LA VOIE DE CULARO A VIENNA

 

C’est la seule – avec sa continuation sur le Montgenèvre par l’Oisans – a être mentionnée par la Table de Peutinger avec deux stations intermédiaires : Morginno et Turecionno.

 

Comme pour la voie entre Grenoble et Briançon, les distances portées par la Table sont manifestement inexactes car la distance globale ressort à 43 milles (64 km) alors que le tracé le plus court entre les deux villes ne représente pas moins de 91,5 km soit 61 milles.

 

Si la distance entre Culabone et Morginno apparaît correcte (14 milles soit 20,7 km, c’est à dire exactement la distance actuelle) de même que celle entre Turecionno et Vigenna (15 milles soit 22, 5 km, c’est à dire, à 1 km près, la distance actuelle) il n’en va pas de même de celle entre Morginno et Turecionno : la Table mentionne 14 milles alors que la distance effective est de l’ordre de 47 km. C’est la raison pour laquelle la plupart des auteurs ont proposé de corriger les 14 milles - résultant peut-être d’une erreur de copiste puisqu’il s’agit de la distance précédente entre Culabone et Morginno – en 32 milles (XXXII au lieu de XIIII).

 

Enfin, une controverse subsiste encore en ce qui concerne la localisation de la station de Turecionno : même s’il apparaît largement probable de situer celle ci à Tourdan, certains auteurs inclinent toujours pour une localisation à Ornacieux.

 

Cette variante au tracé classique de la voie de Grenoble à Vienne sera également étudiée.

 

 

DE CULARO A MORGINNUM

 

La voie de Vienne quittait Cularo sur la rive droite, au débouché du pont sur l’Isère. La montée Chalemont et le chemin du Fort Rabot par le niveau supérieur du jardin des Dauphins représentent le premier tronçon de cette voie.

 

Du Fort Rabot, elle redescend sur Saint Martin le Vinoux en passant près de l’ancienne demeure de Guy Pape, peut être bâtie à proximité, ou sur l’emplacement, d’une grande villa suburbaine.

 

L’exploitation de carrières en ce lieu a défiguré le paysage ancien. Voie de passage Allobroge, puis Romaine, elle fut utilisée également durant tout le moyen âge. C’était, en effet, la seule route possible en direction de Vienne, l’Isère venant affleurer la base de la colline à l’emplacement de l’actuel quai de France.

 

Le tracé de la voie, reconnaissable et encore visible en certaines sections, était toujours connu à Clémencières,  il y a peu de temps, sous l’appellation générique de « voie romaine ».

 

Des carrières, la voie se poursuit sur le coteau vers le cimetière et l’église de Saint Martin le Vinoux, suit à l’horizontale le chemin du Canet puis le chemin de l’église qui rejoint et franchit le ruisseau du Souchet à Pique Pierre.

 

De là, elle rejoint la Buisserate au bas des pentes, sans doute derrière le château de la Balme.

 

Au pied du Néron, la voie, revenue au niveau de la plaine puisqu’il n’existait plus d’obstacles naturels, se continue en direction du quartier de « la Maladière », rappelant l’emplacement d’une maladrerie médiévale citée en 1244. De là elle correspond à un chemin de terre conduisant à la ferme de Fiancey sur Saint Egrève puis au hameau du Muret ; le mur du château le borde sur sa droite.

 

Après le château, R. Truc a envisagé deux solutions possibles :

 

-          le chemin qui continue jusqu’à la Monta franchissant le ruisseau de la Vence sur un vieux pont et se dirigeant vers l’église,

-          le chemin qui se dirige sur Cuvilleux puis franchit la Vence avant de poursuivre également sa direction jusqu’à l’église de Saint Egrève.

 

En faveur du premier de ces tracés, on notera qu’un habitat du 2ème siècle à été mis à jour à la Monta, en 1977, à proximité d’une voie.

