DE GRENOBLE A DIE PAR GRESSE
Cette
voie existait sans doute, sous forme de piste, bien avant les Romains.
L’axe le plus direct représentait une distance inférieure à
Mais
cette voie, qui devait franchir des cols et traverser les hauts plateaux du
Vercors, ne pouvait être pratiquée qu’à la période estivale.
Entre
le Gua et Gresse une variante au tracé direct, par l’Arzelier et Saint Andéol,
a pu exister : cet axe secondaire sera également examiné.
En ce
qui concerne ce premier segment, jusqu’au gué sur la Gresse de « Moulin
Colombat, le tracé de la voie devait être celui de la voie de Grenoble à Fréjus
par Lachar, Vif, Chaudemeyre, le Groin, la Pierre, Bayanne et Lanchâtre. Pour
son étude détaillée on se reportera à la voie de Cularo à Forum Julii.
Où
se faisait la séparation des voies ?
Plusieurs
hypothèses sont envisageables tant est dense le réseau d’anciens chemins dans
ce secteur :
-
soit la voie
divergeait à partir du franchissement de la Gresse à « Moulin
Colombat »,
-
soit elle
divergeait à hauteur de Sagnebatu et, de là, par les Aiguillières gagnait Champ
Fau et Saint Guillaume,
-
soit encore elle
divergeait à Caillatère et, de là, par les Granges rejoignait Champ Fau.
On
notera également qu’il existe un axe quasiment rectiligne entre Bonnotaire et
Saint Guillaume.
De
Saint Guillaume, la voie, par Lombardier, passait à l’Est de Touchane (obscure
tradition de « castrum romain ») puis gagnait Gresse par la Baumette
et le Chaumeil.
Ainsi,
entre Cularo et Gresse, l’itinéraire antique qui coupait assurément au plus
court, représentait, sans obstacle majeur, une distance comprise entre 22 et 24
Milles (entre 33 et
Une
mansio devait donc nécessairement exister à Gresse ou non loin de Gresse. Outre
l’évidence kilométrique, deux éléments semblent plaider en faveur de cette
conjecture :
-
Gresse est un
village de haute origine, connu avec certitude en 739 comme possession du
Patrice d’Abbon puis de l’abbaye de la Novalaise : « colonicas in
Gradosa », le domaine mérovingien ayant, selon toutes probabilités,
succédé à un centre d’habitat gallo romain (la Ville ?).
-
L’existence d’une
croix médiévale, sur laquelle sont sculptées trois coquilles Saint Jacques, qui
témoigne, à peu près sûrement, d’un axe de pèlerinage médiéval utilisant, comme
en maints endroits, une voie romaine.
Mais
où était située la probable mansio ?
On
pourrait proposer, à titre d’hypothèse toponymique, de l’emplacer vers le
lieudit « le Chaumeil », non loin du « Ménil », nom souvent
révélateur qui vient justement de « mansio, mansionile », le lieu où
l’on passe la nuit.
Du
Ménil ou de Gresse, la voie se poursuivait par « les Perrins »,
« Combe Rouge », le col del’Allimas et la Bâtie où une croix
médiévale, présentant de grandes analogies avec celle de Gresse, peut servir de
repère probant.
De
la Bâtie, un tracé traditionnel fait alors passer la voie au Sud des
« Pellas » avant la longue montée au Col des Bachassons ; mais
les environs du Pas de la Selle ont récemment révélé des traces évidentes de
voie antique conduisant à privilégier désormais l’accès aux « Hauts
Plateaux » par ce dernier Pas.
Sous
le Pas de la Selle subsiste, en effet, un spectaculaire segment de voie,
entièrement taillé à vif dans le rocher sur trois ou quatre mètres de hauteur
avec une chaussée de trois mètres de large développant, sur une longueur de
plus de trente mètres, un travail extrêmement soigné.
