PROMENADE
HISTORIQUE EN TRIEVES
Adaptation d’un
diaporama présenté à Avignonet le 18 juin 1999
L’inédite
promenade dans un Trièves un peu énigmatique et
méconnu à laquelle je vous invite ici est
–autant le dire dès à présent – davantage sentimentale que raisonnée.
L’on sait en effet que rares sont les historiens du Trièves
et combien les toponymistes sont divisés sur l’origine même de son nom (1 ).
Est-ce
dire qu’il relève un peu de la gageure de se hasarder à une telle
« promenade » à maints égards un peu initiatique. Au demeurant, si
celle-ci correspond dans ses fondements à un vague tracé géographique, elle ne
saurait, à l’évidence, répondre à un quelconque ordre chronologique. Dès lors –
et vous en aurez fait la rapide déduction – il s’agit bien davantage de
présenter ici une mosaïque de lieux plutôt que d’un circuit touristique au sens
littéral du terme.
Toujours,
nous nous tiendrons à faible distance du Drac, ce torrent jadis terrible, qui
sera omniprésent tout au long de ce vagabondage historique.
Le
point de départ sera l’ancien mandement de Paquier
et, plus précisément, son ancienne église vouée à Saint Christophe. Si les
premiers textes par lesquels la paroisse de Paquier
nous est connue ne sont d’aucune valeur pour dater le monument qui nous est
parvenu, ils éclairent singulièrement la situation dans laquelle se trouvait
l’église de Grenoble à la fin du 11ème siècle, sous l’épiscopat de
Saint Hugues.
L’on
sait, en effet, par un acte du 8 février 1006, que celui-ci concède alors à la
prévôté d’Oulx les terres et églises de la Cluze, de Saint Martin et de Paquier.
AU moins neuf chartes qui nous sont parvenues de ce début d’un 12ème
siècle encore abscons à maint égards, témoignent de la donation et souvent de
la restitution, à titre onéreux au profit de la grande Novalaise,
des dîmes de ces paroisses que se partageaient alors sept ou huit grands
propriétaires fonciers laïcs.
Si
à cela on ajoute les prétentions que fit valoir le prieur de Saint Laurent de
Grenoble sur ces dîmes, qui motivèrent du reste un nouvel accord avec l’évêque
le 15 août 1108, on saisira l’ampleur de la confusion qui régnait alors dans la
gestion du temporel de l’église, tout autant que l’âpreté des comportements
auxquels la convoitise de tels bénéfices donnait lieu.
Mais,
cette singulière situation qui, bien évidemment, n’est pas particulière au
diocèse de Grenoble, permet d’expliquer, si par ailleurs l’on tient compte de
la pauvreté ambiante, l’absence quasi généralisée d’édifices antérieurs à
l’époque considérée.
(1)
voir à cet égard mon étude, dans le même site Internet, sur les voies romaines
du Trièves
Ce
n’est en effet que vers la fin du 12ème siècle qu’il est convenu de
placer la construction de l’église de Paquier,
composée d’une simple nef voûtée en arceau brisé, soutenu par deux arcs
doubleaux de même profils qui déterminent trois travées ouvrant sur une abside
en hémicycle, couverte en cul de four.
Mais
si, à bien y regarder, le socle sur lequel repose son bénitier pourrait
vaguement évoquer une conne antique, on est encore sans doute très loin du
luperque romain, unique en Gaule, que l’ai évoqué par ailleurs (2).
Bien
que l’église soit citée dès 1042, ce qui laisse augurer d’une ascendance
beaucoup plus lointaine, tout ce qui demeure aujourd’hui visible à Paquier ne saurait qu’évoquer, globalement, les 12ème
et 13ème siècles, exception notable étant faite de la façade
principale – porte et fenêtre – qui ne datent, selon toute apparence que du 17ème
siècle, époque d’une évidente restructuration de l’édifice (3).
Mais
le site, romantique à souhait, évoque assurément des temps plus reculés que
l’archéologie viendra sans doute un jour, nécessairement, confirmer.
Non
loin de l’ancienne église demeure le château des Alleman
de Paquier érigé primitivement à une époque ancienne,
vraisemblablement à la fin du 12ème ou au début du 13ème
siècles, dont la partie nord, la mieux protégée, présente encore peut être
l’aspect défensif originel.
