètres de haut, sans doute de haute époque et une immense villa de 250 mètres de long – peut-être même un vicus

-          à la « Beaumette » et au Col du Pignon, des traces de voie observées par J. Roman

-          d’autres traces de voie romaine à « Grange Neuve », au « Grand Mur » où, pavée de galets, large de 3 mètres, celle ci est aménagée sur une levée de terre et au hameau du Coq

-          enfin, au lieudit « Col des Ourines », en 1970, lors de travaux de remembrement, on a découvert un petit bâtiment et une large aire de galets qui a été interprété comme un nouveau fragment de la voie romaine qui, par le lieudit « le Comte » se dirigeait sur la Bâtie Montsaléon.

 

La Bâtie Montsaléon occupe le site de l’agglomération antique de « Mons Seleucus » (« Monte Seleuco » de l’ Itinéraire Antonin ou « Monte Seleuci » de l’ Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem). Cette agglomération secondaire (30 hectares), à la croisée de l’axe Briançon – Gap – Valence et de la voie de Grenoble à Fréjus à livré de très notables restes romains et l’un des sanctuaires les plus importants des Alpes Françaises. C’est également dans la plaine de la Bâtie Montsaléon qu’eut lieu, la bataille de 353, gagnée par les généraux de Constance II contre l’usurpateur Magnence.

 

Au Sud de l’agglomération, le tracé de la voie romaine n’est pas identifié mais il semble probable de l’envisager dans la plaine de Lachau puis sur les bords du petit Buech jusqu’à Pont la Barque.

 

Mais, d’Aspres sur Buech, un tracé plus direct, évitant Mons Seleuci, est concevable par Aspremont : c’est celui de l’actuelle Nationale 75 qui conduit également à Pont la Barque, point de passage quasi obligé.

 

De là, son tracé le plus probable conduit à Serres, où deux parcours sont de nouveau envisageables : l’un, rive droite du Buech par Pont Rouge et Méreuil, l’autre par le tracé de la Nationale 75 et Montrond ; on observera, en faveur de celui ci que le plateau de Guire, sur une terrasse dominant le Buech, à livré, sur près de 2,5 km de long, une importante nécropole préhistorique pouvant laisser supposer à la fois la présence d’un habitat et d’une piste.

 

Les deux localités de Méreuil et de Montrond sont situées de part et d’autre du Buech et ont livrées, toutes deux des tumuli protohistoriques.

 

Cette double possibilité de passage qu’avait la voie se retrouve jusqu’à Laragne et rien, jusqu’à ce jour, ne plaide pour un tracé, plutôt que l’autre, car des éléments archéologiques existent sur les deux rives.

 

Par la rive droite du Buech la voie aurait pu, venant de Serres et Méreuil, suivre la tracé de l’actuelle Départementale 350, quasi rectiligne jusqu’à Lagrand où l’on suppose l’emplacement d’une agglomération secondaire antique, dans la plaine, non loin du Buech qui a notamment livré une inscription à un flamine d’Auguste, puis, de là, tendre sur Saléon et par « les Granges » (traces d’un établissement gallo romain), et « la Tuilière », gagner Laragne.

 

Par la rive opposée, la voie pouvait, venant de Serres et Montrond tendre sur Barniaury, où des sépultures à incinération ont été découvertes à proximité d’un possible fanum, puis sur le « Serre d’Astier », lieudit de la commune d’Eyguians : ce site a livré un sanctuaire comparable à ceux de Chastelard de Lardiers et de Lachau. Un denier républicain y a également été découvert, attestant de l’ancienneté du passage. Un peu au Sud du site cultuel, le lieudit « Courage » a révélé, entre la voie ferrée et le Buech, divers vestiges : haches et silex préhistoriques, monnaie gauloise, monnaies romaines, tessons divers…Le tracé entre Eyguians et Laragne pourrait correspondre à celui de la Nationale.

 

Les deux tracés offrent quasiment la même distance et l’on peut se demander s’ils n’ont pas été alternativement utilisés. A Laragne, ou, plus au Sud, à Mison, ils pouvaient se rejoindre.

 

On notera, sur la commune de Laragne, au Nord de l’agglomération, un lieudit « l’Estraye » (via strata ?).

 

A Mison, en un lieu non précisé, à été découvert un denier de Brutus (44-43 avant notre ère), contemporain du passage des armées de Munatius Plancus. Cette monnaie, jadis conservée à Gap, pourrait témoigner du plus ancien tracé de la voie de Fréjus mais laisse alors supposer un franchissement du Buech soit vers les Iscles, au Sud du village de Mison, soit au niveau du village de Ribiers, entre Saint Pierre et la Madeleine.

 

Par contre le tracé de la rive droite, traversant du Nord au Sud les communes de Châteauneuf de Chabre et d’Antonaves (actuelles Départementales 942 puis 948) se raccorde parfaitement avec la voie de nouveau bien identifiée sur Ribiers.

 

Le bourg de Ribiers pourrait correspondre à une agglomération secondaire antique, installée sur une terrasse au bord de la voie romaine. Celle ci a bien été identifiée comme telle au Nord de la commune, au lieudit « Saint Aubert ». A la croix du même nom, la structure de la voie était visible avant l’empierrage de la route ; on la devine toujours, soulignée par une rangée d’arbres. Autrefois elle a été vue dans le « Champ Boursier » de l’autre côté du torrent de Saint Aubert. Après avoir traversé l’actuel village on la retrouve, bien marquée, à partir du cimetière. Elle passe vers « Champ Beau », où elle a été observée, à l’Est des Autarets (Altaretum : l’autel) et à la « Vieille Guillonne ». A Châtillon - emplacement d’un important habitat, de part et d’autre de la voie -elle se scinde en deux : une voie secondaire part en direction du Pas de Saint Pensier, cependant que la voie principale continue, rectiligne par les Eymarrons et la Marquise en direction de Sisteron qu’elle atteint par les Combes.

 

Sisteron, Ségustero, capitale des Sogiontii, puis chef lieu de la Civitas Segesteriorum au IIème siècle, occupe une position stratégique sur un passage obligé de la Via Domitia : c’est également un carrefour de tout premier ordre de voies antiques qui conduisaient, au Nord Ouest  à Die, au Nord à Grenoble, au Nord Est à Gap et à Briançon, à l’Ouest à Vaison, au Sud Ouest à Apt et à Cavaillon, au Sud à Riez et Fréjus et au Sud Est à Digne, Castellane et Vence. La ville antique, très mal connue, est généralement localisée à l’emplacement du bourg médiéval et moderne, au pied de la citadelle.

 

La Via Domitia, venant de Gap, a été localisée Avenue de la Libération et aux Plantiers ; elle franchissait le Jabron en amont de sa confluence avec la Durance.

 

La voie de Fréjus, quant à elle, franchissait la Durance par un pont vraisemblablement situé à « Prouviou » (« Portus Vetus » en 1268), non loin de sa confluence avec le Buech.

 

DE SISTERON A RIEZ

 

Après avoir franchi la Durance, la voie longeait la rive gauche de la rivière, en suivant le tracé de la Départementale 4 qui a repris le tracé antique. Au dessus de Saint Puy, le long de la voie antique, on a découvert, en 1810, « une suite considérable de tombeaux ».

 

Jusqu’à l’Escale, le tracé de la voie romaine correspond strictement à la route départementale 4 qui a, elle même, succédé à l’ancienne route royale puis route Napoléon. Elle traverse ainsi, du Nord au Sud, les territoires d’ Entrepierres, de Salignac et de Volonne. Sur cette dernière commune, on a découvert une monnaie massaliote non loin du lieudit « la Croix », au Sud du vieux village de Volonne.

 

Au débouché du ravin de « Pierre Taillée », sur les limites communales de Volonne et de l’Escale, on peut encore voir le passage aménagé dans le rocher pour la route antique. Taillé dans le poudingue, d’accès aujourd’hui difficile depuis la mise en eau du lac artificiel, cet ouvrage d’art que Barruol compare aux cluses de la Via Domitia, à la « Porte de Donnas » ou encore à la « Porte de Bons », semble remonter aux tous premiers aménagements de la voie. Un oratoire, au bord de la voie, pourrait avoir succédé à un milliaire.