Vers
le Pas lui même, d’autres tronçons de la voie, taillés dans les lapiaz, sur une
hauteur de un mètre et une largeur constante de trois mètres, bien que très
dégradés sont également visibles.
On
peut se demander si cette voie, au delà de sa fonction de jonction de Cularo a
Dea Augusta, n’a pas été aménagée pour permettre l’évacuation de matériaux
provenant des carrières de la Queyrie en direction de Gresse et de sa vallée.
En effet, plusieurs arcs, linteaux et colonnes de support de l’église de Gresse
pourraient avoir été taillés dans des blocs de calcaire de la Queyrie.
La
voie se poursuivait alors, sans difficultés, par la longue plaine de la
Queyrie, passant à proximité immédiate des grandes carrières romaines.
Carrières romaines de la
Queyrie :
Sans
doute les plus élevées de tout l’Empire Romain, ces carrières se présentent
sous la forme de deux chambres d’abattage, l’une de
Il
semble que l’exploitation ait été tentée, dans les deux chambres, sur un second
étage mais celle ci a du donner de moins bons résultats, ce qui expliquerait
qu’à ce niveau là, la taille présente de fortes irrégularités. Il s’agit, somme
toute, d’un ensemble relativement modeste par rapport à certaines grandes
carrières de la même période, mais l’exploitation de la Queyrie
semble, néanmoins, s’être poursuivie sur
une assez longue période : de l’an 125 de notre ère, date d’une
inscription funéraire de Die gravée sur un cippe de mylonite paraissant
provenir de ce site, jusqu’au milieu ou au dernier quart du 3ème
siècle.
Les
blocs inachevés gisant dans la pelouse et divers fragments de colonnes presque
utilisables en l’état, qui sont restés in situ, font penser à une brusque
interruption de l’exploitation ; on peut, dès lors, songer aux invasions
de 257 ou, surtout, celles de 275, lorsque Die s’entoura d’une enceinte :
cette hypothèse s’accorde, du reste, avec la trouvaille faite en 1846 à
proximité des carrières, de cinq bronzes de Gordien et de Philippe, datables de
238 à 249.
Long
indique même avoir trouvé un coin de fer qui était engagé dans l’une des
saignées d’un bloc à peine dégrossi, tenant encore au banc rocheux, ce qui
corrobore également l’abandon précipité. Il s’agissait sans doute de ce même
gros bloc inachevé qui a six mètres de long pour
A
proximité immédiate des carrières, une petite grotte, à l’entrée basse et
exiguë, a été explorée en 1961 : dans le remplissage de l’entrée, quarante
tessons gallo romains ont été découverts avec des morceaux de charbon de bois.
Du
site des carrières, le tracé de la voie romaine est largement évident jusqu’à
l’ancienne auberge de Prepeyret ou Peyrperette ; on a parfois dit que ce toponyme
qualifiait le pré pierreux, mais le pré en question n’est pas particulièrement
rocailleux. Il s’agirait plutôt du « pré des pierres », celles ci
désignant, en l’occurrence, les gravelles de Chabrinel.
Signe
de l’intense fréquentation de ce pas, existait non loin de lui, une auberge
d’origine immémoriale, à tel point qu’on peut se demander si celle ci n’aurait
pas succédé à une mansione ou une mutatione
gallo romaine.
De
Prépeyret, la voie se poursuivait par le
spectaculaire Pas de Chabrinel, taillé dans le roc
sur une largeur d’environ six mètres et descendait à flanc, dans une zone aujourd’hui
éboulée. Son tracé a été particulièrement bien étudié et décrit par J. X. Chirossel.
La
voie, originellement tracée de manière fort logique à flanc de montagne, dans
une zone aujourd’hui effondrée, reste très évidente et particulièrement
visible, sur une longueur de près de cent vingt mètres, matérialisée par une
ligne de pins.
Il
y avait là sans doute une piste primitive, préhistorique, tracée au plus court.
