LA VOIE DE VIENNE A MILAN (Voie Agrippa ou Prétorienne)

 

 

Cette voie, par les Alpes Grées est antérieure à l’œuvre routière accomplie par Rome dans notre région puisque Pompée l’aurait empruntée pour se rendre en Espagne en 77 avant J. C. Réaménagée dans les dernières années précédant notre ère par Agrippa elle est mentionnée par la Table de Peutinger et l’Itinéraire Antonin avec cependant des erreurs de comput (Vienne est située à 31,5 km et 29,5 km de Bourgoin au lieu de 37).

 

L’une de ses particularités est la pérennité du jalonnement milliaire dans la toponymie communale aux abords de Vienne : Septème (Ad Septimum lapidem) est à l’emplacement de la septième borne, Oytier (Ad Octavum lapidem) au niveau de la huitième, tandis que Diémoz (Ad Duodecimum lapidem) suggère la présence de la douzième borne (et non de la dixième comme on l’a souvent avancé).

 

On notera que Septème correspond en fait à une distance de huit milles romains de l’enceinte de Vienne mais au septième milliaire en application de la Lex Iulia Municipalis.

 

Le tracé de cette voie a été repéré par le Dr J. Saunier qui a su concilier les apports divers de l’histoire, de la géographie, de l’archéologie, de la toponymie, de l’hagiographie et même des traditions folkloriques en fidèle émule d’Albert Grenier. Cela lui a notamment permis de rectifier quelque peu le tracé préconisé par P. Saint Olive.

 

Selon J. Saunier la voie Vienne-Bourgoin n’eut aucune utilité commerciale et il est de fait qu’elle eut à subir très tôt la concurrence du compendium Lyon-Bourgoin qui draina les richesses vers la Capitale des Gaules. Néanmoins elle eut toutes les qualités d’une grande voie militaire et administrative par les soucis de sécurité et de solidité qui présidèrent à son aménagement, évitant combes, marais et régions boisées.

 

Après lui, F. Dory a repris le tracé étudié en y apportant quelques modifications ou suggestions.

 

Ce qui suit est la synthèse de ces différents travaux.

 

 

I – de Vienne à Bourgoin :

 

 

La voie partait de l’ancien pont sur le Rhône, détruit en 1631. Une borne milliaire découverte en 1752 à 60 pas au dessous de la porte du pont, dans les fondations d’une maison devait marquer le départ de la voie. A la sortie du pont, celle ci remontait le long du fleuve et longeait le pied des remparts sur la Via Publica qui devait correspondre à l’actuelle rue de Bourgogne où l’on a trouvé des traces de chaussée romaine.

 

Elle gagnait alors le « Trivium Peroni », devenu au moyen âge le Cours de l’Eperon sur l’ancienne place du Plâtre où s’élevait jadis l’église Saint Pierre entre Juifs. A ce carrefour aboutissait une rue descendant de la ville haute sur le tracé de l’actuelle rue Marchande qui recouvre un égout romain.

 

Elle parcourait ensuite le quartier de Cuvière et franchissait la Gère sur un pont situé à l’emplacement de l’actuel pont Saint Martin. Au débouché du pont, l’évêque Saint Nizier éleva, au 5ème siècle la première église Saint Martin, située selon la coutume aux abords d’une voie romaine.

 

La voie franchissait le ruisseau du Fuissinet puis elle continuait à longer la Gère où son passage est évoqué par la toponymie et attesté par la présence de dalles.

 

Selon le Dr Saunier elle traversait alors le « Vicus Brenniacus », que F. Dory situe au quartier de Cancanne, chef lieu d’un « ager » où s’élevait une « Basilica Sancti Romana » et arrivait au bourg de Pont Evêque, dont le nom apparaît au 15ème siècle par une déformation de « Pons Leveca », c’est à dire le pont sur la Vega.

 

L’évidence archéologique est ici matérialisée par des tronçons de voie dallée mis au jour au 19ème siècle dans le « faubourg de Pont Evêque », le long de la Gère ainsi que par trois inscriptions funéraires appartenant à la nécropole orientale de Vienne.

