RECHERCHES SUR LE PATRONAGE ORIGINEL DE L’ANCIENNE EGLISE DE FONTANIEU A VARCES

 

Cette brève étude a pour but d’évoquer un point obscur de notre histoire locale qui, semble t-il, n’a jamais été étudié : le patronage originel de l’ancienne église de Fontanieu à Varces. Traditionnellement considérée comme étant vouée à Saint Maurice, il apparaît cependant que celle-ci ait pu être, antérieurement au 12ème siècle dédiée à un autre patron, Saint Clément.

Un seul document, il est vrai, sert de point de départ à cette recherche mais non des moindres puisqu’il s’agit, en l’occurrence, des cartulaires de l’église cathédrale Notre Dame de Grenoble dits « cartulaires de Saint Hugues ». Jamais datés avec certitude, ces cartulaires sont attribués traditionnellement à une large période comprise entre 1080 et 1130, celle de l’épiscopat de Saint Hugues : conventionnellement, depuis Jules Marion qui les publia en 1869, on retient comme date approximative « vers 1100 » (1).

En effet, la seizième des chartes du « cartulaire B » mentionne une église dédiée à Saint Clément située « près du Drac » au lieudit « Fontanils ».

Voici le texte littéral : « … habent manque inter episcopum et comitem unum pratum optimum communiter juxta ecclesia un sanctis clementis prope flumen Dravi et debend illum pratum seccare homine de Fontanils videlicet XVI debent esse sectores et pratum debet habere illam magnitudinem ut per IIIes dies jugiger XVI sectores operentur sine aliquo lucro ; sed sibum debent habere communiter et potum de domo comilis et de domo domo episcopi… » (2).

M. L’abbé COFFIN, dont ont connaît la grande érudition et la parfaite maîtrise des textes médiévaux a bien voulu effectuer la transcription littérale du texte latin (3) : « « ils ont donc, entre l’évêque et le Comte, un très bon pré en commun, près de l’église dans (le lieu) de Saint Clément, proche du Drac ; des hommes de Fontanieu doivent (se présenter) comme faucheurs et le pré doit avoir une grandeur telle qu, durant trois jours, les seize faucheurs travailleront sans gain ; mais ils devront avoir la nourriture et la boisson ensemble dans la maison du Comte et dans la maison de l’Evêque ».

Voici donc le problème posé : le texte parle bien d’ « une église Saint Clément, proche du Drac à Fontanieu ». On ne saurait, il est vrai, avec aussi peu de précisions se prononcer sur la localisation précise de ce lieudit « Fontanieu » dont on sait seulement qu’il était « proche du Drac ». Une autre charte, du même cartulaire, est complémentairement allusive, dans une formulation voisine (4) : « Iterum ultra Dracumecclesia de Fontanils VI » (5). Pourrait-il s’agir de la paroisse de Fontaine, également proche du Drac ?    

 

(1)   Jules MARION : cartulaires de l’église cathédrale de Grenoble dits de Saint Hugues, 1869

(2)   J. MARION, op. cit. page 96

(3)   Il est par ailleurs l’auteur d’une notice consacrée à l’église de Fontanieu dans l’ouvrage collectif : archéologie chez vous, la vallée de la Gresse, publiée en 1985 (notice n° 206 »

(4)   Cartulaire « 2 C » : J. MARION, op. cit. page 197

(5)   6 livres ou 6 deniers, montant de la redevance à l’évêché

 

 

Dans le troisième des cartulaires de Saint Hugues (6), Fontaine apparaît de fait entre « Sancti Petri de Chassanico » (Sassenage) et « Sancti Justi » (7) sous cette seule mention « ecclesia de Fontanis ». On peut, à cet égard, relever trois éléments :

 

-       le toponyme est écrit sous la forme « Fontanis » et non « Fontanils »,

-       Fontaine a toujours été localisée « près du Drac » (prope Dracum) et non « au-delà du Drac (ultra Dracum),

-       Son église est connue pour avoir été traditionnellement vouée à Notre Dame (8).

