DE GRENOBLE A DIE PAR GRESSE

 

 

Cette voie existait sans doute, sous forme de piste, bien avant les Romains.

 

L’axe le plus direct représentait une distance inférieure à 70 km (sans doute même voisine de 65 km) soit deux jours de marche et, au minimum, au moins une mansio intermédiaire.

 

Mais cette voie, qui devait franchir des cols et traverser les hauts plateaux du Vercors, ne pouvait être pratiquée qu’à la période estivale.

 

Entre le Gua et Gresse une variante au tracé direct, par l’Arzelier et Saint Andéol, a pu exister : cet axe secondaire sera également examiné.

 

DE GRENOBLE A GRESSE 

 

En ce qui concerne ce premier segment, jusqu’au gué sur la Gresse de « Moulin Colombat, le tracé de la voie devait être celui de la voie de Grenoble à Fréjus par Lachar, Vif, Chaudemeyre, le Groin, la Pierre, Bayanne et Lanchâtre. Pour son étude détaillée on se reportera à la voie de Cularo à Forum Julii.

 

Où se faisait la séparation des voies ?

 

Plusieurs hypothèses sont envisageables tant est dense le réseau d’anciens chemins dans ce secteur :

 

-          soit la voie divergeait à partir du franchissement de la Gresse à « Moulin Colombat »,

-          soit elle divergeait à hauteur de Sagnebatu et, de là, par les Aiguillières gagnait Champ Fau et Saint Guillaume,

-          soit encore elle divergeait à Caillatère et, de là, par les Granges rejoignait Champ Fau.

 

On notera également qu’il existe un axe quasiment rectiligne entre Bonnotaire et Saint Guillaume.

 

De Saint Guillaume, la voie, par Lombardier, passait à l’Est de Touchane (obscure tradition de « castrum romain ») puis gagnait Gresse par la Baumette et le Chaumeil.

 

Ainsi, entre Cularo et Gresse, l’itinéraire antique qui coupait assurément au plus court, représentait, sans obstacle majeur, une distance comprise entre 22 et 24 Milles (entre 33 et 36 km), selon les hypothèses, soit une journée de marche diurne et l’espace habituel moyen compris entre deux mansiones.

 

Une mansio devait donc nécessairement exister à Gresse ou non loin de Gresse. Outre l’évidence kilométrique, deux éléments semblent plaider en faveur de cette conjecture :

 

-          Gresse est un village de haute origine, connu avec certitude en 739 comme possession du Patrice d’Abbon puis de l’abbaye de la Novalaise : « colonicas in Gradosa », le domaine mérovingien ayant, selon toutes probabilités, succédé à un centre d’habitat gallo romain (la Ville ?).

-          L’existence d’une croix médiévale, sur laquelle sont sculptées trois coquilles Saint Jacques, qui témoigne, à peu près sûrement, d’un axe de pèlerinage médiéval utilisant, comme en maints endroits, une voie romaine.

 

Mais où était située la probable mansio ?

 

On pourrait proposer, à titre d’hypothèse toponymique, de l’emplacer vers le lieudit « le Chaumeil », non loin du « Ménil », nom souvent révélateur qui vient justement de « mansio, mansionile », le lieu où l’on passe la nuit.

 

 

DE GRESSE A DIE

 

Du Ménil ou de Gresse, la voie se poursuivait par « les Perrins », « Combe Rouge », le col del’Allimas et la Bâtie où une croix médiévale, présentant de grandes analogies avec celle de Gresse, peut servir de repère probant.

 

De la Bâtie, un tracé traditionnel fait alors passer la voie au Sud des « Pellas » avant la longue montée au Col des Bachassons ; mais les environs du Pas de la Selle ont récemment révélé des traces évidentes de voie antique conduisant à privilégier désormais l’accès aux « Hauts Plateaux » par ce dernier Pas.

 

Sous le Pas de la Selle subsiste, en effet, un spectaculaire segment de voie, entièrement taillé à vif dans le rocher sur trois ou quatre mètres de hauteur avec une chaussée de trois mètres de large développant, sur une longueur de plus de trente mètres, un travail extrêmement soigné.

