CHATEAU-BERNARD

 

(Matheysine-Trièves, ex canton de Monestier-de-Clermont).

Forme ancienne : Deserto au XIe siècle.

Gentilé : Chapelous.

 

Cartes IGN au 1/25000ème : 3236 E et Hauts plateaux du Vercors au 1/50000ème

 

Superficie : 1830 hectares.

 

Population (2020) : 268 habitants.

 

Hagiographie : Laurent, archidiacre espagnol, martyr en 258. Il est représenté avec un gril à la main (son supplice).

 

Epoque gallo-romaine : une voie romaine secondaire de Grenoble à Die passait-elle par le Col de l’Arzelier ? Des traces pourraient être possibles au lieudit Croix de Jacques.

Le lieudit le Désert, à 300 mètres de Mas Roux rappelle t-il un ancien domaine gallo- romain déserté (desertum) ?

 

Haut Moyen Âge : au dessus du Pas de la Balme, à près de 1900 mètres d’altitude, sur les limites des communes de Château Bernard et de Corrençon subsistent les vestiges d’un mur d’une quinzaine de mètres de longueur, encore haut de près de 2 mètres en certains endroits, qui passe pour avoir été un mur de défense contre les sarrasins. Il porte du reste le nom de Mur des Sarrasins sur les cartes IGN. Selon la légende, au VIIIe siècle des sarrasins venus du sud auraient atteint Château-Bernard et, à la faveur de complicités locales, décidé de franchir le Pas de la Balme pour aller piller Corrençon. Les habitants du plateau, avisés de ce dessein, auraient alors édifié au dessus du Pas mais bien dans l’axe du chemin montant de Château-Bernard une fortification défensive dont l’équilibre précaire était artificiellement assuré par des cordes maintenant l’ouvrage. Lorsque les envahisseurs furent arrivés à proximité du Pas les défenseurs rompirent alors la fortification, déclenchant une avalanche de rochers et de blocs qui tua quasiment tous les sarrasins. Seuls deux sarrasins auraient survécu : l’un serait venu mourir à Mas-Roux et l’autre aurait atteint Lanchâtre.

La fortification, énigmatique, assez peu étudiée il est vrai, n’a jamais reçu d’explication satisfaisante. Au-delà de la légende, on a aussi parlé d’oppidum, de site cultuel, de cabane de bergers ou de barrière protégeant les troupeaux des grands précipices. Mais ceci est contredit à la fois par les lieux mêmes et, surtout, par une entaille dans le rocher qui n’est pas d’origine naturelle et qui semble montrer qu’il y eut en cet endroit un poste de surveillance en rapport avec le mur. Deux échancrures de même nature sont également visibles à proximité.

Selon TERRAS, la tradition orale dit que les autochtones auraient édifié ce baripeiros sechas oou couol de la Balme.

Mais on peut aussi y voir une délimitation territoriale ou une frontière entre Allobroges et Voconces (voire même Tricorii), assortie d’un poste de surveillance.

Cette région est, en effet, en limite de deux circonscriptions diocésaines (Grenoble et Die). De plus c’est dans ces parages que ce situe la limite linguistique entre franco provençal et langue d’Oc. Selon Mme Yvette VALLIER, la mémoire de Château- Bernard, sa grande mère ne lui disait pas dans sa jeunesse « ferme la porte » mais « sarraso », mot qui avait sans doute perduré durant des siècles pour signifier un péril et une nécessité de se barricader. Un rapport évident en ces lieux existe donc avec le « mur ».

Au plan historique, il paraît établi que les sarrasins firent des incursions dans la province Viennoise au VIIIe siècle, en 724 ou 732. Par ailleurs, le testament d’Abbon de 739 laisse à penser que parmi ceux qui firent cause commune avec les envahisseurs il y aurait eu des habitants du pagus de Grenoble.

A Château Bernard ce souvenir semble avoir traversé les siècles puisque, sur une superficie restreinte, subsistent trois toponymes significatifs : outre le Mur des Sarrasins, on trouve une Fontaine Sarrasine et un Camp des Sarrasins.

Selon F. GAUTIER, ce dernier lieudit aurait été situé « en dessous du sentier unissant Prélenfrey à la combe de Château-Bernard ». Vers 1930, des fouilles (infructueuses) auraient été exécutées sur ce « camp ». Trois autres lieudits pourraient évoquer les sarrasins : la Rousse (terre des Roussets), Serre Rousset et Mas Roux. On a parfois prétendu que des fragments d’armes auraient été retrouvés dans la fortification ou à proximité mais ceci semble controuvé.

De plus, F. GAUTIER, qui a fouillé le terrain autour du mur et sous la Balme, dit n’y avoir trouvé que quelques os de moutons et du charbon de bois.

 

Le hameau de Puy Grimaud pourrait remonter au Haut Moyen Âge (domaine de Grimald ?)

La motte castrale du Châtelard, située au dessus de l’ancien chemin reliant Prélenfrey à Château-Bernard est située sur la commune du Gua.

La tradition locale fait état d’un édifice cultuel au Désert antérieur à Saint Hugues.

En 2020, à 2050 m d’altitude, dans la grotte des Deux Sœurs, Régis Picavet a découvert le squelette d’un homme d’une quarantaine d’années. La datation qui en a été faite a donné le début du XIe siècle. Il ne semble pas qu’il soit mort dans cette grotte mais plutôt qu’on l’y ait déposé ultérieurement.    

 

Edifices religieux :

 

Eglise Notre-Dame-du-Désert : elle est citée dans le cartulaire de Saint Hugues : ecclesia de Deserto. L’église est encore nommée dans la charte du XIVe siècle et dans le pouillé de 1497 : ecclesia Beate Maria de Deserto. Elle dépendait alors du prieuré de Vif. Siboud Alleman, évêque de Grenoble la visite le 13 juin 1455 ; il ordonne de jointoyer les murs du chœur. Il n’en subsiste que quelques traces.

 

Eglise Saint Laurent : construite au début du XVIe siècle à peu de distance de l’église primitive. Ruinée au XIXe siècle elle a été reconstruite au site actuel du bourg (infra).

 

Croix dite de Jacques (Saint Jacques ?) : elle est érigée dans la forêt au-dessus de Puy Grimaud, sur un rocher creusé dit « le bénitier ».

 

Eglise paroissiale Saint Laurent : elle a été construite en 1866, à 150 mètres de l’ancienne. En 1962 un tremblement de terre fendit la façade de l’église et ébranla le clocher qu’il fallut partiellement reconstruire. L’église conserve trois cloches, une de 1775, une seconde de 1781 et une dernière de 1870 et une reproduction de la Cène de Léonard de Vinci, donnée par Napoléon III et placée au dessus de l’entrée. Ont été inscrits à l’inventaire supplémentaire des objets mobiliers en 1998, une grande croix de procession du XIXe siècle et une chasuble du XIXe siècle.

 

Croix de 1878 érigée dans un champ à la mémoire d’un enfant, Joseph Terrier, frappé en cet endroit par la foudre.

 

Statue de Notre-Dame-du-Désert érigée en 1927 au hameau de Mas Roux sur l’emplacement de l’église primitive.

 

Châteaux :

 

Château delphinal : vers le sud de l’église, au coteau nommé le Château, subsistent les ruines d’un l’ancien château qui aurait tiré son nom d’un seigneur local. Au XIIIe siècle, il fut intégré dans les possessions delphinales. Il est cité pour la première fois dans un acte du 23 janvier 1302 (ou 1303) par lequel Pierre Ysoardi rend hommage au dauphin pour les châteaux de Thoranne, de Gresse et pour la « maison » de Château Bernard. L’enquête de 1339 en donne la description suivante : « donjon carré bordé de fossés profonds. Au centre une tour carrée de 6 toises de hauteur. Revenus, 117 florins ». Il est alors tenu par Guigues de Sala et Guillaume de Royn, vassaux du dauphin. L’enquête papale de la même époque relève que le château comporte une seule paroisse faisant 111 feux.

De dimensions modestes, le château était défendu par des abrupts au nord, à l’est et à l’ouest et n’était accessible de fait que par le sud.

 

Aux Châtelas au nord-est du village, emplacement possible de château ou de maison forte.

 

Selon J. GARNIER à l’emplacement de la mairie et de l’école aurait existé un château qui se serait écroulé à la fin du XVIIe siècle.

 

Lieudits anciens :

 

Aversen villa, XIVe siècle, Livernet

Ad Brunierum, XIVe siècle, Bruneyre.

Pass de Balma, XIVe siècle.

Barchetum, XVe siècle, Bouchet.

Malcosta, XIVe siècle, Malcôte

Podium Engela, XIIIe siècle, Puy Trangouillat

Puy Grimeaud, XVIIIe siècle, Puy Grimaud.

Villa de Bajutis, XIVe siècle, les Bayles

Villa Chanavarie, XIVe siècle, la Chenevarie

Villa de Combe Eynardenche, XIVe siècle, la Combe

Villa de Johanneriis, XIVe siècle, Joigné ?

Villa mansis Rodulphi, XIVe siècle, Marroux, XVIIIe siècle, le Mas Roux

Villa de Mayssoneriis, XIVe siècle, Mazeteyre

Les Monineyres, XVIIIe siècle, Morinaire

Villa de Sautelleras, XIVe siècle, Sauteleyre

Villa Serri Riconis, XIVe siècle, Salicon

 

Autres indications :

 

Un couvercle de tombe a été découvert en 1984 dans le cimetière. Il peut être daté du XVe ou du XVIe siècles. Pour Mme VALLIER il pourrait s’agir de la tombe d’un membre de la famille de Margaillan.

Vers le col des Deux Sœurs, bornes de délimitation du domaine royal et de l’évêché de Die avec, semble-t-il, le blason de la famille de Grinde.

Au Col de l’Arzelier subsistent 2 bornes seigneuriales du XVIIe siècle qui marquaient la limite entre Prélenfrey et Lanchâtre, l’une au col même au bord de la route et l’autre sur la crête de la Ferrière.

A Maseteyre, fontaine à beau bec cracheur avec gueule de dauphin.

Une clouterie a fonctionné au XVIIIe siècle.  

A Salicon et à Château Roux, anciennes demeures du XVIIIe siècle.

Moulin Freydier de 1885.

Commune du PNR du Vercors.

ZNIEFF des hauts plateaux du Vercors.

ZNIEFF de la forêt du Pey Bousou.

ZNIEFF de la pelouse sèche de la Roche.

ZNIEFF des crêtes orientales du Vercors.

 

Bibliographie :

 

Archives départementales de l’Isère B 3008, B 4443, f° 72 ; 4G 251 ss

Regeste Dauphinois n° 1123, 1421, 1725, 16116, 27646, 29470, 29530, 29664, 29702, 30281

Regeste complémentaire n° 2470 et 3153

G. ALLARD : Dictionnaire du Dauphiné, manuscrit de 1684 publié par H. GARIEL en 1864, T 1, page 260

G. de RIVOIRE de la BATIE : Armorial de Dauphiné, 1867, page 289

J. MARION : cartulaires de la cathédrale de Grenoble dits cartulaires de Saint Hugues, 1869, pages 191, 278, 291 et 351

U. CHEVALIER : choix de documents historiques inédits sur le Dauphiné, 1874, page 69

J. CHEVALIER : essai historique sur l’église et la ville de Die, T II, 1896, page 236

C. FAURE : un projet de cession du Dauphiné à l’église romaine (1338-1340), Mélanges d’archéologie et d’histoire, T 27, 1907, pages 177 et 218

E. PILOT de THOREY : dictionnaire topographique de l’Isère publié par U. CHEVALIER en 1920, pages 14, 17, 24, 53, 74, 105, 192, 208, 212, 215, 220, 234, 273, 287, 330, 334

A. BOUCHAYER : les sarrasins dans les Alpes au Xe siècle, BSDEA T XXII, 1922, pages 23 à 34

H. MULLER : mise au point sur la question des sarrasins, anthropologie, histoire, légendes, BSDEA T XXII, 1922, pages 35 à 41

Notre-Dame-du-Désert, l’Echo de la Moucherolle, 1925

Anonyme : Notre-Dame-du-Désert à Château-Bernard, 1926

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J. GARNIER : études historiques et géographiques de la commune de Château- Bernard, 1946

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Site Internet : bornes. Fapisere page17

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