 

Du ravin de Pierre Taillée à celui de Fondéras, sur une longueur de 500 mètres, s’étendait une agglomération de près de 10 hectares, à la fois vicus terrestre (« Mocton, Matton, Mathon Vicus » au Vème siècle), station routière et Emporium fluvial, lieu de marché.

 

La voie antique constituait, selon toutes probabilités, le cardo de l’agglomération, dans les vestiges de laquelle ont été découverts, notamment, de nombreux deniers républicains. Au sud de celle ci, au lieudit « le Crouas », a été découvert, en 1967, un important monument funéraire.

 

Peu après le lieudit « l’Hôte », la voie se confond avec le tracé de la Nationale 85, traversant Malijai et suivant la rive droite de la Bléone. Elle passe près de la chapelle Saint Christol, édifiée sur un important site antique ; en 1335 elle était désignée comme étant « contiguatur strata publica ». Les bâtiments antiques reconnus de part et d’autre du ravin de Saint Christol laissent à penser à un important relais sur la voie, à six milles de l’agglomération antique du Bourguet de l’Escale.

 

Au « plan de Fontenelle », à l’Ouest du confluent de la Bléone et de la Duyes, la voie a été repérée, par photographie aérienne, sur 500 mètres de long selon un axe Nord Ouest – Sud Est. Des zones empierrées sont également apparues lors de labours. Jusqu’à Fontenelle, la voie suivait, depuis Sisteron un tracé commun avec la voie de Digne qui se poursuit ensuite selon un axe repris par l’ancienne route Napoléon. Le lieu de franchissement de la Bléone par la voie de Fréjus est controversé.

Selon certains auteurs la rivière pouvait être franchie dans l’axe du torrent des Duyes, actuelle limite communale entre  les communes de Mirabeau et de Mallemoisson ; selon d’autres, le gué se faisait plus à l’Ouest entre Plan de Fontenelle et Saint Jaume.

 

La voie est ensuite de nouveau bien identifiée, rive gauche de la Bléone, à partir des Ragots sur la commune de Le Chaffaut Saint Jurson. Entre les Ragots et Espinouse, elle passait au quartier de « la Croix » aujourd’hui disparu mais encore mentionné sur le cadastre de 1812, puis à Vallauris. Entre les Ragots et Espinouse le dénivelé est important, passant, en un peu plus de deux kilomètres, de l’altitude 487 mètres à celle de 752 mètres.

 

Au Nord et au Sud d’Espinouse, deux oratoires, au bord de la voie peuvent matérialiser l’emplacement de milliaires disparus. Une monnaie romaine à été découverte près de l’un de ces oratoires. A partir d’Espinouze la voie a été remplacée, sur l’essentiel de son parcours, par la Départementale 8.

 

Sur le territoire de Saint Jeannet, qu’elle traverse du Nord au Sud, de nombreux sites antiques ont été découverts le long de la voie romaine :

 

-          à Saint Mathieu, emplacement présumé d’un milliaire, sur le site d’un ancien oratoire où affleuraient des tegulae

-          à la ferme de Rouès, important site d’habitat (1 hectare), dominant la voie romaine

-          à la ferme de Salignac où, en 1905, lors d’un labour, a été exhumé un milliaire de 275, aujourd’hui conservé au musée de Riez (ILGN 645) :

 

IMP(erator) CAES(ar) L(ucius) DOM(itius)

AURELIANVS P(ius) F(elix)

INVICT(us) AVG(ustus) P(ontifex) M(aximus)

TRIB(unicia) P(otestate) VI CO(n)S(ul) III

P(ater) P(atiae) PROCO(n)S(ul)

RESTIT(utor) ORBIS

REFEC(tit)

ET RESTITUIT

XV

 

« l’Empereur César Lucius Domitius Aurélianus, pieux, heureux, invincible, Auguste, grand pontife, titulaire de sa 6ème puissance tribunicienne, Consul pour la troisième fois, père de la patrie, proconsul, restaurateur du monde, a refait et remis en état (cette route). XV° mille (de Riez).

 

-          à Vaumène le Haut, des vestiges d’habitat au bord de la voie,

-          à Le Couronnet, emplacement de villa (ou de mutatio) avec bassin, au bord de la voie

-          aux Cardaires : en face du lieudit « le Pigeonnier », encore appelé « la Croix » au XVIIème siècle, subsiste un monolithe de 1,74 mètre de haut, réemployé ultérieurement comme oratoire-support de croix (cavité et traces de scellement sur la partie supérieure) : il s’agit vraisemblablement d’un milliaire dont l’inscription a disparu lors du creusement de la niche (XIII° mille ?)

-          à Saint Jeannet : dans le village même, au bord de la voie, croix emplacée sur le site, ou a proximité, d’un ancien milliaire (XII° mille ?)

-          à Pierre d’Arc, juste au dessous de la ferme, une croix en fer, encore en place en 1940, située exactement à deux milles du milliaire des Cardaires avait du succéder à la borne du XI° mille.

 

La voie traverse ensuite, du Nord au Sud, le territoire de Bras d’Asse (Braccio en 739 dans le testament d’Abbon) où, là également, les vestiges sont nombreux :

 

-          le nom du torrent de « Peyre Michel » - « En Peira Michou » en provençal – pourrait indiquer l’existence d’un milliaire à l’endroit où la voie antique franchissait ce torrent (X° mille ?)

-          le nom de « Crouès » que porte une ferme à proximité du chef lieu rappelle que tout le secteur, avant 1812, portait le nom de « Croué, Crouet, Crouès », dérivé de croix, et pourrait laisser supposer l’emplacement d’un milliaire (X° mille) ultérieurement remplacé par une croix.

 

De Bras d’Asse jusqu’à Saint Jean, la voie, rigoureusement rectiligne, est repérable au « Plan » et au « Clausson », de part et d’autre de l’Asse qui devait être franchie à gué.

 

Vers la chapelle Saint Jean, gisait, en 1957, au bord de la voie, une colonne brisée, à base cubique, correspondant à la partie inférieure d’un milliaire, situé au VIII° mille de Riez. D’après les dimensions, la datation proposée est la seconde moitié du IIIème siècle.

 

De Saint Jean au « Poteau de Telle », la voie suivait le tracé, presque rectiligne, d’une ancienne draille à troupeaux. Le « poteau de Telle » est un endroit remarquable, servant  de limites communales entre Bras d’Asse et Puimoisson. D’après Barruol, ce toponyme de « Telle » équivaut à « Fines » et indique vraisemblablement la limite entre deux territoires de civitates.

 

La voie traverse ensuite, du Nord au Sud, le territoire de Puimoisson. Son tracé est imprécis mais il était, sans doute, plus direct que celui de l’actuelle Départementale 953.

 

On notera, au Nord de la commune, le lieudit « la Commanderie » et, au Sud, le lieudit « la Trompe » où fut jadis découvert un sarcophage, peut être au bord de la voie. A la « Haute Condamine », une villa romaine a été localisée, non loin de la voie. A Puimoisson même, un oratoire situé à proximité des « Ferrayes » se trouve à environ 6 km du milliaire de Saint Jean : il pourrait indiquer l’emplacement du quatrième milliaire de Riez. De cet oratoire jusqu’à Maribas la voie, délaissant le tracé de la Départementale 953, devait suivre l’actuelle voie vicinale qui longe l’Auvestre en passant à « Fond de Rouge » et aux « Adrets ». Elle reprend ensuite le tracé de la route départementale jusqu’à Riez.

 

 

Riez, ancienne capitale des Réii, « Colonia Reiorum Apollinaris » dès Auguste avant de devenir chef lieu de la « Civitas Julia Augusta Reiorum Apollinaris », est située au carrefour de plusieurs voies antiques importantes :

 

-          la voie de Grenoble à Fréjus (mentionnée sur la Table de Peutinger à partir de Riez),

-          la voie de Digne par la vallée de l’Auvestre,

-          la voie d’Aix en Provence par la vallée du Colostre

-          la voie de Castellane.

 

Aucun des trois milliaires qui devaient border la voie entre Puimoisson et Riez n’est connu, le milliaire jadis trouvé à Saint Estève n’étant pas, de toute évidence, situé sur cette voie.