 

F. Dory pensent que d’autres trouvailles effectuées sur la commune de Pont Evêque peuvent être des jalons appréciables. Il s’agit de deux caves romaines contenant ossements et amphores, de deux sculptures en marbre et en bronze ainsi qu’un vase de cet alliage et, surtout, de deux urnes cinéraires exhumées à quelques mètres au Nord de la voie. On notera également les appellations très suggestives de la Croix Rouge, de Pont Rouge et du Chemin Vieux

 

Enfin, la tradition folklorique n’est pas inintéressante. C’est ainsi qu’elle fait de Chapulay le lieu d’une « chapelle » légendaire de Saint Blaise « édifiée par Charlemagne » qui aurait par ailleurs installé sa résidence au « Palais » où « il organisait de grandes chasses dans les contrées avoisinantes » selon la rumeur véhiculée jusqu’à nos jours. A. Grenier insiste à l’envi sur la prise en compte de ces légendes épiques colportées par les trouvères le long des routes de pèlerinage et de leurs stations pieuses, légendes qui sont nées ou se sont fixées aux abords des voies romaines.

 

La vallée de la Vega imposa des servitudes géographiques. Creusée par des torrents glaciaires, cette plaine morte est parcourue par de nombreux ruisseaux, sujets à des crues subites et violentes. Désireux d’éviter un sol humide et marécageux les romains ont utilisé les deux berges de cette vallée.

 

Au Nord, sur la rive droite, ils créèrent le chemin qui porte au moyen âge le nom de « voie Lyonnaise ». Ce chemin desservait au début du 13ème siècle le village de l’hôpital qui, entre 1256 et 1289, devint le Péage de Septème. Vers la même époque fut créé un tronçon de route pour relier le Péage à Diémoz en longeant au Sud l’antique forêt de Chanoz qui s’étendait sur une douzaine de kilomètres.

 

Mais, soucieux d’éviter la proximité d’une forêt profonde, les Romains avaient établi la voie principale au Sud, sur la rive gauche de la Véga.

 

Dès la sortie du pont sur la Vega, cette voie court par la route de la Plagne en direction de la Charpenne de Murs. On arrive ainsi en vue du territoire du Layet. La voie devait traverser le Baraton, sans doute à gué, et pénétrait sur le territoire du Palais.

 

La voie suivait sans doute ensuite le tracé du vieux chemin qui relie le territoire du Palais à Subtuer (emplacement d’une ancienne église vouée à Saint Etienne, vocable qui peut remonter au 5ème siècle et inscription funéraire paléochrétienne d’Eldradus dans un champ de Vervaux) puis pénétrait dans la vallée et continuait un trajet rectiligne en direction de l’église de Septème. C’est probablement près de là que devait se trouver le septième milliaire.

 

Le village de Septème a livré en 1953 une belle mosaïque de haute époque (conservée dans le sous sol l’école et classée Monument Historique le 17 septembre 1954) sous un niveau de tegulae et de céramiques ainsi que diverses traces d’occupation antique à travers champs et jardins. En outre, la présence d’une église dédiée à Saint Symphorien d’Autun est attestée dès le 9ème siècle, peut être à l’emplacement de l’église actuelle.

 

J. Saunier a également souligné que la voie suivait la limite des mandements médiévaux de Septème et de Beauvoir de Marc, aujourd’hui limite cantonale jusqu’à Layet. Une charte du 11ème siècle et un texte de 1247 nomment cette route « Via Publica » à Layet et Vervaux. Un terrier de 1383 évoque l’ »Iter Publicum » reliant Vienne à Diémoz tandis que le « Grand Inventaire de la Chambre des Comptes » de 1276 signale « le chemin qui tend de la Porte de la Vie et de cette porte par la route de la Plagne en direction de la Charpenne de Murs ». D’autre part, un albergement de 1346 parle de « chemin de Vienne à Chapoley » parcouru par les pèlerins de Saint Oyand depuis le Bessay d’Estrablin. Ces mêmes pèlerins empruntaient ensuite le « chemin de la croix de Perigrinorum au bois commun de Chapoley » qui, aboutissant au Péage de Septème, se confond avec la voie au moins jusqu’à Septème.

