VEUREY

 

(Canton Fontaine-Vercors, ex canton de Fontaine-Sassenage).

Forme ancienne : Voreio au XIe siècle.

Gentilé : Veurois.

 

Carte IGN au 1/25000ème 3234 Grenoble est

 

Superficie : 1444 hectares.

 

Population (2015) : 1444 habitants.

 

Hagiographie : Ours, soldat de la légion thébaine, martyr à la fin du IIIe siècle ou Saint Ours d’Aoste du VIe siècle, invoqué pour les enfants morts nés.

Georges, prince de Cappadoce, martyr à Lydda en 303. Son culte remonte à 368 et fut embelli par la légende du dragon. Patron de l’Angleterre dès 800 et patron des cavaliers.

 

Protohistoire : H. MULLER dit avoir découvert à Saint Ours des « vestiges gaulois » (oppidum ?).

A la Cote Maillet et entre la Combe et la Ferme de Lespinasse, chemins anciens qui passent pour être d’origine protohistorique.

La voie protohistorique de Saint Quentin à Veurey est-elle celle qu’a suivie Hannibal en 218 avant notre ère ? Plusieurs auteurs le pensent dont S. LANCEL.

Une grotte « sépulcrale » aurait livré des sépultures du Bronze final.

 

Epoque gallo-romaine : de nombreux vestiges sont connus :

 

Ø  Veurey est situé à l’emplacement d’un port dans doute dès l’antiquité et au bord de la voie romaine de Valence à Grenoble par la rive gauche de l’Isère. Cette voie, qui passait par Saint Ours pour éviter le passage de l’Echaillon sans doute submergé de manière permanente ou périodique, est encore dallée sur une large partie de son tracé, entre Petit Port et Saint Ours et au dessus de la ferme du même nom. On ne sait toutefois pas comment elle pouvait descendre sur l’autre versant.

Ø  En 1888, lors de la rectification de la route de Veurey à Montaud, on a mis au jour des tombes gallo romaines vers l’église ainsi qu’une amphore estampillée ATTIVS XII S(extarii ?) (M. D. 34.23.48) qui renfermait environ 2080 pièces romaines du IIIe siècle pour un poids de 8 kilos. H. MULLER en examina environ 600 des règnes de Valérien, Posthume et surtout Claude II (300 pièces). Le terminus post quem est l’automne 268. Quelques unes sont conservées au Musée Dauphinois (3 de Gallien et 4 de Claude II, n° 34.23.48.2 à 7).

Ø  En 1894 de nouvelles tombes sous tuiles furent exhumées vers l’église.

Ø  Dans un champ, on aurait découvert en 1895, 250 pièces en billon de Gordien III à Volusien. X. LORIOT pense qu’il y a confusion avec le premier lot du trésor de Vinay.

Ø  Le centre du village actuel semble avoir été au IIIe siècle une construction de type castrum. A diverses reprises on a mis au jour des substructions de remparts. Une partie de cette enceinte supposée partait de l’angle nord est de la Tour des Templiers, laquelle repose sur des fondations romaines qui ont du faire partie du même ouvrage, remontait dans l’ancien Champ des Sœurs jusqu’à une tour circulaire dont les fondations ont été découvertes en 1905, redescendait vers le grand portail du presbytère et séparait le jardin curial de la propriété des Boisverd.

Ø  Dans le jardin du presbytère, en dehors de l’enceinte susvisée, on a découvert en 1912 des tegulae, des débris de sculpture en marbre blanc et des fragments de mosaïque.

Ø  A Saint Ours, au bord de la voie romaine, emplacement d’une nécropole gallo- romaine. De nombreuses tegulae ont été découvertes sur le site ainsi que des amphores, des poteries et un fragment d’inscription VVTE (VIVITE ?).

Ø  Les carrières de l’Echaillon semblent avoir été exploitées dès l’époque romaine : on y a retrouvé, dans un coin retiré, des vestiges et outils paraissant dater du 1er siècle et 5 monnaies (Lucius Vérus, Gordien III, Philippe l’Arabe, Gallien, Claude II).

Ø  Au lieudit l’Eygalem, on a exhumé des tombes sous tegulae et un fragment de vase en pierre ollaire.

Ø  En 1968, en face de l’église, on a mis au jour, à l’occasion de travaux de voirie, une villa romaine. Une fouille méthodique a révélé deux états : IIe puis IVe siècles. On y a exhumé tout le matériel habituel des sites ruraux antiques. Il faut toutefois relever la richesse en monnaies du IVe siècle (de Constantin à Julien), des briques estampillées RVF, des fragments de céramiques sigillées, une boucle de ceinture du Ier ou du IIe siècles, des enduits peints, des marbres, des tesselles de mosaïques, un bouchon d’amphore (M. D. 27.2.30), une lampe en terre cuite, des fragments de vases et de coupes et des figurines en terre cuite.