 

Le vocable de Saint Clément pourrait-il davantage éclairer ? Il semble, malheureusement, que ce ne soit guère envisageable car ce patronage, rarissime, n’existe pas en d’autre lieu du domaine de l’évêché de Grenoble. Au-delà, cette dédicace est seulement présente à Saint Chef et à Pont de Beauvoisin, deux localités trop éloignées de nos contrées pour que l’on puisse se prévaloir d’un quelconque lien. Dès lors, il convient pour circonscrire la recherche de s’orienter sur une autre piste. Celle-ci pourrait se trouver dans un autre cartulaire illustre, celui de Domène. On sait en effet que cette localité a vu, dès le début du 11ème siècle, grâce au libéralités de la famille Ainard, a vu, dès le début du 11ème siècle, l’établissement d’un prieuré clunisien doté dès son origine (9) de larges possessions situées, pour certaines d’entre elles, déjà « au-delà du Drac » (10). 

Il faut toutefois attendre le 10 Août t 1058 pour voir la consécration solennelle de cette illustre église de Domène, réservée au service prieural. La dédicace, au cours d’une cérémonie dans doute grandiose,  en présence des archevêques de Vienne, d’Embrun, de Tarentaise, de l’évêque de Grenoble, des principaux membres de la famille Ainard et de nombreux nobles des environs, qui eut lieu en cette année 1058 est d’ailleurs particulièrement édifiante pour le point qui nous intéresse ici et mérite, à cet égard, d’être rapportée :

 

(6)   J. MARION : op. cit. page 197

(7)   Saint Just de Pariset, aujourd’hui disparu

(8)   Renseignement de M. L’abbé COFFIN qui précise que « c’est sous ce vocable que la mentionne le compte rendu de visite pastorale de Laurent Alleman en 1488. Il ajoute, toutefois, que la description de l’église faite le 29 juillet 1732, lors de la visite de Mgr de Caulet, mentionne un « autel de Saint Blaise dont il est dit que c’est l’ancien patron de l’église ». Mais E. COFFIN précise qu’il semble que cet autel à Saint Blaise ait été élevé dans le cimetière, vers 1630, lors d’une épidémie de peste. J’ajoute qu’il est également possible qu’un autre patronage ait existé à Fontaine, celui de Saint Vincent évoqué lors de la visite pastorale de Jean de Chissé en janvier 1340 (ADI, 4 G 251 et ss). En aucun cas, toutefois, Saint Clément a été associé à Fontaine.

(9)   Sans doute vers 1027 si ce n’est antérieurement : A. BRUEL : chartes de Cluny, T III, pages 430 et 431 n° 2307 (1876). Regeste Dauphonois n° 1694 et 1695

(10)              Ainsi par exemple à Miribel Lanchâtre si l’on en juge par une donation faite en 1030 par Humbertus de de Miribello : A. BEAUP : les sanctuaires du Trièves, 1980, page 39 mais aussi dans tout le Trièves pour des tenures ayant relevé de la seigneurie des Comtes de Die bienfaiteurs de Cluny dès 1040

L’église est vouée aux saints Pierre et Paul (in honore beatorum Petri et Pauli » mais on lui a associé d’autres église que les clunisiens possédaient déjà. Etaient-elles toutes situées à Domène ? Il n’y a pas de doute en ce qui concerne les trois premières ; ainsi, l’église à la Sainte Vierge au midi : « … altare at merideim in honore beate seper virginis Mariae et omnivum sanctorrum santarumque virginae » ; celle vouée à Saint Jean Baptiste ensuite, située au nord : « … altare ad septentrionem in honorebeati Baptista Joannis et omnium beatorum martyrium » puis celle dédiée à Saint Georges : « … alia ecclesia in honore beati Georgii Martyris » dont on suppose qu’elle était située « près du castrum de Domène » (11).

