BEAUCROISSANT

 

(Canton de Tullins, ex canton de Rives).

Forme ancienne :  Bellicescentis, XIIIe siècle.

Gentilé : Manants.

Héraldique : blason moderne avec une tête de vache et une de soleil sous un croissant de lune.  

 

Carte IGN au 1/25000ème : 3233 SB

 

Superficie : 1118 hectares.

 

Population (2015) : 1621 habitants.

 

Hagiographie : Georges, prince de Cappadoce, martyr à Lydda en 303 sous Dioclétien. Son culte remonte à 368 et fut embelli par la légende du dragon. Patron de l’Angleterre dès 800 et patron des cavaliers.

 

Préhistoire : pierre à cupules dit aussi Pierre Pucelle, sur le chemin de Beaucroissant à Parménie. Elle est recensée dans l’inventaire des monuments mégalithiques de la France de 1880 par erreur à Saint Paul d’Izeaux.

 

Protohistoire : P. BISCH pensait qu’à l’époque de la Gaule indépendante, trois ouvrages fortifiés défendaient la Bièvre : un supposé à Ornacieux, un intact à Plan et le troisième, détruit à Parménie.

 

Epoque gallo-romaine : le Grand Chemin est vraisemblablement l’ancienne voie romaine de Grenoble à Vienne. Elle passait au hameau de Bain et en contrehaut de l’actuelle D 519 entre Beaucroissant et Izeaux. Une zone d’habitat est mentionnée le long de la voie dans le fichier de la DRAH (gisement n° 7853). De nombreux vestiges sont connus :

 

Ø  au XVIe siècle, on a découvert un autel avec base et couronnement portant l’inscription : « MERCVRIO / AVG(usto) ARTAIO / SACR(um) / SEX(tus) GEMINIVS / CVPITVS /  EX VOTO » : « consacré à Mercure Auguste Artaios (par) Sextus Geminus Cupitus en accomplissement de son vœu » (perdu) ; le nom du dieu gaulois Artaius a peut être été conservé dans le toponyme « Arthey »,

Ø  P. ROSTAING relate, vers 1580, que cet autel autrefois dans les ruines d’un édifice romain, a été transporté dans la chapelle d’un château voisin (le château d’Antoine le Blanc). Cet édifice ruiné pouvait être un temple (ou un oratoire) élevé à Mercure par la dévotion de Geminus Cupitus,

Ø  La légende du Mercure Artaien est née des écrits de Nicolas Chorier,

Ø  au Champ de Foire, vers 1845 on a découvert un puits antique. A 50 mètres de là, on aurait mis au jour des murs avec remploi de tegulae (qui subsisteraient toujours) et une monnaie romaine (non décrite),

Ø  vers 1850, on a découvert au hameau de Bain un autre vieux puits et, à 50 mètres de là, des tegulae et de larges murs,

Ø  avant 1853 (au lieudit Arthey ?), un berger aurait découvert un aureus de Trajan Dèce,

Ø  de provenance non précisée on aurait découvert (puis perdu) un cippe avec inscription : « MERCVRIO / SACRVM / C(aïus) ATISIVS SEDVLVS / EX VOTO » : « consacré à Mercure par Caïus Atisius Sedulus en accomplissement d’un vœu »,

Ø  vers 1960, toujours au hameau de Bain, on aurait découvert (et détruit) un four antique,

Ø  en 1969, lors de la restauration de la chapelle de Parménie, on a découvert une citerne et les vestiges de constructions romaines, en partie conservées,

Ø  en 1985, lors de travaux de jardinage au village on aurait découvert une monnaie romaine (non décrite),

Ø  en 2013, structure indéterminée mais antique repérée à Galabontens,

Ø  les traces de la centuriation de la plaine de la Cote Saint André que J. SOYER croyait avoir repérées n’ont pas été confirmées par l’archéologie récente.

 

Selon Nicolas CHORIER, la montagne de Parmagne (de par, sommet et magne, grand) aurait été un oppidum, ce que l’abbé GRAS du VILLARD reprenait à son compte en 1708 allant même jusqu’à indiquer que GRATIEN y aurait séjourné !