 

Vers le Pas lui même, d’autres tronçons de la voie, taillés dans les lapiaz, sur une hauteur de un mètre et une largeur constante de trois mètres, bien que très dégradés sont également visibles.

 

On peut se demander si cette voie, au delà de sa fonction de jonction de Cularo a Dea Augusta, n’a pas été aménagée pour permettre l’évacuation de matériaux provenant des carrières de la Queyrie en direction de Gresse et de sa vallée. En effet, plusieurs arcs, linteaux et colonnes de support de l’église de Gresse pourraient avoir été taillés dans des blocs de calcaire de la Queyrie.

 

La voie se poursuivait alors, sans difficultés, par la longue plaine de la Queyrie, passant à proximité immédiate des grandes carrières romaines.

 

 

 

Carrières romaines de la Queyrie :

 

Sans doute les plus élevées de tout l’Empire Romain, ces carrières se présentent sous la forme de deux chambres d’abattage, l’une de 25 mètres de long, l’autre de 17 mètres, découpées en gradins irréguliers sur une longueur totale repérée de plus de 120 mètres.

 

Il semble que l’exploitation ait été tentée, dans les deux chambres, sur un second étage mais celle ci a du donner de moins bons résultats, ce qui expliquerait qu’à ce niveau là, la taille présente de fortes irrégularités. Il s’agit, somme toute, d’un ensemble relativement modeste par rapport à certaines grandes carrières de la même période, mais l’exploitation de la Queyrie semble, néanmoins,  s’être poursuivie sur une assez longue période : de l’an 125 de notre ère, date d’une inscription funéraire de Die gravée sur un cippe de mylonite paraissant provenir de ce site, jusqu’au milieu ou au dernier quart du 3ème siècle.

 

Les blocs inachevés gisant dans la pelouse et divers fragments de colonnes presque utilisables en l’état, qui sont restés in situ, font penser à une brusque interruption de l’exploitation ; on peut, dès lors, songer aux invasions de 257 ou, surtout, celles de 275, lorsque Die s’entoura d’une enceinte : cette hypothèse s’accorde, du reste, avec la trouvaille faite en 1846 à proximité des carrières, de cinq bronzes de Gordien et de Philippe, datables de 238 à 249.

 

Long indique même avoir trouvé un coin de fer qui était engagé dans l’une des saignées d’un bloc à peine dégrossi, tenant encore au banc rocheux, ce qui corrobore également l’abandon précipité. Il s’agissait sans doute de ce même gros bloc inachevé qui a six mètres de long pour 90 centimètres d’épaisseur et que l’on peut toujours voir sur le site.

 

A proximité immédiate des carrières, une petite grotte, à l’entrée basse et exiguë, a été explorée en 1961 : dans le remplissage de l’entrée, quarante tessons gallo romains ont été découverts avec des morceaux de charbon de bois.

 

Du site des carrières, le tracé de la voie romaine est largement évident jusqu’à l’ancienne auberge de Prepeyret ou Peyrperette ; on a parfois dit que ce toponyme qualifiait le pré pierreux, mais le pré en question n’est pas particulièrement rocailleux. Il s’agirait plutôt du « pré des pierres », celles ci désignant, en l’occurrence, les gravelles de Chabrinel.

 

Signe de l’intense fréquentation de ce pas, existait non loin de lui, une auberge d’origine immémoriale, à tel point qu’on peut se demander si celle ci n’aurait pas succédé à une mansione ou une mutatione gallo romaine.

 

De Prépeyret, la voie se poursuivait par le spectaculaire Pas de Chabrinel, taillé dans le roc sur une largeur d’environ six mètres et descendait à flanc, dans une zone aujourd’hui éboulée. Son tracé a été particulièrement bien étudié et décrit par J. X. Chirossel.

 

La voie, originellement tracée de manière fort logique à flanc de montagne, dans une zone aujourd’hui effondrée, reste très évidente et particulièrement visible, sur une longueur de près de cent vingt mètres, matérialisée par une ligne de pins.

 

Il y avait là sans doute une piste primitive, préhistorique, tracée au plus court. Sous un gros bloc, ressemblant à un dolmen naturel, on a découvert, en 1959, une pointe de silex d’époque néolithique. Cette voie directe, utilisée ensuite pense t-on pour les va et vient entre tribus Voconces et Allobroges fut réaménagée sous l’Empire Romain pour l’exploitation des carrières de la Queyrie.