Ø  Face à la Tour des Templiers, colonne monolithe de 4 mètres de hauteur qui semble romaine.

Ø  La tour, elle-même, remploie de nombreux blocs antiques.

 

Haut Moyen Âge : au lieudit le Béril, H. MULLER signale la découverte de plusieurs tombes sous tuiles en bâtière, sur un terrain sableux dominant la vallée de l’Isère, à peu près à la rupture de pente. Les coffres, construits en tegulae et imbrices, de section triangulaire, s’apparentaient aux sépultures des Ve au VIIe siècles. Ils étaient toutefois accompagnés de débris de vases paraissant remonter au IVe siècle.

D’après l’abbé MOUTON, historien de Veurey, les trois chapiteaux qui étaient conservés au jardin curial, seraient mérovingiens et proviendraient d’une première église vouée à Saint Georges. Le plus beau des chapiteaux représente un sujet symbolique, une tête de femme nimbée surmontée d’un soleil et les deux autres sont de feuilles d’acanthe et de volutes. Plusieurs auteurs signalent que l’église démolie au 19ème siècle était d’origine mérovingienne. H. MULLER pensait même qu’elle avait été élevée sur les ruines d’un temple romain. 

 

La basilique funéraire de Saint-Ours : entre 1855 et 1857, DUPUY de BORDES découvrit et fouilla, dans sa propriété située au flanc de la colline, une cinquantaine de tombes et les substructions d’une petite église funéraire. Le site, au débouche de la voie romaine, est perché à l’altitude de 650 mètres, sur un petit plateau aujourd’hui occupé par une ferme.

Selon le rapport qu’en fit G. VALLIER en 1860, l’église possédait une nef rectangulaire de 13 mètres de longueur sur 5 mètres de largeur et un chœur en arc de cercle. Il découvrit alors 33 tombes en relation directe avec l’édifice : 14 sarcophages, un coffre en dalles calcaire, une sépulture en pleine terre et 17 coffres de tegulae. Parmi les sarcophages 10 étaient taillés dans du tuf et les 4 autres dans du calcaire local. Enfin, il signalait une vingtaine de tombes « en briques », dans le champ confinant la chapelle.

Selon M. COLARDELLE qui a repris l’étude du site dans les années soixante dix : « … les murs de la chapelle ont été fortement érodés, recouverts de végétation et les sarcophages ont été cassés, violés ou recouverts… Dans l’écurie de la ferme sont conservés deux chapiteaux trouvés sur le plateau de Saint-Ours… Le type d’inhumation, le caractère très typé du plan qui rapproche l’édifice religieux de nombreux exemples régionaux tant urbains que ruraux, permettent de proposer un schéma d’évolution : dans un cimetière de la fin de l’antiquité, une chapelle funéraire est construite dès le Haut Moyen Âge. Le manque de précisions dans les observations ne permet pas de savoir si l’annexe nord est asymétrique et si elle est antérieure au reste de l’église ou si elle lui est rigoureusement contemporaine. Il faut noter toutefois qu’elle ne contient qu’une seule inhumation en coffre de tegulae, ce qui pourrait indiquer qu’il s’agit d’un mausolée contenant une tombe vénérée. Celle-ci aurait pu constituer le noyau chrétien primitif. La juxtaposition, dans les mêmes rangées à l’intérieur de la nef, de coffres en tegulae et de sarcophages semble plutôt indiquer une date haute pour l’installation de l’église : Ve siècle tout au plus. L’abandon est plus difficile à situer mais la présence de sarcophages de plan ovale recule cette phase au moins à la fin de la période mérovingienne.

Quoiqu’il en soit, elle est mentionnée au XIe siècle : ecclesia de Castrucia.

 

Motte castrale supposée au Châtelard.

 

Edifices religieux :

 

Ancienne église Saint Georges : sans doute d’origine mérovingienne (supra), elle est citée dans le cartulaire C de Saint Hugues : ecclesia de Voreio et dans le pouillé du diocèse de Grenoble de 1497 : ecclesia prioratus et cure Sancti Georgii de Verey.

 

Ancienne église de l’Eygalem : elle est également citée dans le cartulaire de Saint Hugues : ecclesia de Aiqualenz. Ses fondations existent encore accusant 12 à 14 mètres de longueur sur 3 mètres de largeur. Une croix a été édifiée la 14 septembre 1907 sur son cimetière.

 

Chapelle des Jayères : le cartulaire de Saint Hugues la mentionne également : capella de Vorei. Une fenêtre romane et une porte ogivale sont encore visibles.

 

Prieuré Saint Georges : il fut établi par les bénédictins de Saint Pierre de Vienne avant la fin du XIIIe siècle. Il est cité dans le pouillé de 1497 : prioratus de Vourey.

