ENCORE LA PORTE DE BONS…

 

La quasi porte mystique de Bons, élément peut être déterminant de la voie romaine de Grenoble à Briançon par l’Oisans, n’a sans doute pas encore révélé tous ses secrets bien que l’ouvrage récent publié grâce aux « Amis du Pays Vizillois » en ait récemment établi une méritoire synthèse.

 

En effet, Robert AILLAUD m’a signalé, en août 2006, l’existence d’un livre conservé à la BMG de Grenoble qui pourrait remettre en cause bien d’évidences.

 

Il s’agit du « Guide des chemins de France, MDLII (1552), à Paris chez Charles Etienne, Imprimeur du Roy ». Ce document, curieusement non référencé jusqu’alors par les très nombreux chercheurs qui ont travaillé sur le voie romaine de l’Oisans, est également mentionné par Aimé BOCQUET sur son remarquable site Internet.

 

Voici la couverture et le texte de ce curieux ouvrage (clichés : Robert AILLAUD).

 

 

 

 

Voici le texte intégral (l’orthographe et le style de l’époque ont été conservés) :

 

« Les montagnes du Dauphiné en commenceant depuis Grenoble et prenant le chemin du bourg d’Oysans font la montagne de Lans, retenant le nom du petit village de Lans (Mont de Lans aujourd’hui), le col de Perfant (notons qu’il y a un « Mont Perchon » au dessus du Freney) qui dure iusques à Briencon et le mont de Genelve (le Mont Genèvre) qui conduit en Italie. Encor auprès dudit Briançon y a une roche ou montaigne percée par le milieu par laquelle César entra dans les Gaules après avoir passé le mont Godard et à l’entrée de ladite roche il y a insculpé (gravé) : « D. Caesari Augusto dedicata salutare eam » (peut être « ea », par cet endroit ou « eadem », par le même chemin ou, en même temps, ensemble).

 

Commentaires :

 

-       la date précoce de cet ouvrage (1552) invite bien évidemment à la plus grande prudence. Aimé BOCQUET pense néanmoins que l’auteur n’a rien inventé et qu’il devait travailler sur des comptes rendus de voyages et que, de ce fait, il n’a sans doute pas vérifié les centaines d’itinéraires antiques qu’il décrit en France et qui lui ont été communiqués.

-       Le texte mentionne « une roche percée » « près de Briançon » par laquelle César serait entré en Gaule (Aimé BOCQUET pense, à juste titre, que la mention de Briançon est erronée). De fait, la Porte de Bons n’est pas « près de Briançon » mais à équidistance entre Briançon et Grenoble ce qui a permis d’imaginer qu’il y avait là à la fois un symbole mais aussi un passage obligé (peut être une frontière entre la Province de Narbonnaise et le royaune de Cottius ou, pour le moins, un péage. De  plus, à quoi pourrait correspondre ce « Mont Godard » ? (A. BOCQUET signale un lieudit « Godard » à Montchaboud, mais ceci n’est pas cohérent avec le texte).

-       A supposer qu’il s’agisse bien de la porte de Bons, cela signifierait que la Gaule commençait à cet endroit et que la porte de Bons marquait la limite du royaume de Cottius. Mais, étrangement, son nom n’est pas mentionné par la pseudo dédicace alors que tout laisse à penser qu’il aurait du ‘être dans la dédicace.

-       De plus, celle-ci est soit incomplète, soit fausse. La formule « D. Caesari Augusto » ne saurait, en effet, correspondre, bien évidemment, à César  ni davantage à Auguste dont la titulature officielle est « Imperator Caesar Divi Filius » ou encore « Imperatori Caesari Augusto Divi Fili » ; c’est du reste celle-ci qui apparaît notamment sur l’Arc de Suse daté des années 13 à 8 avant notre ère.

 

 

 

Ces quelques éléments sont donc versés à l’interminable débat qui dure depuis plusieurs siècles !

 

On profitera néanmoins de l’occasion pour mentionner deux autres éléments susceptibles d’intéresser la problématique « Voie de l’Oisans » :

 

-       au camp des forçats, entre 1969 et 1971 on aurait trouvé, en prospection, des fragments de céramique romaine des 1er et 2ème siècles de notre ère, ce qui pourrait accréditer l’idée d’un camp du haut empire au Col de Cluy mais non, comme le pensaient certains auteurs, celle d’une clusurae du bas empire.

-       une monnaie sénatoriale d’Auguste de 23 avant notre ère découverte dans la fondation d’une maison à une date non précisée,

 

Ces deux éléments sont cités par Jean Pascal JOSPIN dans un article récent : « Remarques sur la situation des peuples alpins Ucennes et Tricores », Mémoire hors série n° 31 de l’Institut de Géographie Alpine, 2000.

 

Ainsi donc, en en conviendra, tout n’a peut être pas encore été écrit sur la « Porte de Bons ».

 

 

 

                                                                                                              Jean Claude MICHEL