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Bien que non portée sur les itinéraires antiques ni mentionnée expressément par les textes, l’existence d’une voie directe de Grenoble à Lyon a été pressentie par plusieurs auteurs au titre desquels on citera, notamment, P. Saint Olive et F. Dory.

 

Ce dernier estime que cet axe direct, évitant Vienne, ne saurait être antérieur à l’établissement de relations directes entre Lyon et l’avant pays dauphinois du Velin au cours de la première moitié du 1er siècle de notre ère.

 

Le tracé proposé ci après est, pour l’essentiel, déduit de leurs travaux.

 

Entre Grenoble et la Côte Saint André, on admettra comme probable un tronçon commun avec celui de la voie de Grenoble à Vienne par Moirans (Morginum), Charnècles, le seuil de Rives, Beaucroissant, Izeaux (milliaire), Saint Etienne de Saint Geoirs et Brézins.

 

Alors que la voie de Vienne fait ensuite limite communale entre la Côte Saint André  et Saint Simon de Bressieux et se poursuit, quasi rectiligne selon un axe Est Ouest, celle de Lyon devait bifurquer, à angle droit, à hauteur du Rival (ancien Mas de Garchat), site de très haute origine où furent découverts, en 1888, sous un tumulus arasé, les restes d’un char protohistorique du 8ème siècle avant notre ère.

 

De là, par un tracé rectiligne que semble recouvrir l’actuelle Départementale 71, la voie devait gagner le bourg de la Côte Saint André, où F. Dory place une mansio. On notera au Chuzeau la découverte d’un sarcophage en plomb en 1852 et au Mas Martel, non loin du château la mise à jour, en 1662, d’un trésor monétaire non décrit.

 

De la Côte Saint André, la voie devait, selon toute vraisemblance, se diriger sur Commelle par un tracé qui n’est pas connu. On notera seulement que sur cette commune, des « colonnes romaines » (s’agit-il de milliaires ?) auraient été découvertes.

 

La voie se poursuivait ensuite sur Châtonay, peut-être par Saint Christophe, puis par le bourg actuel, dans lequel certains auteurs anciens plaçaient la station de Turedonum et par le lieudit « la Croix Blanche ». Elle gagnait ensuite Meyrieu les Etangs par le bois Stivignon formant limite communale entre Châtonay et Meyrieu jusqu’au Nord du lieudit « la Croix ». On observera qu’entre la Croix Blanche et la Croix l’intervalle est exactement de 1500 mètres.

 

La voie devait ensuite passer non loin de Langouver (emplacement d’une villa romaine) et à l’ancien carrefour du Trévé. A proximité du tracé supposé de la voie divers vestiges romains ont été exhumés : des clous de chariots à Boucharin, des sépultures et des murs au Terrier. Il existait également dans ces parages un ancien « grand chemin » dans lequel Gaspard et Piolat voyaient un souvenir de la « grande voie de Lyon à Grenoble ».

 

Entre Meyrieu et Artas, des vestiges sont également signalés au « Mollard du Puits », lieudit qui n’est plus porté sur la carte IGN.

 

Sur le territoire d’Artas – dans le nom duquel F. Dory voit un dérivé possible de Mercure Artaïen – les vestiges romains sont nombreux : tegulae à la Grande Forêt, monnaies au Clos Morel, statuette de Mercure vers l’église, tombes au Mas de la Vergne. On notera en outre, pour ce qui concerne la voie proprement dite, un ancien lieudit « chemin de Rome » et des découvertes anciennes de voie romaine dans les bois de Cankarot où, en 1855, des défrichements auraient livré les restes d’une voie de quatre à cinq mètres de largeur.

 

Au Nord d’Artas, sur la commune de Roche, la voie pourrait être identifiée au lieudit « la Croisée », carrefour probable de voies anciennes.

 

La limite communale entre Roche et Saint Georges d’Espéranche et le lieudit « Vignieu » peuvent ensuite correspondre au tracé probable de la voie.

 

Le Dr Saunier plaçait à Saint Georges d’Espéranche une statio qu’il nommait Maalum et voyait dans le « grand chemin » une voie transversale joignant Saint Georges à Heyrieux.

 

Sur la commune de Diémoz, la problématique est plus simple. Le nom de la commune « Ad Duodecimum lapidem » correspond au douzième milliaire (et non au dixième) sur la voie de Vienne à l’Italie. Notre Dame de Lestra est un témoignage à la fois toponymique (Via strata) et archéologique : en 1990 des restes de construction romaine ont été exhumés ; il pourrait s’agir d’une mansio à un site de carrefour important. La voie de Grenoble à Lyon semble avoir été repérée sur le plateau de Beausoleil mais, non loin de là, un carrefour qui s’appelle encore le « Triève Gilet » et sert de limite communale avec Bonnefamille pourrait rappeler un tracé marqué aujourd’hui sur une longue distance par un ancien chemin qui, depuis Vignieu, suit rigoureusement les limites communales de Bonnefamille et de Diémoz.

 

A hauteur de « Maison Genin » (jadis « Triium de la Murjata ») deux tracés sont envisageables : l’un à l’Est, par Ponas – dans le nom duquel F. Dory voit un éventuel sanctuaire à Epona – l’autre à l’Ouest par les Pires. T>ous deux aboutissent au lieudit « l’Alouette », carrefour remarquable situé au point de jonction de cinq communes : Diémoz, Bonnefamille, l’Isle d’Abeau, Heyrieux et Saint Quentin Fallavier.

 

De là, la voie tendait sur Heyrieux où l’actuelle chapelle de Notre Dame de la Salette a succédé à une maladrerie sans doute située non loin de la voie. A Heyrieux même, des vestiges romains sont connus : thermes sous le château, canalisation antique, tegulae au Mas. On notera également la découverte, en 1964, au lieudit « le Buclay », en bordure Est de la voie, d’un trésor d’antoniniani de Valerien à Probus.

 

Sur Saint Pierre de Chandieu, la voie n’est pas localisée. Sans doute faut-il la restituer à l’emplacement de l’actuelle D 518, aménagée au 19ème siècle, ou dans un tracé parallèle proche. On relèvera également le lieudit « Maladière » au Nord Ouest de la commune sur les limites de Toussieu.

 

La D 518 est trop rectiligne entre Heyrieux et Lyon pour ne pas être tenté, nonobstant l’absence de toponymes indicatifs, d’y voir le tracé le plus vraisemblable de la voie. Cette quasi ligne droite, ininterrompue entre Heyrieux et la Femme Morte, s’étend sur 17 km traversant successivement les communes d’Heyrieux, Saint Pierre de Chandieu, Toussieu, Moins, Saint Priest et Lyon.

 

A proximité du tracé de la voie ont été découverts un petit trésor de monnaies à Saint Pierre de Chandieu, une urne cinéraire à Toussieu et divers vestiges à Saint Priest : tegulae à Saint Martin et à la Garenne, fondations de murs au Carré et voie empierrée au Grisard. On notera également, sur Saint Pierre de Chandieu, les lieudits « Maladière » et le « Logis Neuf », jadis « Trievoz » au carrefour de voies secondaires encore décelables dans les limites communales qu’elles ont servi à matérialiser.

 

Du lieudit « la Femme Morte », la voie longeait les actuels quartiers de Grange Rouge puis, par l’avenue P. Santy, la rue M. Berliet et la rue de l’Epargne gagnait par la Madeleine (ancienne maladrerie), dans un tracé commun avec la voie de Vienne, le cœur même de Lugdunum.