Mais, en allait-il de même pour la dernière des églises associées à la dédicace et vouée à Saint Clément ? « … alia in honore beate Clementis » dont la localisation, curieusement, n’est pas précisée ? (12). Monteynard lui-même ne saurait trancher : s’il situe bien Saint Georges à Domène (« probablement église du bourg »), il n’indique rien quant à l’emplacement de Saint Clément (13). Il convient toutefois de noter que, dans l’énumération des considérables biens apportés au monastère qui s’ensuit et sur laquelle nous n’avons pas lieu de nous attarder ici (14) figurent nombre de possessions situées « au-delà du Drac » telles « Malum Consilium » (15), « Campo rotundo » (16) ainsi que d’autres biens en Matheysine (17), Champsaur, Trièves… (18).

Quelques années après la donation originelle, notamment en 1050 et en 1080, d’autres possessions apparaissent en Trièves telles « un grand mas à Larvax » (19) ou l’église de Saint Jean d’Hérans (20) cependant que la confirmation est faite de la possession de Saint Clément (21) sans pour autant que soient données des indications sur sa localisation.

 

(11)              A. BRUEL : chartes de Cluny, T IV, n° 3354, pages 450 et 451

(12)              Sur l’intégralité de la dédicace voir « Cartulare monasteri beatorum Petri et Pauli de Domina. « Cluniacensis ordonis Gratianopolitanae diocesis » publié par C. de MONTEYNARD en 1851 et N. DIDIER : les censiers du prieuré clunisien de Domène, Cahiers d’histoire, T 2, 1957, page 5 et T 3, 1958, page 225

(13)              pages 5 et ss et T 3, page 225

(14)              voir notamment à cet égard la synthèse publiée dans l’ouvrage « Domène, un prieuré bénédictin, publiée par le Musée Dauphinois et la Conservation du patrimoine de l’Isère, 1995

(15)              Cossey sur Claix

(16)              Champrond sur le Gua ? Le dictionnaire topographique de l’Isère, publié à partir des notes de PILOT de THOREY, penche plutôt pour un lieudit disparu de l’actuelle commune des Adrets. On doit toutefois noter que Domène avait des possessions à « Vadum » (le Gua). Cf charte 239,19  

(17)              Les clunisiens avaient des possessions en Matheysine depuis 950, date d’une donation de Rostagnus ; chartes de Cluny, T 1, n° 593, pages 561 et 562   

(18)              N. CHORIER : histoire générale du Dauphiné, II, 13. Cartulaire de Domène, I, 4, n° 1. Chartes de Cluny, I, n° 593, pages 561 et 562 

(19)              Lavargum, Lavars, charte 16 et Monteynard, op. cit. page XXXV

(20)              Qu’il faut rapprocher de la donation faite au monastère de Domène par Pierre dit Lethald de Brion vers 1060 de « tous ses biens de la Villa de Heroneis (Regeste Dauphinois n° 1956 et 1957

(21)              Cartulaire de Domène, chartes 2 (1058), 16 (1060) et 67 (1080)

Des tenures à Fontanieu, même non explicitement citées (22) ne seraient donc, dès cette époque, pas totalement improbables d’autant qu’il est établi, de manière probante que les clunisiens de Domène avaient de nombreux liens avec Varces (Varcia, Varsia), diverses donations leur ayant été consenties par la famille seigneuriale du lieu et, notamment, par Ymardi de Varcia (23), Athenulfe de Varcia (24) et Anthelmus de Varcia (25).

Peut-on pour autant, et à partir d’éléments aussi ténus, en déduire que cette mystérieuse église était située à Fontanieu sur Varces ?

Avant de tenter de répondre à cette interrogation, un point rapide s’impose sur les deux saints en cause : Clément et Maurice.

 

QUI ETAIT SAINT CLEMENT ?

 

L’hagiographie connaît deux Clément (26) :

 

-       Titus Flavius Clemens, saint et docteur de l’église qui vécut vers la fin du 2ème siècle et dans les premières années du 3ème siècle. Il était né soit à Athènes, soit à Alexandrie, on ne sait pas trop. Il fit ses premières études à Athènes, les poursuivit en Italie et en Asie Mineure et vint les achever dans la capitale égyptienne. Il se fit baptiser à Alexandrie puis se réfugia en Cappadoce. De là, il vint à Jérusalem puis à Antioche avant de revenir à Alexandrie où il aurait vécut jusqu’en 217, époque présumée de sa mort. Ce n’est sans doute pas Clément d’Alexandrie qui aurait pu être honoré dans nos contrées.

