BEAUVOIR-EN-ROYANS

 

(Canton Sud-Grésivaudan, ex canton de Pont-en-Royans).

Formes anciennes : Bellivisius in Royanis au XIIIe siècle, Beauvoir en Roien au XIVe siècle.

Gentilé : Belvérois.

 

Carte IGN au 1/25000ème : 3135 SB

 

Superficie de la commune : 210 hectares.

 

Population (2015) : 89 habitants.

 

Hagiographie : Jean-Baptiste, cousin de Jésus à qui il donna le baptême dans le Jourdain. Décapité en 31. Il est représenté avec un agneau pascal.

Catherine d’Alexandrie qui eut la vision de l’enfant Jésus la choisissant pour fiancée. Martyre sous Maximin Daïa en 305. Patronne des filles à marier.

 

Préhistoire et protohistoire : à Châteauvieux, sur un emplacement rocheux d’accès difficile, H. MULLER aurait découvert des fonds de cabanes et de la céramique du néolithique à l’âge du Fer ainsi que de la poterie gauloise.

 

Epoque gallo-romaine : passage de la voie romaine de Grenoble à Valence par la rive gauche de l’Isère.

A Châteauvieux on a également découvert de la poterie gallo-romaine et l’emplacement d’une citerne ou d’un silo antique creusé dans le roc, de 1,80 mètre de long sur 1,20 mètre de large et de 2 mètres de profondeur revêtue à l’intérieur d’une couche de mortier rouge.

Selon A. FAVOT : le site du château de Beauvoir aurait livré des « vestiges romains ».

Au lieudit Trémini, un site à tegulae et céramique sigillée sur 1000 m2 a été repéré en prospection en 1991.

 

Haut Moyen Âge : emplacement d’une motte castrale primitive au château.

 

Edifices religieux :

 

Ancienne église Notre Dame : elle remontait au XIIe siècle et dépendait alors du prieuré de Saint Romans. On y pénétrait par un portail roman avec colonnes surmontées de chapiteaux. Elle n’apparaît toutefois dans les textes qu’au XIVe siècle dans la charte supplémentaire aux cartulaires de Saint Hugues : capellanus de Bello Videre et dans le pouillé du diocèse de Grenoble de 1497 :  ecclesia Belli Visus. Le même pouillé mentionne la capella Beate Marie et la capella Beate Catherine dans l’église. Elle fut détruite pour cause de vétusté en 1910.

 

Hospice mentionné dans un acte de 1331.

 

Chapelle castrale : la chapelle delphinale, attestée dès 1324, conserve un unique mur avec une belle ogive à dentelures fines.

Malgré sa ruine, elle évoque un édifice aux proportions monumentales et de grande qualité de construction. Elle a été classée monument historique en 1922.

 

Confrérie du Saint Sacrement mentionnée en 1328.

 

Chapelle Sainte Catherine fondée dans l’église paroissiale le 8 mars 1340.

 

Couvent des Carmes : il fut fondé le 17 juin 1343 par Humbert II. L’acte de fondation précise qu’il donna à cet effet :

-       son domicile en partie avec la chapelle de son grand château et une autre petite chapelle qui est en salle basse,

-       un jardin clos,

-       un autre jardin sous le château et la vigne contiguë.

Dans son testament rédigé à Rhodes le 19 janvier 1347 il légua également 3000 florins aux Carmes.

La confirmation de cette donation fut faite par le dauphin Louis le 16 mars 1447 et par plusieurs rois de France, notamment en 1490, 1547, 1574, 1595 et 1671.

Le couvent est mentionné dans le pouillé du diocèse de Grenoble de 1497 : conventus Fratum Carmelistarum Belli Visus.

Les Carmes entretinrent le couvent jusqu’aux guerres de religion, époque où il fut détruit par les Huguenots. Après la tourmente, les Carmes ne revinrent à Beauvoir qu’en 1666. Ils ne retrouvèrent à peu près rien de leur ancien couvent, aussi élevèrent-ils le bâtiment que l’on voit de nos jours. A l révolution les bâtisses furent converties en exploitation agricole, ce qui explique leur sauvegarde.

Des constructions de 1343 sont conservées une grande baie à encadrement de molasse, aujourd’hui obturée, de même modèle que celle de la grande chapelle castrale, une porte à gros claveaux de tuf et une inscription gothique.

Des constructions postérieures subsistent un corps de bâtiment principal, très allongé, qui abritait les cellules des moines et une aile en retour à vocation de grange, ouvrant sur la cour.

L’ancien autel est aujourd’hui conservé dans l’église de Saint André en Royans. La porte du XVIIe siècle conserve encore sur le fronton les armes de l’ordre et, sous la bâtisse subsistante, les caveaux de la famille de Beaumont.

 

Chapelle Sainte Catherine mentionnée au XIVe siècle : capella Sancte Catherine.

 

Le pouillé du diocèse de Grenoble de 1497 mentionne l’ecclesia Sancti Johannis Baptiste loci Belli visus, unie à celle de Saint Romans.

 

Eglise Saint Jean-Baptiste : construite en 1910 dans un style similaire à celui de l’ancienne église. Elle conserve la cloche de l’ancienne église de 1694 classée monument historique au titre des objets mobiliers en 1963.

 

Châteaux :

 

Châteauvieux dit aussi château de Champeverse : le nom traduit une position défensive, sans doute poste de défense primitif de Beauvoir du coté de Presles, seul endroit par lequel une attaque était possible. Hormis les restes antiques (supra), les vestiges d’un chemin taillé dans le rocher et d’une citerne rectangulaire n’ont pas été datés.

 

Palais delphinal : avant 1251 la terre de Beauvoir appartenait aux Bérenger du Royans, de la famille des Bérenger de Sassenage. Ils l’échangèrent contre d’autres domaines avec le dauphin Guigues VI. Il y avait alors un château à Beauvoir, comme en témoignent des bulles des papes Eugène III et Luce II de 1152 et 1184 et l’acte d’échange de 1251. Ce château était admirablement situé et la défense en était facile. Le dauphin Guigues VI, parcourant le midi de ses états a dû s’y arrêter, être fasciné par le site et, de gré ou de force, exiger de son vassal cette terre qui lui plaisait. Celui-ci y résida à plusieurs reprises à compter de 1258. A sa mort, la dauphine Béatrix et son fils Jean continuèrent à se rendre à Beauvoir. A partir de Jean II les dauphins séjournèrent très régulièrement à Beauvoir et aménagèrent le château. Mais c’est surtout avec Humbert II que les embellissements devinrent conséquents, jusqu’à transformer le château en un véritable palais. En 1336 il établit à Beauvoir son grand conseil, futur parlement, composé de 14 personnes ayant à leur tête un chancelier. Ultérieurement ce conseil sera transporté à Saint Marcellin.

Durant l’époque où Humbert II séjourna de manière constante à Beauvoir, il semble qu’il ait eu avec lui au moins 2000 personnes.

C’est à Beauvoir que la tradition place la mort du dauphin André qui serait « tombé dans l’Isère d’une fenêtre par l’imprudence d’une nourrice ». C’est cette tradition qui a donné naissance à la « complainte de Beauvoir », rapportée par l’abbé Clerc Jacquier qui commence ainsi :

« Oyez d’une nourrice,

Oyez le triste évènement,

On la traîne au supplice,

Pour la mort d’un enfant ».

Or, il semble que le dauphin soit mort de maladie à l’âge de deux ans, ce que corroborerait son inhumation à Grenoble.

En février 1349 lors du transport du Dauphiné à la France, Humbert II se réserva le château de Beauvoir pour son usage personnel. Mais, peu après il quitta Beauvoir pour n’y plus revenir. Le roi de France, nouveau maître, y installa un châtelain désormais seul représentant du nouveau pouvoir.

Un procès verbal de 1473 montre le château en mauvais état et, contrairement à la tradition qui veut que Louis XI ait fait détruire le palais en 1476, il semble que seul l’abandon des lieux a permis au temps de faire son œuvre. Les Carmes, en effet, possesseurs d’une partie du domaine, n’entretenaient que la partie qu’ils avaient reçue d’Humbert II et ce, jusqu’au moment où les Huguenots achevèrent la destruction commencée par la nature.

De nos jours, ce qui fut le palais des dauphins n’est plus que ruines. De la porte basse du château on peut néanmoins voir encore la vaste arcade de l’entrée s’appuyant sur chaque coté sur le rocher naturel. La rampe d’accès serpente entre les murailles. Sur le plateau auquel on aboutit en empruntant le chemin qui passe sous l’arcade subsiste la colossale muraille du corps de logis percé de meurtrières. Un chemin de ronde, passant sur le pont jeté au dessus de la rampe, reliait les deux parties distinctes du palais : d’un coté la demeure seigneuriale et de l’autre les communs et le jardin. L’énorme donjon possède toujours sa façade sur cinq niveaux du coté de l’Isère. L’ensemble subsistant du palais a été classé monument historique en 1922.

 

Bourg médiéval : il abritait une « maison du marché », mentionnée dès 1304, où le juge mage du Dauphiné tint ses assises en 1325-1326, un four et de nombreuses habitations dont certaines s’ouvraient par des arcades de boutiques. L’espace clos est d’environ 7,5 hectares. Des baies géminées sont encore visibles ainsi que des fenêtres à meneaux.

 

Maisons médiévales : de nombreux actes du début du XIVe siècle mentionnent des maisons de Beauvoir :

-       la maison de Guigues Guerre mentionnée le 21 mars et le 27 avril 1304,

-       la maison d’Elisabeth Sollellete mentionnée le 30 mars 1304,

-       celle de de Péronet Fabri mentionnée le 31 mars 1304,

-       celle du notaire mentionnée le 13 avril 1304,

-       la maison de Margarone Bonete le 20 mai 1304,

-       celle d’Aymar Alamandi mentionnée le 30 octobre 1304

-       celle de G. Masso le 17 novembre 1304,

-       celle de Pierre Coperii mentionnée à plusieurs reprises,

-       celle de Pierre Quine, jurisconsulte, mentionnée le 25 mars 1304, le 19 avril 1305 et le 28 mai 1307,

-       celle de Jean Pelicerii mentionnée le 3 avril 1305 et le 22 octobre 1311,

-       celle de Chastanus mentionnée le 30 juillet 1305,

-       celle de Guillaume du Mas mentionnée le 2 août 1305,

-       celle de Jean Constanti mentionnée le 31 mai 1306,

-       celle de Lambert Brisardi le 6 juin 1307,

-       celle de Pierre Jomari le 18 août 1307,

-       celle de Guigues Galiani le 30 juin 1308,

-       celle de Mermet Condurerii le 9 octobre 1311,

-       l’atelier (fabrica) de Berton Fabri le 10 octobre 1311,

-       maison du marché (fori), le 26 janvier 1325

-       la maison de Guillaume Coyfferii le 27 août 1327,

-       celle de Melmet Codurerii le 24 mars 1330,

-       celle de Guillaume Guerre le 18 février 1348,

-       celle de Pierre Painchaud le 21 octobre 1349.   

 

Maisons fortes : le plan d’Ercole Negro de 1580 figure trois maisons fortes : celles d’Allières et de la Grange, aujourd’hui disparues et celle de Beaumont. C’est probablement l’une d’elles qui est citée au XIVe siècle sous la forme de domis fortis de Fontanis.

 

Château de Beaumont : à l’origine maison forte construite sur l’emplacement du parc delphinal par Jacques de Beaumont. C’est une très belle demeure, parfaitement restaurée, encadrée de deux tours, l’une carrée, l’autre ronde.

 

Autres indications :

 

Port sur l’Isère mentionné au XIIIe siècle : portus Bellivisus. Il en subsiste le lieudit le Port.

Lieudit Areyf (Arleuf) mentionné dès le XIIIe siècle.

De la même époque lieudit Malocheira, aujourd’hui le Clocher.  

Lieudit Tremini mentionné dès le XIVe siècle sous la forme Termyneu.

Charte de franchises de 1314.

G. ALLARD mentionne la présence d’un péage.

Auguste FAVOT mentionne six cadrans solaires :

-       un de 1700 (au Château Julien),

-       un de 1786 à la maison Clément,

-       un de 1790 de Pascalis à la maison Bernard avec devise supra solem veritas sub solem vanitas (au-dessus du soleil vérité, sous le soleil vanité),

-       un au couvent des Carmes avec devise ultima latet (la dernière se cache),

-       un à la maison Pascalis avec inscription : « boudes-tu félicité ? »,

-       à la ferme Belle avec deux cadrans de style Louis XIV au levant avec rinceaux et fleurs de lis dans les écoinssons et devise ultima latet evanescit (la dernière se cache, il s’évanouit ». 

Commune du Parc Naturel Régional du Vercors.

Le jardin médiéval des Carmes a été classé « jardin remarquable ».

ZNIEFF de la zone fonctionnelle de l’Isère à l’aval de Meylan.

ZNIEFF des chainons septentrionaux du Vercors.

ZNIEFF de l’Isère du pont d’Izeron à la confluence de la Bourne.

 

Bibliographie :

 

Archives départementales de l’Isère B 2609, B 4300, B 4411 f° 114

Regeste Dauphinois : n° 8694, 8788, 8869, 10175, 14636, 16326, 16366, 16376, 16378, 16407, 16436, 16491, 16510, 16511, 16576, 16590, 16595, 16598, 16666, 16670, 16861, 16862, 16866, 17090, 17098, 17206, 17143, 17222, 17291, 17847, 18012, 18068, 18069, 18081, 23578, 24761, 25456, 30410, 36571

Regeste complémentaire n° 1016, 3351 et 4190

N. CHORIER : Histoire générale de Dauphiné, T I, 1661, page 597 et T II, page 310

G. ALLARD : Dictionnaire historique du Dauphiné, ms 1684 publié par H. GARIEL en 1864, T 1, page 138 et T 2, page 314

De VALBONNAIS : Histoire de Dauphiné, 1721-1722, T I, pages 14, 31, 43, 269 et 301 et T II, pages 596, 622 et 626

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Baron A. RAVERAT : à travers le Dauphiné, voyage pittoresque et artistique, 1861, pages 159 à 163

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