 

Elle passait ensuite à la « fontaine des Gravelles ». De là, la voie est repérable sous la forme d’un ancien chemin le long de la Meyrosse. Elle se poursuivait par « las Granges » et « Romeyer », lieu où passaient les « Romieux » ou pèlerins se rendant à Rome.

 

De Romeyer à Die, l’actuelle route départementale 742 s’est, en partie, superposée à la voie romaine.

 

DIE :

 

Dea Augusta Vocontiorum, colonie latine sous Auguste, chef lieu de la « Civitas Densium » au Bas Empire est l’ancienne capitale religieuse des Vocontii.

 

Le choix du site peut s’expliquer par le culte pré romain à Andarta, déesse protectrice et symbole de Die.

 

La ville antique a notamment révélé des temples, des thermes, un arc de triomphe ultérieurement réutilisé en porte de ville, un théâtre, un amphithéâtre, des autels tauroboliques et des remparts du Bas Empire d’une longueur de 1940 mètres.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

VARIANTE DE TRACE PAR L’ARZELIER :

 

 

Cet axe secondaire probable bien que plus long que la voie directe a peut-être eu, pour raison d’être, la desserte d’un certain nombre de foyers de romanisation ruraux ancêtres de la plupart des hameaux actuels.

 

L’embranchement de cette voie pouvait se situer, comme de nos jours, à Saint Barthélemy du Gua. De là, un tracé encore matérialisé conduit au site de la motte féodale du Gua qui, assurément, devait garder un passage important, sinon stratégique.

 

Peut-être même le nom du Gua vient-il du passage à gué sur le Jonier, en cet endroit précis, et non du gué du Genevrey.

 

Passant à 750 mètres au Sud de Prélenfrey – Prato Lanfredo au XI) siècle – cette voie gagnait l’Arzelier puis le col du même nom.

 

De ce col et jusqu’à Mas Roux, subsistent les vestiges les plus probants de cet axe de communication. D’une largeur constante, bien marquée par des murets et parfois par quelques traces d’empierrage au sol, la voie, presque plane, est constamment située, dans ce secteur, en surplomb des habitats et en bordure de forêt.

 

Au dessus de Puy Grimaud, un carrefour, particulièrement bien marqué, est toujours matérialisé par une croix dite « de Jacques ». A proximité immédiate subsiste un rocher de bonne taille, aujourd’hui partiellement enterré d’environ 80 cm, sur lequel, dans sa partie supérieure, a été creusé de main d’homme, un parallélogramme de 22,5 cm de longueur sur 21 cm de largeur et d’une profondeur de 10,5 cm.

 

Nommé par la tradition populaire « le bénitier » (peut-être parce qu’il est constamment rempli d’eau de pluie) on y devine, plus précisément, l’excavation d’une croix de pierre disparue, mais sans doute de haute origine, le toponyme de « croix de Jacques » pouvant peut-être signifier qu’existait à cet endroit précis, comme à Gresse, une « croix de Saint Jacques ».

 

En ce cas le chemin serait, à tout le moins, d’époque médiévale et, peut-être même, comme du reste l’essentiel des chemins de Saint Jacques, d’origine antique.

 

Un autre élément abonde cette conjecture : cette voie était anciennement nommée « chemin de Saint Andéol à Grenoble », appelatif qu’elle a conservé dans son tracé sur la commune du Gua.

 

Saint Andéol est un village de haute origine : en témoignent son vocable et son église connue dès le XI° siècle.

 

Il n’est pas impossible que des domaines gallo romains y aient existé, même si aucune découverte archéologique n’a, jusqu’alors, étayé cette conjecture.

A titre d’hypothèse on peut proposer que l’ancien « chemin de Grenoble à Saint Andéol » ait ensuite conduit, sans déclivité particulière, à Gresse par Garneyre et le col des Deux puis de Gresse à Die par la voie directe précédemment décrite.

 

Mais, en ce cas, elle aurait eu un excédent de 24 km par rapport au tracé direct, mettant alors Die à trois jours de marche de Grenoble ce qui nécessitait, au moins, deux mansiones intermédiaires.