 

La voie longeait alors la butte du château de Septème où elle rencontrait le chemin de Septème à Oytier dit « chemin de Pavie » (chemin du Pavé). Ce chemin, délaissé depuis la construction d’un pont plus au Nord, marque vraisemblablement le tracé de la voie antique.

 

Un autre point de cet itinéraire peut servir à la jalonner : le gué sur la Charantonge ; cet ancien gué, fortement dallé et, de nos jours, délaissé, est dans le lit de la Charantonge.

 

Cette vallée de la Charantonge avec son hameau du Vilnin a été fouillée par les Romains pour y capter une source et la conduire d’abord à Oytier et ensuite, dans la plaine. Quelques tronçons d’aqueduc se voient encore sur le talus du chemin de Vilnin à l’entrée et à la sortie du village de Oytier. Plus loin, en direction du Paget ou Pagey, jadis « En Pajay » (pagus antique ?) on a retrouvé aussi des vestiges de cet aqueduc sous forme d’une simple canalisation en maçonnerie recouverte de grandes tuiles à rebord. Ce site du Paget recouvre sans doute une importante villa romaine, peut être même une petite agglomération.

 

C’est encore en Vilnin d’ailleurs, alors que l’on creusait les fondations d’une maison que l’on a découvert, dans les années soixante, une grande tuilerie romaine. Selon la tradition des labours profonds auraient déterré au Nord de l’église des dalles de la voie, encore nommée à cet endroit « chemin des Fées ».

 

Oyrier, qui doit son nom au huitième milliaire depuis Vienne (Ad Octavum lapidem), a livré, en 1848 des bains romains puis, en Décembre 1952, dans la cour qui surplombe le chevet de l’église un mur romain de ces mêmes thermes, peint à fresque dans le style Pompéïen et, en 1956 une autre partie de ces thermes : il s’agit peut être des restes d’une hôtellerie au bord de la voie. L’aqueduc qui alimentait ces thermes se voit encore en coupe sur la route d’Oytier à Saint Georges d’Espéranche au lieudit « les Dames ».

 

Le chemin de Oytier à Saint Oblas (« Villa Sentolatis » au 9ème siècle) représente ensuite l’axe présumé de la voie : il occupe le Sud de la vallée et évite les ravinements du torrent des Eaux Mortes, allant prudemment franchir ce ruisseau capricieux en haut de sa vallée.

 

Sur la rive gauche de la rivière de Saint Oblas courrait un chemin dit de Saint Oblas à Diemoz, aujourd’hui en partie abandonné. Il servait jadis de trait d’union entre ces deux centres ruraux. On notera le lieudit « Grand Maison » (maison de Satolas au 4ème siècle : ancienne mansio ?)

 

Cet itinéraire, tronçon présumé de la route romaine, dominé par le Mollard de Grange Haute, rencontrait une voie transversale signalée dans les actes du moyen âge sous le nom de « Via Siboencha » ou voie publique de Saint Georges à Heyrieux.

 

Après avoir croisé cette voie qui limitait la juridiction de Saint Georges la route romaine pénétrait dans les bans communaux de Diemoz, près du territoire de Maubuisson et, après avoir quitté la vallée du Pétrier pour gagner de la hauteur et atteindre une ligne de partage des eaux entre la vallée de la Grand Combe et la plaine de Chavanoz, elle abordait le village de Diemoz par les hauteurs de Querrier et de Costa.

 

Elle longeait au Nord la butte féodale de Diémoz (fragment de chapiteau et tradition de castrum) pour gagner le quartier de l’église. Il est vraisemblable que près de là devait primitivement se dresser la pierre milliaire qui est à l’origine de ce toponyme routier : Ad Duodecimum lapidem, encore nommé « locus duodecimus muncupatus » au 9ème siècle.

 

Du quartier de « Dieme », encore nommé ainsi en 1640, la voie romaine devait gagner, par le « chemin de la Potence », Notre Dame de Lestra, témoignage à la fois toponymique (via strata) et archéologique : en 1990, des restes de construction romaine ont été exhumés : il pourrait s’agir d’une mansio à un site de carrefour important.

 

Sur le plateau de Beausoleil la voie de Milan rencontrait une autre route romaine : le « grand chemin » direct de Lyon à Grenoble. Aujourd’hui, le carrefour s’appelle le « Trievoz Gillet ».

 

A partir de ce carrefour, la voie devait suivre le tracé de la route moderne jusqu’à Saint Bonnet de Roche, à quelques rectifications près. Elle se trouvait légèrement plus au Nord pour descendre dans le vallum morainique que représente actuellement la vallée de Bonnefamille, le Bivet, la Fuly. Des tronçons se voient encore au bas de la chaussée actuelle.

 

Elle passe au pied de la butte de Bonnefamille (« Menufamille » jusqu’au 19ème siècle. A l’endroit appelé « la Taverne » (ancien relais romain ?) se greffe un embranchement de chemin ancien en direction de Fallavier par Villefontaine et, près de là, un tronçon de la vieille route, délaissée aujourd’hui par une rectification, montre son pavage ancien.

 

En suivant le tracé de la route moderne de Saint Bonnet, la voie antique pénètre sur la commune de Roche près de la croix de carrefour qui avoisine le monument aux morts.

 

Avant d’arriver au petit village de Saint Bonnet, la route longe, à main gauche, le domaine de Vaugelas. Après le village et une fois la Biaume franchie la route moderne oblique brusquement au Nord alors que la Via Publica continuait, elle, en ligne droite en direction de Saint Alban en passant sur le plateau des Quincia.

 

Ce plateau se situe à l’Est de la Combe de la Biaume, en partie sur la commune de Roche et en partie sur celle de Four. Ce toponyme traduit son origine romaine.

 

Au Nord de la route se situe le domaine dit des « Trois Eaux » où l’on a découvert des vestiges romains : poteries, tegulae et monnaies impériales. La ferme actuelle est d’ailleurs vraisemblablement située sur l’emplacement d’une villa romaine.

 

Puis, la voie se dirigeait vers Saint Alban de Roche, traversait le village (dont l’ancien nom était « Saint Alban de strata ») qui a livré divers vestiges antiques et, par le « chemin d’Ytra » et le lieudit « la Ladrière », gagnait le territoire de Domarin, qui a lui aussi livré des restes romains (substructions, tegulae, poteries…).

 

En quittant Domarin, la voie romaine se dirigeait directement sur Bourgoin qu’elle devait aborder dans les parages de la Maladière, emplacement d’une maladrerie citée en 1344.

 

Bourgoin :

 

Il est possible que le plateau de Beauregard ait été un site d’oppidum antérieur à la conquête romaine appelé Bergusia du nom d’une divinité gauloise honorée notamment à Alésia où un temple lui été consacré. C’est le nom que porte la localité sur l’Itinéraire Antonin, cependant que la Table de Peutinger la nomme Bergusium.

 

On ne sait rien du statut de l’agglomération mais, selon toute vraisemblance il s’agit d’un vicus établi sur la voie romaine dont la plus grande période de prospérité semble avoir été atteinte au 2ème siècle sous Antonin le Pieux.

 

Celui ci semble avoir été établi de manière classique : disposition rectangulaire avec un decumanus (rue Victor Hugo) et un cardo (rue de l’hôtel de ville).

 

Le passé romain de Bourgoin s’est affirmé par la découverte, depuis le milieu du 19ème siècle de nombreux vestiges :

-          monnaies du 1er siècle

-          « bisellium », ou siège d’honneur à deux places, conservé au Musée de la civilisation Gallo Romaine de Lyon

-          inscriptions de haute époque (1er siècle avant notre ère ?)

-          substructions vers les halles

-          marques de potiers,

-          éléments de colonnes, tuyaux d’hypocauste, briques de pavage…

-          villa d’époque tardive au pied du château de Petit Mont

-          ensemble de constructions modestes du 1er siècle au bas des pentes de la Rivoire

-          thermes monumentaux (classés Monument Historique) à la Grive

-          plusieurs nécropoles (halles, place Carnot, Saint Jean…).

 

Pour plus de détails sur Bourgoin, se reporter à la Carte archéologique de l’Isère.