-       Saint Clément 1er, dit le romain (Romanus) né à Rome, élu pape en 67 (ou en 91). Il aurait été, selon la tradition, été ordonné par saint Pierre. Saint Paul parle de lui dans son épître aux Philippiens. On pense que c’est à lui qu’est due la première mission des évêques en Gaule. Il mourut, croit-on, vers l’an 100.

 

Une confusion existe cependant entre saint Clément Romanus et le premier évêque de Metz, également nommé Clément. : celle-ci est née des écrits de Paul Diacre qui, dans son « histoire des évêques de Metz » rédigée vers la fin du 8_me siècle, rapporte que Clément avait été envoyé par Saint Pierre « in cavernis ut ferunt amphitheatri quod extra eadem urbem situm est (27). C’est précisément dans les murs du grand amphithéâtre de Metz (28) que fut aménagé le premier sanctuaire chrétien de Metz par Saint Clément premier évêque de la métropole et évangélisateur de la Moselle.

Mais les dates de cet évènement divergent : vers 280 pour la date la plus tardive envisagée (29)

 

 

(22)              hormis peut être par cette église Saint Clément ?

(23)              cartulaire de Domène, charte 170 (vers 1075)

(24)              Ibid, chartes 51 (vers 1080) et 36 (vers 1105)

(25)              Ibid, charte 168 (vers 1110)

(26)              J. F. MICHAUD : biographie universelle ancienne et moderne, 1966

(27)              Spectacula I, gladiateurs et amphithéâtres, 1990, page 229

(28)              Elevé sous les Flaviens dans la seconde moitié du 1er siècle de notre ère

(29)              La civilisation romaine de la Moselle à la Sarre, 1983, page 257

à l’extrême fin du 3ème siècle selon GRENIER (30) ou encore au 4ème siècle selon les études les plus récentes sur la question (31).

 

Il semble donc qu’il faille distinguer ces deux saints, la légende ayant procédé à une assimilation commode mais controuvée.

Quoiqu’il en soit, il y a là de grandes vraisemblances à penser que le précurseur de l’évangélisation des Gaules et son alter ego messin aient pu être vénérés dans la région grenobloise, colonisée comme on le sait de haute époque et donc soumise à une intense circulation des personnes et des idées, notamment au 4ème siècle où s’installa à Grenoble un corps de troupes, la « Cohors Prima Flavia » (32) faisant partie de la seconde ligne de défense de la Gaule en arrière de la frontière du Rhin et provenant de celle-ci.

 

QUI ETAIT SAINT MAURICE ?

 

La encore, l’hagiographie connaît deux bienheureux :

 

-       Saint Maurice de Duault, né en 1115 ou 1127 à Saint Brieuc en Bretagne. En 1140 il prit l’habit de Cîteaux à Langonnet en Cornouailles. Toute sa vie, croit-on, il vécut en Bretagne. Ce n’est sans doute manifestement lieu qui a été honoré à Varces.

-       Saint Maurice d’Agaune : il s’agit là de l’un des plus illustres martyrs de la foi chrétienne. Maurice était, au début du 4ème siècle, le chef de la légion Thébaine, ainsi nommée parce qu’elle avait été levée en Thébaïde ou haute Egypte. Cette légion (33) faisait partie des troupes conduites en septembre 302 par Maximien contre les Bagaudes. Arrivé à Octodurum (34) Maximien aurait ordonné que l’armée fasse un sacrifice au dieux pour obtenir le succès de l’expédition.

Un très long voyage avait conduit ces hommes de la lointaine Egypte à Jérusalem où, pense t-on, l’évêque Hyménée les aurait presque tous convertis au christianisme, puis à Rome où ils auraient, semble t-il, réitéré leur serment au pape Caïus de ne jamais faire la guerre au Christ.

