ETUDE
GENERALE DES SITES ARCHEOLOGIQUES DE LA PLAINE DU LAVANCHON A VARCES
La
plaine du Lavanchon se situe au débouché du vallon de
Saint-Paul-de-Varces. Il s’agit d’un secteur très humide, drainé par trois
cours d’eau : la Suse, la Marjoera et, le plus puissant, le Lavanchon. On la pensait vierge de toute occupation car des
carottages effectués préalablement aux travaux de construction de l’autoroute A
51 avaient donné les résultats suivants : 6000 avant nos jours à moins
cinq mètres et 10 000 avant nos jours à moins dix mètres. Ces datations
laissaient peu d’espoir de découverte de sites préhistoriques mais néanmoins,
nombre d’entre eux ont été révélés à faible profondeur (entre 40 et
Tout
ce qui concerne ce chapitre résulte des très nombreuses observations de terrain
que j’ai pu faire lors des travaux de fouilles de mai 1996 à février 1997,
d’entretiens avec les fouilleurs de l’AFAN (Eric Plassot,
Franck Thériot, Franck Gabayet)
et d’une courte synthèse que ceux-ci ont publié en septembre 1996, tirée du
bilan scientifique 1996 de la Direction Régionale des antiquités Rhône Alpes.
Le rapport général des fouilles n’a jamais été publié et on ne sait ce qu’est
devenu le matériel archéologique. Il semblerait qu’il soit peut-être conservé
au dépôt de fouilles de Vienne.
Tout
le site compris dans la plaine du Lavanchon entre le nord de Martinais-d’en-Bas et le sud de Martinais-d’en-Haut
a révélé, sur plus de
De
la protohistoire sont notables un grand fossé hallstattien et un habitat léténien.
Le
gallo-romain est quant à lui présent sur tous les sites étudiés.
Le
Haut Moyen Âge a livré également un habitat et une aire cultuelle.
LE SITE
DE CHAMP NIGAT
A
Huit
autres structures en creux s’organisaient en deux groupes distants d’une
centaine de mètres.
Il
y a des traces de calage externe. Selon F. Thierot (entretien du 28 août 1996)
il pourrait s’agir d’un trou de poteau faîtier d’une demeure néolithique, les
petits trous externes repérés à proximité pouvant supporter des piliers
latéraux.
La
céramique issue de ces structures est caractérisée par la présence de formes à
col concave bien dégagé par un épaulement souligné par au moins deux petites
languettes. Ce type de céramique est datable du néolithique moyen.
Les
maisons rubanées répondent au même modèle. Des poteaux en bois forment
l’ossature de ces grandes fermes, plus forts au centre que sur les murs
latéraux car ils portent la charpente. En pourrissant, ils ont laissé une
marque noirâtre qui dessine au sol le plan de la maison disparue. Les murs en
torchis auraient été montés avec la terre extraite des fosses qui longent la
maison.
Aux
Chavardes dans l’Aisne, un village néolithique de
Par
ailleurs, les vestiges d’un établissement rural gaulois datable du Ier
siècle avant notre ère ont été découverts de part et d’autre de la voie
communale 12. Ils étaient matérialisés par des enclos et des petites
constructions quadrangulaires sur six poteaux pouvant correspondre à des
structures de greniers surélevés destinés à la conservation des récoltes.
Le
même site a révélé des structures de murs gallo romains avec de nombreuses tegulae provenant de toitures probables.
Ces structures ont été observées le 25 août 1996 à
LE SITE
DE DRABUYARD
Ce
site est mentionné sous la forme « Derbua »
sur le cadastre napoléonien et est devenu « Drabuyard »
dès le cadastre de 1931.
Les
deux toponymes ont la même signification : terres argilo calcaires
fertiles.
Les
premiers sondages sur le site remontent à mai – juillet 1996.
Ceux-ci
ont révélé l’existence d’un établissement rural gaulois du Ier
siècle avant notre ère. Les vestiges étaient matérialisés par des enclos et des
petites constructions quadrangulaires reposant sur six poteaux pouvant
correspondre à des structures de greniers surélevés destinés à la conservation
des récoltes.
Ont
aussi été observées des structures de mur imprécises au nord
est. Au nord- ouest, on a pu observer une structure rectangulaire
d’environ
Des
extensions sur « Champ-Nigat » semblaient
exister mais la création de pistes d’engins a très vite rendu impossible toute
observation.
A
l’emplacement de cette structure, un fragment de céramique sigillée et une anse
de grande poterie ou d’amphore ont été recueillis avec de nombreux fragments de
tegulae.
Une
voie antique empierrée de grande largeur a également été reconnue. Cette voie
était parallèle à la route actuelle et une partie de sa largeur était peut-être
recouverte par celle-ci.
A
Drabuyard sud, a été reconnue une structure carrée
d’époque gallo romaine avec un sol de type béton
jaune à
A
Des
fragments ferraillés ont été découverts : quatre clous de charpentier avec
tête notamment. Leur faible longueur incite à y voir des clous de cercueil
plutôt que des clous de charpente.
Sur
le même axe a été découvert un remarquable galet ovalaire poli, brisé en deux
parties : s’agit-il d’un bétyle du type de celui de Rochefort ?
Un
fossé de la fin de l’époque de Hallstatt a également été repéré. Il est orienté
est ouest, sa largeur maximale approchant
Plusieurs
structures excavées ont également été trouvées au sud de ce grand aménagement.
Il semblerait que l’on soit en présence d’un site d’habitat ceinturé par un
fossé (peut être à usage défensif). Le mobilier
céramique est caractérisé par des vases en pâte grossière dont le cortège
typologique (coupes à rebords rentrant, pots en tonneau décorés d’impressions
ou de cordons) ne semble pas avoir subi de transformations notables depuis le VIIIe
siècle avant notre ère pour ce qui est connu dans le nord de la région Rhône-Alpes.
La
présence de céramiques d’importation d’origine méridionale (amphore massialète
et céramique grise monochrome) est également attestée.
Selon
F. Theriot (entretien du 28 août 1996) c’était peut-être
le site d’habitat des nécropoles du Grand Rochefort, d’autant qu’on a découvert
sur le même site une sépulture à incinération.
LE SITE
DE LACHAR
Ce site, parrallèle à
l’est de la plaine du Lavanchon a livré, durant l’été
et l’automne 1995, la présence, sous un sol gallo-romain, d’un niveau
d’occupation particulièrement bien conservé et fossilisé dans un paléosol
enfoui à 1,80 m de profondeur.
Plusieurs structures domestiques (deux foyers de
galets rougis ou éclatés) ainsi qu’une ou deux aires de débitage de silex et de
cristaux de roche (quartz provenant de l’Oisans) ont été mises au jour sur un
décapage témoin de 15 m2.
Ce site de plein air a livré 138 pièces lithiques
d’une seule famille de quartz.
Ces vestiges peuvent être datés de la charnière
néolithique ancien, néolithique moyen.
Au
même endroit, un site inédit gallo-romain a été découvert sur plusieurs
hectares dont seuls deux ont été explorés. Le toponyme pourrait provenir de
char, charrière, voie accessible aux chars.
Il
est composé de trois parties distinctes :
Au
nord :
-
les
vestiges d’un ancien chenal,
-
une
première construction en pierres du Ier siècle, maison de
-
une
seconde construction avec un mur en moellons de calcaire et des murs en galets
au-dessus avec des joints au fer (début du IIIe siècle),
-
dans
l’une de ces maisons, un four culinaire en tuile et une moitié de meule avec
des grains de blé carbonisés,
-
ces
constructions antiques, contrairement à celles découvertes peu avant au Cellier
ou au Val-d’Allières sur Claix, étaient soignées avec
des sols en terrazzo, de remarquables parements joints au
fer et peut être même des peintures murales.
