ETUDE GENERALE DES SITES ARCHEOLOGIQUES DE LA PLAINE DU LAVANCHON A VARCES

 

La plaine du Lavanchon se situe au débouché du vallon de Saint-Paul-de-Varces. Il s’agit d’un secteur très humide, drainé par trois cours d’eau : la Suse, la Marjoera et, le plus puissant, le Lavanchon. On la pensait vierge de toute occupation car des carottages effectués préalablement aux travaux de construction de l’autoroute A 51 avaient donné les résultats suivants : 6000 avant nos jours à moins cinq mètres et 10 000 avant nos jours à moins dix mètres. Ces datations laissaient peu d’espoir de découverte de sites préhistoriques mais néanmoins, nombre d’entre eux ont été révélés à faible profondeur (entre 40 et 70 cm).

 

Tout ce qui concerne ce chapitre résulte des très nombreuses observations de terrain que j’ai pu faire lors des travaux de fouilles de mai 1996 à février 1997, d’entretiens avec les fouilleurs de l’AFAN (Eric Plassot, Franck Thériot, Franck Gabayet) et d’une courte synthèse que ceux-ci ont publié en septembre 1996, tirée du bilan scientifique 1996 de la Direction Régionale des antiquités Rhône Alpes. Le rapport général des fouilles n’a jamais été publié et on ne sait ce qu’est devenu le matériel archéologique. Il semblerait qu’il soit peut-être conservé au dépôt de fouilles de Vienne.

 

Tout le site compris dans la plaine du Lavanchon entre le nord de Martinais-d’en-Bas et le sud de Martinais-d’en-Haut a révélé, sur plus de 800 mètres de longueur des vestiges archéologiques inédits et très riches couvrant diverses périodes : néolithique, protohistoire, gallo-romain et Haut Moyen Âge. Les découvertes néolithiques de Champ-Nigat sont particulièrement importantes car on ne connaissait alors de cette époque que des sites de hauteur, notamment au Grand Rochefort et à Saint Loup sur Vif.

 

De la protohistoire sont notables un grand fossé hallstattien et un habitat léténien.

 

Le gallo-romain est quant à lui présent sur tous les sites étudiés.

 

Le Haut Moyen Âge a livré également un habitat et une aire cultuelle.

 

 

LE SITE DE CHAMP NIGAT

 

A 12 mètres de la route de Varces à Martinais, une grande fosse néolithique de 0,90 m de diamètre sur 0,15 m de profondeur a été observée lors des fouilles du Lavanchon. Eu égard à la taille du tronc d’arbre qui devait être élevé à partir de ce trou, le sol néolithique devait être situé au moins 80 cm plus haut que le sol actuel.

Huit autres structures en creux s’organisaient en deux groupes distants d’une centaine de mètres.

 

Il y a des traces de calage externe. Selon F. Thierot (entretien du 28 août 1996) il pourrait s’agir d’un trou de poteau faîtier d’une demeure néolithique, les petits trous externes repérés à proximité pouvant supporter des piliers latéraux.

La céramique issue de ces structures est caractérisée par la présence de formes à col concave bien dégagé par un épaulement souligné par au moins deux petites languettes. Ce type de céramique est datable du néolithique moyen.

Les maisons rubanées répondent au même modèle. Des poteaux en bois forment l’ossature de ces grandes fermes, plus forts au centre que sur les murs latéraux car ils portent la charpente. En pourrissant, ils ont laissé une marque noirâtre qui dessine au sol le plan de la maison disparue. Les murs en torchis auraient été montés avec la terre extraite des fosses qui longent la maison.

 

Aux Chavardes dans l’Aisne, un village néolithique de 7 hectares a livré une occupation en bandes perpendiculaires à une rivière. On ne retrouve aujourd’hui de ces villages néolithiques que la trace des trous de poteaux qui constituaient autrefois l’ossature des maisons en bois et en torchis et, le long de ces parois, les fosses de construction où l’on préparait celui-ci. Les dimensions usuellement connues sont de 10 à 39 mètres de longueur, 5 à 7 mètres de largeur. L’ossature était généralement constituée de cinq rangées longitudinales de poteaux dont les trois rangées inférieures portaient l’essentiel du toit et étaient plus enfoncées que les rangées latérales qui constituaient les murs.

 

Par ailleurs, les vestiges d’un établissement rural gaulois datable du Ier siècle avant notre ère ont été découverts de part et d’autre de la voie communale 12. Ils étaient matérialisés par des enclos et des petites constructions quadrangulaires sur six poteaux pouvant correspondre à des structures de greniers surélevés destinés à la conservation des récoltes.

 

Le même site a révélé des structures de murs gallo romains avec de nombreuses tegulae provenant de toitures probables. Ces structures ont été observées le 25 août 1996 à 60 mètres des structures néolithiques. Diverses céramiques (notamment de type Allobroge) se sont révélées sur le site, de même que des constructions maçonnées du IIe siècle s’alignant le long d’un chemin empierré.  

 

LE SITE DE DRABUYARD

 

Ce site est mentionné sous la forme « Derbua » sur le cadastre napoléonien et est devenu « Drabuyard » dès le cadastre de 1931.

Les deux toponymes ont la même signification : terres argilo calcaires fertiles.

 

Les premiers sondages sur le site remontent à mai – juillet 1996.

Ceux-ci ont révélé l’existence d’un établissement rural gaulois du Ier siècle avant notre ère. Les vestiges étaient matérialisés par des enclos et des petites constructions quadrangulaires reposant sur six poteaux pouvant correspondre à des structures de greniers surélevés destinés à la conservation des récoltes.

Ont aussi été observées des structures de mur imprécises au nord est. Au nord- ouest, on a pu observer une structure rectangulaire d’environ 40 m2, sans doute un bâtiment à vocation agricole ou une partie de villa gallo-romaine.

Des extensions sur « Champ-Nigat » semblaient exister mais la création de pistes d’engins a très vite rendu impossible toute observation.

A l’emplacement de cette structure, un fragment de céramique sigillée et une anse de grande poterie ou d’amphore ont été recueillis avec de nombreux fragments de tegulae.

Une voie antique empierrée de grande largeur a également été reconnue. Cette voie était parallèle à la route actuelle et une partie de sa largeur était peut-être recouverte par celle-ci.

A Drabuyard sud, a été reconnue une structure carrée d’époque gallo romaine avec un sol de type béton jaune à 0,60 m de profondeur. Un fragment d’enduit rouge (peinture murale ?) a également été observé au même endroit.

A 30 mètres environ du site, au nord d’un double bosquet d’arbres qui coupait transversalement la zone étudiée, on a pu observer de nombreuses concentrations de fragments de poteries : poterie jaune et poterie grise (dépotoir ?).

Des fragments ferraillés ont été découverts : quatre clous de charpentier avec tête notamment. Leur faible longueur incite à y voir des clous de cercueil plutôt que des clous de charpente.

Sur le même axe a été découvert un remarquable galet ovalaire poli, brisé en deux parties : s’agit-il d’un bétyle du type de celui de Rochefort ?

 

Un fossé de la fin de l’époque de Hallstatt a également été repéré. Il est orienté est ouest, sa largeur maximale approchant 5 mètres pour une profondeur d’environ 60 cm. Il contenait un mobilier archéologique assez important dont la composition (céramique, ossements d’animaux) évoque fortement des rejets produits par les acti vités domestiques.

 

Plusieurs structures excavées ont également été trouvées au sud de ce grand aménagement. Il semblerait que l’on soit en présence d’un site d’habitat ceinturé par un fossé (peut être à usage défensif). Le mobilier céramique est caractérisé par des vases en pâte grossière dont le cortège typologique (coupes à rebords rentrant, pots en tonneau décorés d’impressions ou de cordons) ne semble pas avoir subi de transformations notables depuis le VIIIe siècle avant notre ère pour ce qui est connu dans le nord de la région Rhône-Alpes.

 

La présence de céramiques d’importation d’origine méridionale (amphore massialète et céramique grise monochrome) est également attestée.

 

Selon F. Theriot (entretien du 28 août 1996) c’était peut-être le site d’habitat des nécropoles du Grand Rochefort, d’autant qu’on a découvert sur le même site une sépulture à incinération.

 

LE SITE DE LACHAR

 

Ce site, parrallèle à l’est de la plaine du Lavanchon a livré, durant l’été et l’automne 1995, la présence, sous un sol gallo-romain, d’un niveau d’occupation particulièrement bien conservé et fossilisé dans un paléosol enfoui à 1,80 m de profondeur.

Plusieurs structures domestiques (deux foyers de galets rougis ou éclatés) ainsi qu’une ou deux aires de débitage de silex et de cristaux de roche (quartz provenant de l’Oisans) ont été mises au jour sur un décapage témoin de 15 m2.

Ce site de plein air a livré 138 pièces lithiques d’une seule famille de quartz.

Ces vestiges peuvent être datés de la charnière néolithique ancien, néolithique moyen.

Au même endroit, un site inédit gallo-romain a été découvert sur plusieurs hectares dont seuls deux ont été explorés. Le toponyme pourrait provenir de char, charrière, voie accessible aux chars. 

 

Il est composé de trois parties distinctes :

 

Au nord :

 

-       les vestiges d’un ancien chenal,

-       une première construction en pierres du Ier siècle, maison de 115 m2 environ et sans doute une cour,

-       une seconde construction avec un mur en moellons de calcaire et des murs en galets au-dessus avec des joints au fer (début du IIIe siècle),

-       dans l’une de ces maisons, un four culinaire en tuile et une moitié de meule avec des grains de blé carbonisés,

-       ces constructions antiques, contrairement à celles découvertes peu avant au Cellier ou au Val-d’Allières sur Claix, étaient soignées avec des sols en terrazzo, de remarquables parements joints au fer et peut être même des peintures murales.

 

Au centre :

 

-       une aire cultuelle comprenant un premier édifice en bois dans lequel ont été trouvés 40 monnaies du Ier siècle et un galet fiché dans le sol, dans l’axe de la structure : celui-ci est comparable à celui de Rochefort décrit par H. Müller dans le lieu de culte : on y voit aujourd’hui une relation avec les sites mégalithiques. Ce même édifice a livré 750 coupelles très peu cuites et quelques vases en sigillée. Un second édifice, en maçonnerie, est bien daté par deux monnaies du début du IIIe siècle, renfermant également des coupelles ainsi qu’un galet fiché. Autour de ces deux édicules – traduisant une perdurance cultuelle – ont été observées des fosses rituelles avec incinération d’os d’animaux et des monnaies du IIIe siècle (terminus post quem de 222 à 231 de notre ère) et, toujours à proximité, existait une aire de crémation d’animaux. Ces offrandes étaient vraisemblablement faites à une divinité dont l’identification n’a pas pu être définie mais que l’on suppose être en liaison avec le commerce et le voyage (site à Mercure ?) ou à la déesse Alpina attestée dans deux sites analogues en Suisse ou encore à un culte des eaux guérisseuses (rite d’aspersion ?). Les vases (plus de 750 au total) étaient emboîtés les uns dans les autres et disposés en piles à peu près régulières. Les plus hautes piles étaient composées de cinq coupelles pour une hauteur maximale de 15 cm. A l’exception de trois vases à boire, la quasi-totalité des céramiques était constituée de coupes et d’assiettes dont les dimensions très réduites excluent un usage domestique. Toutes ces poteries, mal cuites – certaines ont explosé dès leur mise au soleil – apparaissent neuves en l’absence de traces d’usure dans un engobe pourtant friable. Il est donc probable que ces vases étaient fabriqués dans un atelier proche (qui n’a pas été retrouvé) pour un unique usage votif. On constate néanmoins un hiatus chronologique entre la datation de ces dépôts du Ier siècle et le dépôt monétaire lié à la construction de l’édicule maçonné du IIIe siècle. Ce décalage chronologique permet d’identifier ces petits monuments (chapelles primitives) à des favissae destinées à recueillir et à préserver les offrandes venant d’un fanum qui devait se situer à proximité immédiate. La disposition des vases, parfois empilés à l’envers, montre bien qu’ils ne contenaient plus aucune des denrées pouvant correspondre aux offrandes originelles. On peut dès lors supposer qu’à l’occasion d’une réfection ou d’une reconstruction du temple principal, les officiants aient tenu à préserver les dons antérieurs. Ce transfert n’a pu se faire qu’au IIIe siècle de notre ère. L’absence de céramique du IIe siècle peut s’expliquer par une évolution dans le choix des offrandes devenu alors essentiellement monétaire.

-        

A cet égard, 84 monnaies ont pu être étudiées ; elles s’échelonnent de la première moité du Ier siècle après J. C. jusqu’au milieu du IVe siècle : aes d’Auguste, de Tibère et de Caligula, un as  et un dupondius deVespasien et de Domitien, des aes ou des sesterces de Trajan, d’Hadrien, d’Antonin le Pieux, de Faustine I et II, de Marc Aurèle et de Commode, près de vingt monnaies de Gallien et Claude II, deux monnaies d’Aurélien, deux de Maximien, dix de Constantin et ses fils et une dernière de Constance, émise en 348.

 

Au sud :

 

-       une grande structure rectangulaire avec des murs très épais (85 cm) : sans doute une demeure avec cour centrale avec, au centre, un foyer et des parements extérieurs en calcaire avec remplissage en galets.

 

Comment faut-il interpréter ce site ?

 

Les archéologues ont considéré qu’il s’agissait vraisemblablement d’une agglomération secondaire (Varcia ?) au bord de la voie qui conduisait de Grenoble à la Provence par le col de la Croix-Haute. Cette voie, repérée sur près de 100 mètres de longueur, était large sur le site de 5 à 8 mètres.  Les deux édicules auraient pu être des annexes d’un plus gros sanctuaire que l’emprise des fouilles n’a pas révélé.

L’agglomération assurait vraisemblablement le contrôle des voyageurs et des marchandises à la sortie du territoire des Allobroges et à l’entrée de celui des Voconces. Dès lors, grande est la tentation d’y voir un bureau de douane du 40ème des Gaules (infra).

 

Ce qui est établi, c’est que la configuration du lit de la Gresse à l’époque antique n’est pas conforme à ce qui était jusqu’alors considéré comme probable ou évident car les structures romaines affleuraient à moins de 25 cm du niveau actuel des terres cultivées.

 

Bibliographie spécifique :

 

SRA Rhône Alpes, bilan scientifique 1995, pages 120 et 121 et 1996, pages 95 et 96

J. C. MICHEL : A 51, découvertes archéologiques, bulletin des AVG n° 36, décembre 1995, pages 7 à 10

Atlas du patrimoine de l’Isère, 1998, pages 56 et 57

B. HELY : le sanctuaire de Lachar à Varces in les Allobroges, gaulois et romains du Rhône aux Alpes, 2002, pages 165 et 166

J. C. MICHEL : la voie romaine principale du Trièves de Cularo à Fréjus (I), bulletin des AVG n° 49, juin 2002, pages 5 et ss

Atlas culturel des Alpes occcidentales, 2004, page 215

P. LEVEAU : les agglomérations de la cité de Vienne, un dossier en devenir, RAN T 38-39, 2005, pages 165 et 166

Carte archéologique de la Gaule, l’Isère 38/4, 2017, pages 342 à 344

 

Varces, station de la Quadragesim Galliarum ?

 

Le territoire de l’empire romain était divisé en un certain nombre de grandes circonscriptions douanières englobant souvent plusieurs provinces. Sous le haut Empire, la Gaule, la Germanie et les Alpes formaient la circonscription du « quarantième des Gaules » (Quadragesima Galliarum) encerclée par un véritable cordon douanier. L’impôt du quarantième frappait de 2,5 % toutes les marchandises, sauf les bagages personnels, en provenance ou à destination de la Gaule. Ces précisions sont données dans les « Déclamations » de Quintilien : « à part les bagages pour le voyage, toutes les marchandises sont soumises au quarantième, à verser à l’agent préposé à cet impôt ; l’agent à le droit de fouiller, les marchandises non déclarées étant confisquées ; il n’est pas permis (à l’agent) de toucher une matrone… ».

Cet impôt, à but essentiellement fiscal, a subsisté pendant toute l’époque impériale ; jusqu’à Commode (161-192) il fut sans doute affermé puis l’état perçut directement la taxe.

Ce quarantième des Gaules semble avoir remplacé dans les Alpes un ancien droit de portage, le portorium. En effet, avant l’administration romaine, là où la topographie rendait malaisé le transport des marchandises, la population gauloise se réservait le droit de l’assurer moyennant rétribution. Avec la construction des routes par les romains, le portorium fut remplacé par le quarantième des Gaules.

La direction générale des douanes était fixée à Lyon. Mais les stations de la quadragesima Galliarum ne jalonnaient pas systématiquement les frontières des districts ou des provinces. Ainsi, un bureau existait à Grenoble qui est connu par au moins deux inscriptions du deuxième siècle :

-       l’importante stèle de Gaius Sollius Marcullus, receveur du 40ème des Gaules à la station de Cularo : « … Gaius Sollius Marcullus librairi quadragesima Galliarum stationis Cularonis… » : « Gaius… receveur du quarantième des Gaules à la station de Cularo »,

-       une seconde stèle de Publius Primitivus, également receveur du même impôt.

En direction du sud, l’agglomération secondaire de Lachar semble avoir assuré une fonction de contrôle des voyageurs et des marchandises à l’entrée et à la sortie du territoire des Allobroges.

 

 

SITE GALLO ROMAIN DU CELLIER

 

La plaine en face du Grand Rochefort a pu être parsemée de villae ou de fermes gallo-romaines. En témoigne la ferme du Cellier, fouillée en sauvetage durant l’hiver 1982-1983 dont les substructions n’étaient guère enfouies qu’à quelques 20 centimètres du niveau actuel du sol. J’ai du reste participé à ces fouilles.

 

Cette exploitation modeste, à vocation essentiellement agricole, n’a pas révélé de vestiges importants : les murs étaient en pierres, sans parement et les sols en terre battue. Il semblerait qu’il s’agisse d’une dépendance de villa romaine, non retrouvée, remontant à la première moitié du premier siècle avant notre ère.

 

Deux bâtiments ont été identifiés dont l’un d’eux mal défini. L’autre correspondait à un rectangle de 20 mètres de longueur pour 11,70 m de largeur. Les semelles de fondation, d’une largeur de 80 centimètres, reposaient sur un radier de pierres liées au mortier. Des cavités semblent y avoir été aménagées probablement pour recevoir des poteaux en bois. Des cloisons intérieures, construites dès l’origine, divisent ce rectangle en deux pièces de dimensions inégales avec, pour la plus grande en forme de « L » une subdivision partielle. Les fondations de ces cloisons étaient peu profondes et ne comportaient qu’une assise de pierre de petit module liée par un mortier maigre.

 

Très peu de débris de tuiles laissent supposer une couverture faite de matériaux périssables (chaume ?). Le support de cette couverture devait, quant à lui, être assuré par des poteaux de bois reposant sur des bases en grosses pierres taillées.

 

Un second ilôt a été identifié sous l’actuelle voie expresse.

 

Le matériel archéologique recueilli a permis de proposer une occupation du site à l’intérieur d’une fourchette chronologique comprise entre la fin du Ier siècle avant notre ère et la fin du IIe siècle de notre ère.

 

Divers objets ont été récupérés. Il semble qu’ils soient aujourd’hui conservés au Musée Dauphinois et, notamment :

 

-       un possible fil à plomb de 4,5 cm de diamètre,

-       un tesson de céramique sigillée d’un atelier du sud de la Gaule (10 à 80 de notre ère),

-       un peson pyramidal en céramique,

-       une perle en verre.

 

En mars 1996, des travaux de terrassement ont amené un décapage partiel du terrain entre la Suze et la route nationale. La partie est de cette parcelle (non fouillée en 1982-1983) a révélé de nouvelles structures de murs avec de nombreux fragments de tegulae.

 

Etait-on alors sur le site de dépendances de la villa, cependant que le bâtiment principal aurait été situé plus à l’est ? 

 

Bibliographie spécifique :

 

L. et L. GIACINTI : le Cellier dans Archéologie chez vous n° 4, la vallée de la Gresse, 1985, notices 87 à 91, pages 14 et 15

J. C. MICHEL : Isère gallo romaine, I, 1985, page 231

J. C. MICHEL : le Cellier dans carte archéologique de la Gaule, l’Isère 38/1, 1994, page 155

Carte archéologique de la Gaule, l’Isère 38/4, 2017, page 342

 

MARTINAIS

 

En 1905, Hippolyte Müller dit avoir fouillé une tombe sous tuiles « dans la propriété d’Amédée Cuynat », non loin d’un coteau « constellé de tuiles romaines ». La sépulture orientée (pieds à l’est) était à faible profondeur (50 cm). Le coffre, de section quadrangulaire, utilisait des tegulae placées en longueur et celles qui formaient le couvercle étaient jointoyées au mortier. Aucun objet n’accompagnait la sépulture.

Selon cet auteur, d’autres tombes auraient été trouvées précédemment « dans le voisinage » ainsi qu’un « four à cuire les briques ».

Cette propriété Cuynat est située à Martinais-d’en-Bas, le long du chemin de Chabloz, c’est-à-dire non loin des découvertes de 1995-1996.

 

En décembre 1996, au sud ouest d’un champ labouré situé entre la route des Salces, le chemin vicinal de Varces à Martinais-d’en-Bas et le chemin du Rif, j’ai observé des fragments de tegulae et d’imbrex en surface.

Le 1er mai 2018, à l’ouest de la route de Martinais d’en Bas, j’ai récupéré un fragment de poterie commune rouge de 4,5 cm sur 4 cm, épaise de 1 cm.

 

PONTCHARRA

 

En août 1996, j’ai observé, sur 10 mètres de longueur la structure d’un mur d’orientation nord-sud construit en blocage de petits galets de 30 cm d’épaisseur. Le site ne révélait pas de murs est ouest apparents mais le terrain était déjà très perturbé. La présence de nombreuses tegualae et de briques laisse à penser à un édifice gallo-romain.

 

A la même époque, au droit de la rue de la Marjoëra, j’ai également observé sur 27 mètres de longueur, un mur d’axe ouest est avec quelques fragments de tegulae dans la partie centrale. L’absence d’autres murs laisse à penser à une clôture.

 

PELLISSIERE

 

Hors de l’emprise des travaux autoroutiers, une villa romaine a été localisée, par détection aérienne, sous le manège à chevaux.

 

En 1996, une série de chenaux, probablement de même époque a été repérée.

 

NIVOLON

 

Le 2 novembre 1996, route des Salces, face au lotissement « le Nivolon », j’ai observé, dans un champ fraîchement labouré, la présence en surface de plusieurs fragments d’imbrices.

Le 18 avril 2018, route des Salces, j’ai récupéré un fragment de béton romain 11 cm sur 8,7 cm avec une rainure profonde de 1,2 cm et, à proximité, quelques tessons de couleur orange clair.

 

LA FONTANELLE

 

Mes observations de juillet à octobre 1996 ont révélé plusieurs traces de murs correspondant à l’extension sud de la villa de Rochedure. Par contre, très peu de tegulae étaient visibles en surface. Les fouilleurs pensaient initialement à une possible extension de la nécropole mais ceci ne s’est pas vérifié.

Le 25 août 1996, dans un site noyé par les remontées de la nappe phréatique, de nouveaux murs sont apparus jusqu’au décaissement définitif, peu avant la mi- septembre.

Après l’époque gallo-romaine, eut lieu une réoccupation partielle des bâtiments antiques : certaines extensions sont même créées (murs en pierres sèches) mais la destination de ces nouveaux bâtiments est restée imprécise.

La partie droite de ces bâtiments se raccordait parfaitement à la partie ouest de la villa de Rochedure (infra) mais pas la partie gauche, ce qui a conduit à penser qu’il pouvait s’agir d’une annexe ou d’une autre époque.

 

 

LA RIBOUDIE

 

Le 1er février 1997, une prospection de surface dans un champ fraîchement labouré a révélé la présence de tegulae.

 

DIDEYRE

 

A l’occasion de travaux de construction d’un immeuble en juillet 2010 des fixer ont été observées. Il s’agit peut-être de traces d’une extension du site du Val d’Allières sur la partie est de la Pissarde.

 

ROCHEDURE

 

Ce site correspond pour l’essentiel à un vaste ensemble de bâtiments gallo-romains à l’architecture imposante au delà du Lavanchon dont le cours a bien divagué au cours des siècles.

 

Même si le découpage interne et l’évolution au cours du temps des bâtiments n’ont pas été saisis entièrement, on perçoit aisément un schéma général articulé autour d’une bâtisse principale. En effet, plusieurs annexes plus petites, maçonnées ou en bois, jouxtent à l’est un grand bâtiment long de 70 mètres au nord sud et de 30 mètres en est ouest. Ce grand bâtiment présente plusieurs étapes de réfections dont les modalités de mise en place ne sont toujours pas comprises. Cela rend bien évidemment difficile la lecture de son plan. Cependant, certaines observations peuvent être avancées :

 

-       L’affectation précise de toutes ces pièces, probablement plus de vingt, mais sans doute plus nombreuses encore reste en effet inconnue. Néanmoins, certaines de ces pièces situées au sud comportent des sols en terre à la différence des pièces nord qui sont majoritairement en béton. On pourrait donc distinguer, à priori, une partie commune d’une partie résidentielle.

-       Structurellement parlant, ce bâtiment semble comporter toute une série de pièces plus petites précédant à l’est d’autres pièces de plus grandes dimensions. Il pourrait s’agir d’une sorte de grande galerie-façade appuyée contre le corps principal. La découverte d’un grand seuil du même coté devait marquer l’emplacement d’une entrée importante sinon principale et conforterait, en ce cas, l’hypothèse d’une façade orientale. Mais on peut aussi penser à un ensemble en « U ».

-       La largeur et la puissance de certaines fondations ajoutent encore à la grandiloquence de cet édifice au coeur d’un vaste dispositif de plus de 3000 m2 rassemblant plusieurs bâtiments.

 

Il s’agit donc, selon toute vraisemblance, de l’emplacement d’une villa gallo-romaine, la plus vaste connue à ce jour en région grenobloise, occupée du Ier au IIIe siècle et détruite, semble-t-il, par un violent incendie.

 

Un four à chaux établi par la suite sur le site a pu faire disparaître nombre d’éléments de la construction.

 

L’importante densité des vestiges archéologiques nécessite le découpage de l’étude de ce site en plusieurs points.

 

1)    une structure artisanale de 6,5 m sur 4 mètres au nord de la villa : celle-ci est légèrement désaxée par rapport au mur principal est et ne semble pas se raccorder sur elle. Néanmoins, le type de construction est identiq

2)    la villa proprement dite : les structures dégagées s’étendent sur 47 mètres de longueur et 37,5 mètres de largeur (environ 1760 m2). Avec les probables extensions nord est et sud on arrive à une superficie de l’ordre de 3700 m2. 25 pièces étaient discernables fin août 1996, la plus grande ayant environ 140 m2. L’exèdre découverte ne semble pas avoir pu correspondre à des thermes mais plutôt à un élément décoratif (pièce principale ?). Les murs ouest de cette villa, plus épais, formés de gros blocs, semblent avoir été édifiés pour résister à des débordements du Lavanchon. L’ensemble du site comportait de très nombreux débris de briques et de tegulae avec quelques céramiques sigillées dans la partie est et des fragments de céramique grise vers l’exèdre.

3)    A l’est de la villa, on a repéré des restes de bâtiments du Haut Moyen Âge : les vestiges étaient ténus et ne consistaient le plus souvent qu’en des traces de construction sous la forme de fondations de murs en pierres sèches. Les rares tessons de céramique recueillis ne permettent pas de déterminer le statut et la fonction de ces bâtiments.

4)    un édifice religieux : dès la ruine de la villa (ou peut être même avant), le site de Rochedure devient nettement funéraire. Existait-il une memoria ? Celle-ci évoluera t-elle en un édifice de type basilique funéraire ? L’édifice, dont le plan avait été conservé, intégrait deux murs gallo romains : est-ce volontaire ou le signe d’une longue continuité ? La chronologie semble être la suivante :

-       un premier bâtiment de 8 mètres sur 6 dans l’œuvre s’implante dans le secteur anciennement occupé. Il parait avoir été construit à partir du XIe  siècle comme en témoigne la céramique caractéristique recueillie.

-       Puis la partie centrale du mur est de l’église est abattue pour faire place à une abside légèrement décentrée vers le sud. 

 

LES GABERTS

 

A « Champ Fleury », j’ai observé en août 1996 un site à tegulae avec des fragments d’imbrices.

 

Le lieudit a également révélé des vestiges allant de la protohistoire au Haut Moyen Âge.

 

Pour la période la plus ancienne, un tesson du Bronze final a été récupéré.

 

L’occupation antique est ici représentée par un habitat, probablement lié à une activité artisanale. Les fouilles n’ont livré que quelques murs maçonnés, très abîmés, appartenant à un bâtiment se poursuivant sous la voie communale n° 16. Cette construction semble avoir été desservie depuis le sud par un chemin empierré. De grandes fosses, comblées par des matériaux divers (pierres, tegulae, mortier) accompagnaient cet ensemble. Les limons sableux jaunes, extraits de ces structures, ont peut-être servi à confectionner des adobes, briques sèches obtenues à partir de limons, de végétaux et d’eau. Cette dernière provient d’une source située en contrebas de la montagne d’Uriol et amenée sur le site par un aqueduc semi enterré, d’une quarantaine de centimètres de profondeur, parementé de blocs calcaires et coupé par une fosse circulaire (bassin ?). 

 

Au Haut Moyen Âge, le site semble perdurer comme il résulte de fondations de murs en pierres sèches et de céramiques.

 

LES MOLLARDS

 

En 1918, Hippolyte Müller dit avoir repéré l’emplacement où avaient été trouvés en 1865-1870 quelques tombes sous tuiles, non loin d’un mamelon appelé « camp des Sarrasins », jamais fouillé. Cette appelation ne semble pas avoir laissé de traces dans la mémoire collective et j’ai vainement recherché ce site.

 

SITES ISOLES

 

Au lieudit « Tuilerie Thomas » (aujourd’hui scierie Nier) on aurait découvert vers 1858 des sépultures sous tegulae. Auprès de la tête de l’une d’elle, se seraient trouvés un vase et des monnaies (non décrites).

 

Sur un site non précisé de Saint-Paul on a trouvé un tremissis (monnaie d’or) de Valentinien III légendé à l’avers « DN (P) LA VALENTINIANVS PF AVG » et au revers une croix avec une couronne et légende CONOB (dans l’ancienne collection Pilot).

 

Sur le versant est du col Vert H. Müller a trouvé en 1914 une monnaie du IIe siècle qu’il pensait avoir été jetée en cet endroit en raison du passage d’un col.

 

En 2007, à la voie de rabattement un nouveau site antique du IIe siècle de notre ère a été identifié et un angle de mur, bâti en galets liés à la terre a été dégagé. Un seuil et le niveau de sol associé à cette construction ont pu être obeservés. Deux structures linéaires, au tracé différent de celui du mur, ont été mises en évidence à l’est et en périphérie du bâti. Ces axes étaient matérialisés par des alignements de blocs calcaires, des fragments de tegulae et des fragments de grosses jattes en terre cuite. L’un de ces alignements débouchait sur une structure circulaire constituée de galets et de fragments de tegulae. L’ensemble a été interprété, faute de propositions plus satisfaisantes comme les négatifs de caniveaux avec, pour au moins l’un d’entre eux, un exutoire sous forme de puits perdu.

 

Bibliographie sur ces sites :

 

J. J. A. PILOT : BSSI 3, 1843, page 157

M. COLARDELLE : sépulture et traditions funéraires du 5ème au 13ème siècle après J. C. dans les campagnes des Alpes françaises du nord, 1983, page 220

X. LORIOT et B. REMY : corpus des trésors monétaires antiques de la France, T V 2, 1988, n° 8, page 63

SRA Rhône Alpes, bilan scientifique 1996, pages 97 et 98

AFAN : note de synthèse pour les journées du patrimoine de septembre 1996

La Pierre et l’Ecrit 1996-1997, chronique des fouilles, page 41

J. C. MICHEL : fouilles archéologiques de l’A 51, bulletin des AVG n° 49, juin 2002, page 58

C. GRAUME : les tombes gallo-romaines alpines de l’Isère au bas Empire (IIIème – Ve siècles après J. C.), la Pierre et l’Ecrit, 15, 2004, page 30

SRA Rhône Alpes, bilan scientifique 2007, page 113

Carte archéologique de la Gaule, l’Isère 38/4, 2017, page 344

 

LACHAR AU HAUT MOYEN AGE

 

Après un épisode d’abandon marqué peut être par un débordement de la Gresse, les édifices gallo-romains étaient sans doute partiellement recouverts et ruinés mais partiellement visibles. C’est ce qui explique que certaines parties antérieures aient été intégrées dans les nouvelles installations. Mieux, les orientations et la bipartition de l’espace ont été conservées. Mais à cette période (VIe ou VIIe siècles), une cour fermée avec une entrée au sud ainsi qu’une extension du bâti vers l’est complètent cette organisation. En revanche, la qualité de construction est nettement inférieure. Ainsi, la quasi-totalité des murs sont en pierre sèche ou luttés à la terre.

 

A cette époque, une première bâtisse carrée de 14 mètres sur 15 mètres se superpose à l’extrémité du deuxième bâtiment. Son plan se lisait encore aisément avec un couloir central distribuant plusieurs pièces situées de part et d’autre et flanqué d’une galerie de façade au sud. Aucun sol ni objet ne semblait subsister à l’intérieur de ces pièces. Par conséquent, il est difficile d’interpréter intrinsèquement la fonction de ce bâti, cependant attesté par une sépulture de même époque au nord.

 

Le mauvais état de conservation a rendu plus difficile la lecture du plan du second édifice. Ce que l’on a pu observer, c’est qu’il s’étendait alors sur environ 30 mètres sur 16.

 

Quant au premier bâtiment, il semble avoir été reconstruit presque à l’identique avec deux ailes et une cour mais avec un développement plus important vers le sud puisqu’un autre corps de bâtiment lui est étroitement associé.

Une vaste cour de plus de 500 m2 fermait cet ensemble au sud tout en permettant son accès. Les restes de ce qui était peut-être un four circulaire semblent avoir eu parfaitement leur place dans cet espace intérieur. La présence de quelques autres murs montre que le domaine mérovingien était alors probablement clos au nord tandis qu’il se poursuivait vers l’est.

Enfin, à quelque distance de là, une petite construction rectangulaire prenait place en bordure du chemin d’accès au sud.

L’ensemble du site a montré quelques radiers de sols en béton mais avec des bâtiments n’ayant généralement plus de sol. La datation au carbone 14 de deux squelettes a livré une datation du VIIIe au Xe siècles, en concordance avec les deux fours circulaires.

L’absence surprenante du mobilier habituellement inhérent à de tels sites pourrait démontrer un abandon programmé et méthodique de l’habitat pour une réimplantion proche sur la colline et dans ses environs immédiats, lieux définitifs d’établissement du Varces actuel.

A cet égard, on peut relever que tout ce qui concernait l’agglomération primitive semble avoir été récupéré et emporté, la translation semblant s’être effectuée hors de toute survenance de troubles locaux.

Quoiqu’il en soit, la découverte de structures d’époque mérovingienne en un tel lieu est tout à fait surprenante et révolutionne profondément la connaissance que l’on avait jusqu’alors de l’histoire de Varce

 

L’édifice cultuel et funéraire de Rochedure

 

On connaît encore mal le processus de christianisation des campagnes. On pense que, pour une part importante, la construction des premiers sanctuaires ruraux serait due à l’initiative de propriétaires privés, soucieux de pratique religieuse dans leur domaine. Cela pourrait être le cas de l’édifice de Rochedure (Cf. ci avant).

 

Le sanctuaire doté d’une nef et d’une abside orientée occupe l’aile sud de la villa antique. Près de 180 tombes ont été fouillées à l’intérieur et aux alentours de l’église, dont les plus anciennes remontant aux IVe et Ve siècles, avant même la construction de l’abside et les plus récentes au XIe siècle. On est donc amené à penser qu’un antique sanctuaire chrétien serait, ici, à l’origine d’une paroisse rurale médiévale.

 

Origines de l’édifice :

 

On connaît de nombreux exemples d’églises implantées sur un site gallo-romain dans toutes les régions de la Gaule ; dans certains cas, c’est une tombe privilégiée ou memoria (petit bâtiment funéraire destiné au culte du souvenir) qui donne ensuite naissance à un édifice cultuel comme à Tavers (Loiret), Roujan (Hérault), Briord (Ain), tous datés du Ve siècle. Dans d’autres cas, il s’agit d’un oratorium (chapelle privée) des propriétaires de grandes villae : Montcarret (Dordogne), Arnesp et Montmaurin (Haute Garonne), Saint Herblain (Loire Atlantique). Parfois, c’est la salle d’apparat de la villa, souvent à abside, qui est transformée en chapelle ; ainsi Sidoine Apollinaire mentionne-t-il au 5ème siècle un sacratium (oratoire) dans la villa Octavianus près de Narbonne.

 

Dans notre proche région, nombreux sont les édifices religieux de haute époque implantés sur des sites gallo-romains : Aoste, Eybens, Hières sur Amby (Saint Martin), l’Isle d’Abeau (Saint Germain), Merlas (Saint Sixte), Penol, Tourdan, Saint- Romain-de-Jalionas pour ce qui est des sites certains,

Bourgoin, Moirans, Saint-Jean-de-Soudain, la Terrasse, Veurey, Vif, Voiron pour les sites probables,

Ainsi qu’Albon, Donzère et Montbrison sur Lez dans la Drôme, Saint Sigismond et Saint Martin à Aime et Cognin en Savoie, Annecy, Faverges, Saint-Julien-en- Genevois et Seyssel en Haute Savoie.

 

La présence à Rochedure d’une zone funéraire importante amène à s’interroger sur l’état premier de l’édifice : memoria distincte de la villa romaine ou chapelle intégrée de type oratorium.

 

La découverte d’un fragment d’inscription paléochrétienne dans l’abside de l’édifice, même si elle n’est pas à sa place originelle, plaide également pour un édifice de haute origine de type basilique funéraire rurale comme à Saint Ours sur Veurey ou à Saint Julien en Genevois.

 

Epitaphe paléochrétienne :

 

Epitaphe partielle de 19 cm sur 19 cm en marbre blanc, aujourd’hui exposée au musée de l’ancien évêché à Grenoble (collection Musée Dauphinois 98, 33, 1,1)

 

                                    Au sommet deux croix, paon, étoile, deux croix

                                    (IN H)OC TVMV

                                    (LO M)ESERCOR

                                    (DIA CH)RISTI RE

                                    (QVIESC)ET IN

                                    (PACE B)ONE

                                    (MEMORIAE)

 

« Dans ce tombeau, par la miséricorde du Christ, repose en paix de bonne mémoire… ». Il manque plusieurs lignes où devaient être précisés le nom et l’âge du défunt, suivis éventuellement d’indications complémentaires (statut, indiction…).

 

Par les caractéristiques de son décor, l’épitaphe de Rochedure pourrait être rattachée à une série d’inscriptions de la Viennoise du Nord datées du VIe ou du VIIe siècle. Il pourrait aussi s’agir, comme à Vif, de la pierre tombale d’un prêtre.

 

Il convient de signaler une seconde inscription paléochrétienne provenant du même lieu et appartenant à la couche de démolition de l’église (au Musée Dauphinois n° 98.33.1,2) :

 

                                    Croix latine

                                    HIC RE(QV)

                                    ESCIT I(N PA)

                                    CE LEPIDI(A)

VIXIT ANN..

ET CT (?) MENSE

Croix latine

 

« ici repose Lepidia qui vécut … années et … mois ».  

 

Le plan de l’édifice cultuel est simple : une nef rectangulaire prolongée à l’est d’une abside semi circulaire légèrement décalée au sud. Un parallèle est à établir avec la basilique funéraire mérovingienne de Saint-Julien-en-Genevois. En effet, les dimensions sont similaires : nef de 8 mètres sur 5,5 mètres à Rochedure contre 8,5 sur 4,8 à Saint Julien, abside de 2,90 mètres de profondeur à Rochedure pour 2,80 mètres à Saint Julien, décalées dans les deux cas. On notera aussi la similitude du lieudit : Saint Martin à Saint Julien et Martinais à Varces. Enfin, dans les deux cas, l’édifice est entouré d’une zone funéraire.

 

A Saint-Julien-en-Genevois, un sarcophage a été découvert dans l’abside contre deux à Rochedure. Dès lors, la présence de ces sarcophages dans la nef plaide pour la présence d’un édifice antérieur à l’époque médiévale, peut-être de plan rectangulaire, l’abside ayant pu être accolée ultérieurement lors de la reconstruction de l’église (sauf à considérer qu’elle était d’origine gallo-romaine). Le sarcophage sud de Rochedure s’appuie en effet sur un mur gallo-romain.

 

Dédicace :

 

L’édifice pourrait-il avoir été consacré originellement à Saint Martin ? On peut en effet être tenté de rapprocher « Martinais » de « Martin » mais rien dans la microtoponymie locale ne s’y apparente : Derbua, Rochedure, la Fontanelle, Champ Perrigaud sur le cadastre de 1812. Toutefois, ces appelatifs ne sauraient traduire une origine ancienne et ils ont pu se substituer aux toponymes originels.

Il convient également de noter qu’il y a, au nord du bourg de Vif, un lieudit Saint Martin mais celui-ci est situé à l’est de la Gresse et il est distant de 3250 mètres à vol d’oiseau de Martinais, donc trop éloigné pour qu’il y ait, entre les deux, un quelconque lien. De surcroît, l’abbé Coffin n’attribue pas à ce lieudit une haute origine. On n’y connaît, au demeurant, aucune structure antique ni le voisinage d’une voie romaine, celle-ci paraissant devoir être située à Lachar à l’ouest de la Gresse.

L’édifice cultuel de Martinais, dont les analogies avec Saint-Julien-en-Genevois ont été rappelées, pourrait-il avoir été dédié un temps à Saint Martin, dont par corruption serait venu Martinais avant d’être voué, sous Saint Hugues, à Saint Marcellin ?

On ne connaît de ce saint que deux églises pour l’ensemble du département de l’Isère :

 

-       ecclesia Sancti Marcellini à Varces au XIe siècle,

-       ecclesia Sancti Marcellinum à Saint Marcellin au XIIIe siècle.

 

Saint Marcellin de Varces n’est connu que par le cartulaire de Saint Hugues : elle existait alors entre 1080 et 1130 comme église paroissiale. Elle était alors taxée de 12 deniers tout comme Saint Pierre de Varces, Saint Paul de Varces, Saint Pierre de Claix, Saint Jean de Cossey, Saint Jean de Vif et Saint Pierre de Risset. Cela signifie que la paroisse était alors bien dotée. A titre de comparaison, les églises disparues de la Sainte Trinité, de Saint Sulpice et de Sainte Marie de Costa, toutes trois à Vif, ne sont taxées que de 6 deniers.

Dès lors que l’église Saint Marcellin de Varces était le centre d’une paroisse importante et aisée, on a du mal à imaginer qu’elle ait pu être l’édifice de Rochedure. Les dimensions de l’édifice ne s’y prêtent guère en effet : 10,90 m de longueur totale pour 5,5 m de largeur : ce ne sont point là les dimensions d’une église paroissiale. L’église de Cossey, à priori beaucoup moins importante en termes de population, a des dimensions de 15 m sur 5 m. De surcroît, la présence anormale d’un nombre élevé de sépultures d’enfants (infra) montre qu’on n’est pas en présence de la répartition habituelle que l’on trouve dans les cimetières paroissiaux et pourrait inciter à penser que l’on est peut-être en présence à Rochedure, d’un site cultuel consacré aux enfants défunts. Cette hypothèse, retenue un moment par les archéologues, a ensuite été abandonnée.

 

Enfin, l’assimilation de l’édifice de Rochedure à l’église Saint Marcellin de Varces ne correspond pas à l’ordre, vaguement géographique, que le cartulaire de Saint Hugues est censé respecter. En effet, le cartulaire cite Saint Marcellin non après Saint Pierre de Varces – ce qui aurait dû être le cas si elle avait été située à Martinais – mais entre Saint-Paul-de-Varces et l’église de Chabottes sur Vif ce qui induit qu’en toute logique elle devait se situer nettement plus au sud de Martinais. Mais l’on sait que l’ordre du cartulaire est parfois trompeur.

Prudent, Jules Marion ne situe pas Saint Marcellin et se borne à indiquer « église depuis longtemps détruite située sur le territoire de Varces ».

On notera qu’à moins de 1100 mètres au sud de Martinais, en limite des actuelles communes de Saint Paul et de Varces, existait un ancien lieudit « l’église » où l’on situait traditionnellement l’emplacement de la seconde église de Saint-Paul.

Une confusion avec Saint Marcellin serait-elle envisageable ? Cela ne semble guère possible, la tradition étant largement étayée par des documents d’archives, ceux-ci n’étant pas antérieurs au XVe siècle et les restes archéologiques décrits par l’abbé Vaujany au 19ème siècle mentionnant une fenêtre à ogive d’époque gothique.

Cette indication semble donc être de nature à lever tous doutes car l’église Saint Marcellin disparaît de l’histoire bien avant cette période. Celle-ci devait, en effet, déjà être ruinée car le cartulaire de Saint-Chaffre, qui cite abondamment Risset, Saint Pierre et Saint Paul de Varces ne mentionne aucunement Saint Marcellin.

De fait, il semble que cette précoce église paroissiale Sancti Marcellini n’était pas celle qui subsistait jusqu’à une époque récente au lieudit « l’église » (aujourd’hui « Chambord »).

 

Comment interpréter l’édifice de Rochedure ?

 

Comme les résultats détaillés de la fouille n’ont pas été publiés, on ne peut qu’hasarder, ici, une hypothèse de chronologie du site.

Dans une vallée partiellement protégée de l’axe de circulation le plus probant (Grenoble, Claix, Varces, Vif) fréquenté de très haute origine et où s’établissent dès la préhistoire des sites de hauteur (Rochefort, Saint Géraud, Saint Loup) s’implantent, dès le néolithique quelques foyers d’habitat de plaine (Champ Nigat). Ceux-ci perdurent et s’intensifient à la protohistoire (Champ Nigat, Drabuyard, les Gaberts). Durant l’époque de la Tène, de nombreux foyers apparaissent, notamment à Rochedure jusque là vierge de toute occupation, semble-t-il.

 

A l’époque gallo-romaine s’implantent des domaines bien identifiés : Allières sur Claix, Rochedure, les Gaberts… A ce jour Rochedure apparaît comme le plus important de ces domaines comme en témoigne la grande villa romaine. Puis viennent des époques de troubles mal identifiés : le rempart de Rochefort est consolidé comme celui de Saint Loup. Iulius Placidianus, préfet du prétoire, est alors à Grenoble : il se rend à Vif et sans doute à la Fontaine Ardente. Puis les troubles s’estompent. Rochedure est alors occupé (ou réoccupé ?). Une partie de la villa est alors consacrée à un culte funéraire (tombes sous tegulae). Une memoria à l’emplacement de l’église découverte n’est pas improbable. Mais la fin de l’empire romain est proche : les pillages et les invasions se succèdent. La villa est alors incendiée. Le temps passe. Quelques inhumations sont encore faites sur le site dévasté dont subsistent encore sans doute quelques élévations des structures antiques. Sans que l’on sache si l’habitat se reconstitue à proximité ou, de nouveau et exclusivement sur les hauteurs (Rochefort, Saint Loup…), Rochedure perdure comme site funéraire comme en témoignent les sépultures en pleine terre ou en coffre de bois (clous). La memoria est alors peut être intégrée dans un petit bâtiment cultuel de structure rectangulaire, s’appuyant en partie sur des murs gallo-romains. On assiste peut-être à la même évolution que celle décrite plus haut de Saint-Julien- en-Genevois.

 

Y eut-il à Rochedure un édifice de type basilique funéraire mérovingienne ? Les précieux fragments d’inscriptions paléochrétiennes et les deux sarcophages de la nef pourraient laisser le penser. L’édifice primitif est ensuite consolidé voire reconstruit : une abside est alors établie dont l’orientation à l’est respecte les usages observés sur tous les sites du Haut Moyen Âge.

S’agit-il alors toujours d’une basilique funéraire strictement rurale comme à Saint Ours ou du cimetière d’un proche village (Martinais ?) consacré peut-être à un culte particulier d’enfants prématurément décédés ou encore de la chapelle privée d’un grand domaine ?

Dans un dernier état, vers le XIe siècle, l’édifice est enfin reconstruit (ou réparé) dans l’état où il nous a été livré comme l’atteste la céramique révélée par les niveaux fouillés.

Cette reconstruction médiévale semble avoir été de courte utilisation : peu après, en effet, cette église inédite jusqu’alors disparaîtra pour des raisons totalement ignorées et, avec elle, tout souvenir architectural ou écrit, pas davantage que la tradition orale n’en conservera la mémoire jusqu’à son exceptionnelle redécouverte au début de l’été 1996.

 

Proposition de restitution – interprétation :

 

La faiblesse des fondations semble induire une hauteur relativement peu élevée de l’église. Le voûtement de l’abside reste hautement improbable : en effet, l’épaisseur de la maçonnerie n’est pas plus importante que celle des murs de la nef. Selon toute vraisemblance, une charpente devait supporter le toit dont aucune trace de clocher n’est décelable. Compte tenu de la parfaite continuité des quatre murs de soutènement l’accès à la nef devait se faire par des escaliers (vraisemblablement à l’ouest) un peu comme à Saint Jean de Cossey. Par ailleurs, l’existence de baies est envisageable sans être toutefois établie.

 

Le site funéraire :

 

Le site de Rochedure a offert la rare opportunité de fouiller intégralement un cimetière paroissial. La typologie des inhumations est très large et présente une longue continuité allant de la période romaine au moyen âge : coffres en tegulae du Bas-Empire, sépultures en pleine terre, coffres de dalles, coffres anthropomorphes, sarcophages…

A cet égard, le site de Rochedure peut, du moins en partie, s’intégrer dans la liste assez longue des cimetières mérovingiens proches d’habitats antiques connus dans notre département : Beaurepaire, Bourgoin, Chavanoz, Courtenay, Frontonas, Hières-sur-Amby, l’Isle-d’Abeau, Mépieu, Merlas, Morestel, Revel-Tourdan, Saint- Geoire-en-Valdaine, Saint-Romain-de-Jalionas, Vif, Vignieu, Villemoirieu, Voiron… ainsi que dans les sites funéraires continus de l’époque mérovingienne au XIIIe siècle : Bourgoin, la Buisse, Corenc, Courtenay, l’Isle-d’Abeau, Meyrié, le Pin, Prébois, Revel-Tourdan, Roissard, Saint-Egrève, Saint-Ismier, Saint-Marcel-Bel- Accueil, Saint-Romain-de-Jalionas, Sassenage, Seyssins, la Terrasse, Vaulnaveys-le-Haut, Vif, Villemoirieu, Voiron…

 

Sur le site de Rochedure, on a trouvé au moins deux tombes en bâtière de tegulae, probablement de tradition assez haute (E. Plassot, 19 août 1996), quelques clous de cercueils également d’époque antique et, non loin, des sépultures à incinération. Ces sépultures contenaient peu ou pas de mobilier, seulement quelques céramiques gallo-romaines. Deux sarcophages (dont un complet) du type VIe, VIIe siècles ont été trouvés dans la nef. F. Gabayet à la date du 14 septembre 1996 les datait du 7ème siècle mais, selon R. Colardelle, une forte analogie avec certains des sarcophages de Saint Laurent de Grenoble peut incliner à proposer une datation plus large (      VII au IXe siècles).

 

Peut être l’évolution du site de Rochedure est-elle à rapprocher de celle de Roissard ? Sur ce dernier site, on a l’évolution d’un cimetière qui tire son origine d’un habitat du bas empire et d’une petite nécropole des IIIe, IVe siècles. Ici, le premier type d’inhumations chronologiquement représenté aux Ve et VIe siècles consiste en des fosses profondément creusées où les squelettes, que n’accompagne aucun mobilier funéraire, sont placées en pleine terre. Les coffrages en bois semblent faire la transition entre les tombes en pleine terre et les coffres de dalles.

On peut dès lors s’interroger : les bâtiments de la villa de Rochedure étaient-ils tous à l’état d’abandon lorsque le cimetière vint s’y installer ou certains d’entre eux étaient-il encore utilisés ou réutilisés ?

Une autre question se pose : la population, qui enterrait là ses morts, résidait-elle sur le site même du domaine ou dans un lieu voisin ?

De même, la villa avait-elle été pourvue dès l’antiquité tardive d’un oratoire domestique autour duquel on inhumait ?

Très postérieurement aux fouilles, il est alors fait état de près de 180 sépultures, y compris une tombe privilégiée.

 

Les divers types de sépultures retrouvées à Rochedure sont les suivants :

 

-       Coffres de tegulae ; ils sont de section quadrangulaire avec un fond constitué de quatre à six tuiles dans le sens de la largeur, rebords placés vers le bas pour former le fond : ces tombes appartiennent à la tradition antique et sont généralement antérieures à la fin du IVe siècle. Mais quelques exemples postérieurs sont connus.

-       Coffres de tegulae en bâtière : ils ont été datés par S. Gagniere du Ve au VIIe siècle. Mais certains de ces coffres apparaissent dès le IIe siècle.

-       Coffres en pleine terre : ils sont datés de la fin de l’antiquité au début du Moyen Âge mais surtout entre le IVe et le VIe siècle.

 

Les sépultures

 

-       Coffres en bois (cercueils cloués) : bien que le bois dans la quasi-totalité des cas ait disparu sans laisser de traces, les clous en fer permettent de les identifier : on en connaît de nombreux exemples pour les IIIe et IVe siècles. Ce type de cercueil réapparaît ensuite, après l’abandon des coffres de dalles, au Moyen Âge.

-       Coffres maçonnés : il s’agit là de murettes en pierres jointoyées au mortier, connues de l’antiquité au VIIIe siècle et même au-delà.

-       Coffres de dalles complets : il s’agit de coffres construits en dalles d’origine locale (schiste, molasse, calcaire) du IVe au VIIIe siècle.

-       Coffres de plan ovalaire : du IXe au XIIe siècle.

-       Coffres anthropomorphes : en moellons de récupération avec couverture en dalles et, parfois, alvéoles céphaloïdes des XIIe et XIIIe siècles.

-       Sarcophages : d’une manière générale, les sarcophages sont assez rares dans les campagnes et particulièrement en Dauphiné. Ceux de Rochedure sont donc particulièrement précieux. Ils sont datés de la fin de l’antiquité et plus probablement de l’époque paléochrétienne comme en témoigne l’inscription décrite ci avant.

 

On mentionnera ici tout particulièrement un coffre en tegulae (dit sépulture 13 des fouilles) placé contre le mur nord est de l’église, de type commun mais de tradition antique (datation très large du IIe au VIIe siècle). Cette sépulture, dont les tuiles formant couvercle avaient disparu, contenait un squelette d’enfant.

La tombe dite « trois » est de type mixte (coffre en dalles et en pleine terre).

La tombe dite « quatre » est de coffre dit en dalles.

La tombe « cinq » est en pleine terre.

La sépulture de type anthropomorphe présentait une tête à l’ouest.

Une petite sépulture de type anthropomorphe a livré une sépulture d’enfant dont le crâne était en forme de « pain de sucre », forme très rare (connue dans une tombe de la nécropole de Meyzieu) transmise croit-on par les Huns aux Burgondes et provenant originellement de l’habitude prise par les populations migrantes de lier les nourrissons sur une planche, la tête solidement fixée. De surcroît, ce crâne semble avoir été trépané.

Au nord ouest de l’abside de l’église, tombe de type « coffre » de 1,10 m de longueur sur 0,40 m de largeur (IVe ou Ve siècles).

Sépulture dite « huit » de 1,80 m de longueur sur 0,80 m de largeur (Xe ou XIe siècle).

Sépulture maçonnée, orientée nord sud et partiellement détruite.

Sarcophage en tuf incomplet (il manque le couvercle) s’appuyant au sud sur un mur gallo romain (VIIe siècle ?).

Second sarcophage complet dans le nord est de la nef de l’église (VIe ou VIIe siècle).

Nota : ce sarcophage et celui qui lui faisait pendant ont été déposés et sont conservés dans les entrepôts de la société Converso (indication donnée le 8 novembre 1997 à Varces lors de ma conférence sur les fouilles du Lavanchon).

Coffre maçonné contre le sarcophage (VIe au VIIIe siècle).

Sépultures d’enfants orientées ouest-est environ 0,90 m sur 0,30 m.

Sépultures en pleine terre (dont une double ?) de 1,50 m sur 0,40 m.

Sépulture anthropomorphe à l’est de l’abside de l’église orientée est-ouest.

Sépulture de type coffre maçonné, orientée nord-sud de 2 m sur 0,70 m.

Grande sépulture en coffre de dalle ovalaire orientée est ouest de 2 m sur 0,40 m, la sépulture étant située à peu près au centre de la route décaissée fin octobre 2006.

Tombe en coffre de tegulae qui était située en partie sous la pierre supposée être l’autel à l’entrée et au sud de l’abside (découverte du 11 octobre 1996, époque gallo- romaine ou mérovingienne).

Sépulture de type « coffre de dalles de plan ov            ale », orientée ouest-est (IXe au XIIe siècle).

Fragment de sarcophage ou de coffre en dalles dont seule la paroi nord subsiste.

 

L’édifice de Rochedure pose donc un certain nombre de questions qui ne seront vraisemblablement jamais résolues mais il offre le mérite de nous montrer une rare séquence d’évolution cultuelle de l’époque romaine au début du XIIe siècle. En cela, il restera essentiel pour la connaissance de l’histoire de Varces.

 

Bibliographie spécifique :

 

J. MARION : cartulaires de l’église cathédrale de Grenoble dits cartulaires de Saint Hugues, 1869, cartulaire C page 192

AFAN : note de synthèse pour les journées du patrimoine de septembre 1996

SRA Rhône Alpes, bilan scientifique 1996, page 97

J. C. MICHEL : A 51, découvertes archéologiques, bulletin des AVG n° 38, décembre 1996, pages 23 et 24

Atlas du patrimoine de l’Isère, 1988, page 72

F. GABAYET : une inscription funéraire paléochrétienne découverte à Varces (Isère), la Pierre et l’Ecrit, 12, 2012, pages 41 à 48

Carte archéologique de la Gaule, l’Isère 38/4, 2017, pages 345 et 346

J. C. MICHEL : l’édifice paléochrétien de Rochedure à Varces, revue des AVG n° 81, juin 2018, pages 40 à 49

        

Saint Marcellin, cet inconnu :

 

L’hagiographie connaît deux saints de ce nom :

 

-       un pape de l’extrême fin du IIIe siècle,

-       Marcellin l’Africain, évêque d’Embrun.

 

1)    Marcellin, Marcellini, Marcellinus (pape) :

 

Romain de naissance, son père se prénommait Projectus. Il fut élu pape le 22 décembre 295 succédant à Caïus. Ce fut de son temps qu’éclata la persécution de Dioclétien. Les églises chrétiennes furent alors abattues dans presque toutes les provinces…

L’histoire n’a conservé aucune action mémorable de Marcellin : les donastistes ont prétendu que, selon son propre aveu, ce pape aurait sacrifié aux idoles. Ils s’appuyaient en cela sur des actes d’un certain concile de Sinvesse qui fut reconnu faux et supposé. Saint Augustin le regarde comme tel dans son ouvrage contre Petillien.

Saint Marcellin serait mort le 24 octobre 304. Il est reconnu comme martyr le 26 avril, quoique l’ancien calendrier romain dressé sous Tibère fasse connaître qu’il n’a point terminé sa vie dans les supplices. Son successeur fut Marcel Ier. 

 

2)    Marcellin, Marcellini, Marcellinus (évêque d’Embrun) :

 

Il semble avoir été le premier évêque d’Embrun, originaire d’Afrique, martyrisé. Son corps reposerait à Digne où sa fête est le 10 avril.

Selon G. de MANTEYER (les origines chrétiennes de la IIe Narbonnaise, des Alpes Maritimes et de la Viennoise, 1921) Marcellin aurait eu sept édifices sous son vocable et son disciple, le premier évêque de Grenoble, Domnin, en a une voisine de Saint Marcellin de Digne.

Est également connue une paroisse Saint Marcellin à Embrun.

Les sept édifices évoqués par G. de MANTEYER, tous dans les Hautes-Alpes, sont les suivants :

 

-       la Saulce : édifice consacré à Saint Jean-Baptiste et à Saint Marcellin ;

-       Lardier : chapelle rurale à Saint Marcellin,

-       Vaumeilh : également chapelle rurale au saint,

-       Veynes : église paroissiale vouée au saint,

-       Plaisians : église paroissiale au dit saint et à Saint Blaise,

-       Laragne : église des Arzeliers au vocable du pape,

-       Chardavon : prieuré au dit saint, à Saint Jean Baptiste et à Notre Dame

 

auxquels on peut ajouter la chapelle Saint Marcellin de Névache.

Du même auteur, on peut relever les mentions suivantes : 

(page 351) : « l’église d’Embrun fêtait Saint Vincent, disciple de Saint Marcellin, le 29 janvier. La quatrième leçon du deuxième nocturne disait que Vincent, africain comme Domnin et Marcellin, vint à Rome… passant les alpes tous trois provenant à Embrun où les saints Nazaire et Celse avaient déjà prêché la foi ».

(page 352) : « Saint Marcellin, patron d’Embrun se trouvait fêté le 20 avril et, le 20 novembre, se fêtait l’invention des reliques de Saint Marcellin ».

« La légende de Saint Marcellin spécifie que évêques Saint Eusèbe de Verceil et Emilien de Valence furent ses consécrateurs comme archevêque d’Embrun. Le 27 avril, l’office de l’octave donne ce fait intéressant qu’il fut amené, sur la demande de son peuple, à bâtir une nouvelle église à 16 miles d’Embrun à cause de la distance qui empêchait les fidèles de venir à Embrun entendre la parole divine. Ce fut l’origine de l’église de Chorges »

« … le 20 novembre se fêtait l’invention des reliques de saint Novembre… perdues déjà en 936 ».

(page 353) : à Gap, au milieu du XIe siècle, on fêtait Saint Marcellin le 12 des calendes de mai ».

(Archéologie dans les Hautes Alpes, 1991, pages 243 et 244) : « l’existence d’un siège épiscopal est assurée dès 438 et dès lors on connaît un certain nombre de ses titulaires jusqu’à la fin du VIIe siècle. Mais une « vie » de date incertaine attribue la fondation de l’évêché à l’action d’Eusèbe de Verceil qui, avec Aemilianus de Valence, consacra un certain Marcellinus…

Cette intervention de l’évêque de Verceil, bien connu pour sa résistance à l’arianisme et mort en 370 surprend, tout comme surprend l’origine africaine attribuée à Marcellinus et à ses compagnons Vincentius et Domninius auxquels est attribuée l’évangélisation des Alpes Maritimes.

Les évènements rapportés par sa « vie » se retrouvent dans le martyrologue d’Adon, ce qui peut conduire à supposer qu’elle peut remonter aux VIIe ou VIIIe siècles ou être quelque peu antérieure.

Existait en tous cas, à l’époque de Grégoire de Tours, une tradition qui attribuait à ce Marcellinus des miracles et la construction d’un baptistère. Sa sépulture pourrait être située au nord de la ville médiévale d’Embrun, près de la porte de Briançon ».

(CAG des Hautes Alpes, 1996, pages 105 et 106) : « selon une « Vita S. Marcellini » l’apôtre des Alpes Maritimes serait un africain qui aurait été ordonné vers 370 par Eusèbe de Verceil. Sont aussi mentionnés un Vincentius (Vincent), élu à Digne et son condisciple Domninus sur les sépultures desquels avaient lieu des miracles. De ce texte, fort suspect, a été retenue la date approximative de consécration de S. Marcellini entre 362 et 370 environ.

La Vita rapporte également que Marcellini, après s’être contenté d’un oratoire « jouxtant les murs de la cité » construisit une maiorem ecclesiam pour contenir le nombre important de fidèles, à quoi il adjoignit un petit baptistère. La « Vita » n’apprend rien sur la sépulture de Saint Marcellin. Quant à Grégoire de Tours, il se borne à indiquer que la ville avait pour patron Marcellinus. Sans la situer, il ajoute que sur sa tombe, brillait perpétuellement une lampe la nuit et que les malades y trouvaient guérison. Au Moyen Âge, existait une église dédiée à Saint Marcellin près de la porte de Briançon. Des substructions en ont été repérées lors de la démolition des remparts ».

(Ibid, page 114) : « sous l’actuelle place Saint Marcellin, on connaît les vestiges d’une église de haute époque (à l’intérieur de l’enceinte du Bas-Empire) ».

Si l’on excepte le cas particulier des Hautes-Alpes, Saint Marcellin a laissé peu de traces dans la toponymie. Ainsi, selon le dictionnaire géographique et administratif de la France de P. Joanne (1902) :

 

-       Saint Marcellin de Cray (Saône et Loire),

-       Saint Marcellin (Isère),

-       Saint Marcellin (Loire),

-       Saint Marcellin (Vaucluse),

 

Ainsi que deux lieudits, toujours dans les Hautes Alpes : Saint Marcellin, commune de Vars et Saint Marcellin, commune de Veynes.

Un culte à Saint Marcellin (le pape ?) est également à signaler à Bonneval (Eure et Loir). La carte archéologique de ce département (1995) indique (page 86) à propos de l’abbaye de Saint Florentin : « monastère bénédictin fondé en 857 par Charles, roi de Provence et son chevalier Foulque en l’honneur des saints martyrs Pierre et Marcellin. Après la translation des reliques de Saint Florentin et de Saint Hilaire, elle est placée sous le patronage de ceux-ci ».

En ce qui concerne l’Isère, les éléments sont également ténus. Hormis Saint Marcellin de Varces on connaît une chapelle de ce nom à Champier qui passe pour avoir été élevée sur un sanctuaire dédié à une divinité des fontaines.

Reste le problème de la commune éponyme du bas Dauphiné. Le Regeste Dauphinois indique, à la date de 1083 : « Gontard, évêque de l’église de Vienne et évêque de Valence… donne au monastère de Montmajour cinq églises : Saint Antoine et Didier, Sainte Marie de Montagne, Saint Hilaire, Saint Marcellin avec leur dîmes ».

J. Sorrel, historien de Saint Marcellin, indique pour sa part (1981) : « Marcellin, présumé d’origine berbère et de l’église de Carthage, évangélisa notre région. En 365 il fut placé par ses pairs sur le siège d’Embrun. Mort le 13 avril 374, il fut inhumé le 20 avril… Ce n’est qu’à partir de 1083 qu’on relève un village du nom de Sancti Marcellini.

B. Bligny dans son histoire du diocèse de Grenoble (1979) note pour sa part (page 18) : « on peut affirmer qu’avant la fin de l’époque burgonde il existait des églises dans les localités suivantes… Quatorze autres s’y ajoutèrent au plus tard à l’époque mérovingienne… Saint Marcellin (?)… ». Personnelement, j’emets des doutes sur ce dernier.

Enfin, D. Prache, dans son ouvrage sur les saints et les saintes de France (1988), sème le trouble en évoquant un « Saint Marcellin, troisième évêque du Puy ».

On a donc un peu de mal à savoir quel était en fait ce Marcellin honoré à Varces.