 

De l’église de Saint Egrève, la voie tend sur le domaine de Rocheplaine, limite communale entre Saint Egrève et le Fontanil.

 

De Rocheplaine, la voie se dirige sur Cornillon où elle rejoint la route du Fontanil ; on notera la présence, à cette bifurcation, d’une croix, peut-être ancienne.

 

Un diverticule de la voie de Vienne semble avoir desservi le rocher du Cornillon, sur lequel A. Macé situait l’oppidum gaulois de Vencia et qui a livré divers vestiges antiques mêlés aux vestiges médiévaux d’un château delphinal.

 

Au village du Fontanil, la voie enjambe le torrent devant l’école et se poursuit, le long de l’église, en direction du lieudit « Valetière », limite Nord de la commune.

 

C’est dans un contexte alors isolé, au lieudit « Beauregard », en bordure de la voie romaine, qu’a été découvert, à l’occasion de travaux de construction d’un ensemble immobilier en Mai 1979, à 2,50 mètres de profondeur, un trésor monétaire : un grand vase ovoïde contenait 2584 antoniniani du 3ème siècle (Gallien, Claude II,Tétricus), la date de l’enfouissement étant probablement l’année 276.

 

A Valetière, la voie franchissait le contrefort de la Roche, selon un passage indéterminé, pour redescendre de l’autre côté par un chemin encore bien marqué.

 

De là, et jusqu’à Saint Vincent du Plâtre, la voie reste nettement indiquée ; la présence, en différents points, de vestiges de murs de soutènement rappellent son importance stratégique à l’époque antique et, au delà, durant tout le moyen âge.

 

A partir de Saint Vincent – où subsistent, à peu de distance du château du même nom, les restes d’une croix – la voie est aujourd’hui recouverte par une route,  de forte inclinaison, conduisant à l’église du Chevallon.

 

L’itinéraire se prolonge par le « chemin vieux », ancienne route de Grenoble à Lyon sur le cadastre napoléonien.

 

La voie peut ensuite être localisée au Bourg Vieux. Au delà, elle se confond avec la déviation moderne puis s’en détache, en demeurant bien visible entre deux hauts murs jusqu' à la digue de la Roise.

 

Interrompue au passage du torrent la voie reparaît, de l’autre côté, sous l’aspect d’un modeste chemin d’une centaine de mètres qui disparaît ensuite sous la route moderne. Au quartier de la Poste elle se retrouve sous la forme d’un chemin qui rejoint le pied des escarpements au quartier des Balmes.

Elle portait là, au moyen âge, le nom de « chemin des chevaliers ».

 

Au delà d’une fabrique de matériaux de construction elle se confond un moment avec la route moderne qu’elle quitte à nouveau sur la droite après environ quatre cents mètres. C’est, dès lors, un chemin nettement tracé, en légère élévation, qui conduit à la Buisse.

 

Elle passe aux Balmes puis au lieudit « les Termes », emplacement d’une villa romaine avec balnéaire, fouillée au début du XIX° siècle qui présente encore quelques vestiges (classés Monument Historique). On peut d’ailleurs s’interroger sur la destination exacte de cet ensemble : peut-être s’agissait-il d’une mansio au bord de la voie.

 

Passant au cœur de la Buisse, près de l’église, la voie rejoint, en descendant, la route de Voiron qu’elle traverse à la cote 232,4.

 

Elle se confond ensuite, sur la commune de Saint Jean de Moirans, avec une route moderne passant entre « le Roullet » et « les Nugues ». Elle est jalonnée de plusieurs croix et l’emplacement d’ une commanderie de templiers témoigne encore de la pérennité que la voie antique avait conservée au moyen âge.

 

Par Colombinière, la voie atteint Moirans.

 

MOIRANS :

 

C’est le « Morginno » de la Table de Peutinger (forme nominative : Morginnum), et le « Maurogena » de l’Anonyme de Ravenne.