 

Haut Moyen Âge : l’histoire de la colline de Parménie est étroitement liée à l’histoire ecclésiastique de Vienne et de Grenoble. D’après certains auteurs, les évêques de Grenoble, chassés de leur siège par les sarrasins au IXe siècle, auraient trouvé refuge à Parménie, dans un domaine qui leur avait été donné par l’archevêque de Vienne qui le possédait depuis 707.

 

Edifices religieux :

 

Parménie : les évêques de Grenoble auraient séjourné à Parménie par intervalle durant deux siècles, établissant une chapelle épiscopale dédiée à la Sainte Croix. A cet égard, les fouilles entreprises en 1965 pour déblayer les ruines et commencer la restauration de Parménie auraient permis de découvrir des murs et une série de petites fenêtres meurtrières pouvant remonter au IXe siècle. C’est effectivement à cette époque que la tradition fait remonter l’origine d’un prieuré fortifié. Mais, le premier témoignage certain de ce prieuré n’est fourni que par un acte de 1184, intervenu entre Jean de Sassenage, évêque de Grenoble et Hugues de Dijon, dont l’un des témoins est un certain Berlion, prieur de Parménie.

En 1220, un an après l’inondation de Grenoble, Pierre de Seyssins, évêque de Grenoble, voulut offrir les consolations de la religion à ceux qui avaient souffert du cataclysme. Il annonça qu’une procession solennelle se rendrait sur la montagne de Parménie où ses prédécesseurs avaient coutume d’aller célébrer la fête de la Sainte Croix en septembre. Une grande procession eut alors lieu.

On sait que les pèlerinages ont très souvent été à l’origine des foires dans les campagnes : ces rapprochements, qui amenaient chaque année un marché à Parménie le 14 septembre, décidèrent Guy de Tullins, seigneur de Beaucroissant, de faire bâtir au pied de la colline un village où les marchands trouveraient un gîte assuré et plus d’espace pour les bestiaux, les denrées et les marchandises de toutes espèces. Par suite, le nombre de marchands, curieux et saltimbanques devint de plus en plus important, ce qui fut à l’origine de la foire de Beaucroissant, l’une des plus anciennes et des plus pittoresques de France (793ème édition officielle en 2018).

 

Chartreuse de Parménie : au milieu du XIIIe siècle, les chanoines réguliers de Saint Augustin avaient la charge du prieuré de Parménie et recevaient, lors des fêtes de la Sainte Croix, les pèlerins qui venaient en foule sur la sainte montagne. La foire qui suivait la fête fut peut-être l’une des causes qui introduisirent peu à peu le désordre du prieuré. Toujours est-il que l’évêque de Grenoble, Falcoz, transféra à Villard Benoît en 1257 son chapitre de Parménie et céda la montagne aux chartreusines de Prémol le 13 septembre 1255.

La charte de fondation de la chartreuse de Parménie est décrite dans une bulle du pape Clément IV du 13 janvier 1257. Durant un siècle et demi, la chartreuse parait avoir été paisible et prospère et l’on voit figurer les noms les plus illustres de la province parmi ceux des religieuses qui y vécurent : Alleman, Bressieux, Sassenage et, surtout, le nom de Béatrix d’Ornacieux. Celle-ci, née vers 1260 au château de la famille d’Ornacieux au Mottier, entra en 1273 à la chartreuse de Parménie. Elle fonda ensuite un monastère à Eymeux (Drôme) où elle vécut dans l’austérité et y connu de nombreuses extases. Elle en devint prieure et y mourut vers 1305. Vénérée comme bienheureuse, son culte fut confirmé en 1763 avant que n’intervienne sa béatification par Pie IX le 15 avril 1869. Ses reliques sont partagées entre Eymeux et Parménie.

Vers la fin du XIVe siècle, les moniales ne se sentant plus en sécurité à Parménie en raison de bandes de pillards qui hantaient la contrée, se réfugièrent à la chartreuse des Ecouges. Le monastère aurait été brûlé peu après par des pillards et abandonné.

En 1673, une jeune bergère, Louise Hours, exaltée par les traditions religieuses attachées au lieu, persuada le cardinal Le Camus de relever les murs de l’église et du couvent abandonnés, ce qui semble avoir été fait. Saint Jean Baptiste de la Salle s’y retira au début du XVIIIe siècle. A la révolution, le domaine de Parménie fut vendu comme bien national. Une émule de sœur Louise releva ensuite Parménie de sa ruine et les pèlerinages reprirent jusqu’en 1880. En 1964, une société de sauvegarde se rendit acquéreur des restes de Parménie, qui avaient eu à subir la dévastation des Allemands en 1943 et les confièrent aux frères des Ecoles Chrétiennes en souvenir du séjour de leur fondateur, saint Jean Baptiste de la Salle. L’ensemble est maintenant totalement restauré. La chapelle, de style roman très sobre, renferme une belle piéta polychrome du XIVe siècle. Dans le domaine se voit aussi le monument de la bienheureuse Béatrix d’Ornacieux, érigé au XVIIe siècle par le cardinal Le Camus et la sœur Louise ainsi qu’un oratoire, dit de saint Jean Baptiste de la Salle, érigé en 1714 en mémoire de son passage à Parménie.

 

Ancienne église Saint Georges : il n’en subsiste que le lieudit Saint Georges. Elle est citée dans le pouillé du diocèse de Grenoble de 1497 : ecclesia Santi Gergii Bellicrescentis, dépendance du prieuré de Rives.

 

Chapelle de la Croze : au temps du chapitre existant à Parménie, les habitants du village avaient construit une simple chapelle dont l’existence est confirmée par les cartulaires de Saint Hugues. D’après la tradition locale, il y avait au Mas de la Pelerinaz d’autres maisons destinées à recevoir les pèlerins se rendant à Parménie.

 

Maladrerie : seul subsiste le lieudit la Maladière.

 

La Carte de Cassini figure un calvaire, aujourd’hui disparu.

 

Eglise Saint Georges : édifiée au XIXe siècle en remplacement de l’édifice primitif, elle conserve :

 

-       un reliquaire en bois sculpté et doré en forme d’ostensoir du XVIIe siècle qui conserverait un fragment de la vraie croix qui aurait été donné à Parménie, classé monument historique au titre des objets mobiliers en 1942,

-       une cloche en bronze de 1548 provenant également de Parménie (même classement en 1963).

 

Châteaux :

 

Château delphinal : l’ancien château du Mollard prit le nom de Beaucroissant en 1312, époque à laquelle Guy de Tullins édifia le château fort. Il s’élevait sur une éminence au nord du champ de foire d’où l’on dominait tous les alentours. L’enceinte qui au nord ouest occupait un assez vaste espace était percée de trois portes dont la dernière fut démolie seulement au XIXe siècle. Peu après la création de la ville neuve, la terre de Beaucroissant passa au domaine delphinal.

 

Maisons fortes d’Aiguebelle et de Maubec mentionnées par PILOT.

 

Lieux anciens :

 

Domus aqua Mortus, XIVe siècle, Maubec.

En Artail, XVe siècle, l’Arthey.

 

Autres indications :

 

Chartes de franchises octroyées en 1312 et en 1343.

Mistralie mentionnée dans un acte du 25 mars 1316.

Meulière attestée en 1341 (ADI B 2974 f° 177).

Cadran solaire de 1720 avec inscription « l’heure dhobei au roi » (sic).

Autre cadran solaire de 1796 avec devise : « c’est l’heure de boire ».

558 route du Ban, pierre taillée avec une entaille rectangulaire.

 

Bibliographie :

 

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Regeste Dauphinois n° 18205, 18850, 19238, 24945, 29325, 29346

Regeste supplémentaire n° 1595, 3737 et 3746

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P. ROSTAING : antiquités de Vienne et de quelques autres villes de la même province (vers 1550)

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