GRENOBLE ANTIQUE (suite)

 

 

 

 

Deuxième partie :

 

URBANISME ET EDIFICES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE I : L’ENCEINTE DU BAS EMPIRE

 

1 – caractéristiques et datation

2 – tracé de l’enceinte :

                        > de la Porte Herulea à la Tour du Trésor

                        > de la Tour du Trésor à la Porte Jovia

                        > de la Porte Jovia à la rue de la République

                        > de la place Sainte Claire à la place des Tilleuls

                        > de la place des Tilleuls à la Porte Herulea

3 – portes et poternes :

                        > la Porte Herculea ou Viennoise

                        > la Porte Jovia ou Romaine ou encore Traine

                        > poternes

4 – porte isolée du haut empire ?

 

 

 

I – CARACTERISTIQUES ET DATATION

 

Grenoble a la rare particularité d’avoir été dotée au bas empire d’une enceinte défensive qui est la seule de toute la Gaule a être datée avec certitude du règne conjoint de Dioclétien et de Maximien (286-293) ce qui en fait également l’une des plus anciennes connues du bas empire.

 

Hors de Gaule, on ne connaît guère que l’enceinte de Vitudurum en Germanie Supérieure (Winterthur, Suisse) a être datée de la même période (294).

 

D’un périmètres de 1160 mètres, l’enceinte de Grenoble enserrait un territoire d’environ 9 hectares, ce qui la rend comparable à un certain nombre d’autres villes dont on relèvera au passage qu’elles étaient toutes chef lieu de civitas. Ainsi :

 

- Evreux, capitale des Aulerques Eburoviques                                   1145 m9,5 ha

- Tours, capitale des Turones                                                      1155 m9 ha

- Rodez, capitale des Ruthènes                                                 1200 m12 ha

- Rennes, capitale des Redones                                                            1200 m12 ha

- Angers, capitale des Andecaves                                              1200 m10 ha

- Lisieux, capitale des Lexovii                                                     1200 m8 ha

- Beauvais, capitale des Bellovaques                                        1370 m11 ha

- Paris, capitale des Parisii                                                           1400 m9,5 ha

- Le Mans, capitale des Aulerques Cenomans                                    1400 m10 ha

 

Caractéristiques :

 

Forme : seul Schuermans (infra, bibliographie), qui manifestement n’avait pas étudié le problème, prétendait que l’enceinte romaine de Grenoble était de forme carrée et qu’elle avait été établie sur le plan des camps romains avec une porte prétorienne et une porte décumane. Or l’on sait depuis toujours que si l’enceinte était bien percée de deux portes, sa forme, loin d’être carrée, était de type ovale.

 

Structure des murs : des parties qui ont été repérées grâce aux découvertes fortuites dues aux travaux d’urbanisme, et notamment celles de 1962 lors du prolongement de la rue de la République, on peut dégager les caractéristiques architecturales suivantes :

 

-       base des tours et de l’enceinte reposant sur un fort lit de gros galets ovoïdes recouverts de mortier à tuileau.

-       Epaisseur des murs : de 4,5 à 5 m à leur fondation et de 2,50 à 3,50 m en élévation (exceptionnellement 4 m).

-       Double parement en petit appareil fait de moellons rectangulaires assez irréguliers, en général de 0,15 x 0,25 m, disposés en assises irrégulières hourdées dans un mortier très solide fait de chaux grasse et de brique pillée.

-       En certains points, à la base du mur, les fondations reposaient sur des pieux en bois espacés de 40 à 50 cm, longs de 40 à 70 cm pour un diamètre de 12 à 18 cm, non pourvus de sabots métalliques. En outre, en d’autres points à la base du mur des longrines reposaient sur des pieux. Ce système de pilotis, observé rue de la République sur 65 m de longueur, laisse à penser qu’il pouvait être généralisé sur l’essentiel du tracé. Il avait pour effet de stabiliser le sol, notamment en terrain alluvial humide.

 

Les fouilles de l’enceinte romaine de Bordeaux en 1964, dans le secteur de rue Dieu, ont révélé un système analogue de pieux et de longrines de bois servant d’assise à la muraille. On connaît également quelques autres exemples similaires à Dax, au Mans, à Avenches…

 

Elévation : elle est estimée en moyenne, et pour la seule partie aérienne, à 8 m voire 9 m en certains endroits.

 

Epaisseur des murs : elle varie de 2,50 à 3,30 m avec, en certains endroits, 4 m.

 

Les principaux repérages qui ont pu être établis sont les suivants :

 

Date               Lieu                                                                          Observation

 

1890               Palais de Justice                                                    2,50 m

1896               Place de Bérulle                                                     3,23 m

1921               1 rue Renauldon                                                    2,50 m

1922               Rue Hector Berlioz                                                            2,50 m

1924               Rue Guy Pape                                                        4 m

1928               Place Notre Dame                                                  2,50 m

1929               20 Grande Rue                                                       2,90 m

1934               7 rue Jean Jacques Rousseau                           3,30 m

1936               Rue de la Paix                                                        3,50 m

1948               Rue Cujas                                                               4 m

1962               prolongement de la rue de la République         4,5 à 5 m

1989-1991    place Notre Dame                                                  2,50 m

 

Matériaux : pour l’essentiel, l’enceinte est formée de cailloux roulés du Drac et de l’Isère noyés dans un mélange de briques pilées et de chaux grasse et de blocs de calcaire u Jurassique Supérieur extraits des carrières de la rive droite de l’Isère.

Vers les points les plus monumentaux, et notamment les portes, réemploi abondant de gros blocs et d’inscriptions récupérés sur des monuments antérieurs. Le cubage de ces matériaux, pour la seule partie en élévation, a été estimé à 45 000 m3.

 

Tours : l’écrit le plus ancien sur les tours remonte à 1717, époque où N. Charbot écrivait « c’est à elles que Grenoble devra d’être appelée dans les légendes d’anciens bréviaires la Ville aux Cent Tours » ( !).

Le nombre exact de tours de l’enceinte n’est pas connu avec une certitude absolue : Prudhomme à la fin du 19ème siècle estimait qu’il y en avait une trentaine, H. Müller sur un plan du début du 20ème siècle en figure vingt cinq, Dangréaux en représente trente trois, la CAG trente quatre et enfin le récent ouvrage collectif consacré au groupe épiscopal de Grenoble en figure trente neuf.

Ces tours, généralement de mi circulaires, avaient un diamètre moyen de 7 mètres et devaient être distantes les unes des autres et d’axe en axe d’un intervalle compris entre 22 et 30 mètres. Au moins 17 de ces tours ont été repérées.

 

Douves : l’enceinte était bordée de douves remplies d’eaux du Verderet et du Draquet, bras respectifs de l’Isère et du Drac.

Le fossé, d’une largeur d’au moins 12 m est d’une profondeur mal évaluée (on a observé une profondeur d’environ 2 m place Notre Dame et place Sainte Claire).

 

Le problème de la datation de l’enceinte :

 

On l’a vu, l’enceinte de Grenoble est quasiment la seule des Gaules à pouvoir être datée grâce aux dédicaces offertes par les empereurs Dioclétien et Maximien.

 

Mais, d’aucuns se sont interrogés à propos de ces dédicaces pour savoir si elles s’appliquaient exclusivement aux portes ou si elles devaient s’entendre pour l’ensemble de l’enceinte.

 

On est même allé jusqu’à imaginer que Dioclétien et Maximien auraient seulement fait don des portes seules qui auraient ainsi été percées dans une muraille antérieure. Mais on imagine mal une muraille sans porte(s) et, au demeurant, tel n’est pas le sens des inscriptions.

 

Jusqu’à très récemment, tout le monde s’accordait à considérer que les portes et l’enceinte étaient bien contemporaines et qu’elles dataient de la période comprise entre avril 285 et mai 293.

 

Dioclétien, surnommé Jovia (Jupiter) fut proclamé empereur en 285 (peut être même dès novembre 284). En 286 (ou peut être dès avril 285) il nomme un autre Auguste, Maximien, surnommé Herculea (Hercule) auquel il confie la partie occidentale de l’empire. La tétrarchie (gouvernement des quatre) naît officiellement le 1er mars 293 avec la nomination de deux Césars aux cotés des Augustes, Galère et Constance Chlore subordonnés respectivement à Dioclétien et à Maximien qui les avaient adoptés et dont ils étaient les héritiers présomptifs.

 

Schuermans, prenant argument du mot jusserunt qui termine les deux inscriptions des portes, en déduit que l’enceinte datait de 288 ou d’une date légèrement postérieure et qu’elle avait été édifiée en application d’une supposée loi des deux empereurs visant à fortifier les villes.

 

Mais est-on pour autant certain que Cularo était bien complètement dépourvu de défenses avant Dioclétien et Maximien ? Certes, aucune trace d’enceinte antérieure n’a jamais été découverte et il parait établi que Grenoble n’a jamais été dotée d’une enceinte au haut empire, enceintes rares au demeurant et réservées dans la quasi-totalité des cas connus à rehausser le prestige de certaines grandes capitales de civitates.

 

Il faut toutefois se souvenir du long séjour de l’armée de Placidianus à Grenoble (de fin 269 à fin 270, voire même jusqu’à fin 272, supra 1ère partie, chapitre V) et l’on peut supposer, avec quelque vraisemblance, que les travaux de fortification de Cularo auraient pu débuter à cette occasion. Ainsi, Prudhomme le premier pensait-il déjà que l’enceinte avait pu être ébauchée dès 269 sur les ordres du futur préfet du prétoire, Iulius Placidianus.

 

Considérant qu’en moins de huit années la réalisation d’une telle enceinte paraissait peu probable, on pense aujourd’hui que les deux empereurs dédicataires ont pu s’attribuer le mérite d’une œuvre commencée par un de leurs prédécesseurs qui pourrait être Probus dont le règne (276-282) coïncide avec la période suggérée par des monnaies retrouvées sur le site. 

 

 

II – TRACE DE L’ENCEINTE :

 

L’enceinte du bas empire a subsisté intégralement jusqu’en 1591, date de son arasement sur l’ordre de Lesdiguières.

 

Une vue cavalière de 1575, conservée à la Bibliothèque Municipale de Grenoble (Pd 4-10) en donne une fort bonne représentation.

 

Le tracé de l’enceinte est relativement bien connu. Pour en faciliter l’étude, celui-ci sera découpé en plusieurs segments, selon une rotation allant d’est en ouest.

 

a)    de la Porte Viennoise à la Tour du Trésor :

 

Place Notre Dame, la Porte Viennoise est aujourd’hui repérée au sol place Notre Dame et au numéro 4 de cette place, la circonférence de la tour occidentale de la Porte est encore visible dans le magasin du rez de chaussée.

Au numéro 6 de cette même place, la tour dite de Clérieux, haute de 30 m pour un diamètre de 4,50 m, dont les murs ont 1,25 m d’épaisseur, semble avoir été édifiée sur une base romaine. Le nom de cette tour découle de celui de la famille qui l’occupait au 13ème siècle. C’était alors une véhérie pour le compte de l’évêque. La tour passa ensuite dans les possessions épiscopales et devint une annexe de l’évêché, d’où le second nom sous lequel elle est également connue : la Tour de l’Evêché.

L’enceinte longeait ensuite la rue Chenoise, parallèlement à celle-ci et au sud. Guy Allard notait en 1663 « on voit encore les marques de ces vieilles murailles… dans les maisons qui y sont basties de la rue Chenoise ou Chaunoise et peu éloignées du Ban de Mal Conseil ».

 

Elle est localisée le long des numéros impairs de cette rue.

 

En février 1988, à l’occasion de travaux à l’arrière de l’immeuble portant le numéro 9, on a repéré les trois quarts d’une tour et un tronçon de courtine dont on avait déjà découvert d’autres éléments en 1921-1922.

 

Elle aboutissait dans l’axe du numéro 1 de la rue Renauldon (dont l’immeuble, au fond de l’allée, est contigu avec le 21 rue Chenoise où, également en 1921-1922, le rempart fut mis au jour dans le sous sol de la rue.

 

Suivant le sud de l’actuelle rue Madeleine, l’enceinte coupait alors la rue de Bérulle puis la rue Cujas.

 

En 1896, au sud de cette dernière rue, presque au coin de la place de Bérulle, un pan de courtine fut découvert. Le mur, haut de 4 m au dessus du sol avec une fondation de 3,50 m, épais de 3,23 m, était construit en blocage de gros galets et de grosses pierres noyés dans un mortier rose de chaux et de brique pilée. Aucune trace de parement n’était signalée.

 

Vers le numéro 1 de la rue Cujas, une portion de rempart existe encore à hauteur enclose dans les constructions modernes avec une tour, peut être d’origine antique. L’épaisseur de ces murs est de 3,50 m.

 

De la rue Cujas, l’enceinte obliquait vers le Palais de Justice. En 1890, les bâtiments dans la partie située le long de l’Isère entraîna la destruction de cette partie de l’enceinte. Mais une notable partie de celle-ci subsiste comme substruction du Palais de Justice (dans l’axe des 8ème et 9ème fenêtres du rez de chaussée des bâtiments actuels à compter de la rue du Palais.

 

Rue Guy Pape, en juillet 1924, face à l’entrée de l’église Saint André, un tronçon de mur, épais de 4 m, fut repéré. De là, il s’infléchissait pour traverser la rue Hector Berlioz.

 

En 1922, lors des travaux d’agrandissement du théâtre, sous sa partie sud (face à la place Saint André), un second tronçon fut également repéré.

 

En 1928, rue Hector Berlioz, à l’angle de la Salle des Concerts et de l’ancien hôtel de ville le mur fut également repéré.

La Tour de la Trésorerie est bâtie sur une tour romaine comme le montre la fenêtre aménagée en 1928 dans le parement médiéval (plaque indicative).

 

 

b)   de la Tour du Trésor à la Porte Jovia (ou Traine) :

 

De la Tour du Trésor, le long du jardin de ville, le mur de l’enceinte sert de soubassement à la façade de l’ancien hôtel de ville (actuel musée Stendhal). Une tour a été mise au jour en 1926.

Le mur traverse ensuite la place de Gordes parallèlement à la grille de clôture du jardin de ville. En 1939, 10 mètres de courtine furent repérés.  

Au n° 2 de la place, contigu avec un restaurant, des fondations de tour ont été repérées.

 

La crête du rempart est encore partiellement visible à mi hauteur des bâtiments ouvrants sur le jardin de ville (plaque indicative) et au fond de la cour de l’école maternelle où des fondations de tour ont été localisées. Le sommet du mur d’enceinte sert ensuite de soubassement à la terrasse de l’ancienne demeure du Dr Gagnon dont l’entrée se situe 20 Grande Rue (plaque indicative). Sous un bâtiment de forme trapézoïdale subsiste une tour.

 

Entre cette demeure et l’immeuble sis 4 place Grenette (ancien hôtel de Créqui en 1622, ancienne mairie en 1683, actuel magasin France Loisir), le rempart fut mis au jour en 1929 ; il atteignait par endroits, sans son parement de moellons, 2,90 m d’épaisseur. A l’intérieur de cette demeure, une tour a été localise.

 

A l’extrémité de la Grande Rue, était située la Porte Jovia (ou Traine) étudiée plus loin.

 

c)    de la Porte Jovia au prolongement de la rue de la République :

 

Des traces de l’enceinte ont été observées dans les caves de la librairie Arthaud, 23 Grande Rue, ainsi que des restes de tour.

 

Le rempart a également été découvert en 1913 lors de la construction du cinéma « le Familia » devenu ensuite « le Paris » avant d’être fermé.

 

Le rempart romain à cet emplacement (passage de la République) servait de fond à la scène du cinéma et il subsiste toujours.

 

On l’a ensuite repéré (avec emplacement d’une tour) dans les caves du Grand Hôtel, 5 rue de la République et 14 rue Lafayette (face à la partie nord de l’actuel passage Sainte Claire) où, en 1886, des vestiges sont apparus.

 

d)   le prolongement de la rue de la République :

 

En 1962, pour permettre le prolongement de la rue de la République, on a procédé à la démolition des bâtiments qui se trouvaient sur le parcours de la future artère entre la rue Lafayette et la place Sainte Claire, au débouché de la rue Alphand. Certains des immeubles abattus étaient construits sur l’emplacement du rempart : ce fait était d’ailleurs bien connu car dans ce secteur des parties de l’enceinte étaient largement visibles (7 et 1 rue Jean Jacques Rousseau, au fond de la cour). Elles étaient d’ailleurs inscrites à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis 1957.

 

Le tracé de la rue Jean Jacques Rousseau avait d’ailleurs été imposé par la courbure de l’enceinte sur laquelle s’adossaient les maisons donnant sur la rue. Tel était particulièrement le cas du n° 1 de la rue, ancien hôtel de la monnaie, où, sur la droite de l’hôtel proprement dit, subsistait une tour de l’enceinte – rehaussée et aménagée – et partiellement conservée jusqu’à sa démolition en 1962.

 

Grâce à un crédit municipal, M. Raymond Girard, architecte des Bâtiments Civils, put après la démolition des anciens bâtiments faire dégager le mur avec trois de ses tours sur une longueur d’environ 65 mètres.

 

En dépit d’un accord sur la conservation partielle de ces vestiges (notamment la tour dite « A » et 3 mètres de courtine attenants à la tour, plaque indicative) et sur l’indication au sol permettant de rappeler dans le sous sol des nouveaux immeubles le tracé du mur romain, des destructions intempestives furent faites. La tour elle-même a subi de graves dommages.

 

La destruction des tours « B » et « C » a eu pour seul « avantage » de pouvoir effectuer d’intéressantes observations sur leur mode de construction. Elles avaient respectivement 7,30 m et 7,80 m de diamètre et étaient distantes de 22 m. Les murs attenant avaient plus de 8 m d’élévation.

 

Près de la tour « B », une porte avait été aménagée puis bouchée (infra).

 

Les murs, à leur fondation, avaient une épaisseur de 4,5 à 5 m, avec un double parement en petit appareil fait de moellons rectangulaires irréguliers. L’intérieur du rempart était fait de maçonnerie de blocs irréguliers et de matériaux divers noyés dans un mortier à tuileau.

 

A l’extérieur du mur, deux coupes pratiquées au nord et au sud près de la tour « A » et au-delà de la tour « C » devaient révéler une épaisse couche de vase noirâtre qui, selon Aimé Bocquet, correspondait aux restes d’un bras du Drac ou de l’Isère qui aurait servi de fossé.

 

e)    de la place Sainte Claire à la place des Tilleuls :

 

Le rempart a été repéré dans les caves de l’immeuble 16 place Sainte Claire faisant angle avec l’actuelle galerie Sainte Claire (*)

 

(*) une fouille de 120 m2 en 1986 a permis de le retrouver sur une longueur de 6,50 m et, par prolongement des relevés de la rue de la République, de restituer son tracé précis sur plus de 80 m.

 

Le rempart traverse ensuite, dans le sens nord sud, toute la place Sainte Claire, passant sous l’extrémité sud ouest des Halles ; en 1931, il a été repéré sur une longueur de 41 m.

 

Il longe ensuite les immeubles de la partie est de la rue Auguste Gaché puis coupe perpendiculairement la rue de la Paix, à 10 m de l’angle avec la rue Auguste Gaché où il a été découvert en 1936, avant de couper perpendiculairement la rue Bayard.

 

Le rempart sert ensuite de fondations aux immeubles du fond de la place des Tilleuls.

 

Au numéro 9 de cette place (ancien hôtel Doudart de Lagrée) une tour est encore conservée sur toute son élévation dans le jardin situé à l’extrémité du long corridor d’entrée.

 

f)     de la place des Tilleuls à la Porte Herculea :

 

Sur cette dernière portion, l’enceinte est parfaitement repérée et elle est encore presque intégralement conservée.

 

Une tour est encore en élévation à peu de distance de la cathédrale. Haute de 5 m environ, elle supporte aujourd’hui une petite terrasse. A sa base, une lunette découpée dans le ciment qui la revêt entièrement laisse apparaître la maçonnerie de blocage au mortier de tuileau. Des sondages effectués en 1967 par R. Girard ont permis de localiser une autre tour, plus au nord, au point où la muraille se retourne vers l’ouest en direction de la Porte Herculea.

 

Ce dernier tronçon a été utilisé au moyen âge pour former la paroi nord de la nef de Saint Hugues. Les fouilles conduites à partir de 1989 par A. de Montjoye sous l’aile nord de cette église ont permis de retrouver un tronçon de rempart de 5 m de longueur avec son parement intact surmonté de remparts pesque stériles du haut moyen âge. Le fossé entourant l’enceinte a été retrouvé sur une distance de 50 à 60 cm au pied du mur.