 

Le site est habité dès au moins la fin de l’époque de l’indépendance : en 1879, dans les fondations d’une école on a exhumé une portion de voie antique près de laquelle, deux vases en terre cuite rouge contenaient plusieurs centaines de monnaies allobroges du type au cavalier, à l’hippocampe, au cheval et au bouquetin (vers 75 avant notre ère).

 

Antonin Macé pensait que Morginnum était un vicus fortifié et voyait dans la « tour romaine » un reste d’enceinte antique. Au pied de celle ci des objets (lacrymatoires, vases…) et des monnaies romaines ont été trouvés mais rien n’indique que le matériel recueilli soit archéologiquement lié à la construction.

 

On s’interrogeait, jusqu’alors, afin de savoir si la voie de Vienne traversait Moirans. La réponse est maintenant assurée : elle a été retrouvée rue des Frères Pâris, où elle était dotée d’un système de trottoir, et à Champlong : sur ce dernier site, des fouilles préventives conduites en 1996-1997 ont livré, sur 25 mètres de long, les vestiges de la voie ; large de 6 mètres, épaisse de 0,50 mètre, elle était aménagée en tranchée dans le substrat et limitée, au Sud, par un fossé parallèle à la chaussée. A proximité, a été trouvé un petit ensemble funéraire des 3ème-4ème siècles.

 

A Saint Jacques, la voie était depuis longtemps localisée par la découverte, en 1881, d’un très beau couvercle de sarcophage.

 

(Voir également pour plus de détails > MOIRANS dans Carte archéologique de l’Isère)

 

DE MORGINNO A TURECIONNO

 

Au delà de Moirans la voie semble se diriger vers Charnecles qu’elle pouvait aborder en traversant le « Ri-Dolon » sur un pont, toujours en service, marquant les confins des communes de Moirans, Charnècles, Saint Cassien et Réaumont. De là, elle semble passer près des sources cultuelles du Rochat, à Tréfond, aux « Etrats » (via strata) et enfin aux abords de « Mercuel » (sanctuaire à Mercure ?) sur Réaumont.

 

Puis, la voie se dirige sur Rives et l’on peut hésiter entre deux possibilités : si l’on admet que le pont qui enjambe la Fure au fond d’un vallon encaissé occupe un emplacement traditionnel on l’atteint, soit par le carrefour à six branches, soit par le chemin prenant à gauche au sortir de Charnècles.

 

Remontant du fond de la gorge, la voie devait traverser Rives en ligne droite, suivant la rue principale, puis au sortir de la ville passer au quartier, révélateur, de « la Maladière ». Au delà, elle doit se confondre avec la route moderne.

 

Ayant franchi le « Seuil de Rives », c’est à dire la moraine des anciens glaciers, la voie atteint et traverse la plaine de Bièvre. C’est une zone de parcours aisé, très plate, formée de terrains perméables, donc à l’abri des eaux. L’orientation est franchement Ouest.

 

L’identification de la voie, de Beaucroissant à Marcilloles, ne pose aucun problème dans la mesure où la route moderne recouvre, en large partie et assez exactement, le tracé antique :

 

-          elle a conservé l’allure de la voie romaine ; en plusieurs points elle se présente sous l’aspect d’une ligne brisée (par exemple, entre Sillans et Saint Etienne de Saint Geoirs)

-          comme la voie antique, elle se tient à l’écart des agglomérations qu’elle évite ou se contente d’effleurer, à l’exception de Marcilloles qui, de toute évidence, est un village-rue

-          dans les anciens textes, elle figure sous le nom de « chemin de Saint Martin », souvenir supposé du passage de l’évangélisateur de la Gaule.

-          Sur une grande ligne, après Brézins, la route sert de limite communale.