Au
centre :
-
une
aire cultuelle comprenant un premier édifice en bois dans lequel ont été
trouvés 40 monnaies du Ier siècle et un galet fiché dans le sol,
dans l’axe de la structure : celui-ci est comparable à celui de Rochefort
décrit par H. Müller dans le lieu de culte : on y voit aujourd’hui une
relation avec les sites mégalithiques. Ce même édifice a livré 750 coupelles
très peu cuites et quelques vases en sigillée. Un second édifice, en
maçonnerie, est bien daté par deux monnaies du début du IIIe siècle, renfermant
également des coupelles ainsi qu’un galet fiché. Autour de ces deux édicules –
traduisant une perdurance cultuelle – ont été observées des fosses rituelles
avec incinération d’os d’animaux et des monnaies du IIIe siècle (terminus post quem de 222 à 231 de notre
ère) et, toujours à proximité, existait une aire de crémation d’animaux. Ces
offrandes étaient vraisemblablement faites à une divinité dont l’identification
n’a pas pu être définie mais que l’on suppose être en liaison avec le commerce
et le voyage (site à Mercure ?) ou à la déesse Alpina attestée dans deux
sites analogues en Suisse ou encore à un culte des eaux guérisseuses (rite
d’aspersion ?). Les vases (plus de 750 au total) étaient emboîtés les uns
dans les autres et disposés en piles à peu près régulières. Les plus hautes
piles étaient composées de cinq coupelles pour une hauteur maximale de
-
A cet égard, 84 monnaies ont pu être
étudiées ; elles s’échelonnent de la première moité
du Ier siècle après J. C. jusqu’au milieu du IVe siècle : aes d’Auguste, de
Tibère et de Caligula, un as et un dupondius
deVespasien et de Domitien, des aes ou des sesterces de
Trajan, d’Hadrien, d’Antonin le Pieux, de Faustine I et II, de Marc Aurèle et
de Commode, près de vingt monnaies de Gallien et Claude II, deux monnaies
d’Aurélien, deux de Maximien, dix de Constantin et ses fils et une dernière de
Constance, émise en 348.
Au
sud :
-
une
grande structure rectangulaire avec des murs très épais (
Comment
faut-il interpréter ce site ?
Les
archéologues ont considéré qu’il s’agissait vraisemblablement d’une
agglomération secondaire (Varcia ?) au bord de
la voie qui conduisait de Grenoble à la Provence par le col de la Croix-Haute.
Cette voie, repérée sur près de
L’agglomération
assurait vraisemblablement le contrôle des voyageurs et des marchandises à la
sortie du territoire des Allobroges et à l’entrée de celui des Voconces. Dès
lors, grande est la tentation d’y voir un bureau de douane du 40ème
des Gaules (infra).
Ce
qui est établi, c’est que la configuration du lit de la Gresse à l’époque
antique n’est pas conforme à ce qui était jusqu’alors considéré comme probable
ou évident car les structures romaines affleuraient à moins de
Bibliographie
spécifique :
SRA
Rhône Alpes, bilan scientifique 1995, pages 120 et 121 et 1996, pages 95 et 96
J.
C. MICHEL : A 51, découvertes archéologiques, bulletin des AVG n° 36,
décembre 1995, pages 7 à 10
Atlas
du patrimoine de l’Isère, 1998, pages 56 et 57
B.
HELY : le sanctuaire de Lachar à Varces in les
Allobroges, gaulois et romains du Rhône aux Alpes, 2002, pages 165 et 166
J.
C. MICHEL : la voie romaine principale du Trièves de Cularo à Fréjus (I),
bulletin des AVG n° 49, juin 2002, pages 5 et ss
Atlas
culturel des Alpes occcidentales, 2004, page 215
P.
LEVEAU : les agglomérations de la cité de Vienne, un dossier en devenir,
RAN T 38-39, 2005, pages 165 et 166
Carte
archéologique de la Gaule, l’Isère 38/4, 2017, pages 342 à 344
Varces, station de la Quadragesim Galliarum ?
Le
territoire de l’empire romain était divisé en un certain nombre de grandes
circonscriptions douanières englobant souvent plusieurs provinces. Sous le haut
Empire, la Gaule, la Germanie et les Alpes formaient la circonscription du
« quarantième des Gaules » (Quadragesima Galliarum) encerclée par un véritable cordon douanier.
L’impôt du quarantième frappait de 2,5 % toutes les marchandises, sauf les
bagages personnels, en provenance ou à destination de la Gaule. Ces précisions
sont données dans les « Déclamations » de Quintilien : « à
part les bagages pour le voyage, toutes les marchandises sont soumises au
quarantième, à verser à l’agent préposé à cet impôt ; l’agent à le droit
de fouiller, les marchandises non déclarées étant confisquées ; il n’est
pas permis (à l’agent) de toucher une matrone… ».
Cet
impôt, à but essentiellement fiscal, a subsisté pendant toute l’époque
impériale ; jusqu’à Commode (161-192) il fut sans doute affermé puis
l’état perçut directement la taxe.
Ce
quarantième des Gaules semble avoir remplacé dans les Alpes un ancien droit de
portage, le portorium.
En effet, avant l’administration romaine, là où la topographie rendait malaisé
le transport des marchandises, la population gauloise se réservait le droit de
l’assurer moyennant rétribution. Avec la construction des routes par les
romains, le portorium
fut remplacé par le quarantième des Gaules.
La
direction générale des douanes était fixée à Lyon. Mais les stations de la quadragesima Galliarum ne
jalonnaient pas systématiquement les frontières des districts ou des provinces.
Ainsi, un bureau existait à Grenoble qui est connu par au moins deux
inscriptions du deuxième siècle :
-
l’importante
stèle de Gaius Sollius Marcullus,
receveur du 40ème des Gaules à la station de Cularo : « … Gaius Sollius Marcullus librairi quadragesima Galliarum stationis Cularonis… » :
« Gaius… receveur du quarantième des Gaules à la station de Cularo »,
-
une
seconde stèle de Publius Primitivus,
également receveur du même impôt.
En
direction du sud, l’agglomération secondaire de Lachar
semble avoir assuré une fonction de contrôle des voyageurs et des marchandises
à l’entrée et à la sortie du territoire des Allobroges.
SITE
GALLO ROMAIN DU CELLIER
La
plaine en face du Grand Rochefort a pu être parsemée de villae ou de fermes gallo-romaines. En témoigne la ferme du
Cellier, fouillée en sauvetage durant l’hiver 1982-1983 dont les substructions
n’étaient guère enfouies qu’à quelques
Cette
exploitation modeste, à vocation essentiellement agricole, n’a pas révélé de
vestiges importants : les murs étaient en pierres, sans parement et les
sols en terre battue. Il semblerait qu’il s’agisse d’une dépendance de villa
romaine, non retrouvée, remontant à la première moitié du premier siècle avant
notre ère.
Deux
bâtiments ont été identifiés dont l’un d’eux mal défini. L’autre correspondait
à un rectangle de
Très
peu de débris de tuiles laissent supposer une couverture faite de matériaux
périssables (chaume ?). Le support de cette couverture devait, quant à
lui, être assuré par des poteaux de bois reposant sur des bases en grosses
pierres taillées.
Un
second ilôt a été identifié sous l’actuelle voie
expresse.
Le
matériel archéologique recueilli a permis de proposer une occupation du site à
l’intérieur d’une fourchette chronologique comprise entre la fin du Ier
siècle avant notre ère et la fin du IIe siècle de notre ère.