Mais
ce château a été, à l’évidence, remanié très profondément entre les 15ème
et 17ème siècles, notamment par Alexandre Alleman,
maréchal de camp sous Louis XIII. En effet, l’aile est du château et la
tourelle renfermant l’escalier doivent être raisonnablement rapportées au 17ème
siècle. Cette aile montre, en effet, de larges croisées à molures plates
cependant que la tourelle s’orne d’une porte encastrée de pilastres, surmontée
d’un fronton triangulaire. A l’extrémité du corps de bâtiment est, le logis
situé transversalement pourrait, quant à lui, être un peu plus tardif.
Bâti
par la famille Alleman, peut être vers 1566, le
château actuel occupe t-il en parite le site de
l’ancien castrum de Paquier ou en a-t-il récupéré,
pour l’essentiel, les matériaux constitutifs ?
Même
si la réponse n’est pas évidente, du moins la question méritait-elle d’être
posée.
A
bien y regarder on observe, en effet, à peu de distance et à l’ouest, une butte
vraisemblablement artificielle et l’on pense, dès lors, à l’éventualité d’une
motte féodale sur laquelle subsistent, au demeurant, quelques ruines informes
du présumé château de Paquier mentionné dès le début
du 12ème siècle par de probantes archives. Mais nous n’irons pas,
pour l’heure, plus loin dans la réflexion liée à la problématique de
l’originelle construction médiévale (4).
(2)
voir, toujours dans le même site, l’étude consacrée à cette découverte
(3)
voir Archéologie chez vous n° 4, notice n° 195, 1985
(4)
voir notamment à cet égard mon étude sur le château des Alleman
de Paquier, bulletin des AVG n° 36, décembre 1995,
pages 45 à 47
De
Saint Martin de la Cluse n’est pas loin le « Collet de Sinard »
au bord duquel était emplacé l’ancien château
médiéval de Clermont, situé sur une éminence remarquable qui, à un peu plus de
Certaines
études historiques récentes, pourtant fort sérieuses, indiquent un peu
légèrement (ou en l’absence d’une reconnaissance in situ) qu’il ne reste
« pas pierre sur pierre » de ce château, connu dès le 13ème
siècle mais sans doute d’origine plus ancienne, démantelé pour raison d’état
sous Lesdiguières. Il est vrai qu’il faut perspicacité et ténacité pour rendre
visite aux ruines de Clermont mais celles-ci existent bien et sont bien
davantage qu’un vulgaire « tas de pierres » puisque des traces fort
suggestives de l’une des ces enceintes subsistent bien.
Vue
de l’une des enceintes (cliché de l’auteur)
Cependant
on connaît mal ce château que l’enquête delphinale de
1339 décrit fort sommairement lui prêtant seulement une « grosse tour
ronde de
L’on
sait néanmoins qu’une muraille, longue de
Beaucoup
plus bas, d’autres traces de murs, de facture identique, laissent à penser
qu’il pouvait y avoir, en sus de la fortification principale, une autre
enceinte, concentrique, voire même peut être deux enceintes.
Dès
lors se posent divers problèmes : ces restes sont-ils ceux de la seconde
ou de la troisième enceinte de Clermont ? Bien que non mentionnée dans
l’enquête delphinale précitée eu égard à
l’éloignement du bourg de Monestier, on peut penser
qu’une petite agglomération s’était développée à proximité immédiate du château
comme en maints sites médiévaux. Plaiderait d’ailleurs en ce sens le fait
qu’une chapelle, vouée à Saint Marcel, soit mentionnée par un texte de 1516.
Monestier de Clermont, on le sait, doit son
origine et son nom à un monastère très ancien. Je laisse à d’autres que moi le
soin d’établir un jour l’histoire complète, sinon définitive, de ce bourg mais
en ce qui concerne le monastère éponyme et originel je suis enclin à penser –
comme TERRAS – qu’il était sans doute situé en un lieu vierge de constructions,
non loin d’une voie romaine et qu l’église actuelle est susceptible d’en
marquer l’emplacement.