 

Riez a livré d’importants vestiges romains et, pour ce qui concerne la voie, G. Barruol a étudié, en 1986, un ancien pont sur le Colostre70 mètres au Sud de son lit actuel) qui permettait à la voie Grenoble – Fréjus de franchir le cours d’eau. Ce pont, aujourd’hui recouvert, était situé à proximité immédiate du site cathédral primitif.

 

DE RIEZ AU MUY

 

De Riez à Montagnac Montpezat, la voie suivait vraisemblablement un tracé voisin de celui de la route départementale 953. Elle aurait été reconnue par prospection aérienne. A Saint Jean elle se dédouble : un embranchement se dirige sur Brignoles et Aix cependant que la voie de Fréjus, par un tracé qui a été reconnu en 1968 par Barruol, tendait au Verdon, auquel elle parvenait par le col de la Fare.

 

Dans ce secteur, le mur de soutènement de la chaussée était détruit mais, par endroits, se voyait encore l’entaille dans le rocher sur laquelle il prenait appui. La voie franchissait alors un puissant éperon rocheux dans une large saignée, creusée de mains d’hommes, large de trois à quatre mètres et longue de huit mètres. Les failles du rocher étaient remplies de cailloutis et de graviers mais il n’y avait aucune trace d’ornières, ce qui laissait présumer que toute la surface de la chaussée était, dans l’antiquité, recouverte d’une épaisse couche de graviers ou de terre. Des mortaises étaient situées au bas des parois latérales de cette tranchée.

 

Les trois cents derniers mètres avant le pont du Verdon offraient un exemple rare de la technique romaine pour surmonter les difficultés en terrain accidenté. En effet, sur ce tronçon la chaussée, qui descendait le long d’une paroi escarpée, était largement entaillée dans la falaise, en surplomb au dessus du lit de la rivière. Par endroits, la voie était assise, pour partie, sur le rocher (du coté de la falaise) et, pour partie, sur un remblai artificiel maintenu, du coté de l’à-pic, par une puissante muraille en pierres sèches, presque entièrement effondrée au moment des reconnaissances de 1968.

 

 Le dernier tournant de la voie, établi sur un puissant rocher dominant la rivière d'une dizaine de mètres, présentait un aménagement particulièrement soigné : la largeur de la chaussée, solidement assise sur le roc, était de 3,80 mètres ; là aussi, les failles du rocher étaient comblées par du cailloutis mais on ne voyait aucune trace d’ornières : en revanche, une sorte de parapet avait été ménagé dans le roc vif du coté du vide. A la sortie Nord de ce tournant, coté montagne, à 1,50 mètre au dessus du sol, se voyait une entaille rectangulaire de 0,60 m sur 0,90 m.

 

Selon Barruol il est probable que ces aménagements (ou ces réaménagements) remontaient à l’époque augustéenne avant leur restauration sous Tibère.

 

Tout le secteur de la Fare jusqu’au pont du Verdon est aujourd’hui englouti dans les eaux du lac du Verdon.

 

Le problème posé par le camp établi par L. Munatius Plancus, fin Mai 43 avant J. C. sur la rive droite du Verdon :

 

Plancus part du « camp de l’Isère », le 18 Mai 43 avant notre ère. Il espère opérer sa jonction avec Lépide (qui est au « camp de l’Argens ») dans les huit jours (Ad Familiares X, 18).

Sa lettre X, 23, du 6 Juin 43, datée de Cularo, explique qu’il a amené ses troupes « presque en vue de Lépide et d’Antoine » et qu’il s’est ménagé une distance de 40 milles « avec l’idée de pouvoir soit (s’) approcher rapidement soit (se) retirer avec succès ». Il ajoute : « en choisissant la position, je m’assurai d’autres avantages : l’obstacle d’un cours d’eau dont le franchissement exigerait un délai et la proximité des Voconces dont le territoire m’ouvrirait un passage sur… ».

 

Il indique qu’il a appris la jonction d’Antoine et de Lépide – intervenue le 29 Mai -, qu’ils ont levé le camp le même jour pour marcher contre lui et que l’information lui est parvenue quand ils n’étaient qu’à 20 000 pas (vraisemblablement le 30 Mai au plus tôt, le 31 Mai au plus tard). Il repart alors « sans que cet éloignement ait l’apparence d’une fuite » et, quatre jours plus tard, le 4 Juin, il a repassé l’Isère à Cularo après avoir fait couper les ponts sur l’Isère.

 

Si l’on considère que, dans l’autre sens, il a également mis quatre jours pour parcourir la distance Cularo – le Verdon, il est donc resté, sur la rive droite de ce fleuve, du 22/23 Mai au 30/31 Mai.

 

Son camp devait être situé à proximité du Verdon (vers la Fare ?). Les distances des itinéraires correspondent parfaitement. La Table de Peutinger place Riez à 51 milles de Forum Voconii. Il y a, effectivement, 10 milles de Riez au Verdon et 40 milles du Verdon à Forum Voconii. Selon toutes probabilités, il n’y avait pas encore de pont sur le Verdon lors de ces évènements : Plancus parle de « l’obstacle d’un cours d’eau dont le franchissement exigerait un délai » ou alors, il avait prévu de le détruire, en se retirant. Il parle aussi de la proximité des Voconces : ce point est plus complexe. Les frontières méridionnales des Vocontii sont traditionnellement situées à hauteur de la Durance, au Sud de Sisteron. Mais Barruol se demande si le territoire de Reii n’aurait pas fait partie de la confédération des Vocontii plutôt que de celle des Salluvii. Outre la correspondance de Plancus, il relève deux autres éléments justificatifs :

 

-          une inscription tumulaire du Bourguet de l’Escale indiquant que les frais de la sépulture ont incombé au Trésor Public des Vocontii (A. E. 1983 n° 671) et attestant ainsi que cette agglomération se trouvait alors sur leur territoire,

-          le toponyme « Vocontium/Voconcium » attesté au milieu du VIIIème siècle, tout près de Bras d’Asse (Bractium/Braccium) dans le testament d’Abbon.

 

Ainsi, pense t-il que les Vocontii s’étaient assurés – du moins à l’époque républicaine – la liberté de l’itinéraire qui, depuis Sisteron, permettait de rejoindre l’embouchure de l’Argens et le littoral, avec sa grande piste transversale, tout en évitant le territoire des peuplades des Alpes Méridionales, tardivement soumises par Rome.

 

Au surplus, il faut rappeler, qu’au premier siècle avant notre ère, la limite orientales des Vocontii, en moyenne Durance, constituait la frontière de la Provincia.

 

Enfin, on notera que Lépide parle (X, 34) de « Forum Vocontium », de même que Plancus (X, 17) et non de « Forum Voconi » comme le fait l’Itinéraire Antonin ou la Table de Peutinger : s’agissait-il d’un « marché Voconce » ? (infra : Forum Voconi).

 

 

 

Le pont du Verdon – aujourd’hui immergé sous les eaux du lac de Sainte Croix – était situé au point le plus étroit, à l’entrée orientale des gorges de Baudinard. Il était construit entre deux falaises distantes de 75 mètres. G. Barruol a étudié, en 1968, la pile méridionale, sur Bauduen, seul vestige alors conservé du pont. Cette pile avait la forme d’un rectangle allongé, terminé vers l’amont par un avant bec triangulaire caractéristique.

 

Comportant huit assises, la pile était constituée de blocs calcaires en grand appareil, pseudo isodome, provenant des carrières voisines de Montpezat, disposés sur un socle en retrait de 0,25 m par rapport à l’aplomb des différentes faces de la pile.

 

Différentes observations pratiquées au niveau de cette pile, particulièrement étroite et légère, ont laissé penser qu’elle appartenait plutôt à un pont mixte (culées et piles en pierre, tablier en bois), technique plus particulièrement adoptée pour les ponts battis sur des torrents et les ponts longs.

 

Entre ses culées, certainement ancrées dans le rocher, de part et d’autre de la cluse, le pont aurait pu comporter sept ou neuf travées (de 7/8 m ou de 5/6 m), encadrées par six ou huit piles (de 1,50 m à 1,75 m de largeur) et un tablier de quatre à cinq mètre de largeur. L’étroitesse relative de ce pont et l’appareillage de la pile constituent des critères d’ancienneté permettant de penser que l’ouvrage est contemporain de l’aménagement de la voie, sans doute l’époque augustéenne.