Divers
objets ont été récupérés. Il semble qu’ils soient aujourd’hui conservés au
Musée Dauphinois et, notamment :
-
un
possible fil à plomb de
-
un
tesson de céramique sigillée d’un atelier du sud de la Gaule (10 à 80 de notre
ère),
-
un
peson pyramidal en céramique,
-
une
perle en verre.
En
mars 1996, des travaux de terrassement ont amené un décapage partiel du terrain
entre la Suze et la route nationale. La partie est de cette parcelle (non
fouillée en 1982-1983) a révélé de nouvelles structures de murs avec de
nombreux fragments de tegulae.
Etait-on
alors sur le site de dépendances de la villa, cependant que le bâtiment
principal aurait été situé plus à l’est ?
Bibliographie
spécifique :
L.
et L. GIACINTI : le Cellier dans Archéologie chez vous n° 4, la vallée de
la Gresse, 1985, notices 87 à 91, pages 14 et 15
J.
C. MICHEL : Isère gallo romaine, I, 1985, page
231
J.
C. MICHEL : le Cellier dans carte archéologique de la Gaule, l’Isère 38/1,
1994, page 155
Carte
archéologique de la Gaule, l’Isère 38/4, 2017, page 342
MARTINAIS
En
1905, Hippolyte Müller dit avoir fouillé une tombe sous tuiles « dans la
propriété d’Amédée Cuynat », non loin d’un
coteau « constellé de tuiles romaines ». La sépulture orientée (pieds
à l’est) était à faible profondeur (
Selon
cet auteur, d’autres tombes auraient été trouvées précédemment « dans le
voisinage » ainsi qu’un « four à cuire les briques ».
Cette
propriété Cuynat est située à Martinais-d’en-Bas, le
long du chemin de Chabloz, c’est-à-dire non loin des
découvertes de 1995-1996.
En
décembre 1996, au sud ouest d’un champ labouré situé
entre la route des Salces, le chemin vicinal de Varces à Martinais-d’en-Bas
et le chemin du Rif, j’ai observé des fragments de tegulae et d’imbrex
en surface.
Le
1er mai 2018, à l’ouest de la route de Martinais d’en Bas, j’ai
récupéré un fragment de poterie commune rouge de 4,5 cm sur 4 cm, épaise de 1 cm.
PONTCHARRA
En
août 1996, j’ai observé, sur
A
la même époque, au droit de la rue de la Marjoëra,
j’ai également observé sur
PELLISSIERE
Hors
de l’emprise des travaux autoroutiers, une villa romaine a été localisée, par
détection aérienne, sous le manège à chevaux.
En
1996, une série de chenaux, probablement de même époque a été repérée.
NIVOLON
Le
2 novembre 1996, route des Salces, face au lotissement « le Nivolon », j’ai observé, dans un champ fraîchement
labouré, la présence en surface de plusieurs fragments d’imbrices.
Le
18 avril 2018, route des Salces, j’ai récupéré un fragment de béton romain 11
cm sur 8,7 cm avec une rainure profonde de 1,2 cm et, à proximité, quelques
tessons de couleur orange clair.
LA
FONTANELLE
Mes
observations de juillet à octobre 1996 ont révélé plusieurs traces de murs
correspondant à l’extension sud de la villa de Rochedure.
Par contre, très peu de tegulae
étaient visibles en surface. Les fouilleurs pensaient initialement à une
possible extension de la nécropole mais ceci ne s’est pas vérifié.
Le
25 août 1996, dans un site noyé par les remontées de la nappe phréatique, de
nouveaux murs sont apparus jusqu’au décaissement définitif, peu avant la mi-
septembre.
Après
l’époque gallo-romaine, eut lieu une réoccupation partielle des bâtiments
antiques : certaines extensions sont même créées (murs en pierres sèches)
mais la destination de ces nouveaux bâtiments est restée imprécise.
La
partie droite de ces bâtiments se raccordait parfaitement à la partie ouest de
la villa de Rochedure (infra) mais pas la partie
gauche, ce qui a conduit à penser qu’il pouvait s’agir d’une annexe ou d’une
autre époque.
LA
RIBOUDIE
Le
1er février 1997, une prospection de surface dans un champ
fraîchement labouré a révélé la présence de tegulae.
DIDEYRE
A
l’occasion de travaux de construction d’un immeuble en juillet 2010 des fixer ont été observées. Il s’agit peut-être
de traces d’une extension du site du Val d’Allières sur la partie est de la
Pissarde.
ROCHEDURE
Ce
site correspond pour l’essentiel à un vaste ensemble de bâtiments gallo-romains
à l’architecture imposante au delà du Lavanchon dont
le cours a bien divagué au cours des siècles.
Même
si le découpage interne et l’évolution au cours du temps des bâtiments n’ont
pas été saisis entièrement, on perçoit aisément un schéma général articulé
autour d’une bâtisse principale. En effet, plusieurs annexes plus petites,
maçonnées ou en bois, jouxtent à l’est un grand bâtiment long de
-
L’affectation
précise de toutes ces pièces, probablement plus de vingt, mais sans doute plus
nombreuses encore reste en effet inconnue. Néanmoins, certaines de ces pièces
situées au sud comportent des sols en terre à la différence des pièces nord qui
sont majoritairement en béton. On pourrait donc distinguer, à priori, une
partie commune d’une partie résidentielle.
-
Structurellement
parlant, ce bâtiment semble comporter toute une série de pièces plus petites
précédant à l’est d’autres pièces de plus grandes dimensions. Il pourrait
s’agir d’une sorte de grande galerie-façade appuyée contre le corps principal.
La découverte d’un grand seuil du même coté devait
marquer l’emplacement d’une entrée importante sinon principale et conforterait,
en ce cas, l’hypothèse d’une façade orientale. Mais on peut aussi penser à un
ensemble en « U ».
-
La
largeur et la puissance de certaines fondations ajoutent encore à la
grandiloquence de cet édifice au coeur d’un vaste dispositif de plus de
Il
s’agit donc, selon toute vraisemblance, de l’emplacement d’une villa gallo-romaine,
la plus vaste connue à ce jour en région grenobloise, occupée du Ier
au IIIe siècle et détruite, semble-t-il, par un violent incendie.
Un
four à chaux établi par la suite sur le site a pu faire disparaître nombre
d’éléments de la construction.
L’importante
densité des vestiges archéologiques nécessite le découpage de l’étude de ce
site en plusieurs points.
1)
une
structure artisanale de
2)
la
villa proprement dite : les structures dégagées s’étendent sur
3)
A
l’est de la villa, on a repéré des restes de bâtiments du Haut Moyen Âge :
les vestiges étaient ténus et ne consistaient le plus souvent qu’en des traces
de construction sous la forme de fondations de murs en pierres sèches. Les
rares tessons de céramique recueillis ne permettent pas de déterminer le statut
et la fonction de ces bâtiments.
4)
un
édifice religieux : dès la ruine de la villa (ou peut
être même avant), le site de Rochedure devient nettement funéraire.
Existait-il une memoria ? Celle-ci évoluera
t-elle en un édifice de type basilique funéraire ? L’édifice, dont
le plan avait été conservé, intégrait deux murs gallo romains : est-ce
volontaire ou le signe d’une longue continuité ? La chronologie semble
être la suivante :
-
un
premier bâtiment de
-
Puis
la partie centrale du mur est de l’église est abattue pour faire place à une
abside légèrement décentrée vers le sud.
LES
GABERTS
A
« Champ Fleury », j’ai observé en août 1996 un site à tegulae avec des fragments d’imbrices.
Le
lieudit a également révélé des vestiges allant de la protohistoire au Haut Moyen
Âge.
Pour
la période la plus ancienne, un tesson du Bronze final a été récupéré.
L’occupation
antique est ici représentée par un habitat, probablement lié à une activité
artisanale. Les fouilles n’ont livré que quelques murs maçonnés, très abîmés,
appartenant à un bâtiment se poursuivant sous la voie communale n° 16. Cette
construction semble avoir été desservie depuis le sud par un chemin empierré.
De grandes fosses, comblées par des matériaux divers (pierres, tegulae,
mortier) accompagnaient cet ensemble. Les limons sableux jaunes, extraits de
ces structures, ont peut-être servi à confectionner des adobes, briques sèches obtenues à partir de limons, de végétaux et
d’eau. Cette dernière provient d’une source située en contrebas de la montagne
d’Uriol et amenée sur le site par un aqueduc semi
enterré, d’une quarantaine de centimètres de profondeur, parementé de blocs
calcaires et coupé par une fosse circulaire (bassin ?).
Au
Haut Moyen Âge, le site semble perdurer comme il résulte de fondations de murs
en pierres sèches et de céramiques.
LES
MOLLARDS
En
1918, Hippolyte Müller dit avoir repéré l’emplacement où avaient été trouvés en
1865-1870 quelques tombes sous tuiles, non loin d’un mamelon appelé « camp
des Sarrasins », jamais fouillé. Cette appelation
ne semble pas avoir laissé de traces dans la mémoire collective et j’ai
vainement recherché ce site.
SITES
ISOLES
Au
lieudit « Tuilerie Thomas » (aujourd’hui scierie Nier) on aurait
découvert vers 1858 des sépultures sous tegulae.
Auprès de la tête de l’une d’elle, se seraient trouvés un vase et des monnaies
(non décrites).
Sur
un site non précisé de Saint-Paul on a trouvé un tremissis (monnaie d’or) de
Valentinien III légendé à l’avers « DN (P) LA VALENTINIANVS PF AVG »
et au revers une croix avec une couronne et légende CONOB (dans l’ancienne
collection Pilot).
Sur
le versant est du col Vert H. Müller a trouvé en 1914 une monnaie du IIe siècle
qu’il pensait avoir été jetée en cet endroit en raison du passage d’un col.
En
2007, à la voie de rabattement un nouveau site antique du IIe siècle de notre
ère a été identifié et un angle de mur, bâti en galets liés à la terre a été
dégagé. Un seuil et le niveau de sol associé à cette construction ont pu être obeservés. Deux structures linéaires, au tracé différent de
celui du mur, ont été mises en évidence à l’est et en périphérie du bâti. Ces
axes étaient matérialisés par des alignements de blocs calcaires, des fragments
de tegulae et des fragments de
grosses jattes en terre cuite. L’un de ces alignements débouchait sur une
structure circulaire constituée de galets et de fragments de tegulae.
L’ensemble a été interprété, faute de propositions plus satisfaisantes comme
les négatifs de caniveaux avec, pour au moins l’un d’entre eux, un exutoire
sous forme de puits perdu.
Bibliographie
sur ces sites :
J.
J. A. PILOT : BSSI 3, 1843, page 157
M.
COLARDELLE : sépulture et traditions funéraires du 5ème au 13ème
siècle après J. C. dans les campagnes des Alpes françaises du nord, 1983, page
220
X.
LORIOT et B. REMY : corpus des trésors monétaires antiques de la France, T
V 2, 1988, n° 8, page 63
SRA
Rhône Alpes, bilan scientifique 1996, pages 97 et 98
AFAN :
note de synthèse pour les journées du patrimoine de septembre 1996
La
Pierre et l’Ecrit 1996-1997, chronique des fouilles, page 41
J.
C. MICHEL : fouilles archéologiques de l’A 51, bulletin des AVG n° 49,
juin 2002, page 58
C.
GRAUME : les tombes gallo-romaines alpines de l’Isère au bas Empire (IIIème
– Ve siècles après J. C.), la Pierre et l’Ecrit, 15, 2004, page 30
SRA
Rhône Alpes, bilan scientifique 2007, page 113
Carte
archéologique de la Gaule, l’Isère 38/4, 2017, page 344
LACHAR AU
HAUT MOYEN AGE
Après
un épisode d’abandon marqué peut être par un débordement de la Gresse, les
édifices gallo-romains étaient sans doute partiellement recouverts et ruinés
mais partiellement visibles. C’est ce qui explique que certaines parties
antérieures aient été intégrées dans les nouvelles installations. Mieux, les
orientations et la bipartition de l’espace ont été conservées. Mais à cette
période (VIe ou VIIe siècles), une cour fermée avec une entrée au sud ainsi
qu’une extension du bâti vers l’est complètent cette organisation. En revanche,
la qualité de construction est nettement inférieure. Ainsi, la quasi-totalité
des murs sont en pierre sèche ou luttés à la terre.
A
cette époque, une première bâtisse carrée de
Le
mauvais état de conservation a rendu plus difficile la lecture du plan du
second édifice. Ce que l’on a pu observer, c’est qu’il s’étendait alors sur
environ
Quant
au premier bâtiment, il semble avoir été reconstruit presque à l’identique avec
deux ailes et une cour mais avec un développement plus important vers le sud puisqu’un
autre corps de bâtiment lui est étroitement associé.
Une
vaste cour de plus de
Enfin,
à quelque distance de là, une petite construction rectangulaire prenait place
en bordure du chemin d’accès au sud.
L’ensemble
du site a montré quelques radiers de sols en béton mais avec des bâtiments
n’ayant généralement plus de sol. La datation au carbone 14 de deux squelettes
a livré une datation du VIIIe au Xe siècles, en concordance avec les deux fours
circulaires.
L’absence
surprenante du mobilier habituellement inhérent à de tels sites pourrait
démontrer un abandon programmé et méthodique de l’habitat pour une réimplantion proche sur la colline et dans ses environs
immédiats, lieux définitifs d’établissement du Varces actuel.
A
cet égard, on peut relever que tout ce qui concernait l’agglomération primitive
semble avoir été récupéré et emporté, la translation semblant s’être effectuée
hors de toute survenance de troubles locaux.
Quoiqu’il
en soit, la découverte de structures d’époque mérovingienne en un tel lieu est
tout à fait surprenante et révolutionne profondément la connaissance que l’on
avait jusqu’alors de l’histoire de Varce
L’édifice
cultuel et funéraire de Rochedure
On
connaît encore mal le processus de christianisation des campagnes. On pense
que, pour une part importante, la construction des premiers sanctuaires ruraux
serait due à l’initiative de propriétaires privés, soucieux de pratique
religieuse dans leur domaine. Cela pourrait être le cas de l’édifice de Rochedure (Cf. ci avant).
Le
sanctuaire doté d’une nef et d’une abside orientée occupe l’aile sud de la
villa antique. Près de 180 tombes ont été fouillées à l’intérieur et aux
alentours de l’église, dont les plus anciennes remontant aux IVe et Ve siècles,
avant même la construction de l’abside et les plus récentes au XIe siècle. On
est donc amené à penser qu’un antique sanctuaire chrétien serait, ici, à
l’origine d’une paroisse rurale médiévale.
Origines de
l’édifice :
On
connaît de nombreux exemples d’églises implantées sur un site gallo-romain dans
toutes les régions de la Gaule ; dans certains cas, c’est une tombe
privilégiée ou memoria (petit
bâtiment funéraire destiné au culte du souvenir) qui donne ensuite naissance à
un édifice cultuel comme à Tavers (Loiret), Roujan (Hérault), Briord (Ain),
tous datés du Ve siècle. Dans d’autres cas, il s’agit d’un oratorium (chapelle privée) des propriétaires de grandes villae : Montcarret (Dordogne),
Arnesp et Montmaurin (Haute Garonne), Saint Herblain (Loire Atlantique).
Parfois, c’est la salle d’apparat de la villa, souvent à abside, qui est
transformée en chapelle ; ainsi Sidoine Apollinaire mentionne-t-il au 5ème
siècle un sacratium (oratoire) dans la villa Octavianus près de Narbonne.
Dans
notre proche région, nombreux sont les édifices religieux de haute époque
implantés sur des sites gallo-romains : Aoste, Eybens, Hières sur Amby
(Saint Martin), l’Isle d’Abeau (Saint Germain), Merlas (Saint Sixte), Penol,
Tourdan, Saint- Romain-de-Jalionas pour ce qui est des sites certains,
Bourgoin,
Moirans, Saint-Jean-de-Soudain, la Terrasse, Veurey, Vif, Voiron pour les sites
probables,
Ainsi
qu’Albon, Donzère et Montbrison sur Lez dans la Drôme, Saint Sigismond et Saint
Martin à Aime et Cognin en Savoie, Annecy, Faverges, Saint-Julien-en- Genevois
et Seyssel en Haute Savoie.
La
présence à Rochedure d’une zone funéraire importante
amène à s’interroger sur l’état premier de l’édifice : memoria distincte de la villa romaine ou
chapelle intégrée de type oratorium.
La
découverte d’un fragment d’inscription paléochrétienne dans l’abside de
l’édifice, même si elle n’est pas à sa place originelle, plaide également pour
un édifice de haute origine de type basilique funéraire rurale comme à Saint
Ours sur Veurey ou à Saint Julien en Genevois.
Epitaphe
paléochrétienne :
Epitaphe
partielle de
Au sommet
deux croix, paon, étoile, deux croix
(IN
H)OC TVMV
(LO
M)ESERCOR
(DIA CH)RISTI RE
(QVIESC)ET
IN
(PACE B)ONE
(MEMORIAE)
« Dans
ce tombeau, par la miséricorde du Christ, repose en paix de bonne
mémoire… ». Il manque plusieurs lignes où devaient être précisés le nom et
l’âge du défunt, suivis éventuellement d’indications complémentaires (statut,
indiction…).
Par
les caractéristiques de son décor, l’épitaphe de Rochedure pourrait être
rattachée à une série d’inscriptions de la Viennoise du Nord datées du VIe ou
du VIIe siècle. Il pourrait aussi s’agir, comme à Vif, de la pierre tombale
d’un prêtre.
Il
convient de signaler une seconde inscription paléochrétienne provenant du même
lieu et appartenant à la couche de démolition de l’église (au Musée Dauphinois
n° 98.33.1,2) :
Croix latine
HIC RE(QV)
ESCIT I(N
PA)
CE LEPIDI(A)
VIXIT ANN..
ET CT (?) MENSE
Croix latine
« ici
repose Lepidia qui vécut … années et … mois ».
Le
plan de l’édifice cultuel est simple : une nef rectangulaire prolongée à
l’est d’une abside semi circulaire légèrement décalée au sud. Un parallèle est
à établir avec la basilique funéraire mérovingienne de Saint-Julien-en-Genevois.
En effet, les dimensions sont similaires : nef de
A
Saint-Julien-en-Genevois, un sarcophage a été découvert dans l’abside contre
deux à Rochedure. Dès lors, la présence de ces
sarcophages dans la nef plaide pour la présence d’un édifice antérieur à
l’époque médiévale, peut-être de plan rectangulaire, l’abside ayant pu être
accolée ultérieurement lors de la reconstruction de l’église (sauf à considérer
qu’elle était d’origine gallo-romaine). Le sarcophage sud de Rochedure s’appuie
en effet sur un mur gallo-romain.
Dédicace :
L’édifice
pourrait-il avoir été consacré originellement à Saint Martin ? On peut en
effet être tenté de rapprocher « Martinais » de « Martin »
mais rien dans la microtoponymie locale ne s’y apparente : Derbua, Rochedure, la Fontanelle,
Champ Perrigaud sur le cadastre de 1812. Toutefois, ces appelatifs ne sauraient
traduire une origine ancienne et ils ont pu se substituer aux toponymes
originels.
Il
convient également de noter qu’il y a, au nord du bourg de Vif, un lieudit
Saint Martin mais celui-ci est situé à l’est de la Gresse et il est distant de
L’édifice
cultuel de Martinais, dont les analogies avec Saint-Julien-en-Genevois ont été
rappelées, pourrait-il avoir été dédié un temps à Saint Martin, dont par
corruption serait venu Martinais avant d’être voué, sous Saint Hugues, à Saint
Marcellin ?
On
ne connaît de ce saint que deux églises pour l’ensemble du département de
l’Isère :
-
ecclesia
Sancti Marcellini à
Varces au XIe siècle,
-
ecclesia Sancti Marcellinum à Saint Marcellin au XIIIe siècle.
Saint
Marcellin de Varces n’est connu que par le cartulaire de Saint Hugues :
elle existait alors entre 1080 et 1130 comme église paroissiale. Elle était
alors taxée de 12 deniers tout comme Saint Pierre de Varces, Saint Paul de
Varces, Saint Pierre de Claix, Saint Jean de Cossey, Saint Jean de Vif et Saint
Pierre de Risset. Cela signifie que la paroisse était alors bien dotée. A titre
de comparaison, les églises disparues de la Sainte Trinité, de Saint Sulpice et
de Sainte Marie de Costa, toutes trois à Vif, ne sont taxées que de 6 deniers.
Dès
lors que l’église Saint Marcellin de Varces était le centre d’une paroisse
importante et aisée, on a du mal à imaginer qu’elle ait pu être l’édifice de Rochedure. Les dimensions de l’édifice ne s’y prêtent guère
en effet :
Enfin,
l’assimilation de l’édifice de Rochedure à l’église Saint Marcellin de Varces
ne correspond pas à l’ordre, vaguement géographique, que le cartulaire de Saint
Hugues est censé respecter. En effet, le cartulaire cite Saint Marcellin non
après Saint Pierre de Varces – ce qui aurait dû être le cas si elle avait été
située à Martinais – mais entre Saint-Paul-de-Varces et l’église de Chabottes
sur Vif ce qui induit qu’en toute logique elle devait se situer nettement plus
au sud de Martinais. Mais l’on sait que l’ordre du cartulaire est parfois
trompeur.
Prudent,
Jules Marion ne situe pas Saint Marcellin et se borne à indiquer « église
depuis longtemps détruite située sur le territoire de Varces ».
On
notera qu’à moins de
Une
confusion avec Saint Marcellin serait-elle envisageable ? Cela ne semble
guère possible, la tradition étant largement étayée par des documents
d’archives, ceux-ci n’étant pas antérieurs au XVe siècle et les restes
archéologiques décrits par l’abbé Vaujany au 19ème siècle
mentionnant une fenêtre à ogive d’époque gothique.
Cette
indication semble donc être de nature à lever tous doutes car l’église Saint
Marcellin disparaît de l’histoire bien avant cette période. Celle-ci devait, en
effet, déjà être ruinée car le cartulaire de Saint-Chaffre, qui cite
abondamment Risset, Saint Pierre et Saint Paul de Varces ne mentionne
aucunement Saint Marcellin.
De
fait, il semble que cette précoce église paroissiale Sancti Marcellini n’était pas celle qui
subsistait jusqu’à une époque récente au lieudit « l’église »
(aujourd’hui « Chambord »).
Comment interpréter
l’édifice de Rochedure ?
Comme
les résultats détaillés de la fouille n’ont pas été publiés, on ne peut
qu’hasarder, ici, une hypothèse de chronologie du site.
Dans
une vallée partiellement protégée de l’axe de circulation le plus probant
(Grenoble, Claix, Varces, Vif) fréquenté de très haute origine et où
s’établissent dès la préhistoire des sites de hauteur (Rochefort, Saint Géraud,
Saint Loup) s’implantent, dès le néolithique quelques foyers d’habitat de
plaine (Champ Nigat). Ceux-ci perdurent et
s’intensifient à la protohistoire (Champ Nigat, Drabuyard, les Gaberts). Durant
l’époque de la Tène, de nombreux foyers apparaissent, notamment à Rochedure jusque là vierge de toute occupation, semble-t-il.
A
l’époque gallo-romaine s’implantent des domaines bien identifiés :
Allières sur Claix, Rochedure, les Gaberts… A ce jour Rochedure
apparaît comme le plus important de ces domaines comme en témoigne la grande
villa romaine. Puis viennent des époques de troubles mal identifiés : le
rempart de Rochefort est consolidé comme celui de Saint Loup. Iulius
Placidianus, préfet du prétoire, est alors à Grenoble : il se rend à Vif
et sans doute à la Fontaine Ardente. Puis les troubles s’estompent. Rochedure est alors occupé (ou réoccupé ?). Une partie
de la villa est alors consacrée à un culte funéraire (tombes sous tegulae). Une
memoria à l’emplacement de l’église
découverte n’est pas improbable. Mais la fin de l’empire romain est
proche : les pillages et les invasions se succèdent. La villa est alors
incendiée. Le temps passe. Quelques inhumations sont encore faites sur le site
dévasté dont subsistent encore sans doute quelques élévations des structures
antiques. Sans que l’on sache si l’habitat se reconstitue à proximité ou, de
nouveau et exclusivement sur les hauteurs (Rochefort, Saint Loup…), Rochedure perdure comme site funéraire comme en témoignent
les sépultures en pleine terre ou en coffre de bois (clous). La memoria est alors peut être intégrée
dans un petit bâtiment cultuel de structure rectangulaire, s’appuyant en partie
sur des murs gallo-romains. On assiste peut-être à la même évolution que celle
décrite plus haut de Saint-Julien- en-Genevois.
Y
eut-il à Rochedure un édifice de type basilique funéraire mérovingienne ?
Les précieux fragments d’inscriptions paléochrétiennes et les deux sarcophages
de la nef pourraient laisser le penser. L’édifice primitif est ensuite
consolidé voire reconstruit : une abside est alors établie dont
l’orientation à l’est respecte les usages observés sur tous les sites du Haut Moyen
Âge.
S’agit-il
alors toujours d’une basilique funéraire strictement rurale comme à Saint Ours
ou du cimetière d’un proche village (Martinais ?) consacré peut-être à un
culte particulier d’enfants prématurément décédés ou encore de la chapelle
privée d’un grand domaine ?
Dans
un dernier état, vers le XIe siècle, l’édifice est enfin reconstruit (ou
réparé) dans l’état où il nous a été livré comme l’atteste la céramique révélée
par les niveaux fouillés.
Cette
reconstruction médiévale semble avoir été de courte utilisation : peu
après, en effet, cette église inédite jusqu’alors disparaîtra pour des raisons
totalement ignorées et, avec elle, tout souvenir architectural ou écrit, pas
davantage que la tradition orale n’en conservera la mémoire jusqu’à son
exceptionnelle redécouverte au début de l’été 1996.
Proposition de restitution
– interprétation :
La
faiblesse des fondations semble induire une hauteur relativement peu élevée de
l’église. Le voûtement de l’abside reste hautement improbable : en effet,
l’épaisseur de la maçonnerie n’est pas plus importante que celle des murs de la
nef. Selon toute vraisemblance, une charpente devait supporter le toit dont
aucune trace de clocher n’est décelable. Compte tenu de la parfaite continuité
des quatre murs de soutènement l’accès à la nef devait se faire par des
escaliers (vraisemblablement à l’ouest) un peu comme à Saint Jean de Cossey.
Par ailleurs, l’existence de baies est envisageable sans être toutefois
établie.
Le site funéraire :
Le
site de Rochedure a offert la rare opportunité de fouiller intégralement un
cimetière paroissial. La typologie des inhumations est très large et présente
une longue continuité allant de la période romaine au moyen âge : coffres
en tegulae du Bas-Empire, sépultures en pleine terre, coffres de dalles,
coffres anthropomorphes, sarcophages…
A
cet égard, le site de Rochedure peut, du moins en partie, s’intégrer dans la
liste assez longue des cimetières mérovingiens proches d’habitats antiques
connus dans notre département : Beaurepaire, Bourgoin, Chavanoz,
Courtenay, Frontonas, Hières-sur-Amby, l’Isle-d’Abeau, Mépieu, Merlas,
Morestel, Revel-Tourdan, Saint- Geoire-en-Valdaine, Saint-Romain-de-Jalionas, Vif, Vignieu,
Villemoirieu, Voiron… ainsi que dans les sites funéraires continus de l’époque
mérovingienne au XIIIe siècle : Bourgoin, la Buisse, Corenc, Courtenay,
l’Isle-d’Abeau, Meyrié, le Pin, Prébois, Revel-Tourdan, Roissard, Saint-Egrève,
Saint-Ismier, Saint-Marcel-Bel- Accueil, Saint-Romain-de-Jalionas, Sassenage,
Seyssins, la Terrasse, Vaulnaveys-le-Haut, Vif, Villemoirieu, Voiron…
Sur
le site de Rochedure, on a trouvé au moins deux
tombes en bâtière de tegulae,
probablement de tradition assez haute (E. Plassot, 19
août 1996), quelques clous de cercueils également d’époque antique et, non
loin, des sépultures à incinération. Ces sépultures contenaient peu ou pas de
mobilier, seulement quelques céramiques gallo-romaines. Deux sarcophages (dont
un complet) du type VIe, VIIe siècles ont été trouvés dans la nef. F. Gabayet à
la date du 14 septembre 1996 les datait du 7ème siècle mais, selon
R. Colardelle, une forte analogie avec certains des
sarcophages de Saint Laurent de Grenoble peut incliner à proposer une datation
plus large ( VII au IXe siècles).
Peut
être l’évolution du site de Rochedure est-elle à
rapprocher de celle de Roissard ? Sur ce dernier site, on a l’évolution
d’un cimetière qui tire son origine d’un habitat du bas empire et d’une petite
nécropole des IIIe, IVe siècles. Ici, le premier type d’inhumations
chronologiquement représenté aux Ve et VIe siècles consiste en des fosses
profondément creusées où les squelettes, que n’accompagne aucun mobilier
funéraire, sont placées en pleine terre. Les coffrages en bois semblent faire
la transition entre les tombes en pleine terre et les coffres de dalles.
On
peut dès lors s’interroger : les bâtiments de la villa de Rochedure
étaient-ils tous à l’état d’abandon lorsque le cimetière vint s’y installer ou
certains d’entre eux étaient-il encore utilisés ou réutilisés ?
Une
autre question se pose : la population, qui enterrait là ses morts,
résidait-elle sur le site même du domaine ou dans un lieu voisin ?
De
même, la villa avait-elle été pourvue dès l’antiquité tardive d’un oratoire
domestique autour duquel on inhumait ?
Très
postérieurement aux fouilles, il est alors fait état de près de 180 sépultures,
y compris une tombe privilégiée.
Les
divers types de sépultures retrouvées à Rochedure sont les suivants :
-
Coffres
de tegulae ; ils sont de section
quadrangulaire avec un fond constitué de quatre à six tuiles dans le sens de la
largeur, rebords placés vers le bas pour former le fond : ces tombes
appartiennent à la tradition antique et sont généralement antérieures à la fin
du IVe siècle. Mais quelques exemples postérieurs sont connus.
-
Coffres
de tegulae en bâtière : ils ont
été datés par S. Gagniere du Ve au VIIe siècle. Mais
certains de ces coffres apparaissent dès le IIe siècle.
-
Coffres
en pleine terre : ils sont datés de la fin de l’antiquité au début du Moyen
Âge mais surtout entre le IVe et le VIe siècle.
Les
sépultures
-
Coffres
en bois (cercueils cloués) : bien que le bois dans la quasi-totalité des
cas ait disparu sans laisser de traces, les clous en fer permettent de les
identifier : on en connaît de nombreux exemples pour les IIIe et IVe siècles.
Ce type de cercueil réapparaît ensuite, après l’abandon des coffres de dalles,
au Moyen Âge.
-
Coffres
maçonnés : il s’agit là de murettes en pierres jointoyées au mortier,
connues de l’antiquité au VIIIe siècle et même au-delà.
-
Coffres
de dalles complets : il s’agit de coffres construits en dalles d’origine
locale (schiste, molasse, calcaire) du IVe au VIIIe siècle.
-
Coffres
de plan ovalaire : du IXe au XIIe siècle.
-
Coffres
anthropomorphes : en moellons de récupération avec couverture en dalles
et, parfois, alvéoles céphaloïdes des XIIe et XIIIe siècles.
-
Sarcophages :
d’une manière générale, les sarcophages sont assez rares dans les campagnes et
particulièrement en Dauphiné. Ceux de Rochedure sont
donc particulièrement précieux. Ils sont datés de la fin de l’antiquité et plus
probablement de l’époque paléochrétienne comme en témoigne l’inscription
décrite ci avant.
On
mentionnera ici tout particulièrement un coffre en tegulae (dit sépulture 13 des fouilles) placé contre le mur nord est de l’église, de type commun mais de tradition
antique (datation très large du IIe au VIIe siècle). Cette sépulture, dont les
tuiles formant couvercle avaient disparu, contenait un squelette d’enfant.
La
tombe dite « trois » est de type mixte (coffre en dalles et en pleine
terre).
La
tombe dite « quatre » est de coffre dit en dalles.
La
tombe « cinq » est en pleine terre.
La
sépulture de type anthropomorphe présentait une tête à l’ouest.
Une
petite sépulture de type anthropomorphe a livré une sépulture d’enfant dont le
crâne était en forme de « pain de sucre », forme très rare (connue
dans une tombe de la nécropole de Meyzieu) transmise croit-on par les Huns aux
Burgondes et provenant originellement de l’habitude prise par les populations
migrantes de lier les nourrissons sur une planche, la tête solidement fixée. De
surcroît, ce crâne semble avoir été trépané.
Au
nord ouest de l’abside de l’église, tombe de type « coffre » de
Sépulture
dite « huit » de
Sépulture
maçonnée, orientée nord sud et partiellement détruite.
Sarcophage
en tuf incomplet (il manque le couvercle) s’appuyant au sud sur un mur gallo romain (VIIe siècle ?).
Second
sarcophage complet dans le nord est de la nef de l’église (VIe ou VIIe siècle).
Nota :
ce sarcophage et celui qui lui faisait pendant ont été déposés et sont
conservés dans les entrepôts de la société Converso (indication donnée le
8 novembre 1997 à Varces lors de ma conférence sur les fouilles du Lavanchon).
Coffre
maçonné contre le sarcophage (VIe au VIIIe siècle).
Sépultures
d’enfants orientées ouest-est environ
Sépultures
en pleine terre (dont une double ?) de
Sépulture
anthropomorphe à l’est de l’abside de l’église orientée est-ouest.
Sépulture
de type coffre maçonné, orientée nord-sud de 2 m sur 0,70 m.
Grande
sépulture en coffre de dalle ovalaire orientée est ouest de
Tombe
en coffre de tegulae qui était située
en partie sous la pierre supposée être l’autel à l’entrée et au sud de l’abside
(découverte du 11 octobre 1996, époque gallo- romaine ou mérovingienne).
Sépulture
de type « coffre de dalles de plan ov ale », orientée ouest-est (IXe au
XIIe siècle).
Fragment
de sarcophage ou de coffre en dalles dont seule la paroi nord subsiste.
L’édifice
de Rochedure pose donc un certain nombre de questions qui ne seront
vraisemblablement jamais résolues mais il offre le mérite de nous montrer une
rare séquence d’évolution cultuelle de l’époque romaine au début du XIIe siècle.
En cela, il restera essentiel pour la connaissance de l’histoire de Varces.
Bibliographie
spécifique :
J.
MARION : cartulaires de l’église cathédrale de Grenoble dits cartulaires
de Saint Hugues, 1869, cartulaire C page 192
AFAN :
note de synthèse pour les journées du patrimoine de septembre 1996
SRA
Rhône Alpes, bilan scientifique 1996, page 97
J.
C. MICHEL : A 51, découvertes archéologiques, bulletin des AVG n° 38,
décembre 1996, pages 23 et 24
Atlas
du patrimoine de l’Isère, 1988, page 72
F.
GABAYET : une inscription funéraire paléochrétienne découverte à Varces
(Isère), la Pierre et l’Ecrit, 12, 2012, pages 41 à 48
Carte
archéologique de la Gaule, l’Isère 38/4, 2017, pages 345 et 346
J.
C. MICHEL : l’édifice paléochrétien de Rochedure à Varces, revue des AVG
n° 81, juin 2018, pages 40 à 49
Saint Marcellin, cet
inconnu :
L’hagiographie
connaît deux saints de ce nom :
-
un
pape de l’extrême fin du IIIe siècle,
-
Marcellin
l’Africain, évêque d’Embrun.
1)
Marcellin,
Marcellini, Marcellinus (pape) :
Romain
de naissance, son père se prénommait Projectus. Il fut élu pape le 22 décembre
295 succédant à Caïus. Ce fut de son temps qu’éclata la persécution de
Dioclétien. Les églises chrétiennes furent alors abattues dans presque toutes
les provinces…
L’histoire
n’a conservé aucune action mémorable de Marcellin : les donastistes ont
prétendu que, selon son propre aveu, ce pape aurait sacrifié aux idoles. Ils
s’appuyaient en cela sur des actes d’un certain concile de Sinvesse qui fut
reconnu faux et supposé. Saint Augustin le regarde comme tel dans son ouvrage
contre Petillien.
Saint
Marcellin serait mort le 24 octobre 304. Il est reconnu comme martyr le 26
avril, quoique l’ancien calendrier romain dressé sous Tibère fasse connaître
qu’il n’a point terminé sa vie dans les supplices. Son successeur fut Marcel Ier.
2)
Marcellin,
Marcellini, Marcellinus (évêque d’Embrun) :
Il
semble avoir été le premier évêque d’Embrun, originaire d’Afrique, martyrisé.
Son corps reposerait à Digne où sa fête est le 10 avril.
Selon
G. de MANTEYER (les origines chrétiennes de la IIe Narbonnaise, des Alpes
Maritimes et de la Viennoise, 1921) Marcellin aurait eu sept édifices sous son
vocable et son disciple, le premier évêque de Grenoble, Domnin, en a une
voisine de Saint Marcellin de Digne.
Est
également connue une paroisse Saint Marcellin à Embrun.
Les
sept édifices évoqués par G. de MANTEYER, tous dans les Hautes-Alpes, sont les
suivants :
-
la
Saulce : édifice consacré à Saint Jean-Baptiste et à Saint
Marcellin ;
-
Lardier :
chapelle rurale à Saint Marcellin,
-
Vaumeilh :
également chapelle rurale au saint,
-
Veynes :
église paroissiale vouée au saint,
-
Plaisians :
église paroissiale au dit saint et à Saint Blaise,
-
Laragne :
église des Arzeliers au vocable du pape,
-
Chardavon :
prieuré au dit saint, à Saint Jean Baptiste et à Notre Dame
auxquels
on peut ajouter la chapelle Saint Marcellin de Névache.
Du
même auteur, on peut relever les mentions suivantes :
(page
351) : « l’église d’Embrun fêtait Saint Vincent, disciple de Saint
Marcellin, le 29 janvier. La quatrième leçon du deuxième nocturne disait que
Vincent, africain comme Domnin et Marcellin, vint à Rome… passant les alpes
tous trois provenant à Embrun où les saints Nazaire et Celse avaient déjà
prêché la foi ».
(page
352) : « Saint Marcellin, patron d’Embrun se trouvait fêté le 20
avril et, le 20 novembre, se fêtait l’invention des reliques de Saint
Marcellin ».
« La
légende de Saint Marcellin spécifie que évêques Saint Eusèbe de Verceil et
Emilien de Valence furent ses consécrateurs comme archevêque d’Embrun. Le 27
avril, l’office de l’octave donne ce fait intéressant qu’il fut amené, sur la
demande de son peuple, à bâtir une nouvelle église à
« …
le 20 novembre se fêtait l’invention des reliques de saint Novembre… perdues
déjà en 936 ».
(page
353) : à Gap, au milieu du XIe siècle, on fêtait Saint Marcellin le 12 des
calendes de mai ».
(Archéologie
dans les Hautes Alpes, 1991, pages 243 et 244) : « l’existence d’un
siège épiscopal est assurée dès 438 et dès lors on connaît un certain nombre de
ses titulaires jusqu’à la fin du VIIe siècle. Mais une « vie » de
date incertaine attribue la fondation de l’évêché à l’action d’Eusèbe de
Verceil qui, avec Aemilianus de Valence, consacra un certain Marcellinus…
Cette
intervention de l’évêque de Verceil, bien connu pour sa résistance à
l’arianisme et mort en 370 surprend, tout comme surprend l’origine africaine
attribuée à Marcellinus et à ses compagnons Vincentius et Domninius auxquels
est attribuée l’évangélisation des Alpes Maritimes.
Les
évènements rapportés par sa « vie » se retrouvent dans le
martyrologue d’Adon, ce qui peut conduire à supposer qu’elle peut remonter aux VIIe
ou VIIIe siècles ou être quelque peu antérieure.
Existait
en tous cas, à l’époque de Grégoire de Tours, une tradition qui attribuait à ce
Marcellinus des miracles et la construction d’un baptistère. Sa sépulture
pourrait être située au nord de la ville médiévale d’Embrun, près de la porte
de Briançon ».
(CAG
des Hautes Alpes, 1996, pages 105 et 106) : « selon une « Vita S. Marcellini » l’apôtre des
Alpes Maritimes serait un africain qui aurait été ordonné vers 370 par Eusèbe
de Verceil. Sont aussi mentionnés un Vincentius (Vincent), élu à Digne et son
condisciple Domninus sur les sépultures desquels avaient lieu des miracles. De
ce texte, fort suspect, a été retenue la date approximative de consécration de
S. Marcellini entre 362 et 370 environ.
La
Vita rapporte également que
Marcellini, après s’être contenté d’un oratoire « jouxtant les murs de la
cité » construisit une maiorem
ecclesiam pour contenir le nombre important de fidèles, à quoi il adjoignit
un petit baptistère. La « Vita » n’apprend rien sur la sépulture de
Saint Marcellin. Quant à Grégoire de Tours, il se borne à indiquer que la ville
avait pour patron Marcellinus. Sans la situer, il ajoute que sur sa tombe,
brillait perpétuellement une lampe la nuit et que les malades y trouvaient guérison.
Au Moyen Âge, existait une église dédiée à Saint Marcellin près de la porte de
Briançon. Des substructions en ont été repérées lors de la démolition des
remparts ».
(Ibid, page 114) : « sous l’actuelle place Saint
Marcellin, on connaît les vestiges d’une église de haute époque (à l’intérieur
de l’enceinte du Bas-Empire) ».
Si
l’on excepte le cas particulier des Hautes-Alpes, Saint Marcellin a laissé peu
de traces dans la toponymie. Ainsi, selon le dictionnaire géographique et
administratif de la France de P. Joanne (1902) :
-
Saint
Marcellin de Cray (Saône et Loire),
-
Saint
Marcellin (Isère),
-
Saint
Marcellin (Loire),
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Saint
Marcellin (Vaucluse),
Ainsi
que deux lieudits, toujours dans les Hautes Alpes : Saint Marcellin,
commune de Vars et Saint Marcellin, commune de Veynes.
Un
culte à Saint Marcellin (le pape ?) est également à signaler à Bonneval
(Eure et Loir). La carte archéologique de ce département (1995) indique (page
86) à propos de l’abbaye de Saint Florentin : « monastère
bénédictin fondé en 857 par Charles, roi de Provence et son chevalier Foulque
en l’honneur des saints martyrs Pierre et Marcellin. Après la translation des
reliques de Saint Florentin et de Saint Hilaire, elle est placée sous le
patronage de ceux-ci ».
En
ce qui concerne l’Isère, les éléments sont également ténus. Hormis Saint
Marcellin de Varces on connaît une chapelle de ce nom à Champier qui passe pour
avoir été élevée sur un sanctuaire dédié à une divinité des fontaines.
Reste
le problème de la commune éponyme du bas Dauphiné. Le Regeste Dauphinois
indique, à la date de 1083 : « Gontard, évêque de l’église de Vienne et
évêque de Valence… donne au monastère de Montmajour cinq églises : Saint
Antoine et Didier, Sainte Marie de Montagne, Saint Hilaire, Saint Marcellin
avec leur dîmes ».
J.
Sorrel, historien de Saint Marcellin, indique pour sa part (1981) :
« Marcellin, présumé d’origine berbère et de l’église de Carthage,
évangélisa notre région. En 365 il fut placé par ses pairs sur le siège
d’Embrun. Mort le 13 avril 374, il fut inhumé le 20 avril… Ce n’est qu’à partir
de 1083 qu’on relève un village du nom de Sancti Marcellini.
B.
Bligny dans son histoire du diocèse de Grenoble (1979) note pour sa part (page
18) : « on peut affirmer qu’avant la fin de l’époque burgonde il
existait des églises dans les localités suivantes… Quatorze autres s’y
ajoutèrent au plus tard à l’époque mérovingienne… Saint Marcellin (?)… ». Personnelement,
j’emets des doutes sur ce dernier.
Enfin,
D. Prache, dans son ouvrage sur les saints et les
saintes de France (1988), sème le trouble en évoquant un « Saint
Marcellin, troisième évêque du Puy ».
On
a donc un peu de mal à savoir quel était en fait ce Marcellin honoré à Varces.