L’origine
de ce monastère n’est pas connue mais l’on sait néanmoins que le Franc Abbon,
fondateur de l’abbaye de la Novalaise dans le Val de
Suse, avait également établi des monastères dans ses domaines étendus, certains
pour assurer secours et assistance à ceux qui traversaient les Alpes – ce qui
est le cas de Notre Dame de Vizille – et d’autres pour favoriser
l’évangélisation des campagnes ce qui pourrait être le cas des monastères de
Clermont, du Percy et d’Ambel.
Objectivement
quatre faits au moins semblent plaider pour une origine mérovingienne du
monastère Saint Pierre et Saint Paul de Clermont :
-
la
proximité d’une voie antique d grande importance e je renvois à cet égard à mes
différentes études sur les voies romaines du Trièves
et, notamment, celle de Grenoble à Fréjus d’époque républicaine,
-
le
vocable à Saint Pierre, comme à la Novalaise, qui de
surcroît était le prénom du patrice d’Abbon,
-
la
possession proche par celui-ci de considérables latifundia notamment à Gresse, à Roissard, à Lavars et à Ambel,
-
le
fait enfin que Saint Eldrade, justement originaire d’Ambel, entré comme novice à la Novalaise
en 775, en soit devenu l’emblématique abbé à compter de 822.
Les
documents font malheureusement défaut sur ces temps reculés mais, si l’on suit
TERRAS, le village primitif de Monestier de Clermont
aurait été situé au lieudit « Talabar » où
des vestiges d’époque antique paraissent avoir été découverts et ce ne serait
qu’à la dévolution à l’abbaye d’Oulx – héritière de
la Novalaise – du « monasterium
Clarimontis » que le village de ce qui allait
devenir Monestier de Clermont aurait été construit
près du monastère et donc à son emplacement actuel (5).
Mais,
je ne fermerai pas ici ce qui n’était, bien évidemment, qu’une parenthèse sur
les hautes origines de ce bourg sans le quitter sans rendre une visite à la
poste du lieu, au demeurant fort éloignée des temps mérovingiens précédemment
évoqués.
(5)
L. TERRAS : la vicomté de Trièves en vallée chevaleureuse, 1970, pages 17 et 18
J’ai
pris garde, en préambule, d’indiquer prudemment que ce vagabondage serait
intemporel et, de ce fait, nous sommes maintenant à l’ancienne villa du Champ
de Foire qu’Eugène SENES, architecte en chef de la ville de Marseille, grand
prix de Rome, qui était tombé amoureux de Monestier
de Clermont s’était fait bâtir en 1928 comme principale villégiature.
Alliant
une composition symétrique à l’emploi d’un vocabulaire décoratif néo classique,
l’ancienne villa est ornée d’un très beau relief (représentant son épouse, je
crois) qui, bien qu’appartenant à notre siècle n’en mérite pas moins
considération et, pourquoi pas, admiration.
Changeons
de nouveau d’époque et, puisque j’ai parlé de la voie antique majeure du Trièves, rendons nous au col du Fau où, de temps
immémorial, passait une piste protohistorique réaménagée à l’époque romaine. En
témoigne la « pierre du prêtre » qui, pour for connue qu’elle soit,
n’a toujours pas révélé le secret de son origine. Est-ce un mégalithe ?
J’ai, en d’autres circonstances, hasardé des hypothèses sur cette pierre
mystérieuse et Lionel RIONDET, dans un article qui remonte à quelques années,
en a rappelé les légendes locales (6).
Les
sondages archéologiques effectués de 1994 à 1996 ont permis de comprendre le
contexte géomorphologique de ce secteur, marqué par d’importants phénomènes de
solifluxion périglaciaire. La présence de structures, de soles de foyers, de
silex et de céramiques ont confirmé la fréquentation du col dès l’époque
néolithique et son utilisation pour des campements temporaires avec une
possible utilisation cultuelle.
Une
déception, toute relative il est vrai, est toutefois intervenue en ce qui
concerne les grandes dalles couchées découvertes en 1994 qui laissaient
présumer la présence d’un ensemble mégalithique, à priori concevable dans un
tel site (7).
Mais,
le décapage de celles-ci, durant l’hiver 1995-
Du
col du Fau, partons maintenant à la découverte de deux immémoriales localités
citées dans le testament d’Abbon de 739 : Riaciosco
(Roissard) et Lavarnosco (Lavars) (9).