 

Sur l’importante portion du rempart comprise entre les bâtiments de l’ancien évêché (40 m de longueur), le tronçon le plus à l’ouest (proche de la Porte Herculea) est apparu fondé en tranchée étroite, tandis que le tronçon le plus à l’est laisse voir une large tranchée au pied du mur. Une fouille conduite au pied de l’escalier d’honneur de l’ancien évêché a mis au jour une tour de l’enceinte dont le parement parait avoir été refait sans doute au moyen âge. La face interne du rempart correspondant à cette tour a été dégagée sur une hauteur de 2 mètres. Dans la première salle d’accès au baptistère sont visibles une fraction significative du mur d’enceinte ainsi qu’une tour conservée en élévation avec sa semelle de fondation. Dans la seconde salle du même musée, le mur du bas empire reste en partie visible.

 

 

III – PORTES ET POTERNES :

 

Portes de l’enceinte :

 

Les deux portes de l’enceinte étaient surmontées chacune d’une inscription, toutes deux disparues lors de la destruction des édifices mais leur texte avait été relevé auparavant par plusieurs auteurs : Antoine de Govéa au début du 16ème siècle, un auteur anonyme de 1547 et surtout Barlet dont le manuscrit du 16ème siècle comportait deux dessins, aujourd’hui à la Bibliothèque Nationale (manuscrit latin 9910) dont on a également une copie postérieure (vers 11660), conservée à la bibliothèque Sainte Geneviève à Paris (manuscrit latin 1167).

Pour la clarté du propos, on en redonnera ici l’interprétation :

 

« Nos maîtres, l’empereur César Gaius Aurelius Valerius Diocletianus, pieux, heureux, invincible, auguste et l’empereur César Marcus Aurelius Valerius Maximiamus, pieux, heureux, invincible, auguste, après qu’aient été construits grâce à leur prévoyance et achevés les murs de Cularo avec leurs bâtiments intérieurs ont ordonné que la Porte Viennoise soit appelée Herculéenne (1ère inscription)

….. que la Porte Romaine soit appelée Jovienne (2ème inscription).

 

On rappellera que les deux empereurs vaient fait figurer des noms en relation avec des éléments de leur propre titulature, Jovia (Jupiter) pour Dioclétien et Herculea (Hercule) pour maximien.

 

Ces portes, qui constituaient l’aspect le plus monumental de l’enceinte, remployaient des blocs de calcaire arrachés à des monuments antérieurs abandonnés et des inscriptions funéraires comme d’ailleurs la plupart des fortifications urbaines de cette période.

 

Ainsi surmontées de leurs inscriptions monumentales, ces portes s’assimilaient à des arcs de triomphe : on en connaît des exemples similaires en Narbonnaise à Aix en Provence, Apt, Arles, Avignon, Béziers, Vaison et Vienne.

 

Porte Viennoise ou Herculea :

 

Comme son nom l’indiquait, cette porte permettait d’accéder à la ville romaine lorsqu’on arrivait par la route de Vienne.

Elle était située sur l’actuelle place Notre Dame, perpendiculairement à la façade de la cathédrale et aux bâtiments sis aux numéros 4 et 6 de cette place. Ce monument subsista avec sans doute beaucoup d’altérations jusqu’à l’écroulement de la tour médiévale dite de l’Evêché qui prolongeait sa tour est, le 24 septembre 1802. La porte fut alors démolie progressivement jusqu’en 1810. Alors que l’on a tiré dans d’inscriptions lapidaires de cette porte, dont une vingtaine sont encore conservées, on peut s’étonner de la destruction de l’inscription dédicatoire mais Prudhomme dit que celle-ci « fut ensevelie par mégarde dans les fondations de la maison portant le n° 6 de la place Notre Dame ».

 

L’emprise au sol de la Porte Viennoise est parfaitement connue grâce aux plans très précis de l’évêché dressés à l’époque révolutionnaire en vue de la vente au titre des biens nationaux.

 

Selon H. Müller, ses fondations furent partiellement dégagées à 50 cm de profondeur, mais non détruites, en 1927 à l’occasion de l’installation de latrines près de la façade de la cathédrale. Un sondage de reconnaissance effectué en juin 1987 vers le milieu de la place Notre Dame a permis d’observer de nouveau ses substructions, un mètre en contrebas du niveau actuel de la place. Elles étaient constituées d’un blocage au mortier de tuileau parementé en petit appareil en brique. Un second sondage, en 1989, a fourni les mêmes renseignements.

 

En 1991, deux nouveaux sondages ont été effectués par F. Baucheron près de la porte orientale de la tour. Le premier, au pied même de la courtine, a apporté des précisions sur l’architecture de la fondation : intra muros, celle-ci a un mètre de profondeur au dessous du ressaut. Elle est constituée de dalles de molasse. Le matériel céramologique confirme la datation de l’inscription gravée au fronton de la porte. Extra muros, la fondation « en escalier » a 2,80 m de profondeur. Cette particularité est due, selon l’auteur des fouilles, à la reprise des charges verticales plus importantes à l’aplomb de la tour. Cette imposante fondation repose sur une forêt de pieux reposant eux-mêmes sur la grave fluviatile stable. Une étude dendrochronologique et carbone 14 indique un abattage de ces pieux aux alentours de la première moitié du 2ème siècle, datation évidemment incohérente avec l’épigraphie. Ne faut-il pas alors y voir le simple réemploi, lors de la construction de la tour, des substructions d’une première porte ou d’un arc (isolés ?) remontant au haut empire ?

Les substructions de la porte sont aujourd’hui classés monument historique et conservées dans la seconde salle du musée baptistère.

 

Une maquette de la Porte est également exposée au même endroit. On notera les importantes similitudes architecturales entre cette restitution de la Porte Viennoise (qui diffère notablement des croquis de Barlet) et la Porte Appia de l’enceinte aurélienne de Rome, les deux constructions étant à peu près contemporaines.

 

 Porte Romaine ou Jovienne (ou encore Traine) :

 

Comme son nom l’indiquait, elle ouvrait sur la route du Montgenèvre par l’Oisans.

 

Elle était située à l’extrémité de la Grande Rue, vers la place Grenette, peut être même à l’emplacement de l’actuelle fontaine. Ses substructions ont été affouillées à plusieurs reprises, particulièrement au cours du 19ème siècle, sans qu’aucun relevé n’en soit fait.

 

Dès l’époque de Saint Hugues, elle est désignée sous le nom de « Porte Trivoria ». C’était alors le siège d’une véhérie tenue pour l’évêque par Richard de Porte Traine.

 

Le dernier titulaire de cette véhérie vendit la maison en 1419 à la Chambre des Comptes du Dauphiné. L’évêque Aimon 1er de Chissé eut à se plaindre que les droits sur la véhérie ne lui étaient plus versés. Il accepta, à titre transactionnel, une somme valant rachat et la véhérie fut définitivement supprimée. La porte elle-même servit de prison delphinale jusqu’à sa démolition en 1594. 25 des inscriptions antiques de Grenoble en proviennent.

 

Selon Mme Chatel, il subsiste 5 place Grenette, dans les fondations de la maison, les restes d’une construction, manifestement romaine, ayant pu faire partie des défenses extérieures de la porte.

 

De même, face au n° 20 de la Grande Rue, à l’angle de la rue Jean Jacques Rousseau, des blocs de pierre en grand appareil pourraient provenir de cette même porte. L’on sait, en effet, que l’ancien hôtel de Rabot (aujourd’hui Librairie Arthaud), construit peu avant la démolition de la Porte Romaine, avait été adossé à l’enceinte.

 

Poternes du rempart :

 

a)    poterne de la Porte Viennoise :

 

A 11 mètres de la Porte Viennoise ont été découverts en 1889 les restes « remarquablement conservés d’une poterne totalement inconnue jusqu’alors » (aujourd’hui visibles dans le musée du site baptistère). Celle-ci, large de 1,30 m, a conservé la crapaudine et les engravures nécessaires au logement d’une barre de fermeture. Les pieddroits, le seuil et deux marches en calcaire blanc, contrastent avec les moellons du mur. Cette porte (piétonne) a été murée avant ou pendant le moyen âge.

 

b)   poterne dite de la « Tour B » (rue de la République) :

 

Lors du dégagement des remparts en 1962, on a retrouvé une poterne d’époque romaine, bouchée à une période indéterminée.

 

c)    poterne de la « Tour A » :

 

Sans doute à l’époque médiévale, peut être après le comblement de comblement de la poterne de la « Tour B » une nouvelle poterne piétonne fut ouverte à cet emplacement. Elle est toujours conservée.

 

Deux autres poternes, aujourd’hui disparues, avaient été percées dans la muraille romaine :

 

Ø  la « porte Pertusière », vers la place Sainte Claire, citée pour la première fois par un texte de 1288 mais qui existait sans doute antérieurement ; elle était située à proximité de la « véhérie de Gières »

Ø  la « Porte de l’Aiguier », citée en 1338 qui était située dans le rempart vers la rue Hector Berlioz.

 

IV – UNE PORTE ISOLEE DU HAUT EMPIRE ?

 

Les observations faites lors des fouilles de 1989 à 1991 des substructions de la Porte Viennoise ont conduit à s’interroger sur l’éventualité de l’existence d’une porte (ou d’un arc ?) antérieure à la construction du rempart.

 

En effet, l’imposante fondation de la porte (près de 3 mètres) reposait, comme on l’a vu, sur une « forêt » de pieux reposant sur la grave fluviatile stable, remontant à la première moitié du 2ème siècle.

 

Faut-il voir dans cette contradiction d’époque le simple réemploi de pieux dans la fondation de l’une des tours de la Porte Viennoise ou reprendre une hypothèse ancienne qui, sur la base d’une relecture des inscriptions, envisageait une première porte (isolée ?) antérieure à la construction de l’enceinte du 3ème siècle ? (F. Baucheron dans Gallia Informations, 1996, pages 103 et 104).

 

Des vestiges des substructions de cet édifice sont partiellement visibles dans la seconde des salles d’accès au site baptistère.

 

Bibliographie sélective :

 

-       N. CHARBOT, 1720, page 8

-       J. J. A. PILOT : Histoire de Grenoble, 1829, pages 8 à 10 et 118 à 120

-       A. GRAS : notice sur les anciens remparts de Grenoble, BSSI, 2, 1841, pages 232 à 243

-       AYMARD DU RIVAIL : de Allobrogibus (16ème siècle) publié par A. ALLMER et A. de TERREBASSE, 1852, page 51

-       J. MARION : cartulaires de l’église cathédrale de Grenoble dits cartulaires de Saint Hugues, 1869, B XXXIV et B XL

-       Plan des enceintes successives de Grenoble, bulletin de l’Académie Delphinale, 3ème série, T 8, 1870, page 30

-       A. PRUDHOMME : Histoire de Grenoble, 1880, pages 21, 22 et 120 à 244

-       SCHUERMANS : bulletin des commissions d’art et d’archéologie, 1888, pages 72 à 74

-       H. ROUSSET et A. BRICHET : Histoire illustrée des rues de Grenoble, 1893, pages 21 et 22

-       G. de MANTEYER : le nom et les deux premières enceintes de Gap, 1905, page 48

-       H. BLANCHET : les enceintes romaines de la Gaule, 1907, pages 148 à 151

-       H. MULLER : les origines de Grenoble, 1930, pages 10 à 14

-       A. GRENIER : Manuel d’archéologie romaine, I, 1931, page 413

-       P. THEVENON : en suivant l’enceinte romaine, BSDEA n° 185, 186, 187, 1948, pages 4 à 7

-       R. P. HOSTACHY : les vraies origines de Grenoble, 1962, pages 52 à 54

-       R. GIRARD : les remparts gallo romains de Grenoble et le prolongement de la rue de la République, BSDEA, 1963, pages 171 à 178

-       GALLIA, T XXII, 2, pages 519 à 526

-       M. LEGLAY, A. PELLETIER, A. BOCQUET : découvertes récentes dans la circonscription de Grenoble, actes du 89ème congrès des Sociétés Savantes, Lyon, 1964, pages 106 à 113

-       M. RIVIERE SESTIER : Grenoble secret, 1969, pages 1, 2, 6, 68, 69, 88, 89, 133 et 134

-       R. ETIENNE : défense et illustration de Bordeaux antique, Archéologia n° 47, juin 1972, pages 39 et ss

-       M. MERCIER : histoire des fortifiactions de Grenoble de l’an 43 avant J. C. à 1900, 1976, pages 19 à 25

-       V. CHOMEL (direction) : Histoire de Grenoble, 1976, pages 33 et ss

-       G. DUBY (direction) : Histoire de la France urbaine, 1980, pages 404, 406 et 407

-       J. PRIEUR et alii : la Savoie des origines à l’an Mil, 1983, pages 297 et 298

-       Des Burgondes à Bayard, 1000 ans de moyen âge, 1984, page 52

-       R. COLARDELLE : Grenoble aux premiers temps chrétiens, GAF n° 9, 1986, pages 11 à 14

-       R. BEDON, R. CHEVALIER, P. PINON : architecture en Gaule romaine, 1988, pages 49, 104, 106, 108, 113 et 193

-       A. de MONTJOYE : évaluation du patrimoine archéologique… Grenoble, 1990, pages 23, 24 et 66

-       E. CHATEL : étude sur les portes de l’enceinte gallo romaine de Grenoble d’après deux dessins du 16ème siècle, Cahiers archéologiques n° 38, 1990, pages 17 à 24

-       DRAC I, 1991, pages 65 ç 70

-       N. DUVAL et alii : naissance des arts chrétiens, atlas des monuments paléochrétiens de la France, 1991

-       J. BOURDON et H. ROUGIER : Histoire du Dauphiné, T 1, 1992, page 103

-       CAG 38/1 : 1994, pages 69 à 75

-       C. MAZARD : chronique des fouilles, la Pierre et l’Ecrit, 1992-1993, page 209 ; 1994-1995, page 240 ; 1995-1996, pages 218 et 219

-       J. P. JOSPIN : Archéologia n° 335, juin 1997, page 30

-       GALLIA Informations, 1996, pages 102 et ss

-       F. BAUCHERON, F. GABAYET et A. de MONTJOYE : autour du groupe épiscopal de Grenoble, DARA, 1998, pages 38 à 49

 

 

II – CHAPITRE II : LE POSTE ROMAIN DU NERON : DEFENSE AVANCEE DE CULARO

 

La tradition a toujours fait du Néron un poste de surveillance militaire du bas empire à l’époque où Cularo s’est fortifiée (supra, chapitre I).

 

Les vestiges découverts entre 1895 et 1911 par H. Müller à l’extrémité sud du rocher, à environ 750 m d’altitude, peuvent en effet faire penser à un site d’observation antique, dans un lieu difficile d’accès, dominant la cluse de l’Isère et destiné à prévenir les populations de la cité d’éventuels dangers.

 

Des postes de vigie similaires existaient peut être à d’autres emplacements et, notamment, à Pariset, au Mont Rachais, à Comboire, à Saint Loup, au Cornillon, à Rochefort, aux Quatre Seigneurs…

 

Mais celui du Néron est le seul qui ait été étudié à ce jour.

 

Accès :

 

Dans l’antiquité, l’accès au site se faisait par la face est du Néron.

 

Un vieux chemin, suffisamment large pour faire passer un attelage, part de l’actuel hameau de la Rivoire et aboutit à l’escarpement rocheux en se rétrécissant sur les cents derniers mètres.

 

Pour franchir la falaise, le chemin avait été taillé en encorbellement dans le rocher. Des entailles en queue d’aronde servaient à coincer des poutres sur lesquelles était fixé un platelage destiné à élargir le chemin. A l’endroit d’une fissure naturelle, une passerelle en bois avait été aménagée, semble t-il, pour assurer une continuité à la construction comme le montrent les différents encastrements pratiqués dans le rocher.

 

Cette passerelle dut rapidement disparaître après l’abandon du site, ce qui explique que, lors de sa découverte, H. Müller ait été confronté à ce qu’il nomme un « haitus » l’obligeant à accéder au plateau par le sentier de la corniche.

 

Afin de faciliter l’accès au poste romain tout en rendant au chemin sa probable apparence antique, une nouvelle passerelle de poutrelles métalliques fut établie en 1910 à l’initiative d’H. Müller et de la Société des Alpinistes Dauphinois.

 

Au-delà de l’emplacement de la passerelle originelle, des encoches ont été interprétées comme étant destinées à recevoir des barrières ou pour constituer l’armature d’une cabane en bois (guérite ?).

 

Enfin, au bord du chemin d’accès, H. Müller devait découvrir un squelette entouré de tuiles et recouvert d’une couche de terre : il pensait qu’il s’agissait peut être d’un ouvrier du chantier du chemin décédé accidentellement.

 

Le poste ou refuge :

 

Le chemin d’accès aboutit à une petite prairie (lieudit Pré Rencurel) dans laquelle deux emplacements de constructions rectangulaires ont été sondés : l’une de ces constructions possédait un sol fait de briques pilées et de chaux grasse, l’autre de grandes dalles en terre cuite de 0,50 m de coté. Entre les deux constructions une lame de couteau en fer a été découverte.

 

A proximité se trouve une citerne de 14 m sur 7 m, profonde de 2 à 3,50 m. Deux entailles sont visibles qui ont du recevoir des poutres transversales soutenant la charpente d’un toit. Un marteau et une enclume ont été extraits du fond de la citerne sous des tuiles dans l’angle ouest. Une tranchée centrale faite par H. Müller a permis de voir un bétonnage de chaux grasse et de calcaire broyé destiné à rendre le fond de la citerne imperméable et a livré un petit bronze de Claude II : cette monnaie pourrait permettre d’envisager l’aménagement du poste du Néron durant la seconde moitié du 3ème siècle et, plus précisément, entre 269 et 271 époque du séjour à Cularo de l’armée de Placidianus et de l’origine probable de la fortification de la ville (supra, 1ère partie, chapitre V et 2ème partie, chapitre I).

Tel était implicitement l’avis d’H. Müller qui voyait dans les considérables travaux d’aménagement du Néron une origine militaire probante.

 

Autour de la citerne, ses sondages ponctuels ont livré des débris de verre, de poterie, des clous, un anneau en fer, trois fragments de bronze et beaucoup de tuile.

 

A une centaine de mètres de la citerne, vers l’est, à proximité d’une sente paraissant avoir été aménagée à la même période, H. Müller devait découvrir un fond d’habitat, de forme ovale, constitué par des murs en petits blocs dans lequel gisaient des fragments de vases en pierre ollaire, du verre, quelques débris céramiques et des tuiles.

 

Autres sites :

 

-       lieudit « premier Pré Néron » : nombreux fragments de tegulae découverts en juin 1896

-       lieudit « deuxième Pré Néron » : petit silex et fragments de céramique gallo romaine

-       lieudit « Clapier du Dromadaire » : débris céramiques antérieurs au 4ème siècle, tuiles, silex taillé, broyeur en quartzite

-       sentier d’Aiguebelle : nombreux débris de tuiles

-       grotte de l’Ermitage : fouillée en octobre 1893, elle a livré une hache en pierre polie, des pointes de flèches en silex, des silex taillés, des perles en colliers de pierre (époque néolithique) insi que de la céramique gallo romaine et de nombreuses tegulae.

 

Bibliographie :

 

H. MULLER :

- Encore le Neyron, Revue des Alpes Dauphinoises, 10ème année, n° 3, septembre 1907, pages 257 à 261

- Comment furent édifiés le refuge et le poste gallo romain du Neyron, Revue Montagnarde n° 24, 15 décembre 1911, pages 369 à 375

- Note sur le chemin et le poste gallo romains, tiré à part de l’Annuaire de la Société des Touristes du Dauphiné, 1912

J. P. JOSPIN : poste et chemin romains du Néron à Saint Martin le Vinoux, Archéologie chez vous n° 10, 1992, page 33

CAG 38/1 : page 171

J. P. JOSPIN : la vallée de l’Isère à l’époque romaine, Archéologia n° 335, juin 1997, page 30

 

Nota : l’orthographe « Neyron » retenue par H. Müller est sans nul doute beaucoup plus exacte que celle qui prévaut aujourd’hui ou celle qui a eu court jadis de « casque de Néron ». Bien évidemment ce rocher, nonobstant ses vestiges romains, n’a strictement rien à voir avec l’empereur Néron. Son appellation et sa signification originelle, le « Neiro », traduisent sa couleur tirant sur le noir.

 

 

CHAPITRE III – LA BASTILLE ET LE MONT RACHAIS

 

I – LA BASTILLE : un site d’oppidum ?

 

Nombre d’historiens ont été tentés de voir dans la colline de la Bastille qui domine la rive droite de l’Isère l’emplacement d’un site d’oppidum dont nulle trace n’a cependant jamais été retrouvée. Le nom originel de cette colline « Mont Asson » semble néanmoins confirmer cette hypothèse : Mont du gaulois Accus ?

Le toponyme originel aurait pu être romanisé en Accius, donnant au moyen âge Mont Asson (Montasson en 1092), puis Mont Esson (Monte Essuto en 1107, Mons Eisut en 1110, Mos Essonem en 1231). En 1516, on trouve la désignation « Mont dessou », la forme actuelle « la Bastille » n’apparaissant que sous Lesdiguières en 1591 avec les premières fortifications de cette « bastide ».