 

II- de Bourgoin à la Tour du Pin :

 

Après avoir quitté Bourgoin, la voie passait sur Ruy au lieudit « la Croix Rouge » puis à l’emplacement du « chemin des mulets » sur Cessieu. Sur cette commune, certains toponymes semblent remonter à l’époque romaine : « chemin des mulets » également connu sous le nom de « Vie mulets », « Vie Chade », « Vie étroite », « Vie de Bourcieu », lieudit « les Quatre Chemins » et lieudit « Via la Tra » où des substructions antiques semblent avoir été découvertes autrefois.

 

Après avoir traversé Cessieu, le tracé se retrouve dans le « chemin de Leird » puis à la Maladière ou « Madeleine », rappelant le souvenir d’un établissement hospitalier cité au 14ème siècle et placé, selon la tradition, au bord d’une voie ancienne.

 

Elle coupait ensuite une partie du territoire de  Rochetoirin en passant, en particulier, au lieudit « Cornu » qui a livré des sépultures et abordait ensuite Saint Jean de Soudain, peut-être vers l’église actuelle construite, semble t-il, sur l’emplacement d’un édifice gallo romain (oratoire de bord de route ?).

 

La voie elle même (ou simplement un embranchement) traversait ensuite la Tour du Pin par l’ancien « chemin de l’Extra », devenu l’avenue Victor Hugo, où la voie pavée à été retrouvée à 1,20 m de profondeur vers 1950. Son tracé rectiligne se retrouve ensuite dans les limites communales sur 1,5 km de long (actuelle route Départementale 145 C)

 

La Tour du Pin a livré divers vestiges romains : une inscription aujourd’hui conservée au château de Tournin, un trésor monétaire, une statuette de Mars Ultor aujourd’hui au Musée des Antiquités Nationales, et divers objets (trépied, peson de balance, tête sculptée…) (voir également pour plus de précisions la Carte archéologique de l’Isère).

 

 

III – de la Tour du Pin au Guiers :

 

Après avoir quitté la Tour du Pin, la voie reprenait de la hauteur, s’élevant par la montée de Revolette, pour gagner Passeron sur Saint Clair de la Tour : il semble qu’il y ait eu à cet endroit une station routière ayant livré des substructions, des débris de fresques, une mosaïque et, en 1928, à 4 mètres de profondeur une borne milliaire dédiée à Constantin qui est aujourd’hui conservée devant le mur Sud de l’église (Monument Historique 1933).

 

Ce milliaire témoigne de l’intérêt que la voie de Vienne à Milan suscita auprès des Empereurs romains jusqu’à une époque tardive.

 

L’inscription est la suivante :

 

IMP(eratori) CAES(ari)

FL(avio) VAL(erio)

CONSTANTINO

P(io) F(elici)

AVG(usto)

DIVI

CONSTANTI(no)

PII FILIO

 

A l’Empereur Cesar Flavius Valerius Auguste Constantin, le Pieux, l’Heureux, fils du divin Constance le Pieux.

 

Sur cette commune la voie paraît avoir succédé à un chemin préromain ayant livré, en 1857, un dépôt monétaire allobroge de 500 ou 600 monnaies dont une grande quantité du type de l’hippocampe. Au plan toponymique on relèvera le « chemin de Lestrat ».

 

 

La voie gagnait ensuite le hameau de Bellefontaine, sur la commune de la Chapelle de la Tour, et accédait au plateau de Saint Martin sur cette même commune, dont le nom provient d’une chapelle dédiée à ce saint, aujourd’hui disparue mais citée en 1355.

 

La voie forme ensuite limite entre les communes de la Chapelle de la Tour et de Saint Clair de la Tour et accède au hameau de Charbonnières puis à la croix des Trois Ternans sur Faverges de la Tour, point de jonction des communes de Saint Clair, de la Chapelle de la Tour, de Faverges de la Tour et de la Bâtie Montgascon.

 

Le site du château (cité dès le 11ème siècle) présente une excellente position stratégique commandant à la fois la voie romaine et le chemin de Morestel à Evrieu ou « Via Favergeysia » au moyen âge.

 

La voie se sépare de la route de Faverges en arrivant aux maisons de Balatière – déformation vraisemblable de Maladière -. Une maladrerie est effectivement signalée à Faverges en 1372 et l’on sait combien ces établissements, ainsi que les hospices, étaient le plus souvent situés sur les voies antiques.

 

Celle ci descend ensuite le versant oriental de la commune de Faverges, le long du ravin du Buat, par une descente douce qui traverse les lieudits « les Mouilles » et le « Chatanet ». Sur ce dernier hameau, dit aussi Chatanay, sur Faverges de la Tour, à 100 mètres au Sud de la voie, on a mis au jour, en 1910, les cendres d’un foyer gallo romain qui a révélé un fond de poterie avec l’inscription « Noster ».

 

De ce hameau, la voie se dirige vers le Bourg, hameau de Faverges, et se continue, à l’Est, entre les hameaux du Mollard, sur la Bâtie Montgascon, et d’Artacot sur Corbelin, après avoir coupé transversalement l’actuelle RN 75 sous le château de Faverges.

 

Au Mollard, au dessus d’Evrieu, existe un aqueduc romain amenant encore l’eau au hameau dans une citerne à fleur du sol, de 2 mètres de large sur 4 mètres de profondeur. Peut-être est-ce ce même aqueduc que l’on retrouve un peu plus loin sur Chimilin et qui est connu sous le nom de « fontaine de la Neotonière ».

 

Non loin, à Bressan, également sur le territoire de la Bâtie Montgascon, des substructions importantes ont également été mises au jour au milieu du 19ème siècle.

 

La voie arrive ensuite à « Croix Chevillate » sur Chimilin, à partir d’où le tracé est malaisé à reconstituer jusqu’à Aoste.

 

Cette voie, large en moyenne de 5 à 6 mètres, est restée connue, entre la Tour du Pin et Aoste, sous le nom de « chemin des Nourrices ».

 

AOSTE :

 

Augustum, site du Vicus Augustus, chef lieu du Pagus Octavianus fut vraisemblablement fondée vers 16-13 avant notre ère lors du séjour à Lyon de l’empereur Auguste en vue de l’organisation des provinces gauloises nouvellement conquises.

 

C’est de cette époque que datent les niveaux les plus anciens dégagés sur le site et, en particulier, un four de céramique peinte de tradition gauloise.

 

Le vicus connaîtra une grande prospérité jusqu’au 2ème siècle, pour l’essentiel liée à l’activité de nombreux ateliers de potiers. Il était situé au départ des deux importantes voies conduisant de Vienne à l’Italie, l’une par Genève, Martigny et le Grand Saint Bernard, l’autre par Chambéry, Aime et le Petit Saint Bernard et d’une autre route, de moindre importance, nommée « Vie de Cordon » conduisant au Rhône et à Belley et, au delà, aux pays rhénans.

 

Le « sacellum » (autel de carrefour) du vicus est encore conservé.

 

L’étendue de l’agglomération était relativement importante (plus de 20 hectares) mais sa parure monumentale est mal connue : cinq temples au moins semblent être révélés par l’épigraphie et des monuments publics sont vriasemblables.

 

La voie romaine a été retrouvée anciennement vers la « Croix de Normando » et, plus récemment, en 1958 au bourg même sous la forme d’un radier de galets (pour plus de précisions sur AOSTE voir la Carte archéologique de l’Isère)

 

Après avoir traversé Aoste, la voie bifurquait au niveau du cimetière (Mont Gaudens) et se dirigeait sur le hameau d’Oncinet où le pavage, large de 6 mètres, a été retrouvé en 1848.

 

De là, elle tendait vers le hameau dit « sous Boutey », sur la commune de Romagnieu où elle franchissait le Guiers : aujourd’hui, une trentaine de blocs appartenant à quatre ou cinq piles du pont romain gisent dans le lit du torrent. Ces piles étaient, à l’origine, formées de deux assises de pierres taillées qui reposent directement sur la roche molassique du fond du lit. La première est composée de deux grandes pierres appareillées (1,85 x 0,85 m) tandis que la deuxième compte probablement trois blocs, dont deux, placés aux extrémités, sont percés d’une mortaise pour recevoir un chevalet de soutien du tablier de charpente, de 2,50 m de large. Du côté de la rive Isèroise, la voie suivait un replat le long du Guiers au pied d'u’ banc de molasse jusqu'à’un point d'étranglement où elle franchit brusquement le Guiers en passant sur une assise fortement appareillée, pour retomber sur l’autre berge, quelque 30 mètres plus loin. Le lieudit « Publay » (Ad Publicanos) pourrait conserver le souvenir d’un péage en cet endroit.

 

Parmi les ponts mi-pierre, mi-bois, dont on connaît des exemples à Genève ou dans les Germanies, celui de Romagnieu tient, de par sa forme, une place tout à fait à part.

 

IV- Au delà du Guiers :

 

Selon Van Berchem, le tronçon reliant Aoste à Montmelian aurait été établi sous Claude, à l’initiative de Lucius Julius Fronto qui aurait fait bâtir cette route dans l’intention de relier plus facilement ses propriétés de Frèterive à Vienne, chef lieu de la cité.

 

La distance séparant Augusta de Labisco est de 14 miles, soit environ 21 km, ce qui entretient l’ambiguïté pour situer, soit aux Echelles, soit à Lépin le Lac, cette dernière station. Cependant, les deux tracés possibles sont très inégaux lors du franchissement du chaînon abrupt de Saint Franc :

 

-          jusqu’à Lépin, le passage du goulet de la Bridoire par le vallon du Tier et la Route Départementale 921 E est facile et le seul possible ; il se serait prolongé vers Pont de Beauvoisin,

-          jusqu’aux Echelles, c’est le tracé par les gorges de Chailles qui a pu mener à Pont de Beauvoisin par la petite route du Raclet.

 

De Labisco à Lemencum (14 miles également), l’étape est très hypothétique et ce tronçon, de même que l’emplacement de la station, ont beaucoup divisé les historiens tant les sources sont imprécises et le relief difficile et même effrayant comme l’indiquaient les récits des voyageurs aux 16ème et 17ème siècles.

 

Peu de vestiges sont connus aux Echelles, hormis le petit pont romain de Saint Christophe sur Guiers, situé en dehors de l’axe, et les escaliers taillés dans la barre rocheuse de Saint Christophe (« Ad Scalas » au 11ème siècle).

 

Le site de Lemencum est également controversé : les fouilles de 1993 sur la colline de Lemenc ont été stériles. Faut il envisager de placer la station à Cognin ?

 

Pour la suite de l’itinéraire en direction de Montmélian et du col du Petit Saint Bernard, on se reportera à l’étude de la voie romaine de Grenoble à l’Italie par ce col.

 

 

En ce qui concerne la voie du col du Grand Saint Bernard, celle ci se poursuivait d’Augusta jusqu’à Etanna (Yenne), à 12 miles, par le tracé de la Route Nationale 516 actuelle qui suit au plus près la pente abrupte : la position de Yenne et de sa mutatio antique sur la cluse du Rhône laisse par ailleurs penser à un passage à gué sur le fleuve ou même à un pont.

 

Jusqu’à Portout, le tracé n’est pas déterminé avec sûreté mais la traversée des marais de Chautagne vers Chindrieux ne pouvait guère s’effectuer que par Portout, point d’embarquement au Bas Empire des céramiques locales.

 

De là, la voie gagnait la station de Condate (Seyssel) puis par Frangy, Minzier, Jonzier et Carouge (Quadrunuim), le Vicus puis la Cité de Genava et, au delà, le col du Grand Saint Bernard.

GENEVE :

 

César mentionne l’oppidum de « Genua » dans le Bellum Gallicum (1-6-8), qui servit de point d’appui à sa politique de conquête.

 

Genava est ensuite l’un des principaux vici de la civitas des Allobroges. Elle deviendra chef lieu de civitas vers la fin du 3ème siècle, sans doute en même temps que Grenoble.

 

Au Bas Empire, l’agglomération remparée entoure une superficie de 5 ha.

 

Genève a révélé un pont sur le Rhône (cité dès César), un port fluvial, un temple sous la cathédrale, un mithraeum, un praetorium et a livré une centaine d’inscriptions.