Roissard est de très haute origine : une
station néolithique y est connue de même qu’une voie romaine. Le village
primitif de Roissard n’était pas situé à son
emplacement actuel mais beaucoup plus au nord, au lieudit la Grande Côte »
où l’on a découvert des substructions d’un habitat d’époque mérovingienne
vraisemblablement contemporain de l’époque du Patrice d’Abbon et une très
grande nécropole de même époque – près de 400 sépultures – particulièrement
étudiée par M. COLARDELLE qui l’a fouillée de 1969 à 1986 et qui lui a consacré
une partie de sa remarquable thèse (10).
(6)
Revue d’histoire des AVG n° 29, juin 1992
(7)
et( 8) DRAC Rhône Alpes, SRA, bilan scientifique, 1996, pages 95 à 96
(9)
testament d’Abbon dans J. MARION : les cartulaires de l’église cathédrale
de Grenoble dits cartulaires de Saint Hugues (1869)
(10)
Sépulture et traditions funéraires du Vème au XIIIème siècles, 1983
Bien
évidemment, la décrire sortirait des limites imparties ici à ce survol
historique (11).
On
notera néanmoins que le site d’habitat primitif était très probablement
antérieur à l’époque mérovingienne : en témoigne notamment une sépulture
du bas empire romain, découverte fortuitement en contrebas de l’habitat évoqué,
qui a livré une belle cruche en céramique sigillée claire recouverte d’un
fragile engobé orangé de la fin du 3ème siècle de notre ère (12).
Il
n’est toujours pas avéré que l’on puisse déduire de la connaissance du passé
quelque prescience du futur et, pour des raisons que l’on ignore, le village
primitif de Roissard semble avoir été abandonné au 8ème
siècle pour s’établir
L’église
occupe un promontoire rocheux dont la topographie restituée conduit à
conjecturer une origine castrale. Son vocable – Saint Etienne – que l’on trouve
fréquemment associé à Saint Jean Baptiste, conduit à proposer une origine assez
haute : au moins le 8ème siècle. Mais, l’église de Roissard, citée pour la première fois dans un document de
Bien
qu’une visite exhaustive de Roissard ne soit pas
envisagée ici, on signalera néanmoins le manoir de Bardonnenche
à la belle façade ordonnancée soulignée par le contraste entre les petites
fenêtres du rez de chaussée et celle de l’étage
noble. Le style de la porte est, quant à lui, caractéristique du 17ème
siècle.
Au
sud du village subsiste une belle demeure renaissance (13) et, plus loin
encore, une construction d’origine médiévale.
Des
nombreuses maisons fortes de Roissard il ne subsiste
avec certitude que celle du Clot, située dans un site
assez exceptionnel au bord de l’à-pic dominant le Drac et l’Ebron.
Connue par un hommage de Guillaume du Clot de 1246,
l’ancienne maison forte est aujourd’hui reconstruite en pastiche néo médiéval.
Dans
le village même, témoins d’un riche passé, subsistent plusieurs demeures de
caractère. Une période plus proche de nous révèle, au bord du chemin immémorial
menant à l’église, un modeste oratoire voué à Notre Dame de la Salette et un précieux travail de maréchal ferrant – ou detré – utilisé pour ferrer les bœufs et les vaches. Il est
composé de trois pieds entre lesquels les bêtes étaient maintenues par des
courroies : une sangle servait à leur tenir le ventre tandis que leurs
pieds étaient retournés pour procéder au ferrage.
(11)
voir à cet égard, dans le présent site Internet la « carte archéologique
de l’Isère » (article ROISSARD)
(12)
carte archéologique de la Gaule, Isère 38/1, 1984, page 100
(13)
appartenant jadis aux Bardonenche et dont trois
pièces avec leur cheminée sont inscrites à l’inventaire des monuments
historiques depuis 1966
Au
sud est de Roissard, mais sur le versant méridional
et donc déjà sur le territoire de Lavars, se trouve
le piton de Brion, sentinelle avancée pour la surveillance du stratégique
passage de l’Ebron.