Sous un gros bloc, ressemblant à un dolmen naturel, on a découvert, en 1959,
une pointe de silex d’époque néolithique. Cette voie directe, utilisée ensuite
pense t-on pour les va et vient entre tribus Voconces
et Allobroges fut réaménagée sous l’Empire Romain pour l’exploitation des
carrières de la Queyrie.
Elle
passait ensuite à la « fontaine des Gravelles ». De là, la voie est
repérable sous la forme d’un ancien chemin le long de la Meyrosse.
Elle se poursuivait par « las Granges » et « Romeyer »,
lieu où passaient les « Romieux » ou
pèlerins se rendant à Rome.
De
Romeyer à Die, l’actuelle route départementale 742
s’est, en partie, superposée à la voie romaine.
DIE :
Dea
Augusta Vocontiorum, colonie latine sous Auguste,
chef lieu de la « Civitas Densium »
au Bas Empire est l’ancienne capitale religieuse des Vocontii.
Le
choix du site peut s’expliquer par le culte pré romain à Andarta,
déesse protectrice et symbole de Die.
La
ville antique a notamment révélé des temples, des thermes, un arc de triomphe
ultérieurement réutilisé en porte de ville, un théâtre, un amphithéâtre, des
autels tauroboliques et des remparts du Bas Empire d’une longueur de
VARIANTE
DE TRACE PAR L’ARZELIER :
Cet
axe secondaire probable bien que plus long que la voie directe a peut-être eu,
pour raison d’être, la desserte d’un certain nombre de foyers de romanisation
ruraux ancêtres de la plupart des hameaux actuels.
L’embranchement
de cette voie pouvait se situer, comme de nos jours, à Saint Barthélemy du Gua. De là, un tracé encore matérialisé conduit au site de
la motte féodale du Gua qui, assurément, devait
garder un passage important, sinon stratégique.
Peut-être
même le nom du Gua vient-il du passage à gué sur le Jonier, en cet endroit précis, et non du gué du Genevrey.
Passant
à
De
ce col et jusqu’à Mas Roux, subsistent les vestiges les plus probants de cet
axe de communication. D’une largeur constante, bien marquée par des murets et
parfois par quelques traces d’empierrage au sol, la voie, presque plane, est
constamment située, dans ce secteur, en surplomb des habitats et en bordure de
forêt.
Au
dessus de Puy Grimaud, un carrefour, particulièrement bien marqué, est toujours
matérialisé par une croix dite « de Jacques ». A proximité immédiate
subsiste un rocher de bonne taille, aujourd’hui partiellement enterré d’environ
Nommé
par la tradition populaire « le bénitier » (peut-être parce qu’il est
constamment rempli d’eau de pluie) on y devine, plus précisément, l’excavation
d’une croix de pierre disparue, mais sans doute de haute origine, le toponyme
de « croix de Jacques » pouvant peut-être signifier qu’existait à cet
endroit précis, comme à Gresse, une « croix de
Saint Jacques ».
En
ce cas le chemin serait, à tout le moins, d’époque médiévale et, peut-être
même, comme du reste l’essentiel des chemins de Saint Jacques, d’origine
antique.
Un
autre élément abonde cette conjecture : cette voie était anciennement
nommée « chemin de Saint Andéol à
Grenoble », appelatif qu’elle a conservé dans
son tracé sur la commune du Gua.
Saint
Andéol est un village de haute origine : en
témoignent son vocable et son église connue dès le XI° siècle.
Il
n’est pas impossible que des domaines gallo romains y aient existé, même si
aucune découverte archéologique n’a, jusqu’alors, étayé cette conjecture.
A
titre d’hypothèse on peut proposer que l’ancien « chemin de Grenoble à
Saint Andéol » ait ensuite conduit, sans
déclivité particulière, à Gresse par Garneyre et le col des Deux puis de Gresse
à Die par la voie directe précédemment décrite.
Mais,
en ce cas, elle aurait eu un excédent de