Tite
Live, selon un récit emprunté à un géographe du 3ème siècle avant notre ère dit que, dès au moins
cette époque, une piste traversait de part en part le territoire des Tricorii : de Cularo
elle se dirigeait vers le Sud. Aménagée après la conquête romaine, à une époque
qui n’est pas connue, c’est cette voie que suivit Munatius
Plancus lors des évènements de l’année 43 avant J. C.
Il l’aurait empruntée dans sa totalité s’il n’avait décidé de faire demi tour
au niveau du Verdon. Elle devait être particulièrement bien aménagée puisque Plancus indique que, de Cularo à
Forum Voconii, huit jours de marche sont suffisants.
« Vieux
chemin, écrit Camille Jullian, qui, depuis Grenoble, monte et descend sans
cesse à travers les vallées et les contreforts des Alpes, cette route est,
peut-être, la plus paysannes des Gaules ».
De
fait, entre ces deux points, par le col de la Croix Haute, Sisteron et Riez
vont circuler, de manière quasi ininterrompue entre mai et juin 43 avant notre
ère, courriers et armées.
Dès
3 avant notre ère, la voie subit des réparations et fut jalonnée de bornes.
Sous Tibère elle fut de nouveau réparée et bornée. La dernière réfection dont
on ait la trace se place sous Antonin en 144-145 après J. C.
Sujette
aux orages violents, et donc aux inondations dévastatrices, cette région de
montagnes a eu, de tous temps, des difficultés à maintenir en état son réseau
routier, mis à mal par l’érosion ou par submersion. Strabon y fait allusion
pour la Via Domitia. Il en va vraisemblablement de
même pour celle ci, d’où les nombreuses réfections et modifications ponctuelles
dont témoignent les milliaires.
Cette
voie Cularo – Forum Julii
est identifiée par des textes littéraires du 1er siècle avant J. C.
(« Epistulae ad Familiares »)
et, partiellement, par la Table de Peutinger, pour la section Riez – Fréjus.
De
la vallée de la Bléone à celle de l’Argens, 12 milliaires du Haut Empire ont
été retrouvés sur son tracé. Elle est jalonnée par un important pont sur le
Verdon – à Sainte Croix du Verdon – et, en deux points, par des aménagements
rupestres spectaculaires – le Bourguet de l’Escale et
Sainte Croix –.
Certaines
formules épigraphiques employées sur les bornes milliaires « refecit et restituit »,
semblent indiquer une réfection complète qui touchait jusqu’aux substructions
de la chaussée. D’autres, « vias silice sternendas curavit », que la voie devait être rechargée de
pierres et de graviers, des dernières, enfin, « vias
et pontes restiturunt », que la réfection de la
chaussée s’était également accompagnée de la réfection des ponts.
Dans
certains cas, remarquables, le tracé de cette voie permet de repérer, de fort
loin, la ligne directionnelle, souvent évidente encore, vingt siècles
après ; ainsi, d’Espinouze jusqu’à Saint Christol, du Poteau de Telle jusqu’à Saint Jeannet ou du plateau de Saint Paul les Monestier
jusqu’à Grenoble.
Emplacement théorique des
milliaires :
La
recherche des emplacements théoriques des milliaires fait partie de l’enquête
topographique qui accompagne toute étude de voie romaine. Sur les parcours ne
subsistent parfois qu’une croix, un embranchement, un passage de limites –
souvent communales – un toponyme – la Pierre, Croix, Colonne, Colombe, Logis… -
ou encore un fourré de buissons. R. Chevallier rappelle, à cet égard, que les
bornes milliaires ont servi, des siècles durant, de limites ou de repères
déterminant l’aboutissement des chemins et des finages paroissiaux ou fixant
des croix. Même disparues, elles restent matérialisées par des points
remarquables espacés d’un nombre entier de modules.
Une
voie ne comporte qu’un seul élément métrique : l’espacement de ses bornes.
Mais les cas de milliaires restés en place sont exceptionnels. La seule
possibilité de retrouver leur ancien emplacement réside dans le fait que,
pendant des siècles, ils ont, en maints endroits, été l’élément principal du
paysage routier avec valeur de repère et de limite.
On
doit donc, le long d’une voie romaine ou supposée telle, trouver une série de
points tels que départs de chemins secondaires, limites de communes et même,
parfois, boqueteaux ou croix, séparés par un nombre entier de milles comptés le
long de la voie.
Des
coïncidences métriques répétées, donnent rapidement, en vertu de la théorie des
probabilités composées, un degré de probabilité si élevé qu’il exclut
pratiquement l’erreur. Soit, par exemple, le cas d’une route ou d’un chemin
offrant 25 carrefours pour 12 milles, soit, approximativement, 2 par mille.
Cette densité place deux carrefours, en moyenne, à portée de chaque ancien
emplacement présumé de milliaire. Le mille romain correspondant à mille « pasus » - le double pas romain – soit
Si
l’on trouve, comme à Pré la Croix – Gruère – col du
Fau (sur la commune de Saint Paul les Monestier)
trois coïncidences réelles simultanées, voire quatre comme dans le secteur
Croix de Boulaud – Pont sur l’Orbanne
– Croix de Malverger (si l’on y inclut le pont Saint
Michel), chacune n’ayant qu’une chance sur sept de se produire, cela donne,
dans le premier cas une chance sur 343 (7X7X7) et une chance sur 2401 (7X7X7X7)
dans le second cas.
Il
est douteux que le hasard seul ait pu produire une telle série.
Des
179 milliaires vraisemblables de la voie de Cularo à
Forum Julii, six sont conservés « in situ »
(ou à proximité), y compris ceux de Vérignon
récemment déposés, 17 sont attestés, 25 sont probables (toponymes, croix de
chemin correspondant à des distances modulaires) et 7, enfin, sont dans des
musées.
Mais
si la connaissance de ces milliaires est relativement bonne – voire très bonne
– pour le segment Riez – Fréjus, elle devient beaucoup plus aléatoire pour le
segment Riez – Sisteron et franchement spéculative pour le segment Sisteron –
Grenoble.
Aujourd’hui,
le trajet automobile le plus direct pour joindre Grenoble à Fréjus, en
respectant, autant que faire se peut, l’itinéraire antique (Grenoble, Sisteron,
Riez, Draguignan, le Muy, Fréjus) représente
Ce
trajet se décompose comme suit :
-
de Grenoble
(Porte Romaine) à Lachar : 9 Milles
-
de Lachar au col du Fau : 14 Milles
-
du col du Fau au
col de la Croix Haute : 17 Milles
-
de la Croix Haute
à Sisteron : 51 Milles
-
de Sisteron à St Jeannet (Salignac) : 22 Milles
-
de Saint Jeannet (Salignac) à Riez : 15 Milles
-
de Riez à Anteae (T. de Peutinger) : 32 Milles
-
d’Anteae à Forum Julii (T. de
P.) : 19 Milles
soit,
au total 179 Milles
En
partant du postulat de 179 Milliaires et en prenant l’écart type de 10 Milles
entre « mutationes » (avec fourchette de 7
à 12 Milles) et de 20 Milles entre « mansiones »
(avec fourchette de 18 à 24 Milles), tout en tenant compte des agglomérations
antiques connues ou supposées et des réalités de la voie, on aurait le parcours
type (parfois théorique) ci après :
Milliaire
théorique Commune Lieu Indices, références ou observations
…
6 Claix Pont Rouge ?
7 Claix/Varces limites communales ?
8
Varces
9
Varces Lachar limites
civitas Allobroges/Voconces
Relai ? Douane ? Mutatio ?
10 Varces/Vif limites communales
11 Vif Vicus ?
12 Vif La Grange ?
13 Vif/ Le Gua gué du Genevrey
14 Le Gua vers Jailleyre ?
15
Le Gua le Groin ?
16
Le Gua La Pierre (milliaire ?)
17
Miribel Lanchâtre
18
Miribel Lanchâtre gué sur
la Gresse
19
St Paul les Monestier
20
« Rivoiranche ? (mansio ?)
21
« Pré la Croix :
croix
22
« Gruère : croix
23
« Col du Fau
24
Roissard vers
les « Hôpitaux » ?
25
« limites communales
26
St Michel les
Portes Gerbaud
27
« pont Saint Michel
28
St Martin de Clelles Croix
de Boulaud
29
« pont sur l’Orbannes
30
Clelles croix
de Malverger
31
Clelles lieudit
« la Fourche » vers Teyssonnières
32
Clelles Longefont
33
Le Percy au Sud du Bachat
34
Monestier du Percy Croix
de Pré Dessous
35
« vers les Serrettes ?
36
St Maurice en Trièves la
Commanderie
37
« col Tourdot
38
Lalley vers
le pont de Ruelle
39
«
40
« Col
de la Croix Haute
41
Lus la Croix
Haute
42
«
43
«
44
« Grand
Logis ? (Mansio ?)
45
« Pont Lombard ?
46
«
47
St Julien Beauchène Baudinard ?
48
«
49
«
50
«
51
«
52
« limites communales ?
53
La Faurie Saint
André ?
54
«
55
«
56
Aspres sur Buech
57
«
58
«
59
« Serre
la Croix ?
60
« Grand
Mur ?
61
La Bâtie Montsaléon Col
des Ourines
62
«
63
« Agglomération
antique de Monte Seleuco
64
« le
Brieu ?
65
« Pont
la Barque ?
Itinéraire
par la rive gauche du Buech :
66 Serres le Pardy ?
67 «
68
«
69
«
70
« limites communales
72
Eyguians
73
«
74
«
75
« limites
communales
76
Laragne
77
«
78
« limites
communales
66 Serres le Pardy ?
66
«
67
«
68
«
69
«
70
Méreuil
71
«
72
Trescleoux Plan
du Buech ?
73
«
74
Saléon/Lagrand limites communales
75
Saléon
76
« la Ruilière ?
77
«
78
Laragne limites
communales
79
Chât. de Chabre
80
«
81
« limites
communales
82
Antonaves/Ribiers limites communales
83
Ribiers croix
Saint Aubert
84
« le prieuré ?
85
« l’ Enclos ?
86
« Vieille Guillonne ?
87
« Tour du
Puy ?
88
« les Eymarrons
89
Ribiers/Sisteron limites
communales
90
Sisteron
91
« Segustero, chef lieu de Civitas
92
« la Baume ?
93
«
94
« limites
communales
95
Entrepierres limites
communales
96
Salignac
97
« Ponchonère ?
98
Volonne les Démesses ?
99
«
100
« la Croix ?
101
l’Escale agglomération antique du Bourguet
102
«
103
«
104
« limites
communales
105
Malijai
106
« le
prieuré ?
107
Mirabeau vers St Christol (mutatio ?)
108
« Plan de
Fontenelle
109
110
« ancien lieudit
« la Croix » : XVIII° Mille de Riez
111
« N. D. d’Espinousse : XVII° Mille de Riez
112
St Jeannet Saint
Mathieu : XVI° Mille de Riez
113
« Salignac :
XV° Mille de Riez (Musée de Riez)
114
« au Nord de Vaudène : XIV° Mille de Riez
115
« les Cardaires : XIII° Mille de Riez
116
« Saint Jeannet : XII° Mille de Riez
117
« Pierre
d’Arc : XI° Mille de Riez
118
Bras d’Asse Peira
Michou : X° Mille de Riez
119
« Crouès : IX° Mille de Riez
120
« Saint
Jean : VIII° Mille de Riez
121
« ? : VII°
Mille de Riez
122
Puimoisson la
Commanderie : VI° Mille de Riez
123
« ? : V°
Mille de Riez
124
« Oratoire :
IV° Mille de Riez
125
« vers les
Adrets : III° Mille de Riez
126
« limites
communales : II° Mille de Riez
127
Riez
128
« Reii, chef lieu de civitas à 32
Milles d’Anteae
129
«
130
Riez/Montagnac limites communales
131
Montagnac Plan de Croix
132
« Saint Jean
133
« limites
communales
134
Sainte Croix
135
« vers la Fare ?
136
« vers Pont de Sorps ? (monolithe signalé)
137
Bauduen les
Cavalets ?
138
«
139
«
140
«
141
«
142
« Saint André d’Obellis : milliaire XXXVI de Fréjus
143
Vérignon les
Aumades : milliaire XXXV
144
« pont de la Darre : milliaire XXXIV
145
«
146
«
147
« Milliaire in
situ : XXXI de Fréjus
148
«
149
« limites
communales
150
Ampus
151
« Ville
Haute : milliaire détruit
152
« Mercandier : millaire de N.
D. de Spéluque
153
« Grange Rimade : milliaire XXV
154
« Grand
Chemin : milliaire XXIV
155
« Collefrat ?
156
« la Signe ?
157
Draguignan la Granégone
158
« St Michel :
milliaire XXI
159
« Sud des
Salles ? milliaire XX
160
« Anteae, agglomération antique secondaire
161
« vers
Billette ?
162
« limites
communales
163
Trans
164
« vers St
Vincent : milliaire de Tibère
165
«
166
La Motte vers Ste Roseline
167
Le Muy Ouest des Ferrières ?
168
« Est de St
Cassien ?
169
« embranchement de
la Via Aurélia : milliaire
170
«
171
« Vérignas : milliaire in situ
172
« limites communales
173
Roquebrune sur Argens
174
« le Blavet :
milliaire d’Auguste
175
la Puget sur
Argens Milliaire IV
176
«
177
«
178
Fréjus Milliaire d’Aurélien
179
Fréjus Forum Juli
D’
Anteae à Forum Voconii il y
avait, à l’époque républicaine 24 Milles et deux de moins à l’époque impériale.
Itinéraire
de Forum Voconii (époque
républicaine)
169 Le Muy embranchement Via Aurélia
170
«
171
«
172
Les Arcs
173
« vers Pont Rout : milliaire de Néron
174
« Pont
d’Argens : milliaire de Constantin
175
«
176
Taradeau
177
« Saint
Martin : 4 milliaires anépigraphes
178
Vidauban Collet Redon ?
179
« Pont de Rondin
180
« Chateauneuf : milliaire de Probus
181
« Est de
Ramatuelle
182
Vidauban/Le
Cannet milliaire de la Trinité
183
Le Cannet Agglomération antique de Forum Voconii
Itinéraire
de Forum Voconii (époque
impériale)
169 Le Muy embranchement Via Aurélia
170
«
171
«
172
Les Arcs
173
« vers Pont Rout : milliaire de Néron
174
« Pont
d’Argens : milliaire de Constantin
175
«
176
« Milliaire VII de
la Cognasse
177
Vidauban Milliaire de Constantin
178
« Milliaire de
Constantin
179
« Chateauneuf : milliaire de Probus
180
« Milliaire de
Ramatuelle in situ
181
Vidauban/ Le
Cannet agglomération antique de
Forum Voconii
___________________________________________________________________
DE GRENOBLE AU COL DU FAU :
La voie
sortait de Cularo/Gratianopolis
par la Porte Romaine puis suivait l’actuelle rue Saint Jacques en bordure du Draquet. De là, par un tracé que l’éventail du Drac ne
permet pas de restituer, la voie devait tendre sur Saint Jacques d’Echirolles.
Dans ce secteur la voie se confondait avec la « voie de Rome », par
l’Oisans et le Montgenèvre, seule, pour le secteur, à être mentionnée par la
Table de Peutinger.
A
Echirolles, la voie devait passer à proximité du coteau de Saint Jacques où, de
toute évidence, se trouvait un autel ou un temple à Mercure, élevé par Lucius Manilius Silanus ; c’est sur
son emplacement que s’élevait, sans doute dès la fin de l’époque antique, la
première église d’Echirolles.
C’est sans doute dans ce secteur que devaient
se séparer la voie de Rome et celle de Fréjus : de tous temps ce fut un
carrefour routier important : halte des pèlerins de Rome, puis de Saint
Jacques de Compostelle, Commanderie de templiers puis relai postal.
D’Echirolles
jusqu’à Lachar sur Varces
le tracé de la voie est incertain. Franchissait-elle le Drac à gué à hauteur de
l’actuel pont de Claix ? Arrivait-elle de Saint Jacques par les bois de
Marcelline avec franchissement du Drac à gué au « Saut du Moine », où
les traces d’une piste protohistorique ont été découvertes ? Abordait-elle,
enfin, Varces par les coteaux de Claix ? Les
trois hypothèses sont toutes plausibles et ont pu correspondre au tracé de la
voie romaine à différentes époques, voire à différentes saisons.
La dernière de ces hypothèses mérite néanmoins
une attention particulière. En effet, lorsqu’on venait de Valence par la rive
gauche de l’Isère, Grenoble pouvait être contournée, ce qui évitait un
franchissement du Drac qui, en période de crue, devait engendrer d’importantes
difficultés. De Seyssinet, cette voie gagnait Seyssins
puis montait au col de Cossey ou de Comboire. Ce tracé, étudié à la fin du XIX° siècle, est
jalonné d’indices : sépultures gallo romaines, notamment autour de Saint
Martin de Seyssins et au Sud du village, monnaies romaines, mentions orales
d’anciens pavages… Entre Seyssins et le col de Cossey,
cette voie est encore bien marquée sous la forme d’un très vieux cheminement,
en faible pente, bordé de murets de soutènement anciens, aboutissant à la
chapelle de Cossey construite, peut-être, sur un
monument antique. De là, par Furonnières, le Bourg,
la Croix, Allières, Risset
et Pontcharra, elle pouvait gagner l’Achard.
Il
existe en faveur de cette hypothèse, une série de coïncidences métriques
répétées pouvant laisser penser à un tracé antique : en effet, si l’on
considère que le col de Comboire, de tous temps, a du
constituer un passage remarquable, on peut penser que, comme dans les endroits
similaires, un milliaire y était implanté ; or, à
Ce
qui est aujourd’hui établi c’est qu’à Lachar existait
une agglomération secondaire située sur le tracé d’une importante voie. Cette
agglomération assurait vraisemblablement le contrôle des voyageurs et des
marchandises à la sortie du territoire des Allobroges et un bureau de la
« Quadragesima Galliarum »
pouvait y être établi : c’est dire que l’on doit situer dans ce secteur
les limites des civitates des Allobroges et des Voconces pour tout le Haut Empire. Après l’élévation de Cularo au rang de civitas, sous
Dioclétien et Maximien, cette frontière sera reportée plus au Sud, sans doute
entre Miribel et Lanchâtre.
La
voie romaine a été retrouvée sur plus de cent mètres de long, à Lachar, avec une orientation Nord – Sud s’infléchissant
ensuite vers l’Est. Elle était constituée de blocs de calcaire et de graviers
sur une largeur variant de cinq mètres à huit mètres.
Elle
semble ensuite se prolonger en direction de Pellissière
puis se diriger sur Vif par un tracé situé un peu plus à l’Est que l’actuelle Nationale
75, ce que rendait possible le cours de la Gresse qui
coulait alors beaucoup plus à l’Est qu’aujourd’hui, pour rejoindre le Drac vers
« le Santon », au pied du Petit Brion.
Le
tracé de la voie est incertain sur Vif. Vif était-il un vicus
Voconce ? son nom même et divers vestiges laissent à
le penser mais ils sont de basse époque. On observera que dans l’église,
édifiée sur des structures antiques, est conservé un tronçon de colonne sur
base carrée, qui pourrait correspondre à la partie inférieure d’un milliaire
dont le socle était très souvent carré pour permettre un meilleur ancrage dans
le sol. Du Bourg antique, situé sur la rive droite de la Gresse,
qui n’avait donc pas à être franchie, la voie peut être pressentie par divers
indices toponymiques et, notamment, les lieudits l’ « Etrat » et le « Bois du Gua ».
De plus, des travaux effectués il y a quelques
dizaines d’années au lieudit « Pas du Loup », auraient fait
découvrir le pavage de cette voie. Mais un tracé par l’actuelle Départementale 8
jusqu’au Genevray, où existait un gué sur la Gresse, est également vraisemblable.
Est
ce ce gué qui a donné son nom à la commune du Gua ou celui situé sur le ruisseau du Bruyant qu’il fallait
franchir pour atteindre Prélenfrey quand on venait du
château delphinal du Gua ?
La
voie est également imprécise sur cette commune ; à titre d’hypothèse on
peut proposer les Rossets, Lanceteyre,
Chaudemeyre et un très ancien chemin qui, de là,
conduit à l’ancienne maison forte du Groin. Il s’agit là, nonobstant l’absence
de découverte, du tracé le plus évident.
Du
Groin, la voie devait tendre sur la Pierre (ancien milliaire ?) puis,
passant non loin de la Fontaine Ardente, connue dès l’antiquité, que devait
atteindre un embranchement de la voie elle gagnait Bayanne et
Cassoulet : dans ce secteur on a conjecturé l’emplacement possible d’une
agglomération antique ou, du moins, d’une « mutatio »
à 16 Milles de Grenoble, détruite peut-être par une coulée de boue, qui aurait
donné naissance à la tradition plaçant en ces lieux une ville du nom de Bayanne, « détruite – comme Sodome et Gomorrhe – par
la main de Dieu ».
De
Cassoulet jusqu’à Lanchâtre son tracé semble se
confondre avec celui de la Départementale 8. Elle bifurque alors pour passer à
proximité d’un champ remarquable où une tradition place un « camp
romain » et qui y correspond du reste assez bien surtout quand on
l’observe des hauteurs du Vernay ou de la crête de la
Ferrière. S’agirait-il des restes d’un camp légionnaire temporaire lié aux
évènements de l’an 43 avant notre ère, époque où les armées de Plancus allaient et venaient entre Cularo
et le Verdon ?
C’est
aussi dans ce secteur, si les circonscriptions épiscopales correspondent à peu
près aux anciennes limites de civitates qu’il faut
situer, pour le Bas Empire, les limites entre Allobroges et Voconces.
Miribel relevait, en effet, de l’évêché de Die cependant que Lanchâtre relevait de celui de Grenoble.
De ce
présumé camp et peu après la « croix de la Condamine », par un chemin encore parfaitement fossile,
tracé en crête, avec d’importants murs de soutènement, chaque fois que
nécessaire, sans pente excessive, on atteint très rapidement la Gresse en un endroit où existait, jusqu’à récemment, un gué
pavé au niveau du « Moulin Colombat ».
De
la Gresse, la voie remonte sur Caillatère
puis gagne Sagnebatu et Bournaire, passant non loin d’un lieudit encore nommé
« Colonge » (Colonica ?)
sur le cadastre napoléonien. Dans ce secteur, plusieurs gués pavés ont été
observés sur des ruisseaux ; leur largeur est toujours comparable :
entre
A
Saint Paul les Monestier, dans l’axe de l’église
connue dès le XI° siècle, la voie a laissé la place à un jardin potager mais on
la retrouve, sous la forme d’un bon chemin, au delà de l’église et jusqu’au
lieudit « Pré la Croix » où une croix indique toujours un carrefour
de chemins. De cette croix à celle de Gruère, par Coucouri, il y a exactement
Le
col, qui marque encore les limites de trois communes (Monestier
de Clermont, Saint Paul les Monestier et Roissard) est un passage de très haute origine : un
campement néolithique y a été découvert il y a quelques années.
La
voie protohistorique, puis romaine, doit être aujourd’hui recouverte par le
chemin qui passe à proximité de la « Pierre du Prêtre »
(mégalithe ?).
Du
col du Fau, carrefour de voies probables dès la protohistoire, la voie se
poursuit sur la commune de Roissard par un chemin
quasiment rectiligne et très bien matérialisé, passant à proximité du lieudit
« les Hôpitaux », emplacement de l’hôpital de Saint Jean de Jérusalem
fondé vers 1230 comme dépendance de la Commanderie de Saint Maurice en Trièves ; les prospections archéologiques faites dans
les années soixante dix n’ont pas permis de confirmer l’existence, pourtant
probable, d’un site haut médiéval ou médiéval. A proximité de ce site, au
lieudit « les Araignées » a été découverte fortuitement, au cours de
labours, une sépulture du Bas Empire qui a livré deux vases. L’habitat et la
nécropole de la « Grande Côte », site probable de la localité
mérovingienne de Riaciosco, attestée en 739 dans le
testament d’Abbon, sont également très proches.
La
voie se retrouve ensuite aux Peyrouses, puis à
Martine où le ruisseau de Riffol était franchi à gué.
Par le flanc Est des Côtes de Gerboux, la voie, bien
tracée, d’une largeur constante de cinq à six mètres, atteint le Gerbaud où, en Février 1905, fut mise au jour une sépulture
du Hallstatt final avec deux bracelets de bronze (époque des Tricorii ?) du type dit « de
Rochefort », prouvant l’existence d’une piste Nord Sud, de Grenoble au Sud
de la France, dès au moins la protohistoire. Non loin de là, au bord de
l’actuelle route départementale, ancienne voie royale, subsiste une ancienne
borne indiquant « 40 (km) de Grenoble » qui, remarquablement
correspond parfaitement aux 27 Milles estimés de la voie antique (
De
Gerbaud à Vicaire la voie est recouverte par la route
départementale. Passant ensuite derrière la chapelle Saint Michel qui conserve
une colonne sciée en deux morceaux (ancien milliaire ?), la voie descend
jusqu’au torrent de Grosse Riffol. Dans ce secteur,
et sur une largeur impressionnante l’ancienne Nationale
Sur
la rive méridionale du torrent de Grosse Riffol la
voie est mieux conservée. Du pont Saint Michel, elle passe au « Babe » et remonte jusqu’à l’altitude
De
ce pont – limites communales de Clelles et de Saint
Martin de Clelles – la voie remonte le coteau de Bouland jusqu’à la croix de Malverger,
à l’attitude
Ainsi,
depuis le pont Saint Michel, trouve t-on trois intervalles nets de
La
voie traverse ensuite Clelles, qui a livré un fond de
vase à céramique grise du 1er siècle après J. C. conservé au Musée
Dauphinois. Sur une courte distance, elle correspond à l’actuelle
Départementale 252.
Dès
Teyssonières, elle se retrouve sous la forme d’un bon
chemin jusqu’au Pontou (« Bouthoux »
sur la carte IGN), carrefour de chemins. De là, elle descend jusqu’au ruisseau
du Merdari qui sert de limites entre Clelles et le Percy et qui est franchi par un ponteau d’aspect ancien et atteint le lieudit encore
caractéristique de « la Fourche », à proximité immédiate de Longefont.
Oscillant
entre
C’est
vraisemblablement à la Croix de Pré Dessous, ou non loin, que devaient
bifurquer la voie, jusqu’alors unique, en direction, d’une part, de Sisteron par la Croix Haute
et, d’autre part, de Die par le col de Menée.
La
voie de Fréjus se retrouve, après Monestier du Percy,
à Malaterre, aux Bayles, à Goutaret
et à Bayardière. Dans ce secteur elle est encore
relativement bien marquée sous la forme d’un chemin presque rectiligne et d’une
largeur constante.
Elle
atteint alors le lieudit « la Commanderie », où un bâtiment,
aujourd’hui restauré, rappelle le souvenir de l’ancienne commanderie de Saint
Jean de Jérusalem, connue dès 1240, mais sans doute d’origine templière, qui
fut réunie à celle d’Echirolles au début du XVI° siècle et resta dans les
possessions de l’ordre de Malte jusqu’à la Révolution. A proximité, il y avait
une chapelle, aujourd’hui disparue, vouée à Saint Jean. Il n’est pas impossible
que ce site médiéval ait succédé à une mutatio
antique.
Le
tracé de la voie est alors parallèle à celui de la Nationale 75 et apparaît, en
contrebas de celle ci, sous la forme d’un ancien chemin encore bien marqué.
Peu
avant d’atteindre le bourg de Saint Maurice en Trièves,
la voie franchit le ruisseau Bonson où un sarcophage
romain, de petites dimensions, fut jadis découvert.
Après
avoir traversé Saint Maurice – où l’on suppose un habitat romain – la voie
monte, par un axe en cours de restitution du fait d’une opération de
remembrement, au Col Turdot,
à l’altitude
Peu
après cet oratoire, elle est de nouveau visible, parallèle à la Nationale 75.
Le
passage de la Croix Haute est de très haute origine. On y a découvert une
fibule « à navicella », à deux
protubérances dont l’arc, peu profond, autorise une datation de la fin du
VIIème au VIème siècle avant notre ère, confirmant, vraisemblablement, une
pénétration dans la cluse de Grenoble des Hallstattiens dès le VIIème siècle et
un commerce actif. Il s’agit là de la piste primitive jalonnée par les découvertes
de Rochefort et de Saint Michel les Portes.
Sur
l’immense territoire que représente l’actuelle commune de Lus la Croix Haute,
le tracé de la voie n’est pas connu mais deux toponymes permettent de la
jalonner : Grand Logis (mansio possible) et Pont
Lombard, à l’Est duquel subsistent les ruines d’un établissement templier.
Au
delà, les traces de l’ancienne voie semblent avoir disparu mais on peut
envisager un tracé, le long du Buech, parallèle à la Nationale 75. Au Sud de
Saint Julien de Beauchêne, la croix du Chambon, peut
avoir remplacé un ancien jalon.
Sur
le territoire de la Faurie, des grottes
préhistoriques sont connues, le long du Buech. Dans ce secteur deux tracés sont
envisageables ; le premier par le pont de la Dame, correspondant à l’actuelle
Nationale 75 et le second, plus direct par Seille et le col du même nom :
tous deux conduisent à Aspres sur Buech. Il existait vraisemblablement à cet
endroit une station au carrefour de la voie de Grenoble à Fréjus et de la voie
de Gap à Die. De nombreux vestiges romains sont connus sur cette commune :
-
à « Serre la
Croix », un camp romain de
-
à la « Beaumette » et au Col du Pignon, des traces de voie
observées par J. Roman
-
d’autres traces
de voie romaine à « Grange Neuve », au « Grand Mur » où,
pavée de galets, large de
-
enfin, au lieudit
« Col des Ourines », en 1970, lors de
travaux de remembrement, on a découvert un petit bâtiment et une large aire de
galets qui a été interprété comme un nouveau fragment de la voie romaine qui,
par le lieudit « le Comte » se dirigeait sur la Bâtie Montsaléon.
La
Bâtie Montsaléon occupe le site de l’agglomération
antique de « Mons Seleucus » (« Monte Seleuco » de l’ Itinéraire Antonin ou « Monte Seleuci » de l’ Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem).
Cette agglomération secondaire (
Au
Sud de l’agglomération, le tracé de la voie romaine n’est pas identifié mais il
semble probable de l’envisager dans la plaine de Lachau
puis sur les bords du petit Buech jusqu’à Pont la Barque.
Mais,
d’Aspres sur Buech, un tracé plus direct, évitant Mons Seleuci,
est concevable par Aspremont : c’est celui de
l’actuelle Nationale 75 qui conduit également à Pont la Barque, point de
passage quasi obligé.
De
là, son tracé le plus probable conduit à Serres, où deux parcours sont de
nouveau envisageables : l’un, rive droite du Buech par Pont Rouge et Méreuil, l’autre par le tracé de la Nationale 75 et Montrond ; on observera, en faveur de celui ci que le
plateau de Guire, sur une terrasse dominant le Buech, à livré, sur près de
Les
deux localités de Méreuil et de Montrond
sont situées de part et d’autre du Buech et ont livrées, toutes deux des tumuli
protohistoriques.
Cette
double possibilité de passage qu’avait la voie se retrouve jusqu’à Laragne et rien, jusqu’à ce jour, ne plaide pour un tracé,
plutôt que l’autre, car des éléments archéologiques existent sur les deux
rives.
Par
la rive droite du Buech la voie aurait pu, venant de Serres et Méreuil, suivre la tracé de l’actuelle Départementale 350,
quasi rectiligne jusqu’à Lagrand où l’on suppose
l’emplacement d’une agglomération secondaire antique, dans la plaine, non loin
du Buech qui a notamment livré une inscription à un flamine d’Auguste, puis, de
là, tendre sur Saléon et par « les
Granges » (traces d’un établissement gallo romain), et « la
Tuilière », gagner Laragne.
Par
la rive opposée, la voie pouvait, venant de Serres et Montrond
tendre sur Barniaury, où des sépultures à
incinération ont été découvertes à proximité d’un possible fanum, puis sur le
« Serre d’Astier », lieudit de la commune
d’Eyguians : ce site a livré un sanctuaire
comparable à ceux de Chastelard de Lardiers et de Lachau. Un denier
républicain y a également été découvert, attestant de l’ancienneté du passage.
Un peu au Sud du site cultuel, le lieudit « Courage » a révélé, entre
la voie ferrée et le Buech, divers vestiges : haches et silex
préhistoriques, monnaie gauloise, monnaies romaines, tessons divers…Le tracé
entre Eyguians et Laragne
pourrait correspondre à celui de la Nationale.
Les
deux tracés offrent quasiment la même distance et l’on peut se demander s’ils
n’ont pas été alternativement utilisés. A Laragne,
ou, plus au Sud, à Mison, ils pouvaient se rejoindre.
On
notera, sur la commune de Laragne, au Nord de
l’agglomération, un lieudit « l’Estraye »
(via strata ?).
A
Mison, en un lieu non précisé, à été découvert un denier de Brutus (44-43 avant
notre ère), contemporain du passage des armées de Munatius
Plancus. Cette monnaie, jadis conservée à Gap,
pourrait témoigner du plus ancien tracé de la voie de Fréjus mais laisse alors
supposer un franchissement du Buech soit vers les Iscles,
au Sud du village de Mison, soit au niveau du village de Ribiers,
entre Saint Pierre et la Madeleine.
Par
contre le tracé de la rive droite, traversant du Nord au Sud les communes de
Châteauneuf de Chabre et d’Antonaves
(actuelles Départementales 942 puis 948) se raccorde parfaitement avec la voie
de nouveau bien identifiée sur Ribiers.
Le
bourg de Ribiers pourrait correspondre à une
agglomération secondaire antique, installée sur une terrasse au bord de la voie
romaine. Celle ci a bien été identifiée comme telle au Nord de la commune, au
lieudit « Saint Aubert ». A la croix du même nom, la structure de la
voie était visible avant l’empierrage de la route ; on la devine toujours,
soulignée par une rangée d’arbres. Autrefois elle a été vue dans le
« Champ Boursier » de l’autre côté du torrent de Saint Aubert. Après
avoir traversé l’actuel village on la retrouve, bien marquée, à partir du
cimetière. Elle passe vers « Champ Beau », où elle a été observée, à
l’Est des Autarets (Altaretum :
l’autel) et à la « Vieille Guillonne ». A
Châtillon - emplacement d’un important habitat, de part et d’autre de la voie
-elle se scinde en deux : une voie secondaire part en direction du Pas de
Saint Pensier, cependant que la voie principale continue,
rectiligne par les Eymarrons et la Marquise en
direction de Sisteron qu’elle atteint par les Combes.
Sisteron,
Ségustero, capitale des Sogiontii,
puis chef lieu de la Civitas Segesteriorum
au IIème siècle, occupe une position stratégique sur un passage obligé de la
Via Domitia : c’est également un carrefour de
tout premier ordre de voies antiques qui conduisaient, au Nord Ouest à Die, au Nord à Grenoble, au Nord Est à Gap
et à Briançon, à l’Ouest à Vaison, au Sud Ouest à Apt
et à Cavaillon, au Sud à Riez et Fréjus et au Sud Est à Digne, Castellane et
Vence. La ville antique, très mal connue, est généralement localisée à
l’emplacement du bourg médiéval et moderne, au pied de la citadelle.
La
Via Domitia, venant de Gap, a été localisée Avenue de
la Libération et aux Plantiers ; elle franchissait le Jabron
en amont de sa confluence avec la Durance.
La
voie de Fréjus, quant à elle, franchissait la Durance par un pont
vraisemblablement situé à « Prouviou »
(« Portus Vetus » en 1268), non loin de sa confluence
avec le Buech.
Après
avoir franchi la Durance, la voie longeait la rive gauche de la rivière, en
suivant le tracé de la Départementale 4 qui a repris le tracé antique. Au
dessus de Saint Puy, le long de la voie antique, on a découvert, en 1810,
« une suite considérable de tombeaux ».
Jusqu’à
l’Escale, le tracé de la voie romaine correspond strictement à la route
départementale 4 qui a, elle même, succédé à l’ancienne route royale puis route
Napoléon. Elle traverse ainsi, du Nord au Sud, les territoires d’ Entrepierres, de Salignac et de Volonne. Sur cette dernière
commune, on a découvert une monnaie massaliote non loin du lieudit « la
Croix », au Sud du vieux village de Volonne.
Au
débouché du ravin de « Pierre Taillée », sur les limites communales
de Volonne et de l’Escale, on peut encore voir le passage aménagé dans le
rocher pour la route antique. Taillé dans le poudingue, d’accès aujourd’hui
difficile depuis la mise en eau du lac artificiel, cet ouvrage d’art que Barruol compare aux cluses de la Via Domitia,
à la « Porte de Donnas » ou encore à la « Porte de Bons »,
semble remonter aux tous premiers aménagements de la voie. Un oratoire, au bord
de la voie, pourrait avoir succédé à un milliaire.
Du
ravin de Pierre Taillée à celui de Fondéras, sur une
longueur de
La
voie antique constituait, selon toutes probabilités, le cardo
de l’agglomération, dans les vestiges de laquelle ont été découverts,
notamment, de nombreux deniers républicains. Au sud de celle ci, au lieudit
« le Crouas », a été découvert, en 1967, un
important monument funéraire.
Peu
après le lieudit « l’Hôte », la voie se confond avec le tracé de la
Nationale 85, traversant Malijai et suivant la rive
droite de la Bléone. Elle passe près de la chapelle Saint Christol,
édifiée sur un important site antique ; en 1335 elle était désignée comme
étant « contiguatur strata
publica ». Les bâtiments antiques reconnus de
part et d’autre du ravin de Saint Christol laissent à
penser à un important relais sur la voie, à six milles de l’agglomération
antique du Bourguet de l’Escale.
Au
« plan de Fontenelle », à l’Ouest du confluent de la Bléone et de la Duyes, la voie a été repérée, par photographie aérienne,
sur
Selon
certains auteurs la rivière pouvait être franchie dans l’axe du torrent des Duyes, actuelle limite communale entre les communes de Mirabeau et de Mallemoisson ; selon d’autres, le gué se faisait plus
à l’Ouest entre Plan de Fontenelle et Saint Jaume.
La
voie est ensuite de nouveau bien identifiée, rive gauche de la Bléone, à partir
des Ragots sur la commune de Le Chaffaut Saint Jurson. Entre les Ragots et Espinouse, elle passait au
quartier de « la Croix » aujourd’hui disparu mais encore mentionné
sur le cadastre de 1812, puis à Vallauris. Entre les Ragots et Espinouse le
dénivelé est important, passant, en un peu plus de deux kilomètres, de
l’altitude
Au
Nord et au Sud d’Espinouse, deux oratoires, au bord de la voie peuvent matérialiser
l’emplacement de milliaires disparus. Une monnaie romaine à été découverte près
de l’un de ces oratoires. A partir d’Espinouze la
voie a été remplacée, sur l’essentiel de son parcours, par la Départementale 8.
Sur
le territoire de Saint Jeannet, qu’elle traverse du
Nord au Sud, de nombreux sites antiques ont été découverts le long de la voie
romaine :
-
à Saint Mathieu,
emplacement présumé d’un milliaire, sur le site d’un ancien oratoire où
affleuraient des tegulae
-
à la ferme de Rouès, important site d’habitat (
-
à la ferme de
Salignac où, en 1905, lors d’un labour, a été exhumé un milliaire de 275,
aujourd’hui conservé au musée de Riez (ILGN 645) :
IMP(erator)
CAES(ar) L(ucius) DOM(itius)
AURELIANVS P(ius) F(elix)
INVICT(us) AVG(ustus) P(ontifex) M(aximus)
TRIB(unicia)
P(otestate) VI CO(n)S(ul)
III
P(ater)
P(atiae) PROCO(n)S(ul)
RESTIT(utor) ORBIS
REFEC(tit)
ET
RESTITUIT
XV
« l’Empereur
César Lucius Domitius Aurélianus,
pieux, heureux, invincible, Auguste, grand pontife, titulaire de sa 6ème
puissance tribunicienne, Consul pour la troisième fois, père de la patrie,
proconsul, restaurateur du monde, a refait et remis en état (cette route). XV°
mille (de Riez).
-
à Vaumène le Haut, des vestiges d’habitat au bord de la voie,
-
à Le Couronnet, emplacement de villa (ou de mutatio)
avec bassin, au bord de la voie
-
aux Cardaires : en face du lieudit « le
Pigeonnier », encore appelé « la Croix » au XVIIème siècle,
subsiste un monolithe de
-
à Saint Jeannet : dans le village même, au bord de la voie,
croix emplacée sur le site, ou a proximité, d’un
ancien milliaire (XII° mille ?)
-
à Pierre d’Arc,
juste au dessous de la ferme, une croix en fer, encore en place en 1940, située
exactement à deux milles du milliaire des Cardaires
avait du succéder à la borne du XI° mille.
La
voie traverse ensuite, du Nord au Sud, le territoire de Bras d’Asse (Braccio en 739 dans le testament d’Abbon) où, là également,
les vestiges sont nombreux :
-
le nom du torrent
de « Peyre Michel » - « En Peira Michou » en provençal – pourrait indiquer
l’existence d’un milliaire à l’endroit où la voie antique franchissait ce
torrent (X° mille ?)
-
le nom de « Crouès » que porte une ferme à proximité du chef lieu
rappelle que tout le secteur, avant 1812, portait le nom de « Croué, Crouet, Crouès », dérivé de croix, et pourrait laisser
supposer l’emplacement d’un milliaire (X° mille) ultérieurement remplacé par
une croix.
De
Bras d’Asse jusqu’à Saint Jean, la voie, rigoureusement rectiligne, est
repérable au « Plan » et au « Clausson »,
de part et d’autre de l’Asse qui devait être franchie à gué.
Vers
la chapelle Saint Jean, gisait, en 1957, au bord de la voie, une colonne
brisée, à base cubique, correspondant à la partie inférieure d’un milliaire,
situé au VIII° mille de Riez. D’après les dimensions, la datation proposée est
la seconde moitié du IIIème siècle.
De
Saint Jean au « Poteau de Telle », la voie suivait le tracé, presque
rectiligne, d’une ancienne draille à troupeaux. Le « poteau de
Telle » est un endroit remarquable, servant de limites communales entre Bras d’Asse et Puimoisson. D’après Barruol, ce
toponyme de « Telle » équivaut à « Fines » et indique
vraisemblablement la limite entre deux territoires de civitates.
La
voie traverse ensuite, du Nord au Sud, le territoire de Puimoisson.
Son tracé est imprécis mais il était, sans doute, plus direct que celui de
l’actuelle Départementale 953.
On
notera, au Nord de la commune, le lieudit « la Commanderie » et, au
Sud, le lieudit « la Trompe » où fut jadis découvert un sarcophage,
peut être au bord de la voie. A la « Haute Condamine »,
une villa romaine a été localisée, non loin de la voie. A Puimoisson
même, un oratoire situé à proximité des « Ferrayes »
se trouve à environ
Riez,
ancienne capitale des Réii, « Colonia Reiorum Apollinaris » dès
Auguste avant de devenir chef lieu de la « Civitas
Julia Augusta Reiorum Apollinaris »,
est située au carrefour de plusieurs voies antiques importantes :
-
la voie de
Grenoble à Fréjus (mentionnée sur la Table de Peutinger à partir de Riez),
-
la voie de Digne
par la vallée de l’Auvestre,
-
la voie d’Aix en
Provence par la vallée du Colostre
-
la voie de
Castellane.
Aucun
des trois milliaires qui devaient border la voie entre Puimoisson
et Riez n’est connu, le milliaire jadis trouvé à Saint Estève n’étant pas, de
toute évidence, situé sur cette voie.
Riez
a livré d’importants vestiges romains et, pour ce qui concerne la voie, G. Barruol a étudié, en 1986, un ancien pont sur le Colostre (à
De Riez
à Montagnac Montpezat, la voie suivait
vraisemblablement un tracé voisin de celui de la route départementale 953. Elle
aurait été reconnue par prospection aérienne. A Saint Jean elle se
dédouble : un embranchement se dirige sur Brignoles et Aix cependant que
la voie de Fréjus, par un tracé qui a été reconnu en 1968 par Barruol, tendait au Verdon, auquel elle parvenait par le
col de la Fare.
Dans
ce secteur, le mur de soutènement de la chaussée était détruit mais, par
endroits, se voyait encore l’entaille dans le rocher sur laquelle il prenait
appui. La voie franchissait alors un puissant éperon rocheux dans une large
saignée, creusée de mains d’hommes, large de trois à quatre mètres et longue de
huit mètres. Les failles du rocher étaient remplies de cailloutis et de
graviers mais il n’y avait aucune trace d’ornières, ce qui laissait présumer
que toute la surface de la chaussée était, dans l’antiquité, recouverte d’une
épaisse couche de graviers ou de terre. Des mortaises étaient situées au bas
des parois latérales de cette tranchée.
Les
trois cents derniers mètres avant le pont du Verdon offraient un exemple rare
de la technique romaine pour surmonter les difficultés en terrain accidenté. En
effet, sur ce tronçon la chaussée, qui descendait le long d’une paroi escarpée,
était largement entaillée dans la falaise, en surplomb au dessus du lit de la
rivière. Par endroits, la voie était assise, pour partie, sur le rocher (du
coté de la falaise) et, pour partie, sur un remblai artificiel maintenu, du
coté de l’à-pic, par une puissante muraille en pierres sèches, presque
entièrement effondrée au moment des reconnaissances de 1968.
Le dernier tournant de la voie, établi sur un
puissant rocher dominant la rivière d'une dizaine de mètres, présentait un
aménagement particulièrement soigné : la largeur de la chaussée,
solidement assise sur le roc, était de 3,80 mètres ; là aussi, les failles
du rocher étaient comblées par du cailloutis mais on ne voyait aucune trace d’ornières :
en revanche, une sorte de parapet avait été ménagé dans le roc vif du coté du
vide. A la sortie Nord de ce tournant, coté montagne, à
Selon
Barruol il est probable que ces aménagements (ou ces
réaménagements) remontaient à l’époque augustéenne avant leur restauration sous
Tibère.
Tout
le secteur de la Fare jusqu’au pont du Verdon est
aujourd’hui englouti dans les eaux du lac du Verdon.
Le
problème posé par le camp établi par L. Munatius Plancus, fin Mai 43 avant J. C. sur la rive droite du
Verdon :
Plancus
part du « camp de l’Isère », le 18 Mai 43 avant notre ère. Il espère
opérer sa jonction avec Lépide (qui est au « camp de l’Argens ») dans
les huit jours (Ad Familiares X, 18).
Sa
lettre X, 23, du 6 Juin 43, datée de Cularo, explique
qu’il a amené ses troupes « presque en vue de Lépide et d’Antoine »
et qu’il s’est ménagé une distance de 40 milles « avec l’idée de pouvoir
soit (s’) approcher rapidement soit (se) retirer avec succès ». Il
ajoute : « en choisissant la position, je m’assurai d’autres
avantages : l’obstacle d’un cours d’eau dont le franchissement exigerait
un délai et la proximité des Voconces dont le
territoire m’ouvrirait un passage sur… ».
Il
indique qu’il a appris la jonction d’Antoine et de Lépide – intervenue le 29
Mai -, qu’ils ont levé le camp le même jour pour marcher contre lui et que
l’information lui est parvenue quand ils n’étaient qu’à 20 000 pas
(vraisemblablement le 30 Mai au plus tôt, le 31 Mai au plus tard). Il repart
alors « sans que cet éloignement ait l’apparence d’une fuite » et,
quatre jours plus tard, le 4 Juin, il a repassé l’Isère à Cularo
après avoir fait couper les ponts sur l’Isère.
Si
l’on considère que, dans l’autre sens, il a également mis quatre jours pour
parcourir la distance Cularo – le Verdon, il est donc
resté, sur la rive droite de ce fleuve, du 22/23 Mai au 30/31 Mai.
Son
camp devait être situé à proximité du Verdon (vers la Fare ?).
Les distances des itinéraires correspondent parfaitement. La Table de Peutinger
place Riez à 51 milles de Forum Voconii. Il y a,
effectivement, 10 milles de Riez au Verdon et 40 milles du Verdon à Forum Voconii. Selon toutes probabilités, il n’y avait pas encore
de pont sur le Verdon lors de ces évènements : Plancus
parle de « l’obstacle d’un cours d’eau dont le franchissement exigerait un
délai » ou alors, il avait prévu de le détruire, en se retirant. Il parle
aussi de la proximité des Voconces : ce point
est plus complexe. Les frontières méridionnales des Vocontii sont traditionnellement situées à hauteur de la
Durance, au Sud de Sisteron. Mais Barruol se demande
si le territoire de Reii n’aurait pas fait partie de
la confédération des Vocontii plutôt que de celle des
Salluvii. Outre la correspondance de Plancus, il relève deux autres éléments
justificatifs :
-
une inscription
tumulaire du Bourguet de l’Escale indiquant que les
frais de la sépulture ont incombé au Trésor Public des Vocontii
(A. E. 1983 n° 671) et attestant ainsi que cette agglomération se trouvait
alors sur leur territoire,
-
le toponyme
« Vocontium/Voconcium »
attesté au milieu du VIIIème siècle, tout près de Bras d’Asse (Bractium/Braccium) dans le
testament d’Abbon.
Ainsi,
pense t-il que les Vocontii s’étaient assurés – du
moins à l’époque républicaine – la liberté de l’itinéraire qui, depuis
Sisteron, permettait de rejoindre l’embouchure de l’Argens et le littoral, avec
sa grande piste transversale, tout en évitant le territoire des peuplades des
Alpes Méridionales, tardivement soumises par Rome.
Au
surplus, il faut rappeler, qu’au premier siècle avant notre ère, la limite
orientales des Vocontii, en moyenne Durance,
constituait la frontière de la Provincia.
Enfin,
on notera que Lépide parle (X, 34) de « Forum Vocontium »,
de même que Plancus (X, 17) et non de « Forum Voconi » comme le fait l’Itinéraire Antonin ou la
Table de Peutinger : s’agissait-il d’un « marché Voconce » ?
(infra : Forum Voconi).
Le
pont du Verdon – aujourd’hui immergé sous les eaux du lac de Sainte Croix –
était situé au point le plus étroit, à l’entrée orientale des gorges de Baudinard. Il était construit entre deux falaises distantes
de
Comportant
huit assises, la pile était constituée de blocs calcaires en grand appareil,
pseudo isodome, provenant des carrières voisines de Montpezat,
disposés sur un socle en retrait de
Différentes
observations pratiquées au niveau de cette pile, particulièrement étroite et
légère, ont laissé penser qu’elle appartenait plutôt à un pont mixte (culées et
piles en pierre, tablier en bois), technique plus particulièrement adoptée pour
les ponts battis sur des torrents et les ponts longs.
Entre
ses culées, certainement ancrées dans le rocher, de part et d’autre de la
cluse, le pont aurait pu comporter sept ou neuf travées (de 7/8 m ou de 5/6 m),
encadrées par six ou huit piles (de
Au
Sud du pont, la voie romaine suivait la falaise en corniche, au dessus du
ruisseau de Fontaine l’Evêque qui se jetait dans le Verdon, exactement au
niveau du pont antique. Ce ruisseau, tout comme la résurgence de Fontaine
l’Evêque, qui était le seconde de France après la Fontaine de Vaucluse,sont
désormais engloutis dans le lac artificiel de Sainte Croix, près de cent mètres
en dessous du niveau actuel du Verdon.
A
Fontaine l’Evêque (« Sorps ou Sorp » jusqu’au XVII° siècle) devait exister un site
cultuel et funéraire remontant à la protohistoire. Un monolithe
(milliaire ?) était également signalé.
De
Fontaine l’Evêque, la voie empruntait un itinéraire passant par le Bastide de
Bas Carvalet et les côtes 586 et 631. Elle était,
comme sur la rive droite, partiellement entaillée dans le rocher. De là,
passant non loin de Notre Dame de la Blache, où à été découverte une inscription
du 1er siècle aujourd’hui à Riez, elle se dirigeait sur Saint
Barthélémy où elle est bien identifiée jusqu’à Saint André d’Orbellis, à l’extrémité Sud de la commune.
Au
couvent de Saint André d’Orbellis étaient jadis
conservés des inscriptions funéraires et un milliaire, aujourd’hui disparus,
dont l’inscription est néanmoins connue (CIL 4753) :
IMP(erator)
CAES(ar)
T(itus)
AEL(ius)
HADRIANVS AN
TONINVS AVG(ustus) P(ius)
P(ater)
P(atriae) PONT(ifex) MAX(imus)
TRIB(unicia)
POT(estate) VIII
CO(n)S(ul)
IV
XXXVI
« L’Empereur
César Titus Aelius Hadrien Antonin Auguste (Antonin
le Pieux), Pieux, Père de la Partie, Grand Pontife, titulaire de sa 8ème
puissance tribunicienne, Consul pour la 4ème fois. 36 milles (de
Fréjus) ».
Ce
milliaire, dont l’emplacement originel devait être proche du couvent est
datable de l’an 145.
Sur
la commune de Verignon, la voie romaine, que reprend
aujourd’hui, en partie, la route
départementale 49 et un chemin situé à l’Est de celle ci, est jalonnée de
bornes milliaires qui furent placées sur l’ordre d’Antonin le Pieux entre le 1er
Janvier et le 9 Décembre 145.
Aux
Aumades, à
L’un
de ces milliaires portait l’inscription partielle (ILN Fréjus n° 205)
… CAESA
………….
DIVI
A
IMP(eratori) CAES(ari) T(ito) AEL(io)
(H) ADRIANO AN
(to)NINO AVG(usto) PIO
P(atri) P(atriae) PONT(ifici) MAX(imo)
TRIB(unicia)
POT(estate) VIII
CO(n)S(uli)
IV
…..
«
A l’Empereur César Titus Aelius Hadrien Antonin
Auguste, Pieux, Père de la Patrie, grand pontife, titulaire de sa 8ème
puissance tribunicienne, Consul pour la 4ème fois ». Le nombre
de milles n’est pas indiqué : probablement 31 milles.
Le
territoire de la commune d’Ampus (Emprorion ? :
« Impurie » en 990) est traversé du Nord
Ouest au Sud Est par la voie. De nombreux vestiges sont connus :
-
à Villehaute, emplacement de milliaire qui aurait été détruit
au début du XIXème siècle,
-
à Mercandier – les Barrières (« la Barrière » sur
la carte IGN), des tombes ont été découvertes en bordure de la voie ; dans
une ferme en ruines sur la colline, fragment d’inscription de « Casinius, soldat de la 8ème légion »
provenant de cette nécropole,
-
à Notre Dame de Spéluque, à l’entrée du chemin menant à la chapelle,
milliaire d’Auguste, de 3 avant notre ère, provenant, semble t-il, de Mercandier, servant aujourd’hui de socle à une croix (CIL
5450) :
IMP(erator)
CAESAR
DIVI F(ilius)
AVG(us)TVS
PONTIF(ex)
MA(x)VM(us)
CO(n)S(ul)
XII DES(i)GN(atus)
XIII IMP(erator)
X(IIII)
TRIBVNIC(ia)
(potestate)
XX
…….XV……
« à
l’Empereur César Auguste fils de (Jules) divinisé, grand pontife, consul pour
la 12ème fois, désigné pour un 13ème consulat, triomphateur
pour la 14ème fois, titulaire de sa 20ème puissance
tribunicienne, …. Milles ». Le nombre de milles pourrait être XXVI.
-
la voie est bien
conservée dans le secteur de Grange Rimade :
dans les zones où elle est construite en remblai (par exemple au niveau de la
dépression des Bousquets), elle est large de six
mètres et bordée par deux murets faits de grosses pierres larges de
-
En un lieu non
précisé du même vallon, près du « grand chemin », le chanoine Antelmi de Fréjus a découvert un milliaire de Tibère,
datant de 31 ou 32 de notre ère, aujourd’hui perdu, et en a relevé
l’inscription (CIL 5449) :
TI(berius) CAESAR
DIVI
AVG(usti) F(ilius) AVG(ustus)
PONT(ifex) MAXVM(us)
TRIB(unicia) POTEST(ate)
XXXIII
RESTITVIT
ET
REFECIT
« Tibère
César Auguste, fils d’Auguste divinisé, grand pontife, titulaire de sa 33ème
puissance tribunicienne a restauré et refait (cette route) ». Le nombre de
milles n’est pas indiqué.
Après
Lentier, la voie franchit la Nartuby
pour atteindre Granegone sur Draguignan.
C’est
sans doute parce que Lépide et Antoine étaient parvenus entre Sainte Anne et Collefrat que Plancus opéra,
selon son témoignage (Ad Familiares X,23), son recul
précipité : « … Lépide désespérant de mon arrivée… opéra sa
jonction avec Antoine le 29 Mai (43 avant notre ère) et ils levèrent le camp le
même jour pour s’approcher de moi ; l’information me parvint quand ils
étaient à vingt mille pas » (c’est à dire à
Sur
la commune de Draguignan, la voie est mal repérée. Venant de Lentier, elle passait vraisemblablement à Saint Michel puis
au quartier du Dragon, aux Salles puis, par le piémont Sud des collines de Blancon, elle devait se
diriger sur la vieille ville. De là, par le quartier Saint Jean elle
devait gagner Trans. Ce tracé, vraisemblable, n’est cependant pas avéré car,
nulle part, le tracé de la voie n’a été repéré par des des
vestiges certains mis à part un fragment de milliaire trouvé anciennement à Saint Michel.
La
Table de Peutinger fait état d’une « mutatio
ANTEAE », également mentionnée dans l’Anonyme de Ravenne. Elle était
située à 32 milles de Riez et à 19 milles de Forum Voconii.
La localisation précise de cette station a fait l’objet de polémiques :
les Salles, Saint Hermentaire…
Les
Salles étaient classiquement retenues jusqu’à ce qu’on démontre que, dans ce
secteur, les milles étaient comptés depuis Fréjus. C’est probablement entre Anteae et Forum Julii qu’il faut
compter les 19 milles de la Table, puisque l’embranchement de la voie est situé
à mi chemin entre Forum Julii et Forum Voconii.
En
tout état de cause, cela ne change pas la position d’Anteae
par rapport aux bornes milliaires, bien localisées au Nord de Draguignan et,
notamment, la borne XXV de Grange Rimade qui doit se
trouver à 6 milles de la mutatio.
De
nouvelles mesures, prises sur la carte IGN au 1/25 000ème en suivant le tracé
le plus évident de la voie, montrent que cette distance (
Deux
milliaires sont connus dans ce secteur :
-
le premier, jadis
à Saint Michel, aujourd’hui perdu, pouvait provenir du quartier du Dragon et
portait l’inscription XXI milles (CIL XII, 311),
-
le second, du
règne de Tibère (31 ou 32 après J. C.), autrefois à Saint Hermentaire,
de provenance non connue, est aujourd’hui au musée municipal de Draguignan. Son
inscription était, jadis, plus complète qu’aujourd’hui (CIL XII, 5447) :
TI(berius) CAESAR
DIVI
AVG(usti) F(ilius) AVG(ustus)
PONT(ifex) MAXVM(us)
(T)RIB(unicia) P
OTEST(ate)
XXXI(II)
R
ESTIT(uit) ET
REFECIT
« Tibère
César Auguste, fils d’Auguste divinisé, grand pontife, titulaire de sa 33ème
puissance tribunicienne, a restauré et refait (cette route) ». Le nombre
de milles n’est pas indiqué (XXème mille ?).
Sur
Trans en Provence, la voie a été localisée aux
« Fantettes », aux « Darrots » et à « Valaury »
(Notre Dame de Vallauris). Toutefois, un autre itinéraire, plus près de la Nartuby, passant à la chapelle Saint Vincent, est également
envisageable.
Cette
chapelle est située sur un site antique, probablement un mausolée :
était-il situé au bord de la voie ? Deux fragments d’un milliaire de
Tibère (31 ou 32 après J. C.), de provenance non connue, y étaient conservés.
Ils sont aujourd’hui au musée de Draguignan (CIL XII, 5446) :
TI(berius) CAESAR
DIV(i)
AVG(usti) F(ilius)
AV(g)VSTVS
(Po)NT(ifex) MAXV(mus)
(Tri)B(unicia) POTES(tate)
(X)XXIII
(r)
ESTITVIT
E(t)
REFECIT
« Tibère
César Auguste, fils d’Auguste divinisé, grand pontife, titulaire de sa 33ème
puissance tribunicienne a restauré et refait (cette route) ». Le nombre de
milles n’est pas précisé.
La
voie forme ensuite limite de la commune de la Motte, sur un kilomètre de long,
à hauteur de la Motte Sainte Roseline et parvient au Muy.
Le
Muy est situé à un nœud de communications très ancien où se rejoignaient la
voie de Riez à Fréjus, celle d’Aix en Provence à l’Italie et une voie
secondaire de pénétration vers le golfe de Saint Tropez.
La
voie de Riez à Fréjus a été localisée aux Ferrières et à Saint Cassien où un
habitat du haut Empire, de type colonial, sans doute lié à la création de Forum
Julii, a été découvert. Un lieudit « Grannoble » est à relever.
Au
quartier de Verignas, une culée de pont, mal datée, appartient,
peut être, à un pont permettant de franchir l’Endre.
Un milliaire de Constantin ou de Constance Chlore a été trouvé à proximité. Il
est aujourd’hui conservé devant l’ancienne ferme dite d’Agay (CIL XII,
5445) :
IMP(eratori)
C(ae)S(ari)
FLA(vio) VAL(erio)
……..
« A
l’Empereur César Flavius Valérius… ».
Un
autre milliaire, de Tibère (31 ou 32 après J. C.), a été découvert au Muy en un
lieu non précisé, probablement à l’embranchement de la Via Aurelia
avec la voie de Riez selon les ILN de Fréjus. En ce cas, il aurait été situé au
Xème mille de Fréjus mais les bornes de Tibère, en Narbonnaise, portent
rarement une indication de distance. Il a été lu autrefois (CIL XII,
5445) :
TI(berius) CAESAR
DIVI
AVG(usti) F(ilius) AVG(ustus)
PONTIF’ex)
MAXVM(us)
TRIB(unicia) POTEST(ate)
XXXIII
RESTITVIT
ET
REFECIT
«
Tibère César Auguste, fils d’Auguste divinisé, grand pontife, titulaire de sa
33ème puissance tribunicienne a restauré et refait (cette
route) ».
Dans
toute la partie Est de la commune du Muy, de la bifurcation de la Via Aurelia avec la voie de Riez, jusqu’à l’Argens formant
limite communale, la voie romaine est aujourd’hui recouverte par la Nationale
7.
On
l’a vu, c’est vraisemblablement entre Anteae et Forum
Julii qu’il faut compter les 19 milles de la Table de
Peutinger puisque l’embranchement de la voie est situé à mi chemin entre Forum Julii et Forum Voconii. On notera
toutefois que ces 19 milles s’accordent tout autant avec le trajet Anteae – le Muy – Forum Julii
qu’avec celui Anteae – le Muy – Forum Voconii.
ANTEAE
XVIIII
FORVM VOCONTII FORVM
JULII
XVII
(XXII)
Sur
la commune de Roquebrune sur Argens une portion de
voie dallée a été découverte en 1937 au lieudit « Saint Sauveur ». A
proximité, 25 ans plus tard, deux sépultures à incinération ont été
découvertes. A Palayon (le Château), à proximité de
la voie un habitat, d’époque romaine, a été étudié en 1991.
Dans
l’église de Roquebrune est conservé un milliaire
d’Auguste, daté de 13 ou 12 avant notre ère, provenant du passage de la voie
sur le ruisseau du Blavet, à 5 milles de Fréjus (CIL XII, 5455) :
IMP(erator)
CAESAR
AVGVSTVS IMP(erator) X
TRIBVNICIA
POTESTATE XI
IIIII
« A
l’Empereur César Auguste, triomphateur pour la 10ème fois, titulaire
de sa 11ème puissance tribunicienne. 5 milles ».
Dans
toute la traversée de la commune, le tracé de la voie se confond aujourd’hui
avec celui de la Nationale 7.
Sur
la commune du Puget sur Argens, la voie est conservée sous la Nationale 7 qui a
rigoureusement repris son tracé. On ne connaît aucun milliaire en place. Celui
qui est conservé dans l’église du Puget devait être placé dans l’actuel
quartier du Gabron, entre ce lieu et Vaucouleurs.
La
voie atteignait ensuite le territoire de Fréjus au Pont des Esclapes,
où a été découvert un milliaire d’Auguste, datant de la période 13-12 avant J.
C. (CIL XII, 5454) :
IMP(erator)
CAESAR
AVGVSTVS IMP(erator) X
TRIBVNICIA
POTESTATE
XI
IIII
« à
l’Empereur César Auguste, triomphateur pour la 10ème fois, titulaire
de sa 11ème puissance tribunicienne. 4 milles ».
Fréjus
a été organisé en 49 avant J. C. par Jules César, à la fois comme marché et
gîte d’étape sur la voie littorale de l’Italie à l’Espagne. Sous Octave, Forum Julii devint port militaire et arsenal où se construisirent
les galères légères et rapides qui lui assurèrent la victoire d’Actium en 31 avant notre ère. Ce fut également une
importante colonie de vétérans, installée par Auguste dès le début de
l’Empire : « Forum Julii Octavanorum Colonia quae Pacensis appelatur et Classica », « Pacensis »
pour la paix revenue et « Classica » pour
la présence de la flotte.
La
voie romaine, venant du Puget sur Argens, aborde l’actuelle commune de Fréjus
par les Esclapes et parvient au Forum Julii par la « Porte des Gaules ».
Le
pont des Esclapes n’est pas situé sur cette voie mais
sur celle qui conduisait à Sinus Sambracitanus (le
golfe de Saint Tropez) et Athenopolis
(Saint Tropez), aujourd’hui chemin rural n° 6. Ce
pont, construit en petit appareil régulier, est formé par quatre arches voûtées
en plein cintre dont trois sont bien visibles, la quatrième étant aujourd’hui
partiellement occultée par un
remblai de terre. L’arche centrale est
plus large que les autres : l’arc est formé par des claveaux
rectangulaires et l’extrados est souligné par un cordon de moellons de section
carrée. Sur la face amont du pont, deux piles sont pourvues d’avant becs semi
circulaires, la dernière pile (au Nord) étant protégée par un avant bec à pan
coupé. Le tablier porte encore quelques pavés correspondant à peu près au
niveau de la circulation antique.