Rien
ne laisse aujourd’hui supposer au voyageur traversant le pont de Brion que se
dressent, à quelques dizaines de mètres au dessus de lui, les vestiges enfouis
sous la végétation d’un des plus anciens châteaux du Trièves
et d’une petite agglomération qui lui était accolée. Bâti sur un promontoire
escarpé et difficile d’accès, dominant le torrent de l’Ebron,
le château de Brion contrôlait un pont construit dès l’antiquité cent mètre
plus bas.
Il
est vrai que la position de ce site se prêtait admirablement à l’établissement
d’un point fortifié.
Mentionné
dès la seconde moitié du 11ème siècle, Brion appartient à la
génération des châteaux issus de la révolution castrale de l’an Mil, époque à
laquelle il aurait pu succéder à un ouvrage beaucoup plus ancien. Château de
relief plutôt que motte castrale, Brion présente encore toutes les
caractéristiques d’une fortification qui a su utiliser au mieux les atouts que
lui offrait un relief aux falaises abruptes.
La
plate forme sommitale de ce nid d’aigle, relativement exiguë – et l’on pense à
d’autres châteaux de ce type, notamment Touchane en Trièves (14) ou encore Château Ratier en Matheysine – porte les ruines abruptes d’un donjon de
La
qualité du parement est assez exceptionnelle : les matériaux utilisés,
moellons de quartz, schiste et calcaire, ont été pris sur place et donnent au
bâtiment castral une couleur bien particulière, mêlant le blanc au noir.
En
contrebas de ce donjon, s’étagent des terrasses étroites où s’élevaient logis
et dépendances. Enfin, au sud, bien protégé, s’était jadis aggloméré le petit
bourg castral de Brion, doté d’une église paroissiale dont plus rien ne
subsiste aujourd’hui.
Et
sous le château, coule toujours l’Ebron, ce torrent
impétueux affluent du Drac, qu’il fallait à tout prix franchir ; un gué
eut été impensable, un pont était donc nécessaire.
Ainsi,
comme à Avignonet, comme à Ars, comme à Pont Haut, y
eut-il un premier pont, peut être en bois à l’époque pré romaine, remplacé sans
doute dès la conquête romaine par un pont en pierre. Et à Brion, à bien
chercher, on retrouve les traces prégnantes de la voie romaine qui serpentait
en courbes serrées mais de déclivité raisonnable pour parvenir jusqu’au pont
situé beaucoup plus que de nos jours. De fait, la culée sud de l’ancien pont –
mieux conservée que sont pendant de la rive nord montre au moins deux états
d’édification : l’ancrage dans la partie inférieure de la culée, qui
révèle une maçonnerie de type antique, et la partie supérieure, réparée ou
reconstruite au moyen âge qui présente un parement similaire à celui du donjon
de Brion.
De
l’Ebron n’est pas loin Lavars,
l’antique Lavarnasco
possession au début du 8ème siècle du Franc Abbon puis, dès 739, de
l’abbaye de la Novalaise. Un manoir y subsiste qui,
pour l’essentiel, pourrait remonter au 16ème siècle. Il appartenait,
au début du 18ème siècle, à Alexandre d’Armand seigneur de Brion et
de Lavars.
Il
y avait aussi à Lavars plusieurs maisons fortes d’ont
l’une dotée d’une prison que les seigneurs de Brion sont autorisés à
reconstruire en 1317. Peut être s’agissait-il de la Véherie
devenue Veyrie ? Enfin, il ne faut pas quitter Lavars sans admirer, comme à Roissard,
un autre superbe detré.
Il
convient maintenant, pour achever cette mosaïque de communes circonvoisines du
Drac, de ce rendre à Avignonet.
D’un
nid d’aigle l’autre ! Celui du château delphinal
d’Avignonet vaut bien celui de Brion. Et là, on
constate le même parallélisme de situation. Le château féodal d’Avignonet, bâti sur un promontoire rocheux dominant toute
sa terre et faisant face aux mandements de Monteynard et de la Motte, au
lieudit « le Château » (15) avait pour première fonction de commander
la voie et le pont construit sur le Drac très en contrebas.
(14)
voir l’étude spécifique de ce château dans le même site Internet (Cf.
« études historiques »)
(15)
et non au lieudit « Mol » qui parait controuvé à moins qu’il ne
s’agisse d’un ancien mollard
Il
ne reste de nos jours que de rares traces du château d’Avignonet :
quelques pierres et de très petits pans de murs parmi la végétation qui a
repris possession du site. Ses murs étaient construits en petits galets qui ne
peuvent être issus du socle de calcaire délité en surface tel qu’on peut le
voir affleurer par endroits : on a donc du apporter la matière première du
lit du Drac ou des moraines proches.
L’enquête
de 1339, parfois prolixe dans ses descriptions des châteaux delphinaux,
passe malheureusement très rapidement sur celui d’Avignonet
et n’apporte aucune précision quant à son architecture. On sait seulement que
ses revenus étaient de 600 florins, que dépendaient du château les paroisses d’Avignonet, de la Cluze et Paquier et que les nobles feudataires résidents étaient au
nombre de dix sept (16).
Sous
le piton du château, au bord de la voie sans doute d’origine antique, était
située l’église vouée à Sainte Luce ou Lucie, martyrisée à Syracuse au 4ème
siècle. S’agissait-il de l’église paroissiale ou de la chapelle castrale ?
(16)
voir pour l’étude de ce château dans le présent site Internet l’article
consacré aux châteaux delphinaux de la vallée de la Gresse
Il
faut bien le reconnaître une certaine confusion règne à cet égard : si
cette chapelle a bien été reconstruite en 1868 sur l’emplacement d’une église
antérieure – mais dans le sens de sa largeur – tout laisse à penser que
l’église disparue était bien l’église paroissiale originelle : un évident salmigonsis règne néanmoins en ce qui concerne les auteurs,
au demeurant peu nombreux, qui se sont penchés sur son histoire. Ainsi, l’abbé
MATHIAN qui a fouillé l’ancien édifice et nous a laissé un croquis de sépulture
en coffre de lauzes, datable à priori des 11ème au 13ème
siècles, situe l’église et son cimetière au « hameau des Cattiers » et, précisément, au lieudit « Champ
Chapelle ». Aimé BEAUP, pourtant assez précis dans ses notices sur les
sanctuaires du Trièves dit, pour sa part, qu’elle
était « située près du château. TERRAS parle de « la Baulme » (la Baume ?) ainsi qu’Agnès BORG mais il
ajoute, détail déconcertant, qu’elle était « sous le vocable de Notre
Dame » (17).
Si
l’on dispose toujours de la clé de porte de cette église problématique, trouvée
par les parents de Mme GACHET de Sinard au lieudit
« la Chapelle » que l’abbé MATHIAN, repris par TERRAS, croyait
« carolingienne » et qui ne date selon toutes probabilités que des 12ème
ou 13ème siècles eu égard à la typologie de la sépulture dans
laquelle elle fut découverte, on ne sait néanmoins à quel site il faut la
rapporter.
Lionel
RIONDET, qui a récemment étudié le cadastre napoléonien d’Avignonet,
n’a pas retrouvé de lieudit « la Chapelle » mais, par contre, il m’a
signalé à peu de distance des vignes de la Baume un lieudit « Champ
Charité ».
Quoiqu’il
en soit, le chemin qui passe devant l’actuelle chapelle Sainte Luce, et c’est
là une réalité topographique, conduisait d’une part au château féodal et
d’autre part au Drac. Celui-ci, bien tracé, en larges courbes avec soutènements
aux endroits délicats, est à mon sens la voie romaine qui conduisait aux
thermes antiques de la Motte les Bains. Très en contrebas du niveau actuel du
Drac existait un pont sans doute construit dès l’époque antique, réparé ou
reconstruit à diverses époques. Ainsi, en 1228, la dauphine Beatrix fait-elle
un legs pour sa reconstruction.
A
cet égard, on ne saurait bien évidemment omettre de rappeler que, non loin de
là, sur cette même terre d’Avignonet existait un
autre pont sur le Drac, d’aussi lointaine origine, que surveillait
vraisemblablement le château d’Ars (18)
(17)
Abbé MATHIAN : l’Echo de Sinard, novembre
(18)
voir à cet égard l’étude consacrée au site d’Ars dans le présent site Internet.