-          La toponymie vient aussi à l’appui : on rencontre, sur ce segment de la voie, des lieudits caractéristiques : « le Grand Chemin », « le Temple », « l’Hôpital »…

 

A Beaucroissant, à l’entrée de la Bièvre, existe un hiatus important dans le développement de la voie. Au sortir de Rives elle s’observe, à peu près, jusqu’au lieudit « le Grand Chemin » malgré la profonde tranchée du chemin de fer. Là, elle semble disparaître. En fait, selon R. Truc, l’observation attentive de la carte IGN au 1/25 000° de 1890-1910 et des photographies aériennes permet de la déceler sous la forme d’un alignement de talus pierreux, d’arbres et de buissons en bordure d’une terrasse qui longe et domine de quelques mètres la route de Beaucroissant à Izeaux.

 

A l’endroit où la route se hausse jusqu’à cette terrasse, elle retrouve et adopte le tracé antique.

 

On sait que Beaucroissant a livré de nombreux vestiges antiques : temple à Mercure (ancien lieudit « Artay »), thermes antiques probables (lieudit « le Bain »), substructions le long du « Grand Chemin ». La très ancienne foire du lieu est peut-être d’ailleurs à mettre en rapport avec l’ancienne voie romaine.

 

Sur la commune d’Izeaux, on relèvera les toponymes « le Grand Chemin » et « Champ Martinet ». C’est sans doute de cette commune que provient le milliaire aujourd’hui conservé dans l’église de Saint Paul d’Izeaux. C’est, au demeurant, le seul connu avec certitude sur la voie de Grenoble à Vienne.

 

G. Vallier le disait tiré des ruines de l’abbaye Saint Paul où il avait du être transporté à une époque indéterminée.

 

Seulement cinq des lignes de l’inscription originelle sont conservées :

 

IMP(eratori) CAES(ari)

FL(avio) VAL(erio)

CONSTANTINO

P(io) F(elici)

AVG(usto)

……

……

……

 

Un « terminus a quo » est donné par la mention dans l’inscription, du titre d’Auguste que revêtit officiellement Constantin à partir de 307. Allmer, en s’appuyant sur des exemples régionaux de milliaires constantiniens, restituait ainsi les trois lignes effacées :

 

M AVR(elii) VAL(erii)

MAXIMIAMI

NEPOTI

 

Pour lui, le martelage des lignes en cause aurait été commis à la suite de la lutte qui opposa Maximien à Constantin, son petit fils adoptif, au terme de laquelle Maximien trouva la mort au début de l’an 310. Constantin effaça alors de sa titulature le souvenir de cette parenté qui disparut, dès lors, des monuments épigraphiques.

 

Sur Sillans, on notera le lieudit « l’Hôpital ». Des vestiges romains ont, par ailleurs, jadis été signalés à Vaugauthier (mais il s’agit peut-être d’informations erronées comme le pense W. Meyer dans la CAG 38) et aux « Treize Fontaines ».

 

En ce qui concerne Saint Etienne de Saint Geoirs, la carte d’Etat Major de 1897 montre que, contrairement à la route actuelle qui passe au centre au centre du village, un chemin s’en détachait à l’entrée Est du village, longeait la voie ferrée en dehors de l’agglomération et rejoignait la route à la sortie. Aujourd’hui, la route d’accès à l’aéroport a repris, au moins en partie, le vieil itinéraire.

 

Divers vestiges – dont un important habitat – sont connus. On notera également le lieudit « la Pierre » (ancien milliaire ?) où un dépotoir gallo romain a été mis à jour en 1978.

 

Enfin, on rappellera qu’en 1855, lors de la construction de la ligne de chemin de fer, une portion de la voie romaine fut mise à jour en un endroit qui n’est plus localisable aujourd’hui.

 

Sur Brézins, au lieudit « Vie de Lariot », à peu de distance de la voie romaine, a été découvert, en 1979, un trésor de 1917 petits bronzes allant de Valérien (253-260) à Claude II (268-270). Le toponyme « le Grand Chemin » est également présent.