 

De la céramique grossière et des éclats de silex trouvés en 1914 sur la plateforme supérieure ont laissé à penser à H. Müller puis à A. BOCQUET que ce magnifique replat avait pu constituer, dès la préhistoire, un site défensif exceptionnel. Mais, sur les flancs et le sommet de la colline, les effets de l’érosion joints aux bouleversements occasionnés par la construction, à la fin du 16ème siècle puis à partir de 1830, d’ énormes fortifications peuvent expliquer l’absence de traces probantes.

 

Bibliographie :

 

-       H. MULLER : les origines de Grenoble, 1930

-       A. BOCQUET : l’Isère préhistorique et protohistorique, 1968, page 99

-       J. BRUNO : le Graisivaudan : toponymie et peuplement d’une vallée des Alpes, 1977, page 40

 

 

II – LE REFUGE DU MONT RACHAIS

 

Sur la crête du Mont Rachais - (dont le nom parait dériver de « radix », racine, était-ce le lieu où l’on coupait le bois ? Cette forme est connue dès le 13ème siècle « mons qui dicitur rashet » évoluant peu ensuite « ad montem raches » (1308), « Mons Rochas » (1413), « Montis Rachacii » (1413) – au point de rupture de la pente nord est de la montagne (commune de Saint Martin le Vinoux), à une altitude proche de 1000 mètres, apparaissent des traces de levées artificielles faites de terre et de cailloux. L’ouvrage est composé de deux branches, disposées en équerre, dont l’une barre directement la crête sur une longueur encore visible d’environ 38 mètres, cependant que l’autre avance en surplomb vers la vallée du Grésivaudan et s’observe sur une longueur d’environ 30 mètres.

 

Quel rôle exact peut-on assigner à ce dispositif ? Quelle est au surplus son origine ? Est-on en présence d’un site de défense de la partie sommitale du Mont Rachais en un point vulnérable qui n’offre pas d’escarpements rocheux ? Complète t-il les ensembles défensifs qui, plus bas, ont pu exister sur la plate forme supérieure de la Bastille ?

 

Mais on est là trop loin de Grenoble pour supposer une relation directe entre ce lieu et l’habitat de la plaine.

 

Par analogie avec les structures défensives du « Camp de César’ à Plan, dans la Bièvre, J. P. Jospin a proposé de dater la levée de terre du Mont Rachais de la Tène finale.

 

Pour leur part, V. Piraud et H. Müller y voyaient « un refuge… encore fréquenté au 3ème siècle de notre ère ».

 

Bibliographie :

 

-       H. MULLER : note sur les stations préhistoriques en plein air des environs de Grenoble, AFAS, 33ème session, 2ème partie, 1904, page 1005 et les origines de Grenoble, 1930, page 5

-       V. CHOMEL (direction) : Histoire de Grenoble, 1976, page 25

-       J. BRUNO : le Graisivaudan : toponymie et peuplement d’une vallée des Alpes, 1977, page 176

-       J. P. JOSPIN : la levée de terre (protohistorique ?) du Mont Rachais à Saint Martin le Vinoux, Archéologie chez vous, n° 10, 1992, page 24

-       CAG 38/1 : page 171

 

 

CHAPITRE IV : UN PORT ANTIQUE ?

 

En 1899, les travaux de fondation de la partie basse du Palais de Justice bordant la rue Guy Pape ont fait découvrir, près du mur de l’enceinte du bas empire, une grande quantité d’amphores brisées, de nombreuses tuiles et autres débris.

 

Ceci conduit à s’interroger sur l’éventualité d’horrea fluviaux  qui auraient pu être installés à cet emplacement au bord de l’Isère dont Dion Cassius atteste qu’en 61 avant notre ère elle était navigable et que les riverains de la basse Isère avaient de nombreuses barques. De fait, l’Isère fut navigable durant tout le moyen âge et jusqu’au 19ème siècle d’ailleurs, du moins dans sa partie occidentale.

 

Ce présumé port aurait pu être situé à l’emplacement de l’actuelle place de Bérulle.

 

Bibliographie :

 

-       DION CASSIUS : Histoire romaine, Didot, 1845-1870, page 37, 47 et 48

-       H. MULLER : les origines de Grenoble, 1930, page 14

-       G. BARRUOL : les peuples préromains du sud est de la Gaule, 1969, page 303

-       V. CHOMEL (direction) : histoire de Grenoble, 1976, page 26

-       P. DREYFUS : Grenoble de Csar à l’Olympe, 1980, page 24

 

 

CHAPITRE V : LE FRANCHISSEMENT DE L’ISERE

 

I – Un gué sur l’Isère ?

 

  1. de Montjoye a envisagé un gué en amont du pont primitif, à hauteur du complexe cultuel et funéraire de Saint Laurent (Documents d’évaluation du patrimoine archéologique des villes de France, Grenoble, 1990, page 22).

 

II – PONTS SUR L’ISERE :

 

a)    le premier pont :

 

La chronologie historique et la problématique de l’emplacement du premier pont édifié par Lucius Munatius Plancus sont exposées ci après dans une synthèse spécifique (L. Munatius Plancus à Cularo).

 

On observera que Plancus parle trois fois dans ses correspondances à Cicéron de ce pont dont il était très fier :

 

-       ainsi mesure t-il, le premier, la portée de son exploit à la largeur de ce fleuve qu’il qualifie de « très grand » (flumine maximo) sur lequel il a réussi le prodige de construire un pont en un seul jour (X, 15),

-       puis, avant de quitter Cularo, dans un souci de consolidation de son œuvre, il crée deux redoutes de têtes de pont, renforçant la jetée par l’amas de pierres énormes (X, 18)

-       enfin, ce n’est pas sans amertume qu’il détruit, vingt cinq jours après l’avoir édifié, un tel ouvrage (X, 23).

 

Où était situé de pont ?

 

Venant du nord (Vienne), et pour aller au sud par le territoire des Voconces, Plancus devait nécessairement traverser l’Isère ce qu’il ne fait qu’une quinzaine de jours après son arrivée. Si l’on admet que Cularo était située sur la rive gauche de l’Isère (Supra, chapitre IV,1, 1ère partie) il aurait dû, pour l’atteindre, traverser préalablement l’Isère.

 

Or, sa lettre du 6 juin 43 avant notre ère à Cicéron est sans équivoque possible. Elle a été écrite après la destruction du pont et pourtant elle est datée de Cularo, là même où le rejoindra peu après Decimus Brutus qui, empruntant la voie du Petit Saint Bernard, arrivera nécessairement par la rive nord de l’Isère, c'est-à-dire se présentera à Cularo rive droite.

 

Face à cette évidence historique on est conduit à considérer qu’au moment des faits Cularo était implanté nécessairement rive droite et ne s’était pas encore développé rive gauche à moins qu’il n’y ait déjà eu une agglomération double.

 

C’est sans doute pour résoudre ce problème délicat que C. Jullian avait supposé que ce que Plancus appelait « Isara » était le Drac et que la traversée avait eu lieu à Pont de Claix. Mais il s’agit là, selon les termes du doyen Perrochat d’une « explication désepérée » d’autant en effet que l’ « Isara » de Plancus semble parfaitement correspondre à l’ « Esaras » (ou Scara) grecque que mentionne Polybe à propos d’Hannibal.

 

En considérant, avec tous les autres auteurs, que le pont de Munatius Plancus avait été effectivement construit sur l’Isère, où était-il situé ?

 

On a toujours admis qu’il fallait le situer à l’emplacement du « pont suspendu » du 19ème siècle débouchant face à l’entrée de la rue Saint Laurent. Tel a été du reste le choix officiel fait pour la « commémoration du bimillénaire » en 1957 avec l’apposition d’une plaque au droit du débouché supposé du pont de Plancus :

 

L’AN 43 AVANT J. C.                            COMMEMORATION                                                                            6 JUIN 1957 (1)

DV SEJOVR EN CES LIEUX DU PROCONSVL                                                 CITE POUR LA PREMIERE FOIS LE NOM DE

LVCIVS MVNATIVS PLANCVS QUI DANS                                          CVLARO BERCEAU DE GRENOBLE OU IL JETTE  LE

SA LETTRE A CICERON ECRITE IL Y A 2000 ANS                          PREMIER PONT SUR L’ISERE AVEC SES LEGIONS

 

SOVS LES AVSPICES DE LA MVNICIPALITE LE                                                                              ET DE

DOCTEVR MARTIN ETANT MAIRE                                                                   L’ACADEMEMIE DELPHINALE  (1)

 

Mais, à bien y regarder, cet emplacement était le plus rationnel sinon le seul possible. Il faut se souvenir, en effet (et de la méconnaissance de ce fait est sans doute née l’hypothèse formulée par C ? Jullian) que le Drac, dans son ancien lit, rejoignait l’Isère aux pieds de la Bastille : e, effet, en ce point précis les deux rivières pouvaient donner les apparences d’un « flumine maximo » (2)

 

(1) laquelle ne tombait juste qu’à la condition d’admettre, au changement d’ère, une « année zéro » qui, évidemment n’esxistat jamais. Elle eut donc lieu, manifestement, un an trop tôt. Ne fallait-il pas, somme toute, attendre le 6 juin 1958 ?

(2) on sera néanmoins prudent sur cette explication car l’appellation spécifique de fleuve est «  fluvius », mot que César n’emploie jamais. Il utilise en effet le mot «  flumen » (ce que fait également Plancus), mot passe partout appliqué indistinctement à n’importe quel cours d’eau important ou secondaire.

 

Le contexte de l’époque est des plus délétères : Marc Antoine, ancien légat de César, consul en exercice, prétendant être son successeur et ayant décidé de ravir à Decimus Brutus, l’un des conjurés de Mars, le gouvernement de la Cisalpine l’assiège dans Modène. Le sénat riposte en dépêchant deux armées contre lui et informe les gouverneurs des provinces transalpines : Lépide (M. Aemilius Lepidus) en Narbonnaise, Asinius Pollion en Bétique et Plancus en Gaule Chevelue de la trahison d’Antoine, leur enjoignant de marcher sans tarder contre lui.

 

Plancus quitte Lyon le 6 des kalendes de mai (26 avril 43), passe le Rhône, descend à Vienne et envoie au devant de lui 3000 cavaliers en direction de l’Italie par le col du Petit Saint Bernard (Ad Familiares, X, 9, 3).

 

Lui-même hésite « scrutant l’horizon lointain » ou Octave, petit neveu de César, fils adoptif de l’impérator qui, à sa mort, avait pris le nom de C. Julius Caesar Octavianus, s’affrontait à Marc Antoine dans ce que l’histoire a appelé depuis « la guerre de Modène » ne voulant se décider à rejoindre l’une ou l’autre des armées qu’à bon escient nonobstant les directives que Cicéron ne cessait de lui faire tenir.

 

Lorsqu’il apprend de ce dernier la victoire du Sénat – vers le 21 avril – il s’arrête, rappelle ses cavaliers et campe à Cularo (X, 11, 2).

 

Lépide apprenant à son tour cette bataille et le fait que les vaincus, Marc Antoine et son frère Lucius, venaient de leur coté chercher des renforts en Gaule quitte alors les abords d’Avignon il était cantonné et installe ses légions à Forum Voconii (aujourd’hui les Blais dans le Var entre le Luc et Vidauban).

 

Aux environs du 12 mai 43, Plancus « des bords de l’Isère » écrit à Cicéron pour l’informer de son départ de Cularo (X, 15, 3) : « Lépide m’a engagé sa foi et dit que s’il ne pouvait empêcher Antoine de pénétrer dans sa province, il entrerait en guerre contre lui : il m’a demandé de le rejoindre et d’unir nos forces. Et ainsi, ayant construit en un jour un pont sur l’Isère, grand fleuve qui est aux frontières des Allobroges, je l’ai traversé le 12 mai avec mon armée… ».  (« Itaque in Isara flumine maxilo quod in finibus Allobrigum ponte uno die facto exercitum ad quartum idus maias traduxi…).

 

Pour Camille Jullian, « Isara » au nom pourtant significatif, serait en fait le Drac, davantage susceptible selon lui de répondre au qualificatif de « flumine maximo ». Le pont de Plancus aurait été ainsi construit pour lui (mais de tous les auteurs il est quasiment le seul à avoir soutenu cette thèse) à hauteur du pont de Claix et son armée aurait campé (à compter du 14 mai ?) sur l’autre rive (supra « les ponts sur l’Isère »).

 

C’est là sans doute que l’on doit placer la lettre X, 21 de Plancus : « … je t’ai écrit il y a deux jours que j’avais confiance dans Lépide… Mais (à la suite semble t-il d’une lette qu’il vient de recevoir de celui-ci disant de ne pas venir le rejoindre) je vais revenir en arrière et je ne fournirai pas à des traîtres une pareille aubaine » (X, 21, 2).  

 

Le 18 mai, il est toujours sur la  rive gauche de l’Isère. Entre-temps, la lettre X, 13 de Cicéron (milieu de mai) l’informe du senatus consulte pris sur sa proposition en son honneur au reçu de la lettre X, 9 annonçant le passage du fleuve et l’exhorte à terminer la guerre contre Antoine.

 

Le 21 mai 43, nouvelle lettre de Plancus à Cicéron : «  j’ai donc quitté mon camp de l’Isère le 19 mai après avoir muni de deux redoutes les têtes de pont que j’avais fait construire sur ce fleuve (Castellis duobus ad capita positis) et j’y ai laissé des troupes suffisantes pour les défendre afin que Brutus, en y arrivant avec son armée, puisse traverser le pont sans retard… Quant à moi, j’espère que dans huit jours à dater de cette lettre, je ferai ma jonction avec les troupes de Lépide » (X, 18, 2).

 

Ainsi, de Cularo à Forum Voconii, n’y avait-il, aux dires de Plancus, que huit jours de marche. Est-ce à dire que la route était bonne et sure ! Elle existait sans doute bien avant l’arrivée des romains : « vieux chemin – écrivait C. Jullian – qui, depuis Grenoble, monte et descend sans cesse à travers les vallées et les contreforts des Alpes, cette route est peut être la plus paysanne des Gaules ».

 

De fait, entre ces deux points, par le territoire des Voconces, le col de la Croix Haute, Sisteron et Riez vont circuler de manière quasi ininterrompue entre mai et juin 43 courriers et armées.

 

Mais, dans le même temps, Marc Antoine arrive à Fréjus le 15 mai (X, 17, 1) sans doute par la route du littoral, le légat de Lépide ayant vraisemblablement livré le passage : c’est ainsi qu’il campe, face à Lépide, de l’autre coté du « Pons Argentus », le pont sur l’Argens, au sud de Draguignan et des Arcs.

 

Le 29 mai, au lieudit actuel « les Quatre Chemins », Antoine s’unit à Lépide et les deux armées, désormais alliées, marchent alors contre Plancus. Durant ce temps, Décimus Brutus d’Ivrée remonte à marche forcée la vallée de la Doire, franchit les Alpes par le Petit Saint Bernard et, par la rive droite de l’Isère, cherche à rejoindre Cularo et Plancus.

 

Lorsque ce dernier apprend le revirement de Lépide et sa jonction avec Antoine, il se trouve campé à 40 miles au nord de Forum Voconii « près d’une rivière et non loin du pays des Vocontii (le Verdon entre Bauduen et Sainte Croix).

 

Alors, Plancus retourne sur ses pas, repasse l’Isère – le Drac selon C. Jullian – et coupe le pont qu’il avait fait édifier.

 

C’est alors la célèbre lettre du 6 juin 43 à Cicéron expédiée de Grenoble : « Octavo idus junias Cularone ex finibus Allobrogum ».

 

« Je ne regretterai jamais, mon cher Cicéron, de m’être exposé aux plus grands dangers pour le service de la patrie, pourvu que, s’il m’arrive malheur, on ne le reproche pas à ma témérité. Je confesserais mon imprudence si j’avais vraiment eu confiance en Lépide… Sur quoi donc faire tomber le reproche ? Sur ma pudeur, vertu très périlleuse dans la guerre qui m’a forcé de subir cette aventure… Je craignais, en restant dans le même lieu, que mes ennemis pussent penser que ma haine contre Lépide était trop opiniâtre et que je cherchais à prolonger la guerre par mon inaction. C’est pour cela que j’ai fait avancer mes troupes presque en vue de Lépide et d’Antoine et que je me suis arrêté à 40 000 pas d’eux pour avoir la possibilité de les approcher promptement ou de me retirer sans difficulté… A cette précaution, j’ai ajouté celle de choisir un lieu favorable, entre l’ennemi et moi, un grand fleuve qu’on ne pouvait traverser que lentement et d’être à portée du territoire des Voconces sur lequel ma retraite fut assurée… » (1)

 

(1)          ce grand fleuve qui le met en sécurité, proche du territoire des Vocontii, ne peut être, selon G. Barruol, que le Verdon entre Bauduen (Var) et Sainte Croix du Verdon (Alpes de Haute Provence).

 

« Lépide, désespérant de me voir arriver se joignit à Marc Antoine le 29 mai et, le même jour, ils mirent en mouvement vers moi leurs troupes réunies. Ils n’étaient plus qu’à 20 000 pas lorsque la chose me fut annoncée. Grâce à la faveur des dieux, je me hâtai de me retirer sans avoir l’air de fuir. Il n’est tombé entre les mains de ces forcenés brigands ni un homme, ni un cheval, ni même un bagage. Et ainsi, la veille des no,es de juin – le 4 juin – mes troupes avaient toutes repassé l’Isère et les ponts que j’avais fait jeter étaient rompus. Mes hommes auront ainsi quelques jours de repos et je pourrai faire ma jonction avec mon collègue Décimus Brutus que j’attends sous trois jours » (XI, 23, 2).

 

Il convient de noter que Plancus dit ici « les ponts » et non « le pont » comme dans X 15, 3, X 21, 12 et 18, 4. Faut-il y voir un pont formé de plusieurs palées ?

 

De fait, les légions de Brutus (dix légions ?) arrivent à Cularo aux environs du 7 juin 43 ; Les deux armées semblent alors y séjourner car Plancus et Brutus envoient alors au sénat un rapport officiel que l’on estime avoir été adressé de Cularo vers la mi juin 43 (XI, 13a).

 

Il y a ensuite entre les forces désormais en présence (celles d’Antoine et de Lépide d’une part, celles de Plancus et de Brutus d’autre part) une série d’escarmouches sur la route de Cularo à Forum Voconii, mais aussi de négociations (XI, 13, 4).

 

On connaît l’épilogue ! Tout finit par le triomphe diplomatique d’Antoine. En juillet 43, l’armée d’Espagne Ultérieure, commandée par Asinius Pollion, vient le rejoindre, sans doute par la Via Domitia.

 

Plancus fait alors la paix avec Antoine et Lépide et Décimus Brutus, laissé seul, tente de revenir de Cularo à l’Italie par le petit Saint Bernard pour y combattre Octave. Arrêté par les hommes de ce dernier vers Aoste, il passe alors le Grand Saint Bernard pour gagner le Rhin par la Franche Comté et, de là, tenter de rejoindre Aquilée par le Rhétie et le Tyrol. Il est pris entre Besançon et le Rhin par un chef Séquane (Camilos, Camillos ?) et tué.

 

Dans le même temps, vers le 10 juillet 43, Plancus reçoit l’ordre du sénat de fonder la colonie de Lugdunum, ce qui sera chose faite en octobre 43 ;

 

Le 29 décembre 43 il est au Capitole et devient, conformément au souhait de César, consul, suprême récompense de son dévouement à la patrie.

 

Pue auparavant, le 7 décembre 43, Cicéron était assassiné par les sicaires d’Octave.

 

En cette fin de l’année 43 étaient aussi revenus sur Rome, Lépide, Antoine et Pollion pour négocier avec Octave. Ce dernier, on le sait, saura profiter des circonstances pour devenir, douze ans plus tard, le seul maître incontesté du monde romain et créera l’empire qu’il conduira, sous le titre d’Auguste, de manière remarquable jusqu’à sa mort en 14 de notre ère.

 

De ces évènements, relativement bien connus grâce à la correspondance assidue échangée entre Munatius Plancus et Cicéron et fort heureusement conservé, plusieurs éléments doivent être mis en exergue.

 

- Ces énormes passages de troupes dans le midi de la Gaule et à Grenoble, ces courses extraordinaires font supposer, y compris dans les grandes Alpes, l’existence de routes à la fois très praticables et sures.

 

-       Il est de fait, selon la formule de C. Jullian, qu’entre avril et juin 43 avant notre ère, le sort de Rome et du monde romain s’est bel et bien joué dans le sud de la Gaule et, très précisément, entre Cularo et Forum Voconii.

-       Au surplus, et pour ce qui nous intéresse ici, Cularo était donc bien un site stratégique, peut être circonstanciel, mais sans doute de toute première importance, relié à la fois à la Cisalpine, à Rome et à Fréjus par des routes très praticables et sans doute en parfait état d’entretien : 12 à 13 jours de courrier entre Cularo et Rome et moins de huit jours de déplacement d’armée entre Cularo et Forum Voconii avec cet avantage supplémentaire d’être à proximité du territoire des Voconces que Plancus savait sans danger pour lui.