L’ordre de Maximien les aurait donc conduits à ne point se soumettre à une cérémonie païenne contraire à leurs vœux. Furieux, le César, offusqué de l’affront fait à Rome, aurait prescrit sans hésitation la peine de décimation (35). La détermination des légionnaires ne faillissant pas, Maximien, excédé, aurait alors ordonné une seconde décimation puis une troisième…

  

 

(30)              A. GRENIER : manuel d’archéologie gallo romaine, III, 1958, pages 703 et 704

(31)              GAF : Saint Pierre aux Nonnains, 1988, page 12

(32)              Selon la Notitia Dignitatum

(33)              L’histoire traditionnelle parle de « légion » soit 4000 hommes ou davantage. Sans doute, plus vraisemblablement, ne s’agissait-il que d’un détachement de moindre importance

(34)              Aujourd’hui Martigny en Valais

(35)              C'est-à-dire l’exécution par le glaive d’un homme sur dix au hasard des rangs

 

Selon la tradition, le massacre se serait prolongé jusqu’à la nuit de ce funeste 22 septembre 302. Tel est le récit habituel de l’extraordinaire sacrifice collectif de la « légion thébaine » (36).

De ce monstrueux fait divers naquit, un siècle plus tard par la volonté de Théodore, premier évêque du Valais le plus ancien monastère des Alpes : Saint Maurice d’Agaune (37). Au début du 5ème siècle, EUCHER le LYONNAIS écrivit la « Passio Acaunensium Martyrium » (passion des martyrs d’Agaune) dont le retentissement fut énorme : des foules accoururent, pèlerins, malades en quête de guérison, mendiants… et propagèrent dès lors l’histoire de la légion thébaine. La crypte renfermant la sépulture présumée de Maurice fut, dès lors, l’objet d’une intense vénération.

Il ne fait pas de doute que le saint largement honoré dans notre région (38) soit bien l’officier romain martyr.

 

Mais, revenons à Fontanieu. A ce stade de mon propos il convient de verser aux débats le fait que dans l’index géographique des cartulaires de Saint Hugues, MARION situe « Fontanils » à Fontanieu sur la commune d’Allières et Risset (39). Mais, dans l’index hagiographique, il est moins précis indiquant pour « S. Clementis prope Dravum » : « église située dans la plaine de Grenoble – au sud ? – et aujourd’hui détruite » (40). Cette allusion à une église « aujourd’hui détruite » est troublante, l’église de Fontanieu, bien que très largement transformée au cours des siècles n’ayant jamais été décrite à l’état de ruine. Ainsi, le 1er avril 1179, un privilège concédé par le pape Alexandre II qui énumère les bénéfices de Saint Chaffre en Velay (41) cite, entre autres très nombreuses possessions, l’église de Fontanieu sans pour autant lever le voile sur son patronage (42). Eut-elle été en ruine que la bulle pontificale, assurément, l’aurait ignorée : ceci signifie donc que l’église de Fontanieu était, à cette époque, affectée au culte et qu’elle disposait de revenus confortables. Il en va de même quelques siècles plus tard où unpouillé de la cathédrale de Grenoble en date du 1er janvier 1497 ((43) la recense toujours parmi les églises versant des redevances, sans fournir cependant d’indications sur sa dédicace (44). Mais, cette pérennité du sanctuaire de Fontanieu autorise t-elle pour autant son assimilation avec « Sancti Clementis sice prope flumen Dravi » ?

De quel autre lieu pourrait-il alors s’agir, Fontaine, alternative éventuelle, devant être écartée pour les raisons précédemment invoquées ?

Selon Annick MENARD (45) quelques indices pourraient suggérer que cette église Saint Clément était proche de Domène et, notamment, sa place dans l’énumération  

 

(36)              J. F. MICHAUD : op. cit. R. P. THEURILLAT : l’abbaye de Saint Maurice d’Agaune et de très nombreux ouvrages sur la question

(37)              SAMIVEL : monastères de montagne, 1986, pages 17 à 33

(38)              Notamment à Barraux, Meylan, Miribel les ECHELLES, la Mure, Pisot, Presles, Saint Maurice en Trièves, Saint Mury, Saint Nazaire les Eymes, Vienne…