 

Au delà de Brézins la voie fait limite communale, sur une grande distance, entre les communes de Saint Siméon de Bressieux et la Côte Saint André. Elle est jalonnée de toponymes significatifs : « le  Grand Chemin » (en deux endroits distincts), « la Magdeleine », « le Cheminet »…

 

Dans ce secteur, le tracé de la voie remonte à une très haute origine : c’est en effet au lieudit « le Rival » (anciennement « Mas de Garchat ») que fut découvert, en 1888, sous un tumulus arasé, les restes d’un char cultuel protohistorique du 8ème siècle avant notre ère.

 

Le village de Marcilloles semble s’être modelé sur la voie romaine ; diverses croix le jalonnent (chemin des Poypes, chemin du Collet).

 

Au delà de Marcilloles, la voie est beaucoup moins discernable. Les difficultés commencent au lieudit « le Content » sur la commune de Beaufort. En effet, au Nord la bordure du plateau de la plaine de Buis forme une sorte de falaise. A ses pieds surgissent des sources multiples qui, du lieudit « les Barberons » vont s’écouler par une série de « biefs » (bief de la Tanche, bief Charlet, bief de la Ronze, bief de la Cour) et imprégner la plaine avant de donner naissance à l’Oron.

 

Le marécage interdisant la plaine, certains auteurs ont pensé que la voie romaine l’évitait en escaladant le plateau. On a même cru en retrouver les vestiges dans la « Combe Martin ». C’est, bien évidemment, une possibilité de tracé mais celle ci ne présente pas, pour l’heure, de preuves suffisantes. Or, on ne doit pas écarter la solution plus simple qui consiste à suivre la limite administrative qui rappelle peut-être - comme elle le fait dans une partie du tracé précédent – l’emplacement de la voie romaine, au dessous de la route et au dessus de la ligne des sources, avant de se confondre à nouveau avec la route au quartier des Fontaines sur la commune de Pajay.

 

On parvient de cette façon au modeste ruisseau de Suzon que franchit le « Pont Rouge », épithète caractéristique rencontrée fréquemment dans la voirie antique, qui est situé sur les limites de cinq communes : Beaufort, Pajay, Pommier de Beaurepaire, Pisieu et Saint Barthélémy de Beaurepaire.

 

Le « Pont Rouge » une fois traversé, la voie devait escalader le rebord de la plaine d’Arcieu. On peut hésiter car elle se perd à cet endroit. Ou bien elle empruntait un chemin de terre qui remonte une petite combe, ou bien elle entaillait de biais le flanc de coteau comme la limite communale actuelle. Mais, l’un et l’autre tracé se rejoignent à la bordure d’un champ dont la forme insolite est bien visible sur les photographies aériennes.

 

La ferme de « Grange Neuve », située à un carrefour orné d’une croix sur les limites de Pisieu et de Saint Barthélémy de Beaurepaire, est certainement un jalon intéressant. Cette double limite communale se poursuit au delà, confondue avec un chemin largement exhaussé. Celui ci s’achève 500 mètres plus loin, au point côté 312, à la route qui conduit de Saint Barthélémy à Pisieu.

 

Au delà de cette route, la voie n’est plus qu’un sentier dans les bois, plus évident sur les cartes que sur le terrain. Il se perd au passage du ruisseau de la « Grande Derroie » puis dans un pré, avant de reparaître sous la forme d’un chemin de terre bordé de quelques vieux chênes. Celui ci, après le franchissement de la « Petite Derroie », devient plus large et bordé de haies épaisses. Il aboutit à une route goudronnée montant vers Revel, en formant limite par les côtes 395, 351 et 370.

 

La voie se retrouve à « Champ Martin », au Sud de Tourdan.

 

TOURDAN :

 

C’est, à peu près sûrement, l’emplacement de la station ou du vicus « Turecionno » de la Table de Peutinger, dont la lecture est controversée : Turecionico, Turedonno et dont la forme nominative est Turedon(n)um.