-       On peut en déduire que Cularo devait disposer d’infrastructures suffisantes (ou en avait été doté ?) pour accueillir aussi durablement de telles armées : les quatre légions de Plancus (24 000 hommes), sa cavalerie (au moins 4000 hommes), augmentées des dix légions de Brutus (60 000 hommes) ce qui, pour l’époque et pour le lieu (surtout si le stationnement des troupes s’était organisé sur la rive droite de l’Isère) apparaît tout à fait considérable.

 

Enfin, pour tenter de répondre à la question de la nature précise du pont « édifié en un seul jour » sur ce « très grand fleuve » que semblait alors être l’Isère il convient sans doute, pour mieux comprendre le sens des écrits de Plancus de se référer au « Bellum Gallicum » de César écrit durant l’hiver 52-51 à Bibracte où il avait pris ses quartiers. Bien évidemment, Plancus qui avait participé à la Guerre des Gaules sous les ordres de César (B. G. V, 24, 25) connaissait le récit que ce dernier en avait fait. Et c’est sans doute dans le livre IV, qui se rapporte à l’année 55 avant notre ère et plus particulièrement dans les chapitres 17 et 18 que se trouvent les réponses aux questions jusqu’alors irrésolues. En effet, de nombreuses analogies existent entre le récit de César et la correspondance de Plancus.

 

BG, IV, 17 : « César… avait décidé de franchir le Rhin ; mais les bateaux lui semblaient un moyen trop peu sur et qui convenait mal à sa dignité et à celle du peuple romain. Aussi, en dépit de l’extrême difficulté que présentait la construction d’un pont, à cause de la largeur, de la rapidité et de la profondeur du fleuve, il estimait qu’il devait tenter l’entreprise ou renoncer à faire passer ses troupes autrement ».

 

Les motifs qui président à l’entreprise – que Caton fustigea à Rome – sont finalement mineurs face au désir de César d’accomplir un exploit propre à frapper les imaginations : franchir ce fleuve mythique d’une largeur extraordinaire (400 m). Suivent alors les détails précis de la construction du pont sur le Rhin :

 

BG, IV, 17 : « voici le nouveau procédé de construction qu’il employa. Il accouplait à deux pieds (60 cm) l’une de l’autre deux poutres d’un pied et demi d’épaisseur (45 cm) légèrement taillées en pointe par le bas et dont la longueur était proportionnée à la profondeur du fleuve. Il les descendait dans le fleuve au moyen de machines et les enfonçait à coup de mouton, non point verticalement comme des pilotis ordinaires mais obliquement inclinées dans la direction du courant ; en face de ces poutres, il en plaçait deux autres jointes de même façon à une distance de quarante pieds (12 m) en aval et penchées en sens inverse du courant. Sur ces deux paires, on posait des poutres larges de deux pieds qui s’enclavaient exactement entre les pieux accouplés et on plaçait de part et d’autre deux crampons qui empêchaient les couples de se rapprocher par le haut ; ceux-ci étant ainsi écartés et retenus chacun en sens contraire l’ouvrage avait tant de solidité, et cela en vertu des lois de la physique, que plus la violence du courant était grande, plus le système était fortement lié. On posait sur les traverses des poutrelles longitudinales et, par-dessus, des lattes et des claies. En outre, on enfonçait en aval des pieux obliques qui, faisant contrefort, appuyant l’ensemble de l’ouvrage résistaient au courant ; d’autres étaient plantés à une petite distance en avant du pont : c’était une défense qui devait, au cas où les barbares lanceraient des troncs d’arbres ou des navires destinés à le jeter bas, atténuer la violence du choc et préserver l’ouvrage ». (1)

 

(1) les vestiges du pont de César ont été récemment découverts à Neuwirth, près de Coblence

 

Et alors :

 

BG, IV, 18 : « dix jours après qu’on avait commencé à apporter les matériaux, toute la construction est achevée et l’armée passe le fleuve ».

 

On comprend dès lors mieux, face à cet extraordinaire exploit des pontonniers romains, que Munatius Plancus, avec une technique sans doute identique, ait pu faire édifier en un seul jour un pont sur un fleuve respectable même si sa largeur (de l’ordre d’un dixième?) était sans commune mesure avec celle du Rhin.

 

Ad Fam. X, 15, 3 : « … ayant construit en un jour un pont sur l’Isère, grand fleuve qui est aux frontières des Allobroges, je l’ai traversé le 12 mai avec mon armée ».

 

Les précautions prises par César sont également celles que prend, douze ans plus tard, Plancus :

 

BG, IV, 18 : « César laisse aux deux têtes de pont une forte garde et se dirige vers le pays des Sugambres ».

 

Ad Fam. X, 18, 2 : « j’ai donc quitté mon camp de l’Isère la 19 mai après avoir muni de deux redoutes les têtes du pont que j’avais fait construire sur ce fleuve et j’y ai laissé des troupes suffisantes pour les défendre ».

 

Et, au bout du compte, les deux ponts ont précisément le même sort :

 

BG, IV, 19 : « après dix huit jours complets passés au-delà du Rhin, estimant avoir atteint un résultat suffisamment glorieux et suffisamment utile, il revint en Gaule et coupa le pont derrière lui ».

 

Ad Fam. X, 23, 2 : « et ainsi, la veille des nones de juin, mes troupes avaient toutes repassé l’Isère et les ponts que j’avais fait jeter étaient rompus ».

 

Bibliographie sélective :

 

-       CESAR : Bellum Gallicum, livre IV

-       CICERON : Epistulae ad Familiares (traduction E. Bailly), livres X et XI

-       HOEFER : nouvelle biographie générale, 1863, T 40, pages 403 et 404

-       C. JULLIAN : histoire de la Gaule (réédition 1993), I, pages 1148 et 1149

-       H. BLET, E. ESMONIN, G. LETONNELIER : Cularo, origine de Grenoble, le Dauphiné, recueil de textes choisis et commentés, 1938, pages 14 et 15

-       J. B. MOREL : Munatius Plancus à Cularo (43 avant J. C.), bulletin de l’Académie Delphinale, 6ème série, T XV-XVIII, pages 397 à 421

-       Doyen PERROCHAT : étude de la correspondance bimillénaire de Cicéron et de Plancus, bulletin de l’Académie Delphinale, juin 1957, pages CXCVIII à CCVI

-       R. P. HOSTACHY : les vraies origines de Grenoble, 1962, pages 34 à 41

-       M. RAMBAUD : Munatius Plancus, gouverneur de la Gaule et L. Munatius Plancus, officier de César, Mélanges d’archéologie, d’épigraphie et d’histoire offerts à Jérôme Carcopino, 1966, pages 787 à 810

-       J. F. MICHAUD : biographie universelle ancienne et moderne, édition 1968, T 33, page 475

-       G. BARRUOL : les peuples pré romains du sud est de la Gaule, 1969, pages 71, 279 à 281, 296 et 297

-       J. P. CLEBERT : la Provence gallo romaine, 1970, pages 136 et 137

-       P. M. DUVAL : la Gaule jusqu’au milieu du Vème siècle (les sources de l’histoire de France), T 1, 1971, pages 266 et 267

-       J. MOREAU : dictionnaire de géographie historique de la Gaule et de la France, 1972, pages 333 et 338

-       M. MERCIER : histoire des fortifications de Grenoble de l’an 43 avant J. C. à 1900, 1976, pages 17 et 18

-       A. AUDIN : Lyon miroir de Rome dans les Gaules, 1979, pages 52 à 62

-       A. PELLETIER : Vienne antique, 1982, pages 35 à 37

-       Archéologie nouvelle, n° 19, mars 1996, pages 16 à 18

-       C. GOUDINEAU : César et la Gaule, 1996, pages 189 et 190 (avec maquette du pont sur le Rhin).  

 

 

IV – DE CULARO A FORUM VOCONII : LA ROUTE DE L. MUNATIUS PLANCUS

 

La voie parcourue en 43 avant notre ère par Munatius Plancus et ses légions peut être globalement reconstituée dans son tracé avec de bonnes probabilités, notamment dans toute sa partie méridionale (1)

 

(1)   pour une étude détaillée de cette voie, voir dans le présent site Internet la rubrique « voies romaines ».

 

De Cularo à Davianum (Veynes, Hautes Alpes), (voir également infra, chapitre XXI, voie 4), si elle est à peu près déterminée, elle conserve néanmoins une large part d’extrapolation dans certains secteurs en raison, notamment, d’absence totale de découverte de milliaires ou de sites de statio. Elle n’est donc proposée ici qu’à titre d’hypothèse.

 

Passant à Varces (poste frontière ?) puis à Vif (mansio ou vicus) la voie est incertaine ensuite : Monestier de Clermont ? Col du Fau ? Clelles ? Saint Maurice en Trièves ? Elle passait ensuite vraisemblablement au col de la Croix Haute, au Grand Logis, à Saint Julien en Beauchêne, à la Faurie et arrivait à Veynes, seule mansio attestée.

 

Elle passait ensuite au sud est d’Aspres sur Buech, où elle a été repérée à la Beaumette, et se dirigeait sur la Bâtie Montsaléon, mansio attestée (Mons Seleucus). Elle devait ensuite gagner Serres puis Eyguians et Laragne. De là, par la rive droite du Buech, elle gagnait Ribiers, emplacement d’une agglomération secondaire où la voie a été repérée au nord du bourg jusqu’aux Autarets (autel ?) puis Sisteron (Segustero).

 

Le franchissement de la Durance se faisait sur un pont aujourd’hui disparu, situé selon toute probabilité au niveau de la Clue de la Baume. Suivant le tracé de l’actuelle D 4, le voie traversait les territoires de Salignac et de Volonne et arrivait à l’Escale, mansio probable (Scala). Dans ce secteur, son tracé était commune avec celui de la voie Vence – Digne – Sisteron. Cet itinéraire se perpétuera dans celui de la Route Royale puis Route Napoléon, longeant la rive gauche de la Durance.

 

Entre le Bourget et l’Escale et Volonne, au débouché du ravin de Pierre Taillée, se voit encore un impressionnant passage aménagé dans le rocher pour la route antique.

 

La voie se poursuivait ensuite sur l’actuelle commune de Mirabeau où, aux abords de Beauvesel, se joignaient la voie de Sisteron à Digne et la voie de la vallée de la Bléone à Riez.

 

De la vallée de la Bléone à celle de l’Argens, son tracé est attesté par douze milliaires du haut empire. Une station (mutatio ou mansio) (1) semble avoir existé aux

 

(1)    mutatio, mutationes : relais (de mutare, changer (les équipages), mansio, mansiones : de manere, demeurer (où l’on passait la nuit). Généralement, les mutationes étaient situées à des intervalles variant entre 7 000 et 12 000 pas (10,5 à 18 km) et les mansiones à des intervalles de 30 à 36 km soit une journée de marche diurne.

 

Abords de la chapelle Saint Christol (Ad Estradas). Empruntant la rive droite de la Bléone (actuelle N 85), la voie traversait la commune de Malijai puis celle de le Chaffaut Saint Jurson du nord au sud (milliaire présumé au lieudit « la Croix »). Sur la commune de Mallemoisson elle franchissait la Bléone à son confluent avec la Duyes. Elle est bien attestée sur le territoire de Saint Jeannet par la présence de deux milliaires et elle correspond à l’actuelle RD 8 jusqu’à Bras d’Asse (milliaire). Mal localisée sur la commune de Puimoisson (tracé sans doute plus direct que l’actuelle RD 953), la voie arrivait alors à Riez, chef lieu des Reii, qu’elle traversait avant de se continuer au sud est par le vallon de Val Vachères. De là, elle traversait la commune de Montagnac, passait au col de la Fare et se dirigeait dans la région du Verdon où son tracé, longtemps imprécis, a été reconnu en 1968 par G. Barruol.

 

Dans un secteur aujourd’hui englouti dans les eaux du lac de Sainte Croix, elle a été repérée sur une trentaine de mètres en entaillement de la falaise et aménagement rupestre. Elle franchissait alors le Verdon sur un pont immergé mais partiellement conservé et traversait la commune de Bauduen dans le Var (milliaire). C’est dans ce secteur, « non loin du territoire des Vocontii » que Munatius Plancus fit sa halte stratégiquement réfléchie.

 

Par la source de Fontaine l’Evêque (Sorps), aujourd’hui immergée, la voie gagnait ensuite Vérignon où quatre milliaires ont été découverts puis se dirigeait sur Ampus, probable station (Emporia ?) où deux milliaires ont également été découverts. Elle passait à Notre Dame de Spéluque, Lentier et Bilotte et arrivait à la station d’Antea sur le territoire de Draguignan (quartier actuel des Salles à deux km à l’ouest de Draguignan) où R. Chevallier voit un possible forum. De là, prenant une direction plein sud, elle se dirigeait par Valbourgès (milliaire) sur les Arcs. Le « Pons Argenteus » n’existe plus de nos jours, ses dernières traces ayant disparu à l’époque contemporaine. L’actuel camping de l’Argens occupe l’emplacement de ce site historique et le lieudit « les Quatre Chemins » témoigne du souvenir du croisement de la voie de Cularo à Forum Voconii et de la Via Aurelia.

 

De là, la voie gagnait le « Forum Voconii », traditionnellement situé au lieudit « les Blaïs » entre Vidauban et le Luc que R. Chevallier place toutefois au Muy ce qui semble plus évident mais est néanmoins incompatible avec les distances portées sur la Table de Peutinger.

 

Du Pont d’Argens, la voie se mêlant alors avec la Via Aurelia gagnait le Muy (milliaire) et Forum Iulii (Fréjus) par Puget sur Argens (milliaire) et le pont des Esclapes toujours conservé.

 

Bibliographie sélective :

 

-       G. BARRUOL : les peuples préromains du sud est de la Gaule, 1969, pages 71, 80, 280, 281 et 296

-       J. P. CLEBERT : Provence gallo romaine, T 2, 1970, pages 136, 137, 243, 248 et 249

-       P. A. FEVRIER : Fréjus (Forum Julii), 1977, pages 7, 13, 20 et 23

-       G. BARRUOL : les agglomérations gallo romaines des Alpes du sud dans Villes et campagnes en Gaule romaine, 1998 ; ouvrages routiers antiques à Sainte Croix du Verdon et à Riez, R. A. N. 1986, pages 133 à 158

-       Collectif : archéologie dans les Hautes Alpes, 1991, pages 229 et 230

-       G. THIOLLIER ALEXANDROWICZ : itinéraires romains en Fance, 1996, pages 332 et 33

-       CAG 05, 1995, pages 44, 55, 62, 107, 118 et 157

-       CAG 04, 1998, pages 63, 64, 67, 181, 401, 403, 412 et 413

-       R. CHEVALLIER : les voies romaines, 1997, pages 200 et 201

-       J. C. MICHEL : les voies romaines du Trièves, bulletin des AVG n° 43 et 44, 1999

 

 

CHAPITRE VI – ALIMENTATION EN EAU ET DISTRIBUTION D’EAU

 

I – AQUEDUC(s) ?

 

H. Müller mentionne la découverte, en 1884, dans la quartier de Chalemont, d’une série de courts tuyaux de facture romaine creusés dans la pierre de l’Echaillon. Mais le faible diamètre de ceux-ci (6 cm) fait hésiter sur la destination de ces tuyaux (alimentation en eaux ou canalisations d’égouts ?).

 

-       H. MULLER : les origines de Grenoble, 1930, page 20

 

A la Tronche, chemin de la Viotte, au début du 20ème siècle à l’occasion de la découverte d’un « bassin romain circulaire » ont été observés les restes d’un « canal en pierre » (aqueduc ?).

- J. J. A. PILOT : les monuments du département de l’Isère, bulletin de l’Académie Delphinale, I, 1842-1845, page 66 et précis statistique des antiquités du département de l’Isère, BSSI, 3, 1843, page 123 ;

 

II – TUYAUX EN PLOMB

 

Un seul tuyau en plomb est mentionné parmi les vestiges de l’alimentation en eau, celui découvert en 1962 lors du prolongement de la rue de la République, à l’est de la construction dite « en abside ».

 

-       GALLIA, 1964-2, page 525

 

Dans les fouilles du baptistère on a également découvert un tuyau en plomb d’amenée d’eau au centre de la cuve baptismale.

 

-       C. MAZARD : chronique du patrimoine, la Pierre et l’Ecrit, 1993-1994, page 209

 

III – RESERVOIR OU CITERNE

 

Sur le site du groupe épiscopal on a mis au jour en 1989 dans un bâtiment donnant sur rue un réservoir d’une capacité maximale de 3,4 m3 peut être utilisé à des fins artisanales.

 

-       F. BAUCHERON, F. GABAYET et A. de MONTJOYE : autour du groupe épiscopal de Grenoble, deux millénaires d’histoire, DARA, 1998, page 63

 

IV – CANIVEAUX

 

Sur le même site et dans les mêmes circonstances un réseau de deux caniveaux a été mis au jour (Op. cit. page 63).

 

Ces caniveaux sont partiellement visibles dans le musée du site (salle du baptistère).

 

 

CHAPITRE VII : EGOUTS ET PUITS

 

I – EGOUTS

 

Rue du Président Carnot en 1895, à 5 m de profondeur on a découvert, lors du percement de la rue, un canal d’évacuation vraisemblablement construit le long d’une voie urbaine qui occupait l’axe de l’ancienne rue de l’Ecu. Mais on ignore la nature du revêtement et la longueur du tronçon dégagé.

 

-       H. MULLER : les origines de Grenoble, 1930, page 27

-       A. de MONTJOYE : documents d’évaluation du patrimoine archéologique, Grenoble, 1990, page 18

-       CAG 38/1, page 74

 

Place Sainte Claire, en 1906, à 4,20 m de profondeur on a mis au jour sur 10 m de longueur un canal en pierre large de 0,30 m et haut de 0,40 m.

 

-       H. MULLER : les origines de Grenoble, 1930, page 27

-       CAG 38/1, page 74

 

II – PUITS

 

En contrebas de la Tour Rabot, un puits romain est signalé par H. Müller. Il s’agirait peut être d’une citerne.

 

-       H. MULLER : les origines de Grenoble, 1930, page 18

-       A. de MONTJOYE : op. cit. pages 16 et 19

-       CAG 38/1, page 73

 

Dans l’îlot de l’ancienne halle, deux puits ont été découverts lors des fouilles Müller de 1909 à 1913, l’un près de la rue Raoul Blanchard, l’autre en dehors de l’ancienne enceinte des Jacobins.

 

-       J. P. JOSPIN : Grenoble gallo romain, nouvelles données de topographie historique, Art et archéologie en Rhône Alpes, 5, 1989, page 12

 

Dans les fouilles du parking Lafayette on a découvert en 1974 un puits qui contenait de très nombreux vestiges céramiques et métalliques.

 

-       B. DANGREAUX : recherches sur les origines de Grenoble d’après l’étude du mobilier archéologique, GALLIA 46, 1989, page 89

 

 

CHAPITRE VIII – THERMES ET BALNEAIRES ?

 

8 et 10 Grande Rue en construisant en 1886 l’égout de cette rue on a découvert un ensemble de constructions en ciment romain et un escalier « qui devait conduire à ce que l’on suppose à la piscine d’un établissement de bains romains qui devait exister en cet endroit ». La description ne permet pas d’en savoir davantage. S’il s’agissait bien de thermes étaient-ce ceux d’un édifice public ou d’une demeure privée ?

 

-       H. MULLER : les origines de Grenoble, 1930, page 29

-       A. de MONTJOYE : op. cit. pages 18 et 19

 

2 rue Président Carnot à une date non précisée, H. Müller dit avoir découvert deux petits bassins rectangulaires accouplés en ciment romain, recouverts de mortier de tuileau de 1,50 x 0,55 m.

Interprétés initialement comme appartenant à des thermes privés, on pense maintenant que ces bassins pourraient avoir eu une vocation artisanale et se rapporter peut être à un atelier de foulon.

 

-       H. MULLER : op. cit. page 30

-       A. de MONTJOYE : op. cit. page 19

-       CAG 38/1 : page 82

 

Lors du prolongement de la rue de la République les fouilles de 1982 ont révélé un bassin dont la destination est restée incertaine : bassin ornant le péristyle d’une demeure ou piscine de thermes ?

 

-       Actes du 89ème congrès national des sociétés savantes, 1964, page 111

-       GALLIA, 1964-2, page 523

 

A la Tronche au 19ème siècle, près du chemin de la Viotte, non loin de l’église Saint Ferjus on a découvert « un bain circulaire pouvant contenir une dizaine de personnes… et les restes d’un canal en pierre ». S’agissait-il de thermes ?