(39)              J. MARION : op. cit. page 530

(40)              Ibid, page 545

(41)              Resgeste Dauphinois n° 4719

(42)              « ecclesia de Fontaninus »

(43)              J. MARION : op. cit. page 291

(44)              « eccelsia de Fontanilibus »

(45)              Patrimoine en Isère, pays de Domène, 1995, page 49

 

des biens donnés au monastère clunisien, ceux-ci commençant, selon elle, par les plus proches de la maison religieuse de Domène pour finir par les plus éloignés. Assurément, la logique voudrait qu’il en ait été ainsi ; or l’on sait que l’ordre des possessions énumérées dans la charte du 10 août 1058 est très relatif. N. DIDIER indique même qu’il ne faut point y chercher une grande précision géographique, un certain va et vient étant inévitable dans les documents de cette nature, d’autant plus qu’il semble à peu près probable que certaines des chartes les plus anciennes de Domène (1058, 1060, 1085 notamment) aient été complétées ultérieurement lors de retranscriptions (46).

Annick MENARD observe également qu’en 1685 existait dans l’église prieurale de Domène une chapelle placée sous le vocable de Saint Clément (47). L’argument est là plus probant pour situer à Domène l’église Saint Clément. Toutefois, pourra t-on remarquer, aucun lieudit « Fontanils » n’a jamais existé, semble t-il, à Domène et cette localité ne saurait, de surcroît, répondre à la situation « prope flumen Dravi » Du reste, A. MENARD elle-même n’est, semble t-il, pas tout à fait convaincue de sa propre hypothèse car elle n’exclut pas pour autant que l’église Saint Clément ait pu être située « dans la plaine de Reymure, non loin du hameau de Fontanieu » (48).

Tout cela, on en conviendra, est donc fort problématique. Un dernier élément, enfin, doit être mentionné. : Edmond COFFIN relève, en exégèse à la traduction présentée au commencement de cette étude, que la préposition « in » dans le teste littéral « in Sancti Clementis »  pourrait résulter d’une transcription fautive (49) et qu’il conviendrait, peut être, de lire « in campo clementis » c'est-à-dire « au lieudit de Clément ».

En ce cas, il serait fortement probable que l’église de Fontanieu n’ait jamais eu d’autre vocable que celui de Saint Maurice sous lequel elle est restée traditionnellement connue.

Demeurerait à localiser l’église Saint Clément des cartulaires de Saint Hugues et de le dédicace du monastère de Domène et à expliquer l’origine du lieudit extrapolé « in campo Clementis » : Saint Clément ou patronyme gallo romain Clementius ?

 

Ainsi donc, en l’état actuel des connaissances, ne peut-on se prononcer valablement pour savoir si l’émouvant sanctuaire de Fontanieu a pu être initialement consacré au souvenir de l’un des premiers évangélisateurs des Gaules dans ce fort lointain et mal connu bas empire romain dans nos contrées. Tout au plus peut-on ajouter que son culte, même temporaire et de haute origine (50) demeure concevable dans un village qui, on le savait depuis longtemps, existait dès au moins l’époque romaine ; et ce ne sont pas les découvertes faites récemment à Lachal (51), non loin de Fontanieu (ni

 

(46)              N. DIDIER : les censiers… Cahiers d’histoire T 2, 1957, page 19

(47)              Visites de Mgr le Camus, ADI, 4 G 277

(48)              Patrimoine en Isère, op. cit. page 49

(49)              Assez usuelle, au demeurant, en ce qui concerne les testes médiévaux maintes fois copiés et recopiés

(50)              On pourrait imaginer à cet égard qu’a pu exister à Fontanieu un premier sanctuaire d’origine paléochrétienne voué à Saint Clément ; c’est cette église que pourraient viser la charte 16 du cartulaire de Saint Hugues et les chartes 2, 16, 66 et 67 de Domène

(51)              J. C. MICHEL : A 51 : découvertes archéologiques de Varces, bulletin des AVG n°36, décembre 1995, pages 7 et ss

peut être de celles à venir ?) qui permettront de clore sur ce point une recherche qui, à n’en point douter, ne fait que débuter.