 

Mais on a aussi situé cette localité antique à Ornacieux (voir infra) ou à Saint Jean de Bournay. La distance porté sur la Table, entre Turecionno et Vigenna (XV milles) correspond  assez bien aux 23,5 km séparant Tourdan de Vienne. Par contre, on l’a vu, la distance TurecionnoMorginno de XIIII milles doit, probablement, être corrigée en XXXII milles.

 

On a toutefois suggéré qu’une station intermédiaire avait été omise.

 

Tourdan a livré de nombreux vestiges antiques : un trésor de monnaies gauloises, un vase en argent – aujourd’hui au British Museum – et les vestiges d’une agglomération, de type vicus, s’étendant sur 20 à 30 hectares, fouillée entre 1972 et 1980. Ceux ci ont été datés du début du 1er siècle de notre ère, avec des niveaux pré-augustéens.

 

La voie romaine elle même a été exhumée en 1976. Dirigée Nord Sud et large de 4,50 mètres, la chaussée était bordée, de part et d’autre par un fossé. La coupe stratigraphique montre qu’une tranchée, profonde d’un mètre, avait été préalablement creusée. A la base se trouvait un remplissage d’argiles diverses, recouvert d’une épaisse couche de galets de quartzite, avec un blocage de galets plus petits et de fragments de tuiles et de céramiques. Au dessus existait une couche de scories ferrugineuses, recouverte d’une surface de roulement constituée de galets bloqués par des éléments plus fins.

 

(Pour plus de précisions, voir également article REVEL TOURDAN dans Carte archéologique de l’Isère)

 

DE TUREDONNO A VIENNA

 

Le tracé de la voie est très incertain sur ce segment.

 

A titre d’hypothèse, l’inter combinaison des possibilités envisagées par R. Truc et par F. Dory conduit à proposer l’itinéraire suivant : traversant Tourdan, la voie devait tirer plein Nord jusqu’au lieudit « Moulin Coquaz » où un pont moderne semble avoir succédé à un ouvrage plus ancien. De là, un chemin conduit à la Départementale 51 qu’il traverse, se poursuivant sous la forme d’un chemin de terre, passant à l’Ouest des « Falconettes » et à « la Perrière » sur Primarette. Puis, ce même chemin s’élève jusqu’au point côté 439.

 

Il passe ensuite à proximité de « Maison Pagnoud », coupe la route de Montseveroux et affleure la côte 467 sur les limites communales de Primarette et de Cour et Buis. Il traverse alors le « Bois du Rey » et se suit facilement jusqu’à « Maison Goubet ».

 

Après Cour et Buis on peut l’imaginer au « Fit », au « Vernay » et, de là, jusqu’à la côte 429 sur les limites communales de Cour et Buis et de Montseveroux. Il est ensuite parallèle à la Départementale 538 jusqu’au lieudit « Crépisson ».

 

Mais, dans ce secteur, un tracé par « Barbarin » et la « Grande Maison » - toponyme rappelant souvent le souvenir d’une mansio – est également envisageable jusqu’à Crépisson.

 

De là, on peut considérer comme très vraisemblable le trajet suivant : Bois du Rejet, Côte 408, les Terres Rouges, Gendarme, l’Acte, (sur la commune de Saint Sorlin de Vienne), le Brut, le Télégraphe et la côte 398 (sur la commune de Jardin).

 

Du Télégraphe à Saint Benoît le prolongement de ce tracé supposé suit rigoureusement les limites communales de Jardin et de Vienne, ce qui est un indice important. Au delà de Saint Benoît, la voie semble devoir être localisée à "la Maladière » où elle a été décelée sur 400 mètres, le long de la route de Beaurepaire. De là,  par le vallon de Saint Marcel et Pipet la voie parvenait à Vienne.

 

Mais une autre hypothèse s’est fait jour récemment. En effet, en 1983, puis en 1997-1998, une voie dallée a été découverte sur Estrablin ainsi que les culées d’un pont romain qui franchissait la Gère. Cette voie, localisée sur la Gère puis à « Tabourette » avec des vestiges de construction au bord de la voie, inconnue avant, longeait la rive gauche de la Gère. Selon le S. R. A. elle pourrait correspondre à la grande voie des Alpes.

 

VIENNA :

 

La fondation de la colonie de Vienne et l’évolution de son statut politique ont donné lieu à de nombreuses controverses. Pour A. Pelletier, « Vienna », la capitale des Allobroges, est colonie latine dès 50 avant J.C. : Colonia Julia Viennensis. Elle reçoit un « conventus civium romanorum » en 46 avant notre ère et devient colonie romaine en 16-15 : Colonia Julia Augusta Florentia Vienna.

 

Pour P. Fabia, elle est encore colonie latine sous Auguste. Pour M. Rambaud, César y établi une colonie romaine en 46 avant J. C. avec les vétérans de la Vème légion. Pour sa part, Pline, décrivant l’organisation de la Narbonnaise sous Auguste (Hist. Nat. III, 36), la désigne comme colonie romaine.

 

Il paraît toutefois établi que, sous les Triumvirs, elle est colonie : Colonia Julia Vienna (ou Viennensium).

 

Au début du 1er siècle de notre ère (vers 36-41) elle reçut le « droit italique », privilège exceptionnel qu’elle était la seule à partager, en Gaule, avec Lyon et Cologne.

 

Lors de l’organisation administrative de la Narbonnaise, la civitas des Allobroges était la plus étendue de toute celles de l’ancienne « Provincia ».

 

Cette situation durera jusqu’aux débuts de la Tétrarchie (292-297) où elle deviendra la « Métropolis Provincia Viennensis », capitale du « diocèse de Viennoise ou des Sept Provinces » comprenant la Novempopulanie, l’Aquitaine Première, l’Aquitaine Seconde, la Narbonnaise Première, la Narbonnaise Seconde, les Alpes Maritimes et la Viennoise.

 

Vienne conserve un considérable patrimoine archéologique : l’enceinte du Haut Empire la plus vaste des Gaules (longue de 7300 mètres et enserrant un territoire de 250 hectares), une enceinte du Bas Empire (1920 mètres de longueur pour une superficie de 36 hectares, un théâtre, parmi les plus importants de la Gaule, un odéon, un cirque, un stade, un xyste, un amphithéâtre, localisé mais non exhumé, un palais, un gymnase, des thermes, des temples, des aqueducs, des domus

(Voir également la Carte archéologique de l’Isère).

 

 

 

L’HYPOTHESE ORNACIEUX

 

Certains auteurs – d’Anville, Walckenaer, Chapotat et, récemment, F. Dory – identifient Turedonnum avec Ornacieux. Pourtant, les traces archéologiques sont ténues : une sépulture gauloise, des tegulae et quelques fragments de poteries. Cependant, d’aucuns y ont voient un vicus qui serait aujourd’hui englouti sous quatre mètres d’alluvions.

 

Pourtant, la situation d’Ornacieux est topographiquement plus favorable que celle de Tourdan. De plus, la distance globale Grenoble – Vienne par Ornacieux est ramenée à 87,5 km (58 milles) contre 91,5 km (61 milles) par Tourdan.

 

F. Dory reconstitue le tracé suivant : la Côte Saint André (mansio omise sur la Table de Peutinger ?), Balbins, Ornacieux (Turedonno ?), Bossieu, la Tour de Buis, la forêt des Blâches (traces de voie ?), le bois du Rejet, le Bourgeat, Manin, la Rosière de Saint Sorlin, la côte 246, la Basse Rosière, la côte 228, Saint Ignace, la Ballay, la Maladière, le pied de Sainte Blandine (côte 276), Pipet et Vienne.