 

-       J. J. A. PILOT : les monuments du département de l’Isère, bulletin de l’Académie Delphinale, I, 1842-1845, page 66 et précis statistique des antiquités du département de l’Isère, BSSI, 3, 1843, page 123

-       Isère gallo romaine, I, page 123

-       M. COLARDELLE : sépulture et traditions funéraires du Vème au VIIIème siècles après J. C. campagnes des Alpes françaises du nord, 1983, page 219

-       CAG 38/1 : page 170

 

Les thermes d’Uriage :

 

Prudhomme dans son « Histoire de Grenoble » note l’absence probable de thermes publics à Grenoble et en déduit que les riches familles de Cularo appréciaient la station balnéaire d’Uriage.

 

Celle-ci, avec une quinzaine de bassins et de piscines mis au jour lors des fouilles du 19ème et du 20ème siècles et une extension sur plus de 500 m de longueur semble être, à ce jour, la plus importante de la Gaule.

 

Malheureusement, jamais aucun plan d’ensemble n’en a été dressé et l’on connaît fort mal l’organisation spatiale de ces thermes tout autant que la nature des bâtiments annexes (ensembles cultuels, boutiques, théâtre ?).

 

A en juger par les monnaies retrouvées sur le site, l’occupation des thermes d’Uriage s’étend du début du 1er siècle (peut être même le 1er siècle avant notre ère ?) au 4ème siècle de notre ère.

 

Si Grenoble n’eut sans doute jamais de thermes monumentaux cela pourrait peut être par l’importance considérable des thermes d’Uriage et leur relative proxilmité de l’agglomération antique.

 

La bibliographie sur les thermes d’Uriage, qui échappent au cadre de l’étude impartie pour ce livre, est très importante et l’on renverra, pour ce faire, au présent site Internet (Cf. carte archéologique de l’Isère). A titre informatif les dernières études consacrées à ce site prestigieux sont les suivantes :

 

-       Isère gallo romaine, I, 1985, pages 39 à 41

-       Collectif : l’eau en Gaule, les dossiers de l’archéologie n° 174, septembre 1992, pages 38 et 39

-       F. PERAZZA : les thermes gallo romains d’Uriage, la Pierre et l’Ecrit, 1992-1993, pages 73 à 88

-       CAG 38/1 : pages 63 à 65

-       J. P. JOSPIN : les thermes antiques d’Uriage, Patrimoine en Isère, pays de Domène, 1995, pages 12 à 20

 

 

CHAPITRE IX – EDIFICE(s) DE SPECTACLES ?

 

Le constat peu paraître à la fois brutal et décevant : aucun édifice de spectacles n’a, à ce jour, été détecté à Grenoble. Est-ce à dire pour autant qu’il n’y en eut jamais ?

Ceci n’est pas d’une certitude absolue. Divers éléments pourrait, au contraire, accréditer l’idée d’un monument consacré aux spectacles.

 

Ainsi pourrait-on rappeler préalablement, mais sans y attacher bien évidemment d’autre intérêt que celui de l’anecdote documentaire ce propos de Guy Allard : « … Le nom de Gratianopolis, urbs Gratiana, lui fut donné parce qu’on y célébrait des jeux en l’honneur de cet empereur (Gratien) qui furent si magnifiques qu’estant connus de tout l’empire on commença de lui donner le nom de Ville de Gratien… ».

 

Plus sérieuse est l’interrogation d’H. Müller : « Cularo possédait-il un cirque, un théâtre ? Rien ne nous autorise de l’affirmer. Si Grenoble a eu son théâtre, comme tant d’autres villes en Gaule romaine, c’est sur la rive droite, adossé à la montagne, qu’il a pu se trouver et c’est derrière la Perrière et Saint Laurent que l’on devrait en découvrir les restes… ».

 

Reprenant cette hypothèse, Mme Rivière Sestier va plus loin dans la précision indiquant que si théâtre il y avait, il devait se situer « sur les flancs de la montagne, dans les jardins bordant les anciennes écoles chrétiennes (38, 40 rue Saint Laurent), ceux de l’ancienne demeure des Bouvier (52 rue Saint Laurent) et aux alentours de la Villa Terray (42 rue Saint Laurent), jardins en escaliers et en terrasses dont les gradins recouvrent peut être un théâtre… ». 

 

En outre, peut-être convient-il d’indiquer que l’on a découvert à Grenoble un médaillon d’applique étudié plus loin (infra, 3ème partie, chapitre XI) représentant un gladiateur et peut être un aurige et un acteur ainsi qu’un masque miniature de théâtre en céramique (infra, 3ème partie, chapitre XV).

 

La problématique étant ainsi posée, on observera qu’un certain nombres d’éléments plaident, à tout le moins, pour l’existence d’un édifice de spectacles à Grenoble.

 

On relèvera tout d’abord qu’en Gaule, la presque totalité des chefs lieux de civitas avaient au moins un édifice de spectacles, de même que de très nombreux vici.

 

  1. Jullian, A. Grenier et, après eux, nombre d’auteurs, estiment que toutes les villes devaient être dotées d’au moins un édifice de spectacles, parure monumentale quasi obligatoire de toute cité romaine. Ceci est du reste corroboré par l’état le plus récent des connaissances archéologiques et épigraphiques qui montre que sur les 130 villes antiques les plus notables de la Gaule, chefs lieux de civitates (haut empire et bas empire confondus) plus de la moitié ont livré au moins un édifice de spectacles et souvent même deux. Si l’on y ajoute les édifices conjecturés par la toponymie, les textes, la tradition ou les anomalies cadastrales (Beaune, Chalons sur Saône, Dijon, Dax, Saint Paul Trois Châteaux…) on arrive au total édifiant de près de 100 cités sur 130 disposant d’un théâtre, d’un amphithéâtre ou d’un édifice mixte. Seules, en définitive moins du quart des cités antiques n’ont pas révélé, du moins à ce jour, d’édifice de spectacles. Faut-il pour autant en conclure qu’il n’y en eut jamais dans ces villes ? Rien n’est moins assuré et l’on a, du reste, peine à le croire d’autant que l’archéologie urbaine enrichit régulièrement l’inventaire de ce type de monuments : on citera simplement, à titre d’illustration pour les dernières décennies, les découvertes espérées ou fortuites des amphithéâtres de Chartres (1965), de Briançon (1983) ou de Béziers (1988) et celles des théâtres d’Autun extra muros (1976), d’Agen (1977), de Clermont Ferrand (1988), de Béziers (1990), d’Aix en Provence (1990) ou de Meaux (1993).

 

On notera ensuite que, même si le territoire des Allobroges est à priori moins riche en édifices de spectacles que certaines civitates voisines, il est très loin d’en être pour autant dépourvu. Même en exceptant Vienne qui comportait la gamme complète de ces édifices (théâtre, odéon, cirque, amphithéâtre, stade, gymnases, xyste) plusieurs vici ont livré des théâtres : Boutae (Annecy), Ad Publicanos (Gilly) et le vicus des Boissons à Châteauneuf. En outre, des théâtres ruraux auraient été repérés à Vernioz, au sud de Vienne et à Meyzieu aux sources de Bardieu. D’autres sont supposés, notamment à Uriage. Enfin, des inscriptions font référence à des jeux (Aquae, Aix les Bains) et à un terrain de sport (Albinnum, Albens).

 

On se souviendra enfin que, fréquemment, les villes de garnison – ce que fut Grenoble à plusieurs reprises – possédaient un amphithéâtre militaire ou du moins une installation sommaire pouvant en tenir lieu. L’armée de Placidianus, dont le long séjour est bien connu (supra, 1ère partie, chapitre V, inscription 14) aurait pu élever un édifice de ce type.

 

Mais se pose alors le problème de son emplacement.

 

La théorie d’un édifice sur les pentes de la rive droite de l’Isère est intéressante et, de fait, les jardins autour de la « Villa Terray » présentent des apparences de gradations et des murs curvilignes bien marqués. En outre, il aurait été observé à la fin du 19ème siècle, lors de la construction de cette demeure, que « le sous sol était truffé de souterrains menant on ne sait où… ». S’agissait-il des vomitoires d’un théâtre antique ?

 

Mais, même si cette question méritait d’être significativement posée, aucun élément probant ne permet à ce jour d’être plus précis sur un supposé théâtre romain sur les contreforts de la Bastille qui, de surcroît, poserait le problème de la communication permanente entre les deux rives.

 

En outre, on observera également que si, d’une manière générale, les Romains ont souvent recouru, pour l’établissement d’un édifice de spectacles, à la technique de l’adossement ils ne l’ont pas pour autant systématisée et l’on connaît en Gaule maints exemples de théâtres ou d’amphithéâtres entièrement construits (parfois en bois d’ailleurs) en zone plane nonobstant la présence à proximité d’une colline ou d’une élévation naturelle. On citera simplement à titre illustratif, l’amphithéâtre d’Orange, connu depuis le 17ème siècle et « retrouvé » en 1990 route de Caderousse en terrain strictement plat alors que les flancs de la colline Saint Eutrope auraient pu, plus logiquement favoriser la construction d’un tel monument.

 

Peut-être en définitive faut-il imaginer que si jamais il y eut à Grenoble un édifice de spectacles, il s’agissait alors d’une construction de type mixte (théâtre amphithéâtre), peut être d’origine militaire et probablement situé rive gauche, voire même sur le site de l’agglomération remparée du 3ème siècle ou à proximité immédiate.

 

Mais l’hypothèse d’un autre édifice – primitif ou au contraire tardif – n’est pas pour autant à écarter définitivement.

 

Bibliographie sélective :

 

-       G. ALLARD : description historique de la ville de Grenoble… (réédition 1992), page 9

-       H. MULLER : les origines de Grenoble, 1930

-       M. RIVIERE SESTIER : Grenoble secret, 1969, pages 107 et 108

-       P. DREYFUS : Grenoble, 1980, page 24

-       Isère gallo romaine, T 2, 1987, page 121

-       F. DORY : inventaire archéologique et voies antiques du Viennois occidental, époque gallo romaine, 1988, pages 45 à 47 et contribution à l’inventaire des sites gallo romains du bas Dauphiné, la Pierre et l’Ecrit, 1990, page 233

-       Atlas des monuments de spectacles en Gaule romaine dans le présent site Internet  

 

 

CHAPITRE X : SANCTUAIRES

 

Sanctuaire des Mères Augustes ?

 

Sous la cathédrale, J. J. A. PILOT signale la découverte ne 1863 d’un autel consacré aux Mères Augustes (supra, 1ère partie, chapitre V, inscription n° 8) ainsi que d’autres pierres et un fragment de torse de statue en marbre blanc.

Cette trouvaille, confirmée et confortée par celle d’autres vestiges en 1990-1991, à l’emplacement du groupe cathédral primitif, pourrait accréditer l’hypothèse d’un sanctuaire aux Mères Augustes en cet endroit.

 

-       J. J. A. PILOT : autel gallo romain trouvé dans les fondations de la cathédrale de Grenoble, BSSI, 1864, 2ème série, T VII, pages 424 à 427

-       A. ALLMER : inscriptions antiques de Vienne, T 3, 1875, pages 126 et 127

 

Temple à Diane ?

 

  1. Prudhomme et H. Müller conjecturaient la présence à Grenoble d’un temple à Diane dont l’emplacement n’a jamais été localisé.

On ne peut, à cet égard, que renvoyer à l’inscription découverte jadis en un lieu d’ailleurs mal précisé : rue des Clercs ou place Saint Claire (supra, 1ère partie, chapitre V, inscription n° 11)

 

-       A. PRUDHOMME : histoire de Grenoble, 1888, page 15

-       A. ALLMER : op. cit. pages 125 et 126

 

A titre illustratif on renverra également à la vue d’artiste publiée par A. Vernet dans son « histoire populaire et anecdotique de Grenoble » (T 1, page 136) où le « temple de Diane » est représenté non loin de la Porte Viennoise.

 

Sanctuaire à Maïa ?

 

Les deux inscriptions à Maïa découvertes place Notre Dame et rue Brocherie (supra, 1ère partie, chapitre V, inscriptions n° 4 et 5) pourraient avoir appartenu à un sanctuaire consacré à la mère de Jupiter. Les bases et supports de colonnes trouvés à proximité (infra, 2ème partie, chapitre XIV) sont de nature à renforcer cette hypothèse.

 

-       Le Dauphiné, T 22, 9 mai 1886, page 475

-       M. RIVIERE SESTIER : Grenoble secret, 1969, page 15

-       CAG 38/1 : page 74

 

Sanctuaire aux Mères Nemétiales ?  

 

L’inscription aux Mères Nemétiales, découverte place Saint André (supra, 1ère partie, chapitre V, inscription n° 9) pourrait avoir appartenu à un sanctuaire.

 

-       A. ALLMER : op. cit. pages 127 et 128

-       CAG 38/1 : page 74

 

Temple à Isis ?

 

L’existence d’un probable temple à Isis est déduite de l’inscription consacrée par Caecus à Esculape puisqu’il se désigne comme « gardien du temple d’Isis ».

Sa localisation reste toutefois totalement ignorée (supra 1ère partie, chapitre V, inscription n° 1 et infra, chapitre XI).

 

Sanctuaire au culte impérial ?

 

Pilot signale le réemploi, en 1683 lors de l’agrandissement du couvent des Minimes (rue du Vieux Temple, rue des Minimes) de trois marbres votifs en l’honneur de César, d’Auguste et de Trajan. Mais ces trois inscriptions (supra, 1ère partie, chapitre V, inscriptions n° 100, 101 et 102) sont traditionnellement considérées comme fausses !

Néanmoins, on peut s’interroger sur l’éventuelle existence en ce lieu d’un sanctuaire au culte impérial. Seules des fouilles précises (mais aujourd’hui bien improbables) permettraient peut être de trancher définitivement la question.

 

-       J. J. A. PILOT : les monuments du département de l’Isère, bulletin de l’Académie Delphinale, I, 1842-1845, page 64

-       CAG 38/1 : page 74

 

Temple à Mars ? (rive gauche) :

 

J. F. Champollion pensait qu’il y avait eu à Grenoble deux sanctuaires consacrés à Mars, l’un rive gauche et l’autre rive droite (ci-après).

Pilot situait le premier temple « près de l’endroit où l’on a bâti le couvent des Dominicains » (îlot de l’ancienne halle). C’est dans ces parages qu’Alain de Montjoye incline à voir l’emplacement de l’église Saint Pierre citée dans les cartulaires de Saint Hugues dont le vocable pourrait traduire un témoin de la christianisation des premiers temps de l’église de Grenoble. Dès lors, grande est la tentation d’imaginer que cette lointaine église ait pu être édifiée sur l’emplacement d’un sanctuaire antique.

On a toutefois peine à imaginer une relation entre ce présumé temple et l’inscription à Mars découverte anciennement rue Bayard et provenant, semble t-il, des parages de la Porte Viennoise (supra, 1ère partie, chapitre V, inscription n° 7).

 

-       J. J. CHAMPOLLION FIGEAC : antiquités de Grenoble, 1807, page 61

-       J. J. A. PILOT : histoire de Grenoble, 1829, page 297

-       J. MARION : cartulaires de l’église cathédrale de Grenoble dits cartulaires de Saint Hugues, 1889, charte LVI

-       A. de MONTJOYE : documents d’évaluation du patrimoine archéologique des villes de France, Grenoble, 1990, pages 27 et 29

 

Temple à Mars ? (rive droite) :

 

En 1777 on découvrit près de la Tour Rabot, non loin de la voie romaine de Grenoble à Vienne, une inscription portant dédicace d’une statue à Mars (supra, 1ère partie, chapitre V, inscription n° 6).

Du temps de Champollion se voyaient encore, sur la plate forme où est située la Tour Rabot, au milieu d’un champ « les vestiges d’un édifice ayant la forme d’un parallélogramme de 4 m sur 3 m ».

Les traces de ce bâtiment (aujourd’hui disparues), la proximité de la voie et la découverte d’un socle de statue à Mars plaident fortement pour la présence en ce lieu d’un petit temple, de type fanum, du haut empire, peut être en relation avec la villa suburbana pressentie à peu de distance (infra, 2ème partie, chapitre XIII).

 

-       M. VALLET : lettre écrite à une dame sur les sept tombeaux antiques qui ont été découverts à Grenoble le 13 janvier 1777 dans les vignes des Dames Religieuses de la Visitation de Sainte Marie d’en Haut, les Affiches, annonces et avis du Dauphiné, 43, 21 février 1777, page 175

-       J. J. CHAMPOLLION FIGEAC : antiquités de Grenoble, 1807, pages 36 et ss et 61

-       H. MULLER : les origines de Grenoble, 1930, pages 35 et 36

-       A. de MONTJOYE : documents d’évaluation… 1990, pages 18 et 19

-       CAG 38/1 : page 74

 

Sanctuaire à Saturne ?

 

On sait par une inscription autrefois déposée dans la cour d’une demeure de la rue Bayard (supra, 1ère partie, chapitre V, inscription n° 10) que Decimus Decamnius Caper, sous préfet de cavalerie avait, de son vivant, ordonné que soit élevée une statue à Saturne.

L’inscription funéraire du même personnage (inscription n° 19) révèle qu’il avait donné 50 000 sesterces pour cette statue (et une autre consacrée à Mars) et pour « un toit de tuiles en bronze » (pour le temple de Saturne ? pour celui de Mars ?).

Dès lors, on peut présumer l’existence d’un temple à Saturne dont « l’aspect exceptionnel… devait trancher sur la modestie générale des constructions ». Sa localisation reste toutefois inconnue.

 

Il est à remarquer que l’on ne connaît pas à ce jour d’autre inscription à Saturne en Gaule Narbonnaise et aucun sanctuaire qui aurait pu lui être consacré. Pourtant, le temple de Saturne de Rome était le plus ancien des sanctuaires de la capitale de l’empire, construit dès la période royale et inauguré dans les premières années de la république (peut être en 498 avant notre ère). On sait par ailleurs que ce temple fut intégralement reconstruit à partir de 42 avant notre ère par Munatius Plancus et qu’en dernier lieu il fut restauré après l’incendie de Carin (283 de notre ère).

 

-       A. ALLMER : op. cit. T 2, page 240

-       V. CHOMEL (direction) : Histoire de Grenoble, 1976, page 30

-       CAG 38/1 : page 74

-       F. COARELLI : guide archéologique de Rome, 1994, pages 51 et 52

 

Temple à Mercure :

 

Il est à peu près tenu pour certain que la stèle à Mercure d’Echirolles (supra, 1ère partie, chapitre V, inscription n° 12) n’est pas de provenance extérieure et qu’elle a été, dès son origine, érigée à cet emplacement.

Un temple avoisinait-il l’autel ?

Aucun document n’en a jamais fourni la preuve. Cependant les Echirollois, qui soutinrent au 18ème siècle un interminable procès contre le chapitre de la cathédrale Notre Dame pour obtenir la paroissialité de leur église, affirmèrent constamment leur conviction que ce temple avait existé et qu’aux premiers temps de la chrétienté leur chapelle avait été bâtie sur les ruines de ce temple.

Dans ce procès, si le chapitre contesta le fait que l’église d’Echirolles ait jamais été paroisse, il convint cependant de son ancienneté ainsi que le prouve ( ?) un texte recueilli dans un « avertissement donné aux habitants » aux termes duquel « le Chapitre convient que le vase ou bâtiment dans lequel la chapelle est fondée est très ancien puisque c’était un temple à Mercure qui est prouvé par l’inscription qui est sur la porte et par le pouillé de 1488… Il ne peut être douteux que le bâtiment dans lequel est fondée la chapelle Saint Jacques ne soit l’ancien temple dédié à Mercure… ».

 

-       G. ALLARD : recherches sur le Dauphiné, manuscrit du 17ème siècle (BMG U 439)

-       Collectif : à la découverte du vieil Echirolles, 1970, pages 13, 14, 68, 69 et 241

-       ADI : SG 198

 

 

CHAPITRE XI : CULTES ET SANCTUAIRES DE LA REGION GRENOBLOISE :

 

I – les cultes préhistoriques :

 

Ne seront mentionnés ici que deux sites à peu près avérés : Corrençon et Engins.

 

Pour ce qui concerne le premier, selon A. Bocquet, les gravures ésotériques de certains rochers du « Champ de la Bataille » rappelleraient une religion fondée sur le culte solaire, venue d’Europe Centrale au bronze moyen, vers 1400 avant notre ère.

 

A Engins, un gouffre d’effondrement sur le Sornin, nommé « puits aux écritures » est couvert sur près de 30 m2 de signes et d’inscriptions de diverses natures : les uns formés de traits entrecroisés rappelant les cunéiformes, d’autres ressemblant aux scalariformes et aux tectiformes du Mont Bégo. Ces signes pourraient dater de l’âge du bronze, ce qui n’est pas le cas, selon toute évidence, des croix latines, corinthiennes ou anthropomorphes qui procèdent d’une époque beaucoup plus récente.

 

II – les cultes indigènes :

 

Matrae :

 

Le culte des Mères est issu du plus ancien paganisme protohistorique. A Grenoble, étaient honorées les Mères Augustes et les Mères Némétiales (supra).