Les
berges du ruisseau qu’enjambe le pont semblent avoir été remblayées à une
époque indéterminée, ce qui donne au cours d’eau l’aspect d’un canal
rectiligne. Ce pont, de datation imprécise (1er siècle ?)
franchissait-il un ruisseau ou une partie de marécages ?
Il
est classé Monument Historique depuis 1839.
DE LE MUY A FORUM VOCONII :
La
bifurcation de la voie Riez-Fréjus et la Via Aurelia
est, sans doute, à situer au village même du Muy. Son tracé se confond avec
celui de la Nationale 7 jusqu’au « Pont Rout ».
Avant ce pont et à proximité du lieudit « les Valises », une
sépulture à incinération a été récemment découverte ; une grande villa
romaine est également connue à « la Magdeleine », en limite communale
avec les Arcs.
Sur
la commune des Arcs, de nombreux vestiges de la voie romaine sont
présents :
-
au lieudit
« le Pont Rout », restes d’un pont romain
qui permettait à la Via Aurelia de franchir le Réal.
La culée gauche et la voûte du pont sont effondrées dans le lit du Réal. La
construction est parementée en petit appareil lié à la chaux. A l’Est et à
l’Ouest du pont, dans les vignes, de nombreux galets et fragments de rhyolite
évoquent la destruction, par les labours, des recharges de la voie.
-
à la « Haute
Cognasse », un tronçon de la Via Aurelia est encore visible ; à l’altitude
-
à la
« Cognasse », emplacement d’un milliaire de l’an 145, aujourd’hui
disparu (CIL XII, 5464) :
IMP(erator)
CAES(ar) T(itus) AEL(ius)
HADRIANVS AN
TONINVS AVG(ustus) PI
VS P(ater)
P(atriae) PONT(ifex) MAX(imus)
TRIB (unicia)
POT(estate) VIII
IMP(erator)
II CO(n)S(ul) IIII
…………
« A
l’Empereur César Titus Aelius Hadrien Antonin
Auguste, Pieux, Père de la Patrie, grand pontife, titulaire de sa 8ème
puissance tribunicienne, triomphateur pour la 2ème fois, consul pour
la 4ème fois ». Le nombre de milles n’est pas indiqué :
probablement XVII
-
aux « Quatre
Chemins », emplacement probable de l’embranchement entre le tracé de la
voie dit « républicain » et celui de l’époque impériale (sur la
problématique du « Pons Argenteus » de
Lépide, voir ci après)
-
au « Pont
d’Argens », emplacement d’un pont romain franchissant l’Argens. La culée
gauche, dont le blocage était anciennement visible, est actuellement recouverte
par des sédiments. Quelques blocs en grand appareil restent toutefois
décelables dans le lit de l’Argens et sur la rive gauche. C’est, assurément, ce
pont, doté d’arches en grand appareil, qui a donné son nom au village ; il
paraît toutefois nettement postérieur aux évènements de 43 avant notre ère et
ne saurait donc être le « Pons Argenteus ».
Le « Pont des Arcs » fut abattu, lors des troubles de la Ligue puis
relevé : c’est au cours de sa reconstruction que fut trouvé un milliaire
quadrangulaire de 58 de notre ère, aujourd’hui disparu (CIL XVII, 2 n°
38) :
(Nero) CLAVDIVS
(Divi)
CLAVDI F(ilius)
(Ger) MANICI CAESARIS N(epos)
TI(berii) CAESARIS AVG(usti)
(P)RON(epos) DIVI AVG(usti) ABNE(pos)
CAESAR
AVG(ustus)
(Ger) MANICVS PONTIF(ex)
MAX(imus) TR(ibunicia) P(otestae) IIII
IM(perator)
IIII CO(n)S(ul) (III)
P(ater) P(atriae) RESTITVIT
« Néron
Claude César Auguste, fils de Claude divinisé, petit fils de Germanicus César,
arrière petit fils de Tibère César, arrière arrière
petit fils d’Auguste divinisé, vainqueur des Germains, grand pontife, titulaire
de sa 4ème puissance tribunicienne, triomphateur pour la 4ème
fois, Consul pour la 3ème fois, père de la patrie, a restauré (cette
route) ».
-
chemin des Laurons, dans une propriété, milliaire de Constantin (vers
307-311), jadis « devant la porte de la Bastide dite de la Valette »
provenant peut-être de la voie romaine au Sud du Pont des Arcs (CIL XII,
5465) :
IMP(eratori) CAES(ari)
FL(avio) VAL(erio)
CONSTAN
TINO
P(io) F’elici)
AVG(usto)
(Marci) AVR(elii) VAL(erii)
MAX
IMIANI
AVG(usti)
(Nep)OTI
DI(vi)
CONS
T(a)NTI
AVG(usti)
PII
FILIO
………..
« A
l’Empereur César Flavius Valerius
Constantin, pieux, heureux, Auguste, petit fils de Marcus Aurelius
Valérius Maximien Auguste, fils de Constance
divinisé, Auguste, pieux... ». Le nom de Maximien a été martelé.
-
enfin, à
« la Magdeleine » et à « le Thouar »,
sur les limites occidentales de la commune, des nécropoles ont été découvertes,
non loin du tracé de la voie Impériale.
Voie
Républicaine et voie Impériale :
Entre
les « Quatre Chemins » et Forum Voconii
deux tracés de voie semblent s’être succédés :
-
à l’époque
Républicaine, la voie aurait longé le piémont méridional des plateaux calcaires
par Saint Martin et Astros (Taradeau)
pour aboutir au pont romain de Rondin et à Châteauneuf (Vidauban). Cette voie
dessinait un arc de cercle vers l’Ouest et longeait la rive droite de l’Argens
qu’elle franchissait au « Pont de Rondin ». C’est cet itinéraire que
semble évoquer la lettre X 17 de Plancus, écrite peu
après le 18 Mai 43 avant notre ère : « Forum Voconii
est à XXIIII milles de Forum Julii ».
-
dans un second
temps, sous le règne de Néron au plus tard, la voie aurait tiré droit par
Vidauban, franchissant l’Argens au « Pont des Arcs » et, par la rive
droite de cette rivière aurait alors rejoint l’itinéraire primitif à
Châteauneuf. La distance aurait ainsi été raccourcie aux XXII milles donnés par
l’Itinéraire Antonin et par la Table de Peutinger.
Tracé
Républicain :
Des
« Quatre Chemins », la voie, qui semble correspondre à l’actuelle
Départementale 10, passait à « Nouguier d’Esquier » (vestiges antiques connus) et à Saint
Martin, sur la commune de Taradeau.
Le
secteur de Saint Martin, riche en vestiges romains, a été assimilé, au début du
XIXème siècle à Forum Voconii. Au bord de l’Argens,
dans une zone où le passage à gué est possible, quatre bornes milliaires ont
été anciennement découvertes. L’une, quadrangulaire et fragmentée, est encore
en place (hauteur :
Après
Saint Martin, la voie se poursuit sur la commune de Vidauban. Son tracé précis
n’est pas connu mais on peut la localiser à trois endroits :
-
à « Plan
Guillet » où une inscription funéraire d’un soldat de la IXème Légion,
Titus Crispus, a été découverte : l’absence de
cognomen laisse augurer d’une haute époque.
-
Au lieudit
« Rondin » ou « Pont d’Astros »
où un pont romain enjambe l’Argens. De ce pont ne subsistent qu’une pile en
grand appareil et la culée de la rive gauche, en petit appareil, avec deux
assises de tuiles incluses dans la maçonnerie. La culée mesure
-
A Châteauneuf,
enfin, où les tracés d’époques Républicaine et Impériale se rejoignent.
Tracé
Impérial :
Des
« Quatre Chemins » la voie traverse la commune des Arcs, passant au
pont sur l’Argens selon le tracé précédemment décrit, aujourd’hui recouvert par
la Nationale 7 qui forme limite communale entre les Arcs et Taradeau,
puis elle aborde le territoire de Vidauban au lieudit « Saint
Georges ».
Deux
milliaires ont été découverts à Vidauban :
-
le premier, en
1867, dans le village même : transporté par Bonstetten, son inventeur,
dans sa villa d’Hyères il semble aujourd’hui perdu (CIL XII, 5466) :
IMP(eratori) CA
ES(ari)
FL(avio) VAL(erio)
CONSTA(n)
TINO
P(io)
F(elici)
AVG(usto)
…….
« A
l’Empereur César Flavius Valerius
Constantin, pieux, heureux, Auguste… ». Cette borne fait partie de la
série mise en place sous le règne de Constantin, entre 307 et 337.
-
le second, à une
date non précisée, contre un piedroit de l’église
paroissiale : il est aujourd’hui conservé dans le hall de la Mairie. Le
champ épigraphique est très altéré :
D(omino) N(ostro)
FLAVIO
VALERIO
(C)O(ns)T(a)NT(i)N(O)
(Bo) NO RE(i)
PVBLI(cae)
NATIO
« A
Notre Seigneur Flavius Valerius
Constantin, né pour le bien de l’Etat… ».
Le
formulaire présente une anomalie qui ne permet pas de dater précisément ce
milliaire (entre 306 et 337), par ailleurs non répertorié dans les inventaires
et seulement indiqué dans la Carte Archéologique du Var 83/2.
La
voie devait ensuite passer non loin du « Coua de
Can » où un autel d’époque Républicaine consacré à Liber Pater par Quintus Laberius à été découvert.
Suivant
un tracé qui est aujourd’hui celui de la Nationale 7 elle parvenait à
Châteauneuf, point de jonction des voies d’époques Républicaine et Impériale,
où un milliaire de Probus (278-280) était jadis signalé à l’entrée de la ferme
de Châteauneuf. König, qui ne l’a pas vu, prétend
qu’il a été utilisé dans la construction d’un pont (CIL XII, 5467) :
(I)MP(eratori)
CAE(s)ARI
M(arco)
AVR
ELIO P(robo)
(In)VIC(to) A(ugusto)
P(ontifici)
M(aximo) GO
T(hico)
M(aximo)
GER(manico)
M(aximo)
TRIB(unicia)
P(otestate) IIII
CO(n)S(uli)
III ( ?) P(atri) P(atriae)
PROCO(n)S(uli)
« A
l’Empereur César Marcus Aurelius Probus, invincible
Auguste, grand pontife, très grand vainqueur des Goths, très grand vainqueur
des Germains, titulaire de sa 4ème puissance tribunicienne, Consul
pour la 3ème fois ( ?), père de la Patrie, Proconsul ».
La
voie est ensuite localisable au lieudit « Ramatuelle » où a été
découvert, en 1942, dans un champ près de la chapelle de la Trinité, un
milliaire quadrangulaire de Néron aujourd’hui conservé à proximité du lieu de
la découverte, dans le jardin d’une maison (ILG Fréjus n° 187) :
NERO
CLAVDIVS
DIVI
CLAVDI F(ilius)
(G)ERMANICI
CAESARIS
NEP(os)
TI(berii) CAESARIS AVG(gusti)
PR(o)
NEP(os)
DIVI AVG(usti) ABNEPOS
CAESAR AVG(ustus)
(Germ)ANICVS PONT(ifex)
MAX(imus)
TR(ibunicia) POT’estate)
IIII IMP(erator) IIII
CO(n)S(ul)
III P(ater) P(atriae)
RESTITVUIT
« Néron
Claude César Auguste, fils de Claude divinisé, petit fils de Germanicus César,
arrière petit fils deTibère César, arrière arrière petit fils d’Auguste divinisé, vainqueur des
Germains, grand pontife, titulaire de sa 4ème puissance
tribunicienne, triomphateur pour la 4ème fois, Consul pour la 3ème
fois, père de la Patrie a restauré (cette route) ». Le nombre de milles
n’est pas indiqué : probablement XXIIII milles de Fréjus.
La problématique des camps de 43 avant
J. C. :
Quatre
lettres conservées dans les « Epistulae ad Familiares » en font état :
-
X 17 de Plancus à Cicéron (peu après le 18 Mai 43) :
« Scr. ex itinere ad Forum Voconii, en route vers Forum Voconii ».
« … Lépide a son camp devant Forum Voconii,
localité distante de Fréjus de 24 milles, et a décidé de m’attendre à cet
endroit… ».
-
X 34 de Lepide à Cicéron (peu après le 18 Mai 43) : « …
J’ai gagné Forum Vocontium à marches ininterrompues
et établi mon camp plus loin au bord de l’Argens face aux Antoniens… ».
« Plus loin », c’est à dire, selon toute vraisemblance, plus à l’Est
car, deux lignes plus loin, il ajoute « au delà du mien » (sous
entendu : qui viens de l’Ouest). Il date sa lettre de « in castris ad Pontem Argenteum ». Il implante donc son camp à proximité
d’un pont sur l’Argens.
-
X 34a de Lepide à Cicéron (22 Mai 43) : lettre également datée
d’ « in castris ad Pontem
Argenteum ».
-
X 35 de Lepide au Sénat (30 Mai 43) : lettre toujours datée
d’ « ad Pontem Argenteum ».
C’est le jour de sa jonction avec Antoine qui s’est donc opérée sur le pont ou
à proximité immédiaite.
Discussion :
Lepide
vient – c’est incontestable – de Forum Voconii. S’il
emprunte – ce qui est largement vraisemblable – le tracé dit Républicain, il
passe alors à Châteauneuf et s’arrête non loin du « Pons Argenteus », sur la rive gauche. Ce pont serait alors
celui d’Astros et, en ce cas, Antoine serait campé
sur la rive droite de l’Argens, vers « le Pis » ou « le Plan de
la Barque » ou encore au « Coua de
Can » (le camp ?).
Mais,
selon Camille Jullian (H. G. I, 1149) Lepide aurait
campé sur la rive Sud, dans la plaine, en amont du pont d’Argens ou sur la
colline « en arrière de la chapelle Sainte Anne ». Dans le même
temps, Antoine, selon lui, aurait campé aux « Quatre Chemins » ou
« derrière la chapelle Saint Martin ». Selon P. A. Fevrier c’est également au pied de la butte de Taradeau qu’aurait eu lieu la confrontation.
Ces
théories se heurtent cependant à deux obstacles : les « Quatre
Chemins » correspondent davantage au tracé post Républicain et à Saint
Martin il n’y avait, au mieux, qu’un gué. Le contexte de Rondin se prête mieux
à une concordance avec les textes qui semblent montrer que les camps étaient
situés de part et d’autre de l’Argens et qu’il y avait, sur cette rivière, un
pont.
Telle
n’est cependant pas la version d’Appien (« les guerres civiles à
Rome », Chapitre XII, 340) :
« …
Antoine gagna le bord d’une rivière où Lepide avait
installé son camp et il établit le sien à côté (cela peut toutefois
signifier « en face ») sans l’entourer d’une palissade ni d’un fossé,
exactement comme on campe à côté d’un ami ».
L’épilogue
est connu : le 29 Mai (X 23,2) se produit le grave événement tant redouté
par les Républicains : « Lepide, cédant
plus ou moins à la pression de ses troupes, ouvre les portes de son camp aux
soldats d’Antoine qui fraternisaient de plus en plus ouvertement avec les gens
d’en face » (Appien).
Dorénavant
il faisait cause commune avec lui. Sa brève dépêche officielle datée du 30 Mai
(X 35), alléguant la contrainte exercée sur lui par ses troupes mais faisant
sienne leur soif de concorde civile, est
confirmée, pour l’essentiel, par le récit détaillé d’Appien et par les
indications que fournit une lettre de Plancus en date
du 6 Juin (X 23).
La
vérification minutieuse des distances montre que le « Pons Argenteum » de la rencontre doit être situé à
Rondin : outre que ce pont est situé sur le tracé le plus ancien de
l’accès à Forum Voconii, les données épistolaires
(« Forum Voconii qui locus a Foro
Iuli quatuor et viginti millia passus abest »)
s’accordent parfaitement avec l’hypothèse du pont Ouest – situé à
Mais,
en admettant que les deux armées aient bien campé de part et d’autre du pont de
Rondin (Lepide sur la rive Sud et Antoine sur la rive
Nord) que serait-il advenu si Plancus avait poursuivi
sa marche jusqu’à Forum Voconii, ignorant, du reste,
que, dans le même temps, Lepide avait quitté le Forum
pour gagner les bords de l’Argens (X 34) ? Il serait, nécessairement,
tombé sur l’armée d’Antoine et non sur celle de Lepide !
A moins d’admettre – ce que ne disent nullement les textes – que Lepide, en venant de Forum Voconii
ait traversé l’Argens à Rondin et ait établi son camp sur la rive droite,
cependant qu’Antoine, venant de Fréjus, aurait suivi une voie jusqu’à
Châteauneuf puis établi son camp rive gauche… Ou, tout simplement, que Lepide avait, bel et bien, tendu un piège fatal à Plancus !
FORUM VOCONII :
Les
quartiers contigus des Blaïs (sur la commune de
Vidauban) et de la Trinité et des Termes (sur la commune du Cannet des Maures)
forment un seul site archéologique ayant livré des vestiges de voirie, de
bâtiments publics, d’habitations et de nécropoles, situés de part et d’autre de
la voie romaine, aujourd’hui recouverte par l’autoroute A 7 et, à l’Ouest, par
la Nationale 7 : au moyen âge elle était encore désignée sous le nom de
« Via Publica ».
C’est
l’emplacement le plus vraisemblable de Forum Voconii,
situé par Plancus à 24 milles à l’Ouest de Fréjus.
Forum
Voconii est cité dans plusieurs sources
antiques :
-
Cicéron : Ad
Familiares X 17 et X 34
-
Pline : N.
H. III, 4, 37
-
Itinéraire
Antonin
-
Table de
Peutinger
-
Anonyme de
Ravenne.
Selon
les correspondances, Forum Voconii était situé à 24
milles à l’Ouest de Fréjus. L’Itinéraire Antonin donne la distance de XVII
milles que l’on a proposé, à juste titre, de corriger en XXII milles que donne
la Table de Peutinger et qui correspondent bien au tracé post Républicain de la
voie. Du reste, le report des distances sur la carte IGN permet bien de fixer
la position du Forum entre Vidauban et le Cannet, dans le voisinage des Blaïs.
Situé
de part et d’autre de la voie romaine, le vaste gisement des Blaïs pourrait s’étendre encore vers le Sud jusqu’à la
ferme des Termes.
Forum
Voconii a commencé à se développer au bas des pentes
de la Cadenière, au débouché d’une voie de pénétration
vers l’Argens et en bordure de la plus ancienne voie romaine du secteur. Il
s’est ensuite étendu au Sud de cette voie au cours du Haut Empire. Il paraît
avoir été intensément occupé jusqu’au début du IVème siècle, puis abandonné
ensuite. Toutefois, le lieu est encore cité par l’Anonyme de Ravenne au VIIIème
siècle.
L’agglomération,
qualifiée d’ « Oppidum Latinum » par
Pline, était dotée de monuments publics, peut-être élevés dans la seconde
moitié du 1er siècle avant J. C. à l’occasion de l’octroi du
« jus latii » (en 42 avant J. C. ?).
Si elle servait de marché, comme son nom l’indique, l’agglomération
Avait aussi des fonctions artisanales et
agricoles. Par contre, on ne sait toujours pas s’il s’agit d’une localité
secondaire rattachée à Fréjus dès la fondation de la Colonie ou d’une « Respublica » dotée de l’autonomie administrative, du
droit latin et donc, d’un territoire propre.
Barruol
dit qu’il verrait volontiers dans ce Forum, que Lepide
nomme « ad Forum Vocontium » (X 34)
(« au marché Voconce » !), le marché méridionnal, une sorte de comptoir où les Vocontii auraient acheminé leurs produits naturels.
On
sait, du reste, qu’une voie directe joignait Forum Voconii
avec la côte et, notamment, Olbia. Le rapprochement
est néanmoins surprenant car, selon toute évidence, le nom du Forum – situé du
reste en territoire Vericicini, peuple de la
confédération Salyenne – a du être banalement formé sur le même modèle que
Forum Domitii ou Forum Julii
à partir, vraisemblablement, d’un anthroponyme Voconius.
A
Notre Dame de la Trinité, dans la partie Ouest de l’agglomération antique, un
milliaire quadrangulaire a été jadis trouvé (CIL XII, 5468) :
NERO CLAVDIVS
DIVI CLAVDIVS F(ilius)
(G)ERMANICI C(aesaris) NEP(os)
Ti(berii)
C(aesaris) AVG(gusti)
(Pro)NEP(os)
DI(vi) AV(gusti) (abnepos)
CAESAR (Augustus)
GER(manicus) PONTIF(ex)
M(aximus) TR(ibunicia) POT(estate) IIII
IMP(erator)
IIII
CO(n)S(ul)
III P(ater) P(atriae)
RESTI(tuit)
« Neron Claude César Auguste, fils de Claude divinisé, petit
fils de Germanicus César, arrière petit fils de Tibère César Auguste, arrière arrière petit fils d’Auguste divinisé, vainqueur des
Germains, grand pontife, titulaire de sa 4ème puissance
tribunicienne, triomphateur pour la 4ème fois, Consul pour la 3ème
fois, père de la Patrie a restauré (cette route) ».
Ce
milliaire a été trouvé à proximité de celui aujourd’hui conservé à Ramatuelle
sur Vidauban, ce qui laisse à penser que l’une des deux bornes avait sans doute
été apportée à la chapelle de la Trinité lors de sa découverte, car on ne peut
penser que deux bornes identiques aient été placées au même mille.
On
notera enfin qu’à l’église Saint Pierre (dite Notre Dame de Nazareth) sur la
commune de le Luc, un milliaire de
Néron, strictement identique dans sa rédaction, avait également été découvert
(CIL XII, 5469).
En
direction d’Aix en Provence (qui sort du cadre de la présente étude) le
territoire du Cannet a également livré d’autres vestiges antiques :
notamment un habitat et une nécropole à Saint Maïsse
et des habitats ruraux à Théron et à Gueiranne.