 

Au Sud du pont, la voie romaine suivait la falaise en corniche, au dessus du ruisseau de Fontaine l’Evêque qui se jetait dans le Verdon, exactement au niveau du pont antique. Ce ruisseau, tout comme la résurgence de Fontaine l’Evêque, qui était le seconde de France après la Fontaine de Vaucluse,sont désormais engloutis dans le lac artificiel de Sainte Croix, près de cent mètres en dessous du niveau actuel du Verdon.

 

A Fontaine l’Evêque (« Sorps ou Sorp » jusqu’au XVII° siècle) devait exister un site cultuel et funéraire remontant à la protohistoire. Un monolithe (milliaire ?) était également signalé.

 

De Fontaine l’Evêque, la voie empruntait un itinéraire passant par le Bastide de Bas Carvalet et les côtes 586 et 631. Elle était, comme sur la rive droite, partiellement entaillée dans le rocher. De là, passant non loin de Notre Dame de la Blache, où à été découverte une inscription du 1er siècle aujourd’hui à Riez, elle se dirigeait sur Saint Barthélémy où elle est bien identifiée jusqu’à Saint André d’Orbellis, à l’extrémité Sud de la commune.

 

Au couvent de Saint André d’Orbellis étaient jadis conservés des inscriptions funéraires et un milliaire, aujourd’hui disparus, dont l’inscription est néanmoins connue (CIL 4753) :

 

IMP(erator) CAES(ar)

T(itus) AEL(ius)

HADRIANVS AN

TONINVS AVG(ustus) P(ius)

P(ater) P(atriae) PONT(ifex) MAX(imus)

TRIB(unicia) POT(estate) VIII

CO(n)S(ul) IV

XXXVI

 

« L’Empereur César Titus Aelius Hadrien Antonin Auguste (Antonin le Pieux), Pieux, Père de la Partie, Grand Pontife, titulaire de sa 8ème puissance tribunicienne, Consul pour la 4ème fois. 36 milles (de Fréjus) ».

 

Ce milliaire, dont l’emplacement originel devait être proche du couvent est datable de l’an 145.

 

 

Sur la commune de Verignon, la voie romaine, que reprend aujourd’hui, en partie,  la route départementale 49 et un chemin situé à l’Est de celle ci, est jalonnée de bornes milliaires qui furent placées sur l’ordre d’Antonin le Pieux entre le 1er Janvier et le 9 Décembre 145.

 

Aux Aumades, à 1,5 Km du milliaire de Saint André d’Orbellis, milliaire in situ portant l’inscription XXXV (35 milles de Fréjus) (CIL 5451, d). 1500 mètres plus loin, milliaire illisible (vraisemblablement XXXIV) du Pont de la Darre (pont d’origine antique ?), cylindrique, de 2,04 m de hauteur, déposé récemment pour des travaux de voirie (CIL 5451, c). Au château de Verignon était jadis conservé un fragment de milliaire. Un autre milliaire servirait d’abreuvoir dans le parc. S’agit-il du même milliaire ou des bornes XXXIII et XXXII ?

 

L’un de ces milliaires portait l’inscription partielle (ILN Fréjus n° 205)

 

                                   … CAESA

                                   ………….

                                   DIVI

 

A 1,7 km au Sud de Verignon, sur le bord de la Départementale 49, milliaire conservé in situ. L’inscription, difficile à lire, est la suivante (CIL 5451) :

 

 

IMP(eratori) CAES(ari) T(ito) AEL(io)

(H) ADRIANO AN

(to)NINO AVG(usto) PIO

P(atri) P(atriae) PONT(ifici) MAX(imo)

TRIB(unicia) POT(estate) VIII

CO(n)S(uli) IV

…..

 

«  A l’Empereur César Titus Aelius Hadrien Antonin Auguste, Pieux, Père de la Patrie, grand pontife, titulaire de sa 8ème puissance tribunicienne, Consul pour la 4ème fois ». Le nombre de milles n’est pas indiqué : probablement 31 milles.

 

 

Le territoire de la commune d’Ampus (Emprorion ? : « Impurie » en 990) est traversé du Nord Ouest au Sud Est par la voie. De nombreux vestiges sont connus :

 

-          à Villehaute, emplacement de milliaire qui aurait été détruit au début du XIXème siècle,

-          à Mercandier – les Barrières (« la Barrière » sur la carte IGN), des tombes ont été découvertes en bordure de la voie ; dans une ferme en ruines sur la colline, fragment d’inscription de « Casinius, soldat de la 8ème légion » provenant de cette nécropole,

-          à Notre Dame de Spéluque, à l’entrée du chemin menant à la chapelle, milliaire d’Auguste, de 3 avant notre ère, provenant, semble t-il, de Mercandier, servant aujourd’hui de socle à une croix (CIL 5450) :

 

IMP(erator) CAESAR

DIVI F(ilius) AVG(us)TVS

PONTIF(ex) MA(x)VM(us)

CO(n)S(ul) XII DES(i)GN(atus)

XIII IMP(erator) X(IIII)

TRIBVNIC(ia) (potestate)

XX

…….XV……

 

« à l’Empereur César Auguste fils de (Jules) divinisé, grand pontife, consul pour la 12ème fois, désigné pour un 13ème consulat, triomphateur pour la 14ème fois, titulaire de sa 20ème puissance tribunicienne, …. Milles ». Le nombre de milles pourrait être XXVI.

 

-          la voie est bien conservée dans le secteur de Grange Rimade : dans les zones où elle est construite en remblai (par exemple au niveau de la dépression des Bousquets), elle est large de six mètres et bordée par deux murets faits de grosses pierres larges de 0,85 mètre. Dans les côtes elle est creusée, soit à flanc de coteau et soutenue à l’aval par un mur de pierres sèches (au niveau de Sainte Anne), soit en tranchée à l’approche des cols. Le col entre Sainte Anne et les Bousquets est marqué par un monolithe bien visible. Un pont romain est signalé au XIXème siècle mais la voie semble traverser le vallon à gué. Au niveau de ce vallon a été découvert un milliaire quadrangulaire dit de Grange Rimade, aujourd’hui disparu, (ILN Fréjus n° 207), portant le chiffre XXV.

-          En un lieu non précisé du même vallon, près du « grand chemin », le chanoine Antelmi de Fréjus a découvert un milliaire de Tibère, datant de 31 ou 32 de notre ère, aujourd’hui perdu, et en a relevé l’inscription (CIL 5449) :

 

TI(berius) CAESAR

DIVI AVG(usti) F(ilius) AVG(ustus)

PONT(ifex) MAXVM(us)

TRIB(unicia) POTEST(ate)

XXXIII

RESTITVIT ET

REFECIT

 

« Tibère César Auguste, fils d’Auguste divinisé, grand pontife, titulaire de sa 33ème puissance tribunicienne a restauré et refait (cette route) ». Le nombre de milles n’est pas indiqué.

 

Après Lentier, la voie franchit la Nartuby pour atteindre Granegone sur Draguignan.

 

C’est sans doute parce que Lépide et Antoine étaient parvenus entre Sainte Anne et Collefrat que Plancus opéra, selon son témoignage (Ad Familiares X,23), son recul précipité : « … Lépide désespérant de mon arrivée… opéra sa jonction avec Antoine le 29 Mai (43 avant notre ère) et ils levèrent le camp le même jour pour s’approcher de moi ; l’information me parvint quand ils étaient à vingt mille pas » (c’est à dire à 29,6 km du camp du Verdon).

 

 

Sur la commune de Draguignan, la voie est mal repérée. Venant de Lentier, elle passait vraisemblablement à Saint Michel puis au quartier du Dragon, aux Salles puis, par le piémont Sud des collines de Blancon, elle devait se  diriger sur la vieille ville. De là, par le quartier Saint Jean elle devait gagner Trans. Ce tracé, vraisemblable, n’est cependant pas avéré car, nulle part, le tracé de la voie n’a été repéré par des des vestiges certains mis à part un fragment de milliaire  trouvé anciennement à Saint Michel.

 

La Table de Peutinger fait état d’une « mutatio ANTEAE », également mentionnée dans l’Anonyme de Ravenne. Elle était située à 32 milles de Riez et à 19 milles de Forum Voconii. La localisation précise de cette station a fait l’objet de polémiques : les Salles, Saint Hermentaire

Les Salles étaient classiquement retenues jusqu’à ce qu’on démontre que, dans ce secteur, les milles étaient comptés depuis Fréjus. C’est probablement entre Anteae et Forum Julii qu’il faut compter les 19 milles de la Table, puisque l’embranchement de la voie est situé à mi chemin entre Forum Julii et Forum Voconii.

 

En tout état de cause, cela ne change pas la position d’Anteae par rapport aux bornes milliaires, bien localisées au Nord de Draguignan et, notamment, la borne XXV de Grange Rimade qui doit se trouver à 6 milles de la mutatio.

 

De nouvelles mesures, prises sur la carte IGN au 1/25 000ème en suivant le tracé le plus évident de la voie, montrent que cette distance (8,9 km) tombe, non pas au quartier des Salles, mais bien à Draguignan même où des découvertes importantes ont été faites en 1978, notamment rue Juiverie.

 

Deux milliaires sont connus dans ce secteur :

 

-          le premier, jadis à Saint Michel, aujourd’hui perdu, pouvait provenir du quartier du Dragon et portait l’inscription XXI milles (CIL XII, 311),

-          le second, du règne de Tibère (31 ou 32 après J. C.), autrefois à Saint Hermentaire, de provenance non connue, est aujourd’hui au musée municipal de Draguignan. Son inscription était, jadis, plus complète qu’aujourd’hui (CIL XII, 5447) :

 

TI(berius) CAESAR

DIVI AVG(usti) F(ilius) AVG(ustus)

PONT(ifex) MAXVM(us)

(T)RIB(unicia) P

OTEST(ate)

XXXI(II) R

ESTIT(uit) ET

REFECIT

 

« Tibère César Auguste, fils d’Auguste divinisé, grand pontife, titulaire de sa 33ème puissance tribunicienne, a restauré et refait (cette route) ». Le nombre de milles n’est pas indiqué (XXème mille ?).

 

 

Sur Trans en Provence, la voie a été localisée aux « Fantettes », aux « Darrots » et à « Valaury » (Notre Dame de Vallauris). Toutefois, un autre itinéraire, plus près de la Nartuby, passant à la chapelle Saint Vincent, est également envisageable.

 

Cette chapelle est située sur un site antique, probablement un mausolée : était-il situé au bord de la voie ? Deux fragments d’un milliaire de Tibère (31 ou 32 après J. C.), de provenance non connue, y étaient conservés. Ils sont aujourd’hui au musée de Draguignan (CIL XII, 5446) :

 

TI(berius) CAESAR

DIV(i) AVG(usti) F(ilius) AV(g)VSTVS

(Po)NT(ifex) MAXV(mus)

(Tri)B(unicia) POTES(tate)

(X)XXIII (r)

ESTITVIT E(t)

REFECIT

 

 

« Tibère César Auguste, fils d’Auguste divinisé, grand pontife, titulaire de sa 33ème puissance tribunicienne a restauré et refait (cette route) ». Le nombre de milles n’est pas précisé.

 

La voie forme ensuite limite de la commune de la Motte, sur un kilomètre de long, à hauteur de la Motte Sainte Roseline et parvient au Muy.

 

Le Muy est situé à un nœud de communications très ancien où se rejoignaient la voie de Riez à Fréjus, celle d’Aix en Provence à l’Italie et une voie secondaire de pénétration vers le golfe de Saint Tropez.

 

La voie de Riez à Fréjus a été localisée aux Ferrières et à Saint Cassien où un habitat du haut Empire, de type colonial, sans doute lié à la création de Forum Julii, a été découvert. Un lieudit  « Grannoble » est à relever.

 

Au quartier de Verignas, une culée de pont, mal datée, appartient, peut être, à un pont permettant de franchir l’Endre. Un milliaire de Constantin ou de Constance Chlore a été trouvé à proximité. Il est aujourd’hui conservé devant l’ancienne ferme dite d’Agay (CIL XII, 5445) :

 

IMP(eratori) C(ae)S(ari)

FLA(vio) VAL(erio)

……..

 

« A l’Empereur César Flavius Valérius… ».

 

Un autre milliaire, de Tibère (31 ou 32 après J. C.), a été découvert au Muy en un lieu non précisé, probablement à l’embranchement de la Via Aurelia avec la voie de Riez selon les ILN de Fréjus. En ce cas, il aurait été situé au Xème mille de Fréjus mais les bornes de Tibère, en Narbonnaise, portent rarement une indication de distance. Il a été lu autrefois (CIL XII, 5445) :

 

TI(berius) CAESAR

DIVI AVG(usti) F(ilius) AVG(ustus)

PONTIF’ex) MAXVM(us)

TRIB(unicia) POTEST(ate)

XXXIII

RESTITVIT ET

REFECIT

 

«  Tibère César Auguste, fils d’Auguste divinisé, grand pontife, titulaire de sa 33ème puissance tribunicienne a restauré et refait (cette route) ».

 

Dans toute la partie Est de la commune du Muy, de la bifurcation de la Via Aurelia avec la voie de Riez, jusqu’à l’Argens formant limite communale, la voie romaine est aujourd’hui recouverte par la Nationale 7.

 

 

 

 

DE LE MUY A FREJUS

 

On l’a vu, c’est vraisemblablement entre Anteae et Forum Julii qu’il faut compter les 19 milles de la Table de Peutinger puisque l’embranchement de la voie est situé à mi chemin entre Forum Julii et Forum Voconii. On notera toutefois que ces 19 milles s’accordent tout autant avec le trajet Anteae – le Muy – Forum Julii qu’avec celui Anteae – le Muy – Forum Voconii.

 

 

                                                           ANTEAE

 

 

                                                                       XVIIII

 

 

            FORVM VOCONTII                                                            FORVM JULII

 

                                                                       XVII (XXII)

 

 

Sur la commune de Roquebrune sur Argens une portion de voie dallée a été découverte en 1937 au lieudit « Saint Sauveur ». A proximité, 25 ans plus tard, deux sépultures à incinération ont été découvertes. A Palayon (le Château), à proximité de la voie un habitat, d’époque romaine, a été étudié en 1991.

 

Dans l’église de Roquebrune est conservé un milliaire d’Auguste, daté de 13 ou 12 avant notre ère, provenant du passage de la voie sur le ruisseau du Blavet, à 5 milles de Fréjus (CIL XII, 5455) :

 

IMP(erator) CAESAR

AVGVSTVS IMP(erator) X

TRIBVNICIA POTESTATE XI

IIIII

 

« A l’Empereur César Auguste, triomphateur pour la 10ème fois, titulaire de sa 11ème puissance tribunicienne. 5 milles ».

 

Dans toute la traversée de la commune, le tracé de la voie se confond aujourd’hui avec celui de la Nationale 7.

 

 

Sur la commune du Puget sur Argens, la voie est conservée sous la Nationale 7 qui a rigoureusement repris son tracé. On ne connaît aucun milliaire en place. Celui qui est conservé dans l’église du Puget devait être placé dans l’actuel quartier du Gabron, entre ce lieu et Vaucouleurs.

 

La voie atteignait ensuite le territoire de Fréjus au Pont des Esclapes, où a été découvert un milliaire d’Auguste, datant de la période 13-12 avant J. C. (CIL XII, 5454) :

 

IMP(erator) CAESAR

AVGVSTVS IMP(erator) X

TRIBVNICIA

POTESTATE XI

IIII

 

« à l’Empereur César Auguste, triomphateur pour la 10ème fois, titulaire de sa 11ème puissance tribunicienne. 4 milles ».

 

FORVM JULII :

 

Fréjus a été organisé en 49 avant J. C. par Jules César, à la fois comme marché et gîte d’étape sur la voie littorale de l’Italie à l’Espagne. Sous Octave, Forum Julii devint port militaire et arsenal où se construisirent les galères légères et rapides qui lui assurèrent la victoire d’Actium en 31 avant notre ère. Ce fut également une importante colonie de vétérans, installée par Auguste dès le début de l’Empire : « Forum Julii Octavanorum Colonia quae Pacensis appelatur et Classica », « Pacensis » pour la paix revenue et « Classica » pour la présence de la flotte.

 

La voie romaine, venant du Puget sur Argens, aborde l’actuelle commune de Fréjus par les Esclapes et parvient au Forum Julii par la « Porte des Gaules ».

Le pont des Esclapes n’est pas situé sur cette voie mais sur celle qui conduisait à Sinus Sambracitanus (le golfe de Saint Tropez) et Athenopolis (Saint Tropez), aujourd’hui chemin rural n° 6. Ce pont, construit en petit appareil régulier, est formé par quatre arches voûtées en plein cintre dont trois sont bien visibles, la quatrième étant aujourd’hui partiellement  occultée par un remblai  de terre. L’arche centrale est plus large que les autres : l’arc est formé par des claveaux rectangulaires et l’extrados est souligné par un cordon de moellons de section carrée. Sur la face amont du pont, deux piles sont pourvues d’avant becs semi circulaires, la dernière pile (au Nord) étant protégée par un avant bec à pan coupé. Le tablier porte encore quelques pavés correspondant à peu près au niveau de la circulation antique.

Les berges du ruisseau qu’enjambe le pont semblent avoir été remblayées à une époque indéterminée, ce qui donne au cours d’eau l’aspect d’un canal rectiligne. Ce pont, de datation imprécise (1er siècle ?) franchissait-il un ruisseau ou une partie de marécages ?

 

Il est classé Monument Historique depuis 1839.

 

DE LE MUY A FORUM VOCONII :

 

La bifurcation de la voie Riez-Fréjus et la Via Aurelia est, sans doute, à situer au village même du Muy. Son tracé se confond avec celui de la Nationale 7 jusqu’au « Pont Rout ». Avant ce pont et à proximité du lieudit « les Valises », une sépulture à incinération a été récemment découverte ; une grande villa romaine est également connue à « la Magdeleine », en limite communale avec les Arcs.

 

Sur la commune des Arcs, de nombreux vestiges de la voie romaine sont présents :

 

-          au lieudit « le Pont Rout », restes d’un pont romain qui permettait à la Via Aurelia de franchir le Réal. La culée gauche et la voûte du pont sont effondrées dans le lit du Réal. La construction est parementée en petit appareil lié à la chaux. A l’Est et à l’Ouest du pont, dans les vignes, de nombreux galets et fragments de rhyolite évoquent la destruction, par les labours, des recharges de la voie.

-          à la « Haute Cognasse », un  tronçon de la Via Aurelia est encore visible ; à l’altitude 46 mètres, un empierrement est visible dans un fossé de cinq mètres de long : il semble correspondre à des travaux de stabilisation de la voie sous une couche d’argile jaune.

-          à la « Cognasse », emplacement d’un milliaire de l’an 145, aujourd’hui disparu (CIL XII, 5464) :

 

IMP(erator) CAES(ar) T(itus) AEL(ius)

HADRIANVS AN

TONINVS AVG(ustus) PI

VS P(ater) P(atriae) PONT(ifex) MAX(imus)

TRIB (unicia) POT(estate) VIII

IMP(erator) II CO(n)S(ul) IIII

…………

 

« A l’Empereur César Titus Aelius Hadrien Antonin Auguste, Pieux, Père de la Patrie, grand pontife, titulaire de sa 8ème puissance tribunicienne, triomphateur pour la 2ème fois, consul pour la 4ème fois ». Le nombre de milles n’est pas indiqué : probablement XVII

 

-          aux « Quatre Chemins », emplacement probable de l’embranchement entre le tracé de la voie dit « républicain » et celui de l’époque impériale (sur la problématique du « Pons Argenteus » de Lépide, voir ci après)

-          au « Pont d’Argens », emplacement d’un pont romain franchissant l’Argens. La culée gauche, dont le blocage était anciennement visible, est actuellement recouverte par des sédiments. Quelques blocs en grand appareil restent toutefois décelables dans le lit de l’Argens et sur la rive gauche. C’est, assurément, ce pont, doté d’arches en grand appareil, qui a donné son nom au village ; il paraît toutefois nettement postérieur aux évènements de 43 avant notre ère et ne saurait donc être le « Pons Argenteus ». Le « Pont des Arcs » fut abattu, lors des troubles de la Ligue puis relevé : c’est au cours de sa reconstruction que fut trouvé un milliaire quadrangulaire de 58 de notre ère, aujourd’hui disparu (CIL XVII, 2 n° 38) :

 

(Nero) CLAVDIVS

(Divi) CLAVDI F(ilius)

(Ger) MANICI CAESARIS N(epos)

TI(berii) CAESARIS AVG(usti)

(P)RON(epos) DIVI AVG(usti) ABNE(pos)

CAESAR AVG(ustus)

(Ger) MANICVS PONTIF(ex)

MAX(imus) TR(ibunicia) P(otestae) IIII

IM(perator) IIII CO(n)S(ul) (III)

P(ater) P(atriae) RESTITVIT

 

« Néron Claude César Auguste, fils de Claude divinisé, petit fils de Germanicus César, arrière petit fils de Tibère César, arrière arrière petit fils d’Auguste divinisé, vainqueur des Germains, grand pontife, titulaire de sa 4ème puissance tribunicienne, triomphateur pour la 4ème fois, Consul pour la 3ème fois, père de la patrie, a restauré (cette route) ».

 

-          chemin des Laurons, dans une propriété, milliaire de Constantin (vers 307-311), jadis « devant la porte de la Bastide dite de la Valette » provenant peut-être de la voie romaine au Sud du Pont des Arcs (CIL XII, 5465) :

 

IMP(eratori) CAES(ari)

FL(avio) VAL(erio)

CONSTAN

TINO P(io) F’elici)

AVG(usto)

(Marci) AVR(elii) VAL(erii)

MAX

IMIANI

AVG(usti)

(Nep)OTI

DI(vi) CONS

T(a)NTI AVG(usti)

PII

FILIO

………..

 

« A l’Empereur César Flavius Valerius Constantin, pieux, heureux, Auguste, petit fils de Marcus Aurelius Valérius Maximien Auguste, fils de Constance divinisé, Auguste, pieux... ». Le nom de Maximien a été martelé.

 

-          enfin, à « la Magdeleine » et à « le Thouar », sur les limites occidentales de la commune, des nécropoles ont été découvertes, non loin du tracé de la voie Impériale.

 

Voie Républicaine et voie Impériale :

 

Entre les « Quatre Chemins » et Forum Voconii deux tracés de voie semblent s’être succédés :

 

-          à l’époque Républicaine, la voie aurait longé le piémont méridional des plateaux calcaires par Saint Martin et Astros (Taradeau) pour aboutir au pont romain de Rondin et à Châteauneuf (Vidauban). Cette voie dessinait un arc de cercle vers l’Ouest et longeait la rive droite de l’Argens qu’elle franchissait au « Pont de Rondin ». C’est cet itinéraire que semble évoquer la lettre X 17 de Plancus, écrite peu après le 18 Mai 43 avant notre ère : « Forum Voconii est à XXIIII milles de Forum Julii ».

-          dans un second temps, sous le règne de Néron au plus tard, la voie aurait tiré droit par Vidauban, franchissant l’Argens au « Pont des Arcs » et, par la rive droite de cette rivière aurait alors rejoint l’itinéraire primitif à Châteauneuf. La distance aurait ainsi été raccourcie aux XXII milles donnés par l’Itinéraire Antonin et par la Table de Peutinger.

 

Tracé Républicain :

 

Des « Quatre Chemins », la voie, qui semble correspondre à l’actuelle Départementale 10, passait à « Nouguier d’Esquier » (vestiges antiques connus) et à Saint Martin, sur la commune de Taradeau.

 

Le secteur de Saint Martin, riche en vestiges romains, a été assimilé, au début du XIXème siècle à Forum Voconii. Au bord de l’Argens, dans une zone où le passage à gué est possible, quatre bornes milliaires ont été anciennement découvertes. L’une, quadrangulaire et fragmentée, est encore en place (hauteur : 1 mètre). Deux autres ont été transportées dans le parc du château de Saint Martin : l’une, de 2,75 mètres de hauteur est cylindrique, l’autre, de 2,56 mètres de hauteur est quadrangulaire. La dernière, de 1,85 mètre de hauteur, a été transportée devant le prieuré de Saint Martin. En l’absence de toute inscription leur datation n’est pas assurée : s’agit-il de milliaires anépigraphes d’époque républicaine ?

 

Après Saint Martin, la voie se poursuit sur la commune de Vidauban. Son tracé précis n’est pas connu mais on peut la localiser à trois endroits :

 

-          à « Plan Guillet » où une inscription funéraire d’un soldat de la IXème Légion, Titus Crispus, a été découverte : l’absence de cognomen laisse augurer d’une haute époque.

 

-          Au lieudit « Rondin » ou « Pont d’Astros » où un pont romain enjambe l’Argens. De ce pont ne subsistent qu’une pile en grand appareil et la culée de la rive gauche, en petit appareil, avec deux assises de tuiles incluses dans la maçonnerie. La culée mesure 2,10 mètres de hauteur et 1,80 mètre de largeur. La pile, située à 2,60 mètres de la culée, mesure 1,30 mètre dans le sens de la longueur, pour une largeur variant entre 1,40 mètre et 2,60 mètres du fait de la présence d’un brise lames vers l’amont (technique employée sous César et décrite à propos du pont sur le Rhin dans le Bellum Gallicum (IV,17). Cette pile est construite en blocs calcaires à bossages, assemblés par des crampons : quatre assises subsistent. Aucun indice ne permet de savoir si les deux éléments sont contemporains ou s’ils dénotent une réfection. La datation reste également imprécise quoique sûrement attribuable au Haut Empire. Dans les environs du pont, de la céramique sigillée Sud Gauloise a été découverte. Il pourrait s’agir du pont de la rencontre d’Antoine et de Lépide.

 

 

-          A Châteauneuf, enfin, où les tracés d’époques Républicaine et Impériale se rejoignent.

 

 

Tracé Impérial :

 

Des « Quatre Chemins » la voie traverse la commune des Arcs, passant au pont sur l’Argens selon le tracé précédemment décrit, aujourd’hui recouvert par la Nationale 7 qui forme limite communale entre les Arcs et Taradeau, puis elle aborde le territoire de Vidauban au lieudit « Saint Georges ».

 

Deux milliaires ont été découverts à Vidauban :

 

-          le premier, en 1867, dans le village même : transporté par Bonstetten, son inventeur, dans sa villa d’Hyères il semble aujourd’hui perdu (CIL XII, 5466) :

 

IMP(eratori) CA

ES(ari)

FL(avio) VAL(erio)

CONSTA(n)

TINO P(io)

F(elici)

AVG(usto)

…….

 

« A l’Empereur César Flavius Valerius Constantin, pieux, heureux, Auguste… ». Cette borne fait partie de la série mise en place sous le règne de Constantin, entre 307 et 337.

 

-          le second, à une date non précisée, contre un piedroit de l’église paroissiale : il est aujourd’hui conservé dans le hall de la Mairie. Le champ épigraphique est très altéré :

 

D(omino) N(ostro)

FLAVIO

VALERIO

(C)O(ns)T(a)NT(i)N(O)

(Bo) NO RE(i)

PVBLI(cae) NATIO

 

« A Notre Seigneur Flavius Valerius Constantin, né pour le bien de l’Etat… ».

Le formulaire présente une anomalie qui ne permet pas de dater précisément ce milliaire (entre 306 et 337), par ailleurs non répertorié dans les inventaires et seulement indiqué dans la Carte Archéologique du Var 83/2.

 

La voie devait ensuite passer non loin du « Coua de Can » où un autel d’époque Républicaine consacré à Liber Pater par Quintus Laberius à été découvert.

 

Suivant un tracé qui est aujourd’hui celui de la Nationale 7 elle parvenait à Châteauneuf, point de jonction des voies d’époques Républicaine et Impériale, où un milliaire de Probus (278-280) était jadis signalé à l’entrée de la ferme de Châteauneuf. König, qui ne l’a pas vu, prétend qu’il a été utilisé dans la construction d’un pont (CIL XII, 5467) :

 

(I)MP(eratori)

CAE(s)ARI

M(arco)

AVR

ELIO P(robo)

(In)VIC(to) A(ugusto)

P(ontifici) M(aximo) GO

T(hico) M(aximo)

GER(manico) M(aximo)

TRIB(unicia) P(otestate) IIII

CO(n)S(uli) III ( ?) P(atri) P(atriae)

PROCO(n)S(uli)

 

« A l’Empereur César Marcus Aurelius Probus, invincible Auguste, grand pontife, très grand vainqueur des Goths, très grand vainqueur des Germains, titulaire de sa 4ème puissance tribunicienne, Consul pour la 3ème fois ( ?), père de la Patrie, Proconsul ».

 

La voie est ensuite localisable au lieudit « Ramatuelle » où a été découvert, en 1942, dans un champ près de la chapelle de la Trinité, un milliaire quadrangulaire de Néron aujourd’hui conservé à proximité du lieu de la découverte, dans le jardin d’une maison (ILG Fréjus n° 187) :

 

NERO CLAVDIVS

DIVI CLAVDI F(ilius)

(G)ERMANICI CAESARIS

NEP(os) TI(berii) CAESARIS AVG(gusti) PR(o)

NEP(os) DIVI AVG(usti) ABNEPOS

CAESAR AVG(ustus)

(Germ)ANICVS PONT(ifex)

MAX(imus) TR(ibunicia) POT’estate) IIII IMP(erator) IIII

CO(n)S(ul) III P(ater) P(atriae) RESTITVUIT

 

« Néron Claude César Auguste, fils de Claude divinisé, petit fils de Germanicus César, arrière petit fils deTibère César, arrière arrière petit fils d’Auguste divinisé, vainqueur des Germains, grand pontife, titulaire de sa 4ème puissance tribunicienne, triomphateur pour la 4ème fois, Consul pour la 3ème fois, père de la Patrie a restauré (cette route) ». Le nombre de milles n’est pas indiqué : probablement XXIIII milles de Fréjus.

 

La problématique des camps de 43 avant J. C. :

 

Quatre lettres conservées dans les « Epistulae ad Familiares » en font état :

 

-          X 17 de Plancus à Cicéron (peu après le 18 Mai 43) : « Scr. ex itinere ad Forum Voconii,  en route vers Forum Voconii ». « … Lépide a son camp devant Forum Voconii, localité distante de Fréjus de 24 milles, et a décidé de m’attendre à cet endroit… ».

-          X 34 de Lepide à Cicéron (peu après le 18 Mai 43) : « … J’ai gagné Forum Vocontium à marches ininterrompues et établi mon camp plus loin au bord de l’Argens face aux Antoniens… ». « Plus loin », c’est à dire, selon toute vraisemblance, plus à l’Est car, deux lignes plus loin, il ajoute « au delà du mien » (sous entendu : qui viens de l’Ouest). Il date sa lettre de « in castris ad Pontem Argenteum ». Il implante donc son camp à proximité d’un pont sur l’Argens.

-          X 34a de Lepide à Cicéron (22 Mai 43) : lettre également datée d’ « in castris ad Pontem Argenteum ».

-          X 35 de Lepide au Sénat (30 Mai 43) : lettre toujours datée d’  « ad Pontem Argenteum ». C’est le jour de sa jonction avec Antoine qui s’est donc opérée sur le pont ou à proximité immédiaite.

 

Discussion :

 

Lepide vient – c’est incontestable – de Forum Voconii. S’il emprunte – ce qui est largement vraisemblable – le tracé dit Républicain, il passe alors à Châteauneuf et s’arrête non loin du « Pons Argenteus », sur la rive gauche. Ce pont serait alors celui d’Astros et, en ce cas, Antoine serait campé sur la rive droite de l’Argens, vers « le Pis » ou « le Plan de la Barque » ou encore au « Coua de Can » (le camp ?).

 

Mais, selon Camille Jullian (H. G. I, 1149) Lepide aurait campé sur la rive Sud, dans la plaine, en amont du pont d’Argens ou sur la colline « en arrière de la chapelle Sainte Anne ». Dans le même temps, Antoine, selon lui, aurait campé aux « Quatre Chemins » ou « derrière la chapelle Saint Martin ». Selon P. A. Fevrier c’est également au pied de la butte de Taradeau qu’aurait eu lieu la confrontation.