 

Viama :

 

En 1937, on découvrit aux Côtes de Sassenage, un autel votif consacré à une déesse sans doute locale portant l’inscription :

 

                                                           VIAMAE D

                                                           CRAXO V S L

                                                           M VOT EXCEP

 

« Viamae D(eae) / Craxo v(otum) s(oluit) l(ibens) / m(erito) voto excep(to) ».

 

A la déesse Viama, Craxo s’est acquitté de son vœu avec plaisir, sa prière ayant été exaucée.

 

Le nom de la déesse, comme celui du dédicant appartiennent à la langue celtique. En revanche, le formulaire est romain. L’affirmation du caractère sacré de Viama la place qu même niveau que les dieux romains, sans recours à une assimilation ou interprétation à une déesse connue.

 

Cette dédicace votive, rare témoin dans notre région d’une survivance des cultes indigènes antérieurs à la conquête romaine, révèle la présence d’un sanctuaire rural proche.

 

Dieux guérisseurs :

 

Des ex voto en terre cuite, représentant chacun un œil ouvert en relief, découverts par H. Müller à Fontaine vers l’abri de Barme Bigou laissent à penser à une prière de guérison ou un témoignage de reconnaissance à une divinité locale bienfaitrice, guérisseuse des affections oculaires.

 

Est-ce de ces ex voto qu’est née la légende des pierres ophtalmologiques de Sassenage réputer guérir les maux des yeux ?

 

Ils révèlent, selon toute évidence, la présence proche d’un lieu de culte dédié à quelque dieu guérisseur autochtone.

 

Sucellus :

 

Du dieu au maillet gaulois, très populaire, deux statuettes auraient été trouvées à Grenoble (infra, 3ème partie, chapitre II).

 

 

III – les cultes romains :

 

Les plus importants des dieux de la religion romaine classique sont bien représentés dans l’agglomération grenobloise : huit sur les douze « dieux conseillers » qui avaient leurs statues dorées sur le forum romain au dessus du temple de Saturne (Jupiter, Junon, Minerve, Apollon, Diane, Mercure, Vulcain, Vesta, Mars, Vénus, Cérès, Neptune).

 

Jupiter :

 

Le dieu de la triade capitoline est connu à Grenoble par une inscription (supra, 1ère partie, chapitre V, inscription n° 3) et par une statuette (infra, 3ème partie, chapitre II).

 

Il est également connu à Uriage.

 

Mercure :

 

S’il n’est représenté à Grenoble que par une minuscule statue en bronze découverte lors des fouilles de la place Notre Dame (infra, 3ème partie, chapitre II), on le retrouve dans les environs immédiats, à Echirolles (supra, 1ère partie, chapitre V, inscription n° 12 et ci avant, chapitre X), à Uriage, à la Terrasse, à Beaucroissant, à Saint Laurent du Pont et à Varces.

 

Vulcain :

 

Alors qu’il est inconnu ailleurs dans la cité de Vienne, le culte de Vulcain semble avoir eu dans la région grenobloise une ferveur particulière : à Uriage, une statue du dieu (aujourd’hui au musée d’art et d’histoire de Genève), un petit monument en terre cuite représentant Jupiter, Minerve et Vulcain, jadis dans les collections du château et toute une série de marteaux votifs en plomb (disparus pour la plupart) accréditent l’existence d’un culte à ce dieu près de la source chaude des thermes.

 

Un culte de même nature devait exister auprès de la source thermale de Rochefort à Varces où un marteau votif, de même nature que ceux d’Uriage, a été découvert.

 

A Bernin, ce sont des ex voto figurant des marteaux en plomb (Musée Dauphinois n° 67.3.192, 1 à 9) qui traduisent un culte similaire.

 

Enfin, au Gua, non loin de la « Fontaine Ardente », une inscription, aujourd’hui perdue mais répertoriée (CIL XII, 1552) témoignait d’un site cultuel à Vulcain.

 

                                               L MATERNIVS OPTAMVS

                                               VVLCANO AVG

                                               SACRUM

                                               P

 

« Lucius Maternius Optamus a consacré (ce monument) à Vulcain Auguste ».

 

Mars :

 

On sait qu’il eut un grand succès sur le territoire allobroge et il est bien représenté à Grenoble où un temple (peut être même deux) lui était consacré (supra, 1ère partie, chapitre V, inscriptions n° 4 et 5 et 2ème partie, chapitre X).

 

Apollon :

 

Son culte dans les Alpes est peu répandu. On le trouve dans notre proche région seulement à Uriage où son rôle de dieu guérisseur trouve parfaitement sa place dans une station thermale de cette importance où médecine et religion étaient étroitement imbriquées. Dans la statue qui le représente, certains auteurs ont pensé qu’il tenait initialement dans sa main gauche une lyre et, dans sa main droite, un plectron et qu’il s’agissait dès lors d’un Apollon citharède (joueur de lyre).

 

D’autres dieux apparaissent également :

 

Sylvain :

 

C’est le Sucellus gaulois. Il est peu attesté dans la civitas des Allobroges : près de Grenoble on le connaît seulement par un autel découvert à Saint Laurent du Pont (aujourd’hui au Musée Dauphinois n° 36.56.85).

 

Esculape :

 

Il est connu à Grenoble même (supra, 1ère partie, chapitre V, inscription n° 1).

 

Saturne :

 

Le dieu est également connu à Grenoble où, selon toute vraisemblance, un temple lui était consacré (supra, 1ère partie, chapitre V, inscriptions n° 10 et 19 et ci avant chapitre X).

 

Amour :

 

Un enfant potelé et bien joufflu incarne depuis les Grecs la divinité de l’amour (Eros). La statuette trouvée à Uriage en 1836 correspond en de nombreux points à une représentation très classique de la divinité.

On a toutefois parfois considéré qu’il pouvait s’agir d’une représentation de Bacchus enfant.

Une statuette similaire a également été découverte à Saint Etienne de Crossey.

 

Enfin, certains cultes sont rarissimes :

 

Quirinus :

 

Seules Rome et quelques très rares villes d’Italie ont livré des dédicaces, d’époque impériale, à cette très ancienne divinité dont la nature reste énigmatique et qui n’est connue dans aucune des provinces romaines, hormis en Narbonnaise, à Saint Laurent du Pont où ont été découvertes deux inscriptions à ce dieu (aujourd’hui au Musée Dauphinois, n° 34.56.83 et 84) dans un probable temple qui lui était consacré.

 

Lupercus :

 

Une statuette d’un « lupercus », aujourd’hui perdue, découverte à Saint Martin de la Cluse (Paquier) peut suggérer un culte à ce dieu loup dont aucune autre représentation n’est par ailleurs connue en Gaule.

 

Les déesses sont également présentes : ainsi :

 

Vénus :

 

Si l’on ne connaît sur notre territoire aucune inscription s’y rapportant sa représentation est fréquente : ainsi, une statuette à Grenoble (infra, 3ème partie, chapitre II).

 

Diane :

 

Un temple a pu lui être élevé à Grenoble (supra, 1ère partie, chapitre V, inscription n° 11).

 

Maïa :

 

Avec plusieurs inscriptions à Grenoble (et d’autres dans le département) elle est bien représentée. Un temple lui était d’ailleurs peut être consacré à Grenoble (supra, chapitre X).

 

On peut enfin citer les Fortunes à Grenoble (supra, 1ère partie, chapitre V, inscription n° 2) et Minerve à Uriage et à Murianette (dans ce dernier cas, peut être Hippona).

 

IV – les cultes orientaux et les cultes solaires :

 

Les religions orientales ont exercé u puissant attrait dans le monde romain occidental et le syncrétisme romain a très vite intégré un certain nombre de divinités originaires d’Asie Mineure, de Perse ou d’Egypte.

 

Peu représentées en dehors de Vienne, les religions orientales ne sont toutefois pas absentes de la région grenobloise.

 

Isis :

 

Elle a sans doute ue un temple à Grenoble qui est déduit de l’inscription faite par Caecus (supra, 1ère partie, chapitre V, inscription n° 1).

 

Pilot estimait que le culte d’Isis était très en faveur à Grenoble et dans le « territoire des Cassenates » (pays de Sassenage) : Pariset a en effet livré un autel à Isis (Allmer n° 782) et la tradition place à Ezy sur Noyarey un sanctuaire à Isis.

Par ailleurs, les noms d’Izeaux et d’Izeron pourraient en dériver.

 

Enfin, un contrepoids de balance, découvert anciennement à Saint Georges de Commiers, pourrait être une représentation classique d’un groupe d’origine alexandrine représentant des têtes de prêtres du culte d’Isis. Mais cette interprétation est parfois contestée en faveur de la représentation de bustes de lutteurs.

 

Mithra :

 

Bien attesté à Vienne et à Genève, le culte du dieu de la lumière créé dans l’Iran ancien et si populaire dans les armées romaines n’est pas certain dans la région grenobloise, hormis peut être si on l’assimile au culte Sol et Luna (infra).

 

Dans la région grenobloise, à Sarcenas, une tradition imprécise nomme deux rochers hauts de 10 m qui se rejoignent pour former une sorte de cavité « l’enclos du culte de Mithra ». Il s’agit sans doute d’un phénomène géologique, à 300 m en contrebas de l’église, vers un ruisseau, constitué de lames de calcaire verticales sortant de la pente et utilisées comme murs d’un abri. Elles sont distantes de 3 à 4 m et des traces de fixation de poutres ainsi que la trace d’une ouverture se verraient encore. Cette attribution à Mithra est d’origine incertaine : appellation très ancienne qu’aurait conservé la mémoire populaire ou création récente d’un « amateur éclairé » ? Aux dires d’anciens habitants, une pierre vaguement creusée en bassin existait antérieurement dans cet enclos : elle ne semble plus y être aujourd’hui (documents inédits).

 

Jupiter Ammon :

 

C’est le dieu égyptien Amon-Ré, dieu solaire assimilé par les Grecs à Zeus et intégré au panthéon romain sous le nom de Jupiter Ammon. Il est représenté localement par un oscillum découvert dans les thermes de la Buisse au 19ème siècle (mais certains auteurs considèrent qu’il s’agit peut être aussi d’une représentation de satyre).

 

Un médaillon d’applique identique découvert à Cognin en Savoie et le buste provenant de Saint Laurent du Cros dans les Hautes Alpes laissent à penser à un apport de ce culte cyrénéen par des unités militaires recrutées en Egypte ou en Cyrénaïque ou y ayant séjourné.

 

Sol et Luna :

 

Le culte solaire, on l’a vu, est d’origine très ancienne. Déjà officiel dans l’empire romain sous Claude II, il fut érigé en religion majeure sous Aurélien qui semble avoir fait preuve d’une réelle ferveur solaire : « le soleil, maître de l’empire romain ».

 

On s’est interrogé – et la question n’est pas résolue – pour savoir si l’inscription « Ignibus Aeternis » de Vif ne visait pas, implicitement, les astres solaires et, tout particulièrement le soleil et la lune et non la « Fontaine Ardente », Iulius Placidianus le dédicant de cette inscription ayant sans doute, compte tenu de ses étroits liens avec Aurélien, été lui aussi par nature et par devoir un adepte des cultes solaires (supra, 1ère partie, chapitre V, inscription n° 14).

 

L’inscription de Vif, à cet égard, doit peut être rapprochée d’un ex voto découvert à Aile en 1986 consacré à Jupiter, Junon et Minerve – la triade capitoline – et à « Soli, Lunae », le soleil et la lune mais comme celui-ci ne semble pas postérieur au début du 3ème siècle (alors que l’inscription de Vif est datée de 270, début du règne d’Aurélien) on a également imaginé que le culte au soleil et à la lune ait pu découler du culte à Mithra ou, pour le moins, avoir un rapport avec le mithriacisme mais cela reste fort controversé.

 

Bibliographie sélective :

 

Outre la bibliographie déjà mentionnée dans la première partie (chapitre V) et celle citée si avant à propos des sanctuaires de Cularo, la présente étude s’est appuyée sur la consultation des ouvrages suivants :

 

-       H. MULLER : compte rendu des fouilles pratiquées à la station néolithique des Balmes de Fontaine, BSDEA, IV, 1897, pages 145 et 146

-       L’année épigraphique, n° 129, 1930 et 1958

-       L. ROYER : inscription d’un autel découvert à Sassenage (Isère), bulletin de la Société Nationale des Antiquaires de France, 1937, pages 198 à 201

-       R. TURCAN : les religions d’Asie dans la vallée du Rhône, EPRO 30, 1972, pages 30 et 31

-       A. PELLETIER : les religions païennes en Savoie à l’époque romaine, Archéologia n° 103, 1977, pages 23 à 30 et paganisme et christianisme à Vienne au 2ème siècle, Archéologia n° 11, 1977, pages 29 et ss

-       J. PRIEUR et D. DAVIER : dieux et religions antiques dans les Alpes, Histoire et archéologie n° 48, 1980

-       Archéologie chez vous, n° 3, 1984, page 14

-       R. CARRE : le culte de Mars chez les Voconces, Dossiers de l’archéologie n° 48, 1980, pages 52 à 57

-       R. TURCAN : les cultes orientaux en Savoie romaine, ibid, pages 58 à 61

-       M. GIFFAULT : autel votif de Sassenage, Archéologie chez vous n° 6, 1987, pages 18 et 19 et Archéologie chez vous n° 6, 1987, pages 18 et 19

-       Cavaliers et guerriers des origines au moyen âge : 1989, pages 76 et 77

-       R. DEBEAUVAIS : inscriptions latines dans les Alpes Grées, 1991, page 9

-       H. de LUMLEY : essai sur la religion de l’âge du bronze et attribution cultuelle des gravures du Mont Bégo, GAF n° 26, 1992, pages 91 à 114

-       S. DEYTS : images des dieux de la Gaule, 1992

-       Collectif : dieux guérisseurs et gallo romains, 1992, pages 62, 63, 71 et 224 à 226

-       B. REMY : deux dédicaces à Quirinus, archéologie chez vous n° 10, 1992, pages 30 et 31

-       J. C. MICHEL : le grand Rochefort, bulletin des AVG n° 32, 1993, pages 54 et 55 et à propos du marteau votif de Rochefort, bulletin des AVG n° 33, 1994, pages 7 à 13

-       J. P. MOYNE : l’époque gallo romaine, Patrimoine en Isère, pays de Vizille, 1994, page 13

-       J. P. JOSPIN : le culte de Vulcain guérisseur dans la région grenobloise, Patrimoine en Isère, pays de Domène, 1995, pages 17 et 18

-       J. C. MICHEL : à propos d’une découverte antique ancienne à Paquier, bulletin des AVG n° 36, 1995, pages 37 à 43

-       CAG 73 : 1996, pages 95, 96 et 151

-       C. MAZARD (direction) : atlas du patrimoine de l’Isère, 1998, page 51

-       J. C. MICHEL : de quelques vestiges gallo romains de Saint Georges de Commiers, bulletin des AVG n° 42, 1998, page 8

 

 

CHAPITRE XII : L’HABITAT

 

Il semble que dès le 1er siècle de notre ère, l’agglomération antique ait couvert une surface nettement supérieure à celle qui fut enserrée à la fin du 3ème siècle dans une enceinte. Cette première agglomération s’étendait en effet au sud est de l’enceinte, rue Hache et rue Bayard, au sud et au sud ouest rue Bressieux, rue Raoul Blanchard, rue de la République, rue Vicat, rue Expilly, place Jean Achard…

 

1 – UNE TRAME VIAIRE ?

 

La trame viaire régit fort souvent dans les villes romaines les dimensions des insulae. On connaît toutes sortes de modules : carrés (Arles, Feurs, Narbonne, Valence…), rectangulaires (Augst, Avenches, Nyon…). Les dimensions sont très variables, des petites insulae – de type colonial – (Lyon 40 x 75 m), aux très grandes (Amiens 160 x 160 m) en passant par toutes sortes de dimensions intermédiaires : Valence (62,5 x 62,5 m), Apt (65 x 45 m), Vienne (80 x 75 m), Die (90 x 90 m), Genève (120 x 100 m), Bordeaux (125 x 140 m).

Le professeur André Laronde a tenté, en 1976, une restitution du réseau viaire de Grenoble en distinguant les axes repérés et les axes supposés d’après le tracé des rues du centre ville.

Ainsi voit-il un axe est ouest constitué par la rue Brocherie (ancienne Via Media) que prolonge le coté nord de la place aux Herbes et la rue du Palais et des axes nord sud conservés par la rue Renauldon, l’impasse et la rue Valbonnais poursuivis par la partie centrale de la Grande Rue, la rue Lafayette et le coté ouest de la place Sainte Claire.

Selon lui, ces axes étaient recoupés perpendiculairement par d’autres voies : actuelles rues Barnave, des Clercs et Jean Jacques Rousseau pour la partie comprise entre la rue Lafayette et la Grande Rue.

Des rues, aujourd’hui disparues, auraient pu prolonger les îlots ainsi formés qu’il évalue à 52 m sur 68 m environ. A cet égard, selon lui, la place aux Herbes  représenterait exactement le quart d’un îlot et remonterait donc à l’établissement même du plan urbain.

On notera avec intérêt que, postérieurement à l’étude d’André Laronde, un parcellaire orthogonal semble avoir été repéré à la périphérie est de la ville antique, place Notre Dame.

 

Les voies identifiées :

 

Rue du Président Carnot :

 

En 1895, lors des travaux de percement de la rue, on a découvert à 5 m de profondeur les traces d’une voie occupant l’ancienne rue de l’Ecu.

On ignore toutefois la nature du revêtement et la longueur du tronçon dégagé.

 

Place Sainte Claire :

 

Une coupe stratigraphique effectuée en 1906 par H. Müller à l’occasion de travaux a fait apparaître trois niveaux successifs de pavage :

 

-       le plus profond à 4,70 m : sans doute s’agissait-il de la même voie que celle découverte rue du Président Carnot

-       à 3 m de profondeur, un pavage intermédiaire

-       à 1 m de profondeur un troisième pavage dont l’antiquité n’est toutefois pas assurée.

 

Rue Philis de la Charce :

 

Mention d’un pavage en cailloux du Drac à 3,40 m de profondeur.

 

Rue de la République :

Pavage également en cailloux du Drac.

 

Grande Rue :

 

Le niveau antique n’a pas été repéré mais, dès le 3ème siècle, cette rue était l’axe naturel de circulation lorsqu’on entrait ou lorsque l’on sortait de la ville remparée par la Porte Jovia.

Il est à noter qu’au 11ème siècle, la Grande Rue est nommée « Via Vetus » (charte XLI du cartulaire B de Saint Hugues).

 

Place Notre Dame :

 

Dès le 3ème siècle lorsqu’on pénétrait dans la ville enclose par la Porte Herculea, l’actuelle place (anciennes rues Pérollerie et Sainte Claire) était l’axe normal de circulation, la voie se poursuivant ensuite par l’actuelle rue Président Carnot et la place Sainte Claire.

 

II – LES HABITATS IDENTIFIES :

 

Ne sont traités ici que les emplacements connus ou supposés d’habitat ; la décoration (fresques, mosaïques…) et les objets découverts sur les sites des habitats étant évoqués dans la 3ème partie de l’ouvrage.

 

a)   habitat intra muros :

 

8, 10 Grande Rue :

 

En 1880, sous la rue, on a mis au jour des restes de maçonnerie recouverts d’un enduit en tuileau, peut être habitat avec thermes (infra, chapitre VIII).

 

12 Grande Rue :

 

Vers 1880, on a découvert d’importantes substructions dans le sous sol.

 

15 Grande Rue :

 

Des fouilles de sauvetage en 1977 dans le sous sol de la boutique ont permis de rencontrer, à 1,40 m de profondeur, les niveaux gallo romains. L’abondance du matériel (non décrit mais daté des 1er et 2ème siècles) paraît indiquer un site d’habitat.

 

17 Grande Rue :

 

En 1906, dans la cour du bâtiment, découvert de nombreux fragments (céramique notamment) entre 2 et 3 m de profondeur. Un site d’habitat est vraisemblable.

 

3 place aux Herbes :

 

En 1871, à 3 m de profondeur, on a découvert un habitat ayant livré une mosaïque du 4ème siècle (infra, chapitre XV).

11 rue des Clercs :

 

En 1906, à 3 m de profondeur on a découvert de nombreux matériaux gallo romains d’un probable habitat.

 

Place de Gordes :

 

En 1914, des structures d’habitat ont été vues à l’occasion de l’ouverture d’une tranchée de tout à l’égout. En 1936, dans le même secteur, on a trouvé de nombreuses tuiles romaines.

 

12 rue Lafayette :

 

Dans les fondations d’une maison, un sol romain du 4ème siècle a été découvert à 3,50 m de profondeur.

 

Rue Valbonnais :

 

A l’occasion de travaux d’adduction d’eau on aurait découvert, à une date non précisée, un « mur romain très épais ». S’agit-il d’un habitat ?

 

Rue Bayard :

 

En 1809, à 5 m de profondeur, on a découvert les vestiges mobiliers d’un possible habitat.