 

Le même prieuré mentionne une capella Beate Marie.

 

Tour des Templiers : infra

 

Ancien lieudit la Madeleine (maladrerie ?).

 

Ancien couvent des Filles de la Charité : construit au XVIIe siècle par la famille de Pellissier. Plusieurs pièces conservent des boiseries de l’époque de Louis XIII.

 

Eglise Saint Georges : elle a été reconstruite en 1853 sur l’emplacement de l’église primitive. A l’intérieur, deux fûts de colonnes romaines supportent deux bénitiers ornés d’archanges sculptés vers le XIIIe siècle. Des chapiteaux sont signalés en remploi dans le clocher.

 

Chapelle moderne Saint-Ours : édifice de plan carré de 3 mètres de coté sans aucun style, construite sur le bord d’un à pic du bec de l’Echaillon. Elle a pour seuil une dalle de pierre qui semble bien différente des calcaires blancs environnants. La chapelle actuelle, très délabrée bien que d’époque récente, pourrait occuper la place d’un édifice plus ancien.

 

Ancien lieudit la Croix.

 

Châteaux :

 

Tour des Templiers : à l’origine maison forte ou peut être château delphinal. La tour, du milieu du XIIIe siècle, est construite sur des substructions antiques. C’est un carré de 15 mètres de coté avec des murs de 2 mètres d’épaisseur. L’entrée primitive devait être située sur la façade nord, à la place de la porte actuelle qui a remplacé une porte ogivale. A hauteur du premier étage existait une porte étroite, aujourd’hui murée, qui donnait sur un petit balcon surveillant l’entrée. La demeure fut sans doute concédée aux templiers ou aux chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem puisque c’est sous ce nom qu’elle est parvenue jusqu’à nous.

Le 17 mars 1339, les envoyés du pape sont à Veurey, dans le cadre du projet de cession du Dauphiné. Ils notent que le mandement de Veurey est composé d’une seule paroisse faisant 120 feux.

La tour a été inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1984.

 

Maison forte de la famille Bertrand mentionnée au XIIIe siècle (non localisée).  

 

Château des Chorot Boisverd : il remonte au XVe siècle mais la construction a été remaniée à diverses époques. Elle conserve néanmoins une tour ronde de son premier état. Cette tour, qui passe pour avoir abrité le dauphin Louis II un jour de chasse, conserve une tapisserie datant peut-être de cette époque. A compter de 1450, la famille de Chorot Boisverd a donné de nombreux châtelains à Veurey.

 

G. ALLARD mentionne une maison forte appartenant à Bertrand de Veurey.

 

Château des Saint-Ours de Petit-Port : il fut construit à l’époque de la Renaissance par la famille de Saint-Ours. Cette famille apparait dans une révision de feux de 1339 avec Pierre de Saint-Ours. Selon Rivoire de la Bâtie, cette famille aurait émigré au Canada vers 1787. Ses armes étaient d’or à un ours de sable.

Aliéné à la révolution, le château a néanmoins conservé sa physionomie primitive. La façade avec ses fenêtres à meneaux donne sur le chemin qui va de Veurey à l’Echaillon.

 

A proximité, ancienne ferme seigneuriale, contemporaine du château, qui conserve également une fenêtre à meneau.

 

Château de Saint-Ours : construit vers la fin du XVIIe siècle en remplacement du château de Petit Port. Il a été reconstruit vers 1850 à la suite d’un incendie.

 

Hameaux et lieux anciens :

 

Chastellario, XVe siècle, le Châtelard.

Chausseria, XIVe siècle, la Chauchière.

De Isgalems, XIIIe siècle, l’Eygalem.

Espinacia, XIIIe, l’Espinasse.

Mas de la Magdelaine mentionné au XVIIe siècle.

Portus Vorodis, XIIIe siècle, Petit Port.

Ten en les Jayeyeres, XIIIe siècle, les Jayères.

Viridarii, XIIIe siècle, Verdoret.  

 

Autres indications :

 

Le calcaire à polypiers de l’ancienne carrière du Bec-de-l’Echaillon est un site géologique classé 2* à l’inventaire des sites géologiques de l’Isère de 2012.

19 rue de la Gilbertière maison avec à l’étage une magnifique baie géminée surmontée d’un oculus trilobé du XIIIe siècle.

A l’Echaillon, ruines d’un petit établissement thermal fondé en 1833 pour utiliser une source dont les propriétés curatives étaient les mêmes que celle des eaux d’Uriage et d’Allevard. Il reçut jusqu’à 1000 curistes par an puis fut abandonné.

ZNIEFF des chainons septentrionaux du Vercors.

ZNIEFF de la zone fonctionnelle de l’Isère à l’aval de Meylan.

 

Bibliographie :

 

Regeste dauphinois n° 14662, 28203, 29568

Regeste complémentaire n° 3030

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