 

Ces théories se heurtent cependant à deux obstacles : les « Quatre Chemins » correspondent davantage au tracé post Républicain et à Saint Martin il n’y avait, au mieux, qu’un gué. Le contexte de Rondin se prête mieux à une concordance avec les textes qui semblent montrer que les camps étaient situés de part et d’autre de l’Argens et qu’il y avait, sur cette rivière, un pont.

 

Telle n’est cependant pas la version d’Appien (« les guerres civiles à Rome », Chapitre XII, 340) :

 

« … Antoine gagna le bord d’une rivière où Lepide avait installé son camp et il établit le sien à côté (cela peut toutefois signifier « en face ») sans l’entourer d’une palissade ni d’un fossé, exactement comme on campe à côté d’un ami ».

 

L’épilogue est connu : le 29 Mai (X 23,2) se produit le grave événement tant redouté par les Républicains : « Lepide, cédant plus ou moins à la pression de ses troupes, ouvre les portes de son camp aux soldats d’Antoine qui fraternisaient de plus en plus ouvertement avec les gens d’en face » (Appien).

Dorénavant il faisait cause commune avec lui. Sa brève dépêche officielle datée du 30 Mai (X 35), alléguant la contrainte exercée sur lui par ses troupes mais faisant sienne leur soif de concorde civile, est  confirmée, pour l’essentiel, par le récit détaillé d’Appien et par les indications que fournit une lettre de Plancus en date du 6 Juin (X 23).

 

La vérification minutieuse des distances montre que le « Pons Argenteum » de la rencontre doit être situé à Rondin : outre que ce pont est situé sur le tracé le plus ancien de l’accès à Forum Voconii, les données épistolaires (« Forum Voconii qui locus a Foro Iuli quatuor et viginti millia passus abest ») s’accordent parfaitement avec l’hypothèse du pont Ouest – situé à 35 km de Forum Voconii, lequel se trouve lui même à 36 km de Forum Julii – ce qui n’est pas le cas du pont Est, distant de plus de 9 km de Forum Vocontii et de 25 km seulement de Forum Julii.

 

Mais, en admettant que les deux armées aient bien campé de part et d’autre du pont de Rondin (Lepide sur la rive Sud et Antoine sur la rive Nord) que serait-il advenu si Plancus avait poursuivi sa marche jusqu’à Forum Voconii, ignorant, du reste, que, dans le même temps, Lepide avait quitté le Forum pour gagner les bords de l’Argens (X 34) ? Il serait, nécessairement, tombé sur l’armée d’Antoine et non sur celle de Lepide ! A moins d’admettre – ce que ne disent nullement les textes – que Lepide, en venant de Forum Voconii ait traversé l’Argens à Rondin et ait établi son camp sur la rive droite, cependant qu’Antoine, venant de Fréjus, aurait suivi une voie jusqu’à Châteauneuf puis établi son camp rive gauche… Ou, tout simplement, que Lepide avait, bel et bien, tendu un piège fatal à Plancus !

 

FORUM VOCONII :

 

Les quartiers contigus des Blaïs (sur la commune de Vidauban) et de la Trinité et des Termes (sur la commune du Cannet des Maures) forment un seul site archéologique ayant livré des vestiges de voirie, de bâtiments publics, d’habitations et de nécropoles, situés de part et d’autre de la voie romaine, aujourd’hui recouverte par l’autoroute A 7 et, à l’Ouest, par la Nationale 7 : au moyen âge elle était encore désignée sous le nom de « Via Publica ».

 

C’est l’emplacement le plus vraisemblable de Forum Voconii, situé par Plancus à 24 milles à l’Ouest de Fréjus.

 

 

Forum Voconii est cité dans plusieurs sources antiques :

 

-          Cicéron : Ad Familiares X 17 et X 34

-          Pline : N. H. III, 4, 37

-          Itinéraire Antonin

-          Table de Peutinger

-          Anonyme de Ravenne.

 

Selon les correspondances, Forum Voconii était situé à 24 milles à l’Ouest de Fréjus. L’Itinéraire Antonin donne la distance de XVII milles que l’on a proposé, à juste titre, de corriger en XXII milles que donne la Table de Peutinger et qui correspondent bien au tracé post Républicain de la voie. Du reste, le report des distances sur la carte IGN permet bien de fixer la position du Forum entre Vidauban et le Cannet, dans le voisinage des Blaïs.

 

Situé de part et d’autre de la voie romaine, le vaste gisement des Blaïs pourrait s’étendre encore vers le Sud jusqu’à la ferme des Termes.

 

Forum Voconii a commencé à se développer au bas des pentes de la Cadenière, au débouché d’une voie de pénétration vers l’Argens et en bordure de la plus ancienne voie romaine du secteur. Il s’est ensuite étendu au Sud de cette voie au cours du Haut Empire. Il paraît avoir été intensément occupé jusqu’au début du IVème siècle, puis abandonné ensuite. Toutefois, le lieu est encore cité par l’Anonyme de Ravenne au VIIIème siècle.

 

L’agglomération, qualifiée d’  « Oppidum Latinum » par Pline, était dotée de monuments publics, peut-être élevés dans la seconde moitié du 1er siècle avant J. C. à l’occasion de l’octroi du « jus latii » (en 42 avant J. C. ?). Si elle servait de marché, comme son nom l’indique, l’agglomération

 Avait aussi des fonctions artisanales et agricoles. Par contre, on ne sait toujours pas s’il s’agit d’une localité secondaire rattachée à Fréjus dès la fondation de la Colonie ou d’une « Respublica » dotée de l’autonomie administrative, du droit latin et donc, d’un territoire propre.

 

Barruol dit qu’il verrait volontiers dans ce Forum, que Lepide nomme « ad Forum Vocontium » (X 34) (« au marché Voconce » !), le marché méridionnal, une sorte de comptoir où les Vocontii auraient acheminé leurs produits naturels.

 

On sait, du reste, qu’une voie directe joignait Forum Voconii avec la côte et, notamment, Olbia. Le rapprochement est néanmoins surprenant car, selon toute évidence, le nom du Forum – situé du reste en territoire Vericicini, peuple de la confédération Salyenne – a du être banalement formé sur le même modèle que Forum Domitii ou Forum Julii à partir, vraisemblablement, d’un anthroponyme Voconius.

 

A Notre Dame de la Trinité, dans la partie Ouest de l’agglomération antique, un milliaire quadrangulaire a été jadis trouvé (CIL XII, 5468) :

 

 

NERO CLAVDIVS

DIVI CLAVDIVS F(ilius)

(G)ERMANICI C(aesaris) NEP(os)

Ti(berii) C(aesaris) AVG(gusti)

(Pro)NEP(os) DI(vi) AV(gusti) (abnepos)

CAESAR (Augustus)

GER(manicus) PONTIF(ex)

M(aximus) TR(ibunicia) POT(estate) IIII

IMP(erator) IIII

CO(n)S(ul) III P(ater) P(atriae) RESTI(tuit)

 

« Neron Claude César Auguste, fils de Claude divinisé, petit fils de Germanicus César, arrière petit fils de Tibère César Auguste, arrière arrière petit fils d’Auguste divinisé, vainqueur des Germains, grand pontife, titulaire de sa 4ème puissance tribunicienne, triomphateur pour la 4ème fois, Consul pour la 3ème fois, père de la Patrie a restauré (cette route) ».

 

Ce milliaire a été trouvé à proximité de celui aujourd’hui conservé à Ramatuelle sur Vidauban, ce qui laisse à penser que l’une des deux bornes avait sans doute été apportée à la chapelle de la Trinité lors de sa découverte, car on ne peut penser que deux bornes identiques aient été placées au même mille.

 

On notera enfin qu’à l’église Saint Pierre (dite Notre Dame de Nazareth) sur la commune de le Luc,  un milliaire de Néron, strictement identique dans sa rédaction, avait également été découvert (CIL XII, 5469).

 

En direction d’Aix en Provence (qui sort du cadre de la présente étude) le territoire du Cannet a également livré d’autres vestiges antiques : notamment un habitat et une nécropole à Saint Maïsse et des habitats ruraux à Théron et à Gueiranne.