 

1 rue Pierre Duclos :

 

Divers vestiges mentionnés par H. Müller dans les fondations d’une pharmacie font penser à un habitat.

 

3 place Sainte Claire :

 

Sol romain (habitat ?) retrouvé à 1,50 m de profondeur.

 

Place Sainte Claire :

 

Emplacement d’une demeure du haut empire avec peintures murales (infra, chapitre XVI).

 

1 rue Jean François Hache :

 

De nombreux vestiges mobiliers découverts en 1895 inclinent à penser à un habitat.

 

Rue Président Carnot :

 

A une date non précisée, on a trouvé des enduits peints (infra, chapitre XVI) et des coquilles d’huîtres d’un habitat sans doute aisé, peut être doté de thermes (infra, chapitre VIII).

 

Place Notre Dame :

 

Les fouilles conduites à compter de 1989 dans ce secteur ont, contre toute attente, révélé un habitat perdurant du 1er siècle avant notre ère au 3ème siècle de notre ère, détruit lors de l’érection de l’enceinte du bas empire. Cet habitat se présentait sous la forme d’un îlot régulier avec une ligne de façades orientées nord sud, déterminant autant de demeures à l’ouest et vraisemblablement une ruelle à l’est.

La phase la plus ancienne d’occupation montre un habitat primitif aux murs en terre construits sur des solins maçonnés avec toiture en chaume ou en bardeau (datation large : 186 à 54 avant notre ère) qui coexiste au 1er siècle de notre ère avec un bâtiment trapézoïdal dont la fonction est ignorée. Un second bâtiment, constitué d’une salle munie d’un sol en terrazo, longée par un couloir, est alors construit. Son édification, son occupation et sa destruction semblent s’être succédées entre le milieu du 1er siècle et une date difficile à préciser du courant du 2ème siècle.

Une troisième phase est déterminée par l’apparition à la charnière des 2ème et 3ème siècles d’un ensemble très lacunaire marqué par deux murs et un lambeau de sol. A partir du milieu du 3ème siècle, deux édifices supplémentaires (dont l’un se refermait par une exèdre) sont alors ajoutés au nord de l’ensemble. Ils sont détruits, ainsi que l’ensemble du bâti du secteur, lors de la construction de l’enceinte.

La datation d’un bâtiment établi dans la seconde moitié du 3ème siècle en façade de la rue traversant la Porte Viennoise pose problème ; elle est en effet trop imprécise pour déterminer si l’édifice est antérieur, contemporain ou même légèrement supérieur au rempart. Cependant, l’importance que lui confère sa situation topographique suggère qu’il aurait pu avoir un caractère public et appartenir au même programme d’aménagement de l’espace urbain.

 

Prolongement de la rue de la République :

 

En 1962, à 12 m au nord du rempart, on a mis au jour les restes d’une construction contenant une abside (tablinum ?) large de 1,65 m, profonde de 1,50 m, construite en « opus vittatum » et portant des traces de revêtement en mortier de tuileau avec deux niveaux de sols superposés distants de 0,35 m. La découvert d’un tuyau de plomb à l’est de l’abside a laissé penser à la proximité d’un bassin de péristyle de maison, voire à la présence de thermes (infra, chapitre VIII).

A l’est, un mur de même facture prolongeait celui de l’abside en s’incurvant vers le nord. Enfin, plus à l’est et à un niveau inférieur, donc plus ancien (début du 1er siècle ?) un autre mur rectiligne conservé sur 1,20 m de hauteur avec les fondations a été observé (fin du 1er, début du 2ème siècles).

 

Place Saint André :

 

La mise en place de conteneurs enterrés en 1999 a révélé, sous des niveaux gravement bouleversés par les enfouissements de réseaux, des dépôts de l’antiquité tardive. La succession de sols et de bâtiments recreusés par de multiples fosses rencontrée sur 1,50 m d’épaisseur n’a pas permis de remonter en deçà des 3ème et 4ème siècles. C’était ici la première fois que l’on recueillait des données stratigraphiques précises. On peut estimer, par extrapolation, que le terrain géologique ne se rencontre probablement pas à moins de 4 à 5 m de profondeur. Il s’agit là d’un remarquable potentiel archéologique puisque le sous sol de la place semble demeurer pour l’essentiel encore intact.

 

b)  habitat extra muros (rive gauche) :

 

Angle de la rue Guy Pape et du quai Stéphane Jay :

 

En 1889, de nombreux vestiges ont été exhumés (tuiles, chenets…) laissant penser à un habitat.

 

9 place Grenette :

 

Le sol gallo romain a été rencontré à 2 m de profondeur (habitat ?).

En 1999, la mise en place de conteneurs enterrés destinés à la récupération du verre a permis le relevé de coupes. S’y lisaient cependant plusieurs phases successives d’occupation gallo romaine caractérisées par des superpositions de sols et de murs, certains liés au mortier de tuileau. Ces vestiges, à l’extérieur de l’enceinte, appartiennent probablement à un quartier urbain abandonné lors de la construction de cette dernière à la fin du 3ème siècle.

 

Parking Philippeville :

 

Lors de la construction du parking on a découvert des peintures murales d’habitat (infra, chapitre XVI).

 

Rue Bressieux :

 

On a découvert une mosaïque d’habitat et des enduits peints (infra, chapitres XV et XVI).

 

3 rue de la République :

 

Avant 1930, on a découvert deux murs en petit appareil et des débris de mortier de tuileau.

 

Angle des rues Philis de la Charce et de la République :

 

Le sol gallo romain a été découvert à 0,30 m de profondeur.

 

26 rue Raoul Blanchard :

 

Sol gallo romain à 1,20 m de profondeur.

 

Angle des rues Expilly et Vicat :

 

En 1886, lors de la construction d’une maison, on a mis au jour un « énorme mur romain » accompagné de nombreuses tuiles.

 

Place Jean Achard :

 

V. Piraud fait état de « vastes bâtiments romains… tant vers la rue Vicat que vers le passage du Lycée ».

 

Ilot de l’ancienne halle :

 

Lors de la démolition de l’ancien couvent des Dominicains (ou des Jacobins) et de l’ancienne halle aux grains, H. Müller exerça de 1909 à 1913 une surveillance constante des lieux, établit des croquis et fit de nombreuses observations des structures et du matériel révélé. J. P. Jospin a repris en 1989 l’étude topographique globale du site.

Cet îlot formait un parallélogramme imparfait avec deux cotés de 65 et 63 m et deux plus petits de 60 et 45 m délimité par les rues de la République, Lafayette, Raoul Blanchard et Philis de la Charce.

Deux structures distinctes ont été notées vers l’angle des rues de la République et Philis de la Charce : à l’est une pièce de 5,50 m de coté qui devait appartenir à un bâtiment plus important. La partie supérieure des murs était constituée de galets liés par un mortier, jointoyés au fer pour lui donner l’aspect régulier d’un parement.

De l’autre coté d’un passage (ruelle ?), vestiges d’une pièce d’habitation qui devait se poursuivre sous la rue de la République et appartenir à un ensemble plus important du début du 2ème siècle.

Plus au sud encore, ont été découverts les restes d’une autre habitation, sans doute assez luxueuse car un mur peint a été reconnu. H. Müller avait, lors de son dégagement le 10 mars 1910 nommé cette demeure « la maison aux fresques ».

Au sud de l’îlot, un autre habitat parait avoir existé. Un sol en « terrazo signinum » est signalé.

L’occupation de ce quartier, commencée au début de l’époque augustéenne (30 à 10 avant notre ère) est en fait, à ce jour, l’un des plus anciens identifiés à Grenoble. Son occupation a duré jusqu’au 3ème siècle, du moins pour la partie ouest de l’îlot.

 

Parking Lafayette :

 

La construction de la « Maison du Tourisme » entre les rues de la République et Raoul Blanchard a été précédée d’une fouille de sauvetage conduite par M. Colardelle du 11 mars au 25 avril 1974.

Cette fouille, effectuée dans des conditions extrêmement difficiles, a révélé la présence d’un habitat ayant connu au moins trois phases successives.

A la plus ancienne, correspondent des salles en terre battue s’ouvrant sur une supposée cour.

Au second état, la maison est agrandie : certaines salles sont aménagées et la cour supprimée. A l’état le plus récent, une structure semi circulaire de pierres sèches est érigée dans l’une des salles.

L’étude stratigraphique a permis de proposer :

 

-       pour l’état 1, le début du 1er siècle

-       pour l’état 2, le milieu du 1er siècle

-       pour l’état 3, la seconde moitié du 1er siècle.

 

La destruction de ce bâtiment parait avoir résulté, avant la fin du 1er siècle, d’une probable inondation. Ensuite, du milieu à la fin du 2ème siècle, semble avoir eu lieu une phase de reconstruction : arasement, remblaiement des niveaux d’habitati et nouvelle phase d’occupation similaire à celle reconnue rue de la République, à l’époque où l’enceinte n’existait pas et où l’habitat s’étendait largement dans cette partie méridionale de la ville.

Par stratigraphie le niveau de cet habitat se raccorde avec celui découvert en 1962 lors du prolongement de la rue de la République (supra, habitat intra muros).

C’est la construction du rempart qui, de toute évidence, met fin à cette phase d’occupation.

 

c)   habitat extra muros (rive droite) :

 

La voie romaine de Grenoble à Vienne, après avoir contourné la colline portant la Tour Rabot, passait vers l’emplacement où Guy Pape édifia une demeure au 15ème siècle. En dessous de celle-ci, entre un vieux chemin et les escaliers qui forment un raccourci pour la route de Saint Martin le Vinoux, s’élève un grand mur supportant une terrasse qui servait de cour à une école primaire. De cette terrasse, on accède à un petit bois où, à la fin du 19ème siècle, se voyaient encore des vestiges importants étagés sur trois terrasses comportant des murs en petit appareil, des bassins, des voûtes en tuf. H. Müller y a vu, en outre, du ciment romain et, parsemés à la surface du sol, de nombreux vestiges de tuiles romaines.

Il s’agissait, selon toutes probabilités, d’une villa suburbana (où des vestiges récupérés sur celle-ci) sur laquelle Guy Pape aurait pu édifier sa maison vers le milieu du 15ème siècle.

 

III – SEDIMENTATION ET PROFONDEUR DU SOL GALLO ROMAIN :

 

On renverra, pour une étude détaillée de cet aspect du problème à A. de Montjoye (documents d’évaluation… 1990, pages 61 et 62).

 

On observera seulement que le sol gallo romain de Grenoble subsiste sous une sédimentation d’épaisseur extrêmement variable : de 0,30 m à près de 5 m !

 

Quelques exemples méritent d’être mentionnés :

 

-       0,30 m à l’angle des rues Philis de la Charce et de la République (observations antérieures à 1930),

-       1,20 m 26 rue Raoul Blanchard (avant 1930),

-       1,40 m 15 Grande Rue (1977),

-       1,50 m 3 place Sainte Claire (avant 1930),

-       2 m 9 place Grenette (avant 1930),

-       2,20 m place Saint André (1999),

-       3 m 3 place aux Herbes (1871),

-       3 m 11 rue des Clercs (1906),

-       3,50 m 12 rue Lafayette (avant 1930),

-       5 m rue Bayard (1809),

-       5 m rue Président Carnot (avant 1930),

-       5 m au parking Lafayette (1974).

 

Bibliographie sélective :

-       H. MULLER : les origines de Grenoble, 1930

-       V. PIRAUD : le site de Grenoble, ses rapports avec l’archéologie, SDEA, 24ème année, n° 182, 183 et 184, mars à mai 1948

-       Actes du 89ème congrès des sociétés savantes, Grenoble, 1964, pages 111 et ss

-       GALLIA, Informations archéologiques, 1964-2, page 525

-       V. CHOMEL (direction) : histoire de Grenoble, 1976, pages 27 à 30

-       Archéologie en Rhône Alpes, 1983-1984, page 41

-       B. DANGREAUX : les origines de Grenoble : l’état des connaissances, Cahiers d’Histoire, T XXXI, 1986-1

-       R. BEDON, R. CHEVALLIER et P. PINON : architecture et urbanisme en Gaule romaine, T 1, 1988, pages 5 et ss et 42

-       J. P. JOSPIN : Grenoble gallo romain. Nouvelles données de topographie historique : les fouilles d’H. Müller (1909-1913) sur l’îlot de l’ancienne halle, Art et Archéologie en Rhône Alpes n° 5, 1989

-       B. DANGREAUX : recherches sur les origines de Grenoble d’après l’étude du mobilier archéologique : la fouille du parking Lafayette, GALLIA T 46, 1989, pages 86 à 100

-       A. de MONTJOYE : documents d’évaluation du patrimoine archéologique des villes de France, Grenoble, 1990

-       Collectif : le patrimoine au jour le jour. Revue de presse Rhône Alpes, DRAC 1, 1991

-       DRAC Rhône Alpes, SRA : bilan scientifique, 1993, page 96

-       La Pierre et l’Ecrit : 1993-1994, page 210

-       CAG 38/1 : 1994, pages 72, 74 et 77 à 82

-       DRAC Rhône Alpes, SRA, bilan scientifique, 1995, page 109

-       La Pierre et l’Ecrit : 1995-1996, page 218

-       F. BAUCHERON, F. GABAYET et A. de MONTJOYE : autour du groupe épiscopal de Grenoble, deux millénaires d’histoire, 1998, pages 28 à 31

-       DRAC Rhône Alpes, SRA : bilan scientifique, 1999, pages 97 et 98

 

CHAPITRE XIII : EDIFICES NON INTERPRETES ET EDIFICES CONJECTURES :

 

a)   édifices non interprétés :

 

L’habitat trapézoïdal fouillé en 1992 place Notre Dame a déjà été dans le chapitre consacré à l’habitat (supra, chapitre XII). Il s’agit vraisemblablement d’un édifice public mais sa destination n’est pas connue.

 

Lors des fouilles des proches environs du complexe funéraire et religieux de Saint Laurent, un édifice de destination imprécise a été découvert place Saint Laurent. Il s’agit d’un bâtiment construit en petit appareil avec sol d’occupation sur un lit de mortier du bas empire. Il ne s’agit pas d’un bâtiment funéraire. S’agit-il alors de locaux annexes de l’ensemble religieux, peut être résidentiel (céramiques, déchets alimentaires…).

 

Les bâtiments annexés au rempart du bas empire et englobant la poterne de la Tour Viennoise pourraient être une salle d’enseignement ou un vestiaire). Les substructions de ces bâtiments sont visibles dans la salle du baptistère au Musée de l’ancien évêché.

 

b)  bâtiments conjecturés :

 

Outre l’emplacement probable de sanctuaires (supra, chapitre X), divers édifices publics sont conjecturés sans que pour autant rien ne soit venu jusqu’alors accréditer leur existence.

 

Divers édifices militaires sont en effet vraisemblables : casernements de la garnison, magasins, résidence du commandement militaire…

 

De même, on est assuré que Grenoble possédait un bâtiment de douane du « quarantième des Gaules » (supra, 1ère partie, inscriptions n° 39 et 40 et notice sur la quadragesima galliarum.

 

Il n’est pas interdit de penser que des bâtiments de prestige aient également existé : résidence du préfet du pagus, bâtiments des magistrats municipaux… (Supra, 1ère partie, inscriptions diverses).

 

Le préfet des Vigiles, Placidianus, aurait pu lors de son long séjour à Cularo (supra, 1ère partie, chapitre III) loger dans l’un des ces probables bâtiments municipaux ou officiels.

 

Des horrea fluviaux sont également conjecturés vers la rue Guy Pape (supra, chapitre IV).

 

Enfin, on peut imaginer les très nombreuses demeures, dont certaines sans doute assez luxueuses, de tous ceux qui nous sont connus par les inscriptions funéraires qui ont été conservées.

 

Bibliographie sélective :

 

-       J. B. MOREL : correspondance à l’Académie Delphinale, bulletin de l’Académie Delphinale, 1957, pages LVI à LVII

-       Collectif : Grenoble, traces d’histoire, collection les Patrimoines, 1997, page 6

 

 

CHAPITRE XIV : COLONNES, CHAPITEAUX ET PORTIQUES :

 

a)   colonnes :

 

1 - maison dite des Colonnes :

 

La demeure du 6 place Notre Dame est communément appelée « Maison des Colonnes » en raison des quatre colonnes (deux fois deux paires) qui en flanquent l’entrée. Cette maison fut construite en 1811 par François Claude Jayet avec les matériaux d’un édifice médiéval qu’il avait fait abattre car il menaçait ruine.

 

L’inscription qui surmontait la Porte Viennoise (supra, chapitre I) aurait été employée dans les fondations de cette demeure avec divers matériaux provenant de la porte elle-même et, notamment, une ou plusieurs colonnes antiques : au moins une selon la plupart des auteurs, deux selon A. Blanchet voire même les quatre selon P. Dreyfus.

 

Bibliographie :

 

-       J. J. A. PILOT : les maisons fortes du Dauphiné, sd

-       A. BLANCHET : les enceintes romaines de la Gaule, 1907, page 151

-       H. MULLER : les origines de Grenoble, 1930, pages 14 à 16

-       M. RIVIERE SESTIER : Grenoble secret, 1968, page 7

-       M. H. FOIX de MONTALAIS : les tours du quartier Notre Dame, le vieux Grenoble, ses pierres, son âme, 1968, T 2, pages 133 et 134

-       A. de MONTJOYE : documents d’évaluation du patrimoine archéologique des villes de France, Grenoble, 1990, page 17

-       P. DREYFUS : les rues de Grenoble, 1992, page 194

 

2 – colonnes de Saint Laurent :

 

La colonnade de Saint Oyand (infra, chapitre XX) comporte vingt colonnes dont seize originales. En calcaire, en brèche de vimine ou en conglomérat de Bourdeaux et en marbre blanc, elles passent pour des remplois antiques.

En ce cas, auraient-elles été prélevées sur une colonnade antique : rive droite ? rive gauche ? d’une autre provenance ?

 

Bibliographie :

 

-       R. et M. COLARDELLE : chapelle Saint Oyand, des Burgondes à Bayard 1000 ans de moyen âge, 1981-1984, notice 80, page 52

-       R. COLARDELLE : Grenoble aux premiers temps chrétiens, GAF n° 9, 1996, page 47

 

3 – autres colonnes :

 

Le 17 juillet 1950, lors de travaux effectués dans la cave de la boulangerie Arod, place Notre Dame, était découverte une base de colonne « corinthienne » de grande dimension laissant supposer qu’elle supportait une colonne d’au moins 6 m de hauteur.

 

Bibliographie :

 

-       P. JANIN : une intéressante découverte archéologique au cœur du vieux Grenoble, BSDEA, n° 200-202, avril, juin 1950, page 8

-       M. RIVIERE SESTIER : op. cit. page 18

-       A. de MONTJOYE : op. cit. page 17

 

En 1993, à l’occasion des fouilles faites devant la cathédrale Notre Dame, trois supports de base de colonne de grandes dimensions (0,50 x 1,18 x 0,35 m) ont été découverts.

 

-       DRAC Rhône Alpes, SRA, bilan scientifique, 1993, page 97

 

Des angles du baptistère pentagonal, cinq colonnes s’élevaient vers une architrave de bois ou de pierre constituant un ciborium. Au centre, une colonne supportait une vasque.

 

-       C. MAZARD : chronique des fouilles, la Pierre et l’Ecrit, 1992-1993, page 212 et 1993-1994, page 211

 

A la cathédrale Notre Dame, dans l’escalier assurant la desserte des étages supérieurs du clocher, quatre fûts de colonnes en brèche rose constituant le noyau de l’escalier « très semblables, y compris dans leurs dimensions à celles qui ornent la crypte Saint Laurent de Grenoble… ayant pu appartenir à l’antique groupe cathédral ». L’un de ces fragments est visible dans la salle du baptistère du Musée de l’ancien évêché.

 

-       F. BAUCHERON, F. GABAYET, A. de MONTJOYE : autour du groupe épiscopal de Grenoble, deux millénaires d’histoire, 1998, pages 182 et 183

 

b)  chapiteaux :

 

Pilot indique qu’à l’occasion des travaux d’installation d’un calorifère dans la cathédrale Notre Dame en 1862 on aurait découvert, avec un autel (supra, 1ère partie, chapitre V, inscription n° 8) « plusieurs chapiteaux romains ». On ignore ce qu’ils sont devenus.

 

-       J. J. A. PILOT : autel gallo romain trouvé dans les fondations de la cathédrale de Grenoble, BSSI, 1864, 2ème série, T VII, page 424

 

Dans les fouilles du groupe épiscopal on a exhumé :

 

-       un fragment de chapiteau en calcaire comportant voûte et corne de l’abaque

-       un chapiteau à décor de feuillage

-       un petit chapiteau de marbre blanc

 

L’un de ces chapiteaux est visible dans la salle du baptistère du Musée de l’ancien évêché.

 

-       F. BAUCHERON, F. GABAYET, A. de MONTJOYE : autour du groupe épiscopal de Grenoble, deux millénaires d’histoire, 1998, pages 50, 74 et 101

 

 

c)   portiques :

 

Place Notre Dame, sur le site d’habitat ayant perduré jusqu’à la fin du 2ème siècle ou au début du 3ème siècle, on a repéré l’emplacement d’un portique donnant sur une voie, d’une largeur d’environ 2,50 m. Les supports devaient être constitués de poteaux en bois.

 

Contemporains du baptistère et situés dans l’angle nord ouest de la cour épiscopale, des portiques desservant à la fois l’annexe nord du baptistère et d’autres bâtiments ont été identifiés en 1992.

 

-       F. BAUCHERON, F. GABAYET, A. de MONTJOYE : op. cit. pages 60, 73 et 74

 

CHAPITRE XV : MOSAIQUES

 

En 1871, à 3 m de profondeur, 3 place aux Herbes, on a découvert une mosaïque fragmentaire à canevas géométrique qu’H. Müller qualifiait de « grossière, de facture tardive ». Elle est conservée au musée dauphinois (n° 34.5783) et exposée au musée de l’ancien évêché (salles du 2ème étage).

 

Bibliographie :

 

-       H. MULLER : mes origines de Grenoble, 1930, page 26 et figure 7

-       E. CAILLEMER : découverte d’une mosaïque à Grenoble, Bulletin Monumental, T 38, 1872, pages 462 à 464

-       M. RIVIERE SESTIER : Grenoble secret, 1969, page 28

-       A. de MONTJOYE : op. cit. page 24

-       B. DANGREAUX : les origines de Grenoble, l’état des connaissances, 1986, page 16

-       CAG 38/1 : page 98

 

Une mosaïque fragmentaire polychrome (rouge, blanc, bleu) à canevas géométrique de carrés et d’hexagones décorés de fleurons et d’oiseaux aurait été d »couverte en 1872 « dans la propriété Thévenet, enfouie à 2,55 m de profondeur et ornant le sol d’une salle de 3,75 m de coté ».

L’ancienne demeure Thévenet étant également située place aux Herbes, cette mosaïque se confond-elle avec la précédente ou concerne t-elle une autre partie d’un même ensemble ?

 

-       E. CAILLEMER : notes pour servir l’archéologie du département de l’Isère, BSSI, 1875, pages 316 et 317

-       A. BLANCHET : les trésors de monnaies romaines et les invasions germaniques en Gaule, 1900, n° 253

-       CAG 38/1 : page 78

 

Des fragments de mosaïques conservés au musée dauphinois (n° 34-2814) sont enregistrés comme provenant de la rue Bressieux.

 

-       A. de MONTJOYE : op. cit. page 17

-       B. DANGREAUX : op. cit. page 14

-       CAG 38/1 : page 91

 

Sur la commune de la Tronche, un fragment de mosaïque a été découvert en 1808 en un lieu et dans des circonstances non précisées. Selon H. Müller, ce fragment aurait été déposé au « musée bibliothèque de Grenoble ».

 

-       H. MULLER : les origines de Grenoble, 1930, page 32

 

Il s’agit peut être de la mosaïque mentionnée par Pilot comme ayant été découverte à proximité des « bains » du chemin de la Viotte.

 

-       J. J. A. PILOT : les monuments du département de l’Isère, bulletin de l’Académie Delphinale, I, 1842-1845, page 66

 

Sur le site funéraire de Saint Laurent, on a mis au jour une mosaïque à tesselles en brique et en marbre blanc et noir présentant un décor géométrique de carrés et d’hexagones avec des fleurons centraux. Il s’agit d’une mosaïque funéraire unique en Gaule à ce jour (7ème siècle).

 

-       R. COLARDELLE : Grenoble aux premiers temps chrétiens : Saint Laurent et ses nécropoles, GAF n° 9, 1986, pages 43 à 45

 

Dans l’abside du baptistère (infra, chapitre XX), on a découvert les restes d’une mosaïque pariétale en pâte de verre rehaussée de feuille d’or qui pouvait orner le cul du four du presbyterium.

 

-       C. MAZARD : Chronique des fouilles, la Pierre et l’Ecrit, 1992-1993, page 212 et 1993-1994, page 209

 

 

CHAPITRE XVI : FRESQUES, ENDUITS PEINTS ET PEINTURES MURALES

 

Preuve que certaines des demeures étaient aménagées avec soin, sinon avec luxe, divers fragments de fresques et d’enduits peints ont été retrouvés à l’occasion de fouilles et certains même conservés.

 

Ilot de l’ancienne halle :

 

Fragments de fresques d’une demeure de qualité que H. Müller, lors de son dégagement, avait nommée « la maison aux fresques » (au Musée Dauphinois, n° 34-2874 à 34-2878).

Mur peint à fresques d’une autre habitation découverte dans le même îlot.

Sous l’immeuble de la « Banque Charpenay », rue du Lycée, en 1909, on a également découvert d’autres peintures murales (Musée Dauphinois n° 34-5585 à 34-5590).

 

-       J. P. JOSPIN : Grenoble gallo romain : nouvelles données de topographie historique. Les fouilles de H. Müller (1909-1913) sur l’îlot de l’ancienne halle, Art et Archéologie en Rhône Alpes n° 5, 1989, page 11 et Archéologia n° 335, juin 1997, pages 21 et 24

 

Rue Président Carnot :

 

« Des enduits peints ».

 

-       H. MULLER : les origines de Grenoble, 1930, page 26

 

Rue Bressieux :

 

Fragments d’enduits peints découverts dans des circonstances non relatées. Au Musée Dauphinois (n° 34-2873).

 

-       A. de MONTJOYE : op. cit. page 17

-       CAG 38/1 : page 91

 

Dans les fouilles de la rue de la République en 1962 :

 

Des « débris de fresques » et « des plaques d’enduits muraux décorés à fresque ».

 

-       GALLIA XXII, 1964-2, page 525

-       Actes du 89ème congrès des sociétés savantes, page 110

-       A. BOCQUET : de Cularo à Gratianopolis, 4 siècles d’histoire, le vieux Grenoble, ses pierres, son âme, T 2, 1968, page 256

 

Dans les fouilles du parking Lafayette en 1974 :

 

On a observé « de nombreuses traces d’enduits peints dont certaines du troisième style pompéien pour lequel le terminus ante quem proposé est proche de la fin de la première moitié du 1er siècle de notre ère ».

 

-       B. DANGREAUX : recherches sur les origines de Grenoble d’après l’étude du mobilier archéologique. La fouille du parking Lafayette, GALLIA, T 46, 1989, pages 74, 76, 78 et 93

 

Dans un habitat à l’emplacement de l’actuel parking Philippeville :

 

« Des peintures murales ».

 

-       B. DANGREAUX : les origines de Grenoble, l’état des connaissances, 1986, page 14

 

A Saint Laurent :

 

Dans « l’édifice rectangulaire » (infra, chapitre XX) l’intérieur d’une niche voûtée et sa partie est portent un enduit décoré de registres peints et, au centre, sous la niche et dans son axe, un canthare dont la forme rappelle celle des décors des tailloirs de Saint Oyand (8ème siècle ?).

 

-       R. COLARDELLE : op. cit. pages 43 et 44

 

A l’emplacement de l’ancien cloître, un mausolée en caveau complet découvert en 1990 conservait des peintures murales du 4ème siècle.

 

-       C. MAZARD : chronique des fouilles, la Pierre et l’Ecrit, 1991, page 238

-       F. LONTCHO : Saint Laurent de Grenoble, le monde des morts, Archéologie Nouvelle n° 3, février 1994, page 57

 

Place Sainte Claire :

 

Lors des fouilles préalables à la construction de la ligne de tramway en 1989, on a découvert une peinture murale du haut empire provenant d’une maison romaine : panneau à décor végétal (buissons, fleurs stylisées), enduits en fragments naturels des 1er et 2ème siècles. Celle-ci est aujourd’hui exposée au Musée de l’ancien évêché.

 

CHAPITRE XVII : ARTISANAT

 

1 – Ateliers de fondeurs ou de bronziers :

 

26 rue Raoul Blanchard :

 

Lors du creusement des fondations d’une maison en 1909, le sol gallo romain a été reconnu à 1,20 m de profondeur. A un niveau non précisé sont apparus, sur une superficie supérieure à 10 m2, de nombreux fragments de bronze et de résidus de fonderie attestant selon toute vraisemblance de la présence d’un atelier de fondeur.

 

-       H. MULLER : les origines de Grenoble, 1930, page 30

-       M. COLARDELLE : sépulture et traditions funéraires du Ve au XIIIe siècles après J. C. dans les campagnes des Alpes françaises du nord, 1983, page 214

-       A. de MONTJOYE : documents d’évaluation du patrimoine des villes de France, Grenoble, 1990, page 19

-       CAG 38/1 : page 82

 

Rue Président Carnot :

 

H. Müller aurait observé un atelier de bronzier.

 

-       A. de MONTJOYE : op. cit. page 18

 

3 place Sainte Claire :

 

Un autre atelier de bronzier est supposé.

 

-       H. MULLER : op. cit. page 39

-       A. de MONTJOYE : op. cit. page 19

 

Place Notre Dame :

 

Les « vestiges d’un atelier de fondeur » auraient également été onservés.

 

-       V. CHOMEL (direction) : Histoire de Grenoble, 1976, page 27

 

2 – Atelier de foulon ?

 

Sous la maison située 2 rue Président Carnot, un bassin recouvert de mortier de tuileau pourrait se rapporter à un atelier de foulon.

 

-       A. de MONTJOYE : op. cit. page 19

-       CAG 38/1 : page 82

 

3 – Silos

 

En août 1983, à hauteur des numéros 4, 6 et 8 de la rue Saint Laurent, on a mis au jour de grands silos circulaires en mortier de tuileau (2ème siècle ?) laissant supposer qu’il y ait pu avoir sur la rive droite de l’Isère des entrepôts (fluviaux ?).

 

-       Archéologie en Rhône Alpes, 10 ans de recherches, 1983-1984, pages 41 et 42

 

4 – Fosses à chaux et fours à chaux :

 

4, 6, 8 rue Saint Laurent :

 

Les silos mentionnés ci avant peuvent avoir servi ultérieurement à leur première destination de fosses à chaux, témoignage possible d’une exploitation des calcaires du Mont Rachais. Après leur abandon, ces fosses furent recouvertes par des sépultures du 4ème siècle (infra, chapitre XIX).

 

-       R. COLARDELLE : Grenoble aux premiers temps chrétiens, GAF n° 9, 1986, page 27

-       A. de MONTJOYE : op. cit. pages 16 et 20

-       CAG 38/1 : page 82

 

A la Tronche, « propriété Perrin » :

 

H. Müller signale un four à chaux des 2ème et 3ème siècles.

 

-       H. MULLER : op. cit. page 32

-       CAG 38/1 : page 170

 

5 – Atelier de potier ?

 

L’originalité du mobilier céramique recueilli dans les fouilles du parking Lafayette en 1974 a conduit B. Dangreaux à suggérer l’existence d’un lieu de production, sinon dans la ville même, du moins proche d’elle.

 

-       B. DANGREAUX : recherches sur les origines de Grenoble… op. cit. pages 86, 89 et 94

 

 

CHAPITRE XVIII : CARRIERES DE PIERRE

 

Les carrières de pierre qui avoisinent Grenoble semblent, pour la plupart, avoir été exploitées dès l’époque romaine.

 

A l’Echaillon, on a retrouvé des traces de la carrière primitive avec les coins servant à extraire la pierre et des blocs à moitié détachés.

 

Les carrières du Quai de France, de la Porte de France et des pentes du Rabot auraient été utilisées lors de la construction de l’enceinte et pour un certain nombre d’inscriptions funéraires en cippes.

 

Les carrières des Balmes de Fontaine et de Sassenage auraient également été utilisées (lauzes de sépultures, stèles…).

 

Bibliographie :

 

-       F. PERRIN DULAC : description générale du département de l’Isère, T 1, 1806, pages 137 et ss

-       A. GRAS : notice sur les matériaux employés dans la construction des anciens monuments de Grenoble, BSSI, 2ème série, 1854, page 209

-       A. PRUDHOMME : Histoire de Grenoble, 1888, page 16

-       D. JALABERT : études sur les carrières de pierre de la Porte de France à Grenoble et autres carrières locales, BSDEA, 45ème année, n° 401, 402, 403, octobre à décembre 1969, pages 85 à 111

-       J. DEBELMAS : les anciennes carrières de Grenoble et de ses environs immédiats, Revue de Géographie Alpine, T 66, 1990, pages 11 à 21

-       J. P. JOSPIN : la vallée de l’Isère à l’époque gallo romaine, Archeologia n° 335, juin 1997, page 21

 

 

CHAPITRE XIX : LES NECROPOLES

 

1 – Nécropoles de la rive droite de l’Isère :

 

C’est sur cette rive, en contre haut de la rivière et près de la voie romaine qu’étaient établies les nécropoles principales de la ville romaine.

On en recense ainsi huit ou neuf présentées ici d’ouest en est.

 

a)    chemin de Saint Martin le Vinoux :

 

En un endroit non précisé autrement que part la seule mention « chemin de Saint Martin le Vinoux », H. Müller indique que, lors de travaux d’élargissement dudit chemin des tombes ont été découvertes ». Il les mentionne comme « mal datées », ajoutant qu’il les croit « un peu antérieures à César ». Aucun matériel n’est décrit.

 

-       H. MULLER : les origines de Grenoble, 1930, page 19

-       A. de MONTJOYE : documents d’évaluation du patrimoine archéologique des villes de France, Grenoble, 1990, page 20

-       CAG 38/1 : page 84

 

Les nécropoles suivantes (b à h), organisées le long des voies d’accès à la ville conformément à l’usage antique, s’échelonnent sur près de 2,5 km de longueur, constituant une sorte de « banlieue sacrée ». La principale de ces nécropoles est celle de Saint Laurent, encadrée de deux aires d’inhumations l’une au sud ouest près de Sainte Marie d’en Haut, l’autre au nord Ouest dite de Saint Sixte. Sur la commune actuelle de la Tronche, face à la boucle de l’Isère, se trouvent Saint Ferjus et, plus au nord, la « Villa Belledonne ».

 

b)   nécropole de Saint Antoine :

 

Le 23 janvier 1777 furent découverts « dans les vignes des Dames religieuses de la Visitation de Sainte Marie d’en Haut » sept tombeaux antiques et huit fragments de l’épitaphe paléochrétienne dite de Cassianus (supra, 1ère partie, chapitre V, inscription n° X2).

Cette découverte peut être localisée près du carrefour de la rue Maurice Gignoux et du chemin conduisant à la cité universitaire du Rabot, c'est-à-dire le long de la voie romaine de Vienne.

C’est probablement à proximité que, plus tard, fut construite la chapelle Saint Antoine figurée sur un plan de la première moitié du 16ème siècle. Il n’est pas impossible qu’elle ait succédé à un mausolée ou un oratoire primitif.

La description des vestiges, chacun avec sa sépulture, fait état de cinq tombes en coffres (une de lauzes, une de tuf et trois en pierre de plâtre), une sous tuile et une en maçonnerie. Ces sépultures sont datées d’une période comprise entre les 5ème et 7ème siècles.

 

-       Lettre écrite à une dame par M. Vallet, ancien lieutenant de police à Grenoble, sur les sept tombeaux antiques qui ont été découverts à Grenoble le 23 janvier 1777 dans les vignes des dames religieuses de la Visitation de Sainte Marie d’en Haut, les Affiches, annonces et avis du Dauphiné des 7, 14 et 21 février 1777.

-       J. J. CHAMPOLLION FIGEAC : antiquités de Grenoble, 1807, page 38

-       J. J. A. PILOT : notice sur les anciens cimetières de Grenoble, BSSI, 1854

-       F. de VILLENOISY : les tombes romaines de Sainte Marie d’en Haut, BSDEA, 1896, pages 243 à 255

-       R. COLARDELLE : Grenoble aux premiers temps chrétiens, GAF n° 9, 1986, page 18

-       A. de MONTJOYE : op. cit. page 25

-       CAG 38/1 : pages 82 et 83

 

c)    nécropole des 4, 6, 8 rue Saint Laurent :

 

En 1983, dans les niveaux surmontant les fours à chaux antiques (supra, chapitre XVII) furent mises au jour une vingtaine de sépultures en coffres de bois ou de tegulae et une sépulture d’enfant en amphore, toutes datées du bas empire.

Peu éloignée de la nécropole Saint Laurent (ci après), on serait tenté d’y voir une excroissance mais il s’agit peut être d’une nécropole distincte.

 

-       R. COLARDELLE : op. cit. pages 27 et 29

-       A. de MONTJOYE : op. cit. pages 20 et 25

-       J. F. RAYNAUD et alii : édifices funéraires et nécropoles dans les Alpes et la vallée du Rhône, 1989, page 1481

-       CAG 38/1 : page 83

 

d)   nécropole Saint Laurent :

 

C’est la principale des nécropoles de Grenoble du bas empire au moyen âge.

Dès 1803, le site attirait l’attention grâce à l’église Saint Laurent et sa crypte (infra, les édifices chrétiens).

En 1851, au moins trois inscriptions paléochrétiennes y furent découvertes (supra, , 1ère partie, chapitre V, inscriptions X3 et ss).

Les découvertes de tombes sont plus récentes et débutent en 1935, époque ou furent mises au jour « sur les pentes du Mont Rachais » deux tombeaux en pierre, une douzaine de tombes en coffres ou sous tuiles et un fragment d’inscription ».

On doit aux travaux de R. Girard entre 1959 et 1972 et surtout à ceux de R. Colardelle de 1978 à aujourd’hui l’essentiel de la grande connaissance que l’on a désormais du site exceptionnel de Saint Laurent. On s’en tiendra ici aux seuls éléments funéraires.

En l’état actuel de la recherche, ont été découverts sous l’église Saint Laurent sept mausolées funéraires des 3ème et 4ème siècles, de nombreux sarcophages monolithiques, des tombes en coffres, des tombes sous tuiles en bâtière…

Toutes ces sépultures couvrent une large période : du 3ème au 7ème siècles.

 

A l’est de la cour de l’ancien cloître des bénédictins, d’autres sépultures ont été Edécouvertes : tombe en coffre de bois de 4ème et 5ème siècles et tombes du haut moyen âge en coffres de bois ou en pleine terre.

 

Bibliographie sélective :

 

-       J. J. A PILOT : notice sur les anciens cimetières de Grenoble, BSSI, 1854

-       L. ROYER : les fouilles d’un cimetière découvert près de Saint Laurent de Grenobel, BSDEA, 29, 1936, pages 98 et 99

-       R. GIRARD : fouilles à Saint Laurent de Grenoble : rapport provisoire, 89ème congrès national des sociétés savantes, 1965, pages 367 à 369

-       GALLIA 24, 1966, pages 509 à 511 et 29, 1971, pages 427 et 428

-       R. GIRARD : la crypte de l’église Saint Laurent de Grenoble, congrès archéologique de France, 1972, pages 243 à 263

-       GALLIA 31, 1973, pages 530 et 531

-       GALLIA 40, 1982, pages 399 et 400

-       R. COLARDELLE : GAF n° 9, 1986

-       C. MAZARD : chronique des fouilles, la Pierre et l’Ecrit, 1990, pages 248 et 249, 1992-1993, page 213, 1993-1994, pages 212 à 214, 1994-1995, pages 240 à 242

-       CAG 38/1 : page 83

 

e)    nécropole de la Porte Saint Laurent :

 

A pue de distance de la nécropole Saint Laurent et à l’est de celle-ci s’étendait une autre nécropole dont les premières découvertes remontent à 1898.

H. Müller mentionne « au pied des vignes, à la hauteur du pavillon de l’octroi » « trois tombes en coffres de tegulae avec des fragments de poterie ».

En 1970, les terrassements préliminaires à la construction d’un bâtiment scolaire ont mis au jour des fragments d’os humains et de tegulae appartenant à cette même nécropole.

 

-       H. MULLER : rapport au nom de la commission des fouilles : tombes champdoniennes de la Porte Saint Laurent à Grenoble, BSDEA T 6, 1899, pages 77 et 78

-       L. ROYER : les fouilles d’un cimetière près de Saint Laurent de Grenoble, BSDEA, 1935, n° 72, page 2

-       M. et R. COLARDELLE : la nécropole paléochrétienne de Saint Sixte et la topographie chrétienne de Grenoble, 108ème congrès national des sociétés savantes, 1983, page 138 et note 23

-       CAG 38/1 : page 83

 

f)     nécropole de Saint Sixte :

 

A l’est de Saint Laurent, près du ruisseau du Rivallet formant limite entre Grenoble et la Tronche, sur un rocher dominant l’Isère au flanc sud est du Mont Rachais, la nécropole de Saint Sixte a été repérée pour la première fois le 28 février 1909 par H. Müller qui devait découvrir, par sondage sur le site, « des sarcophages en pierre de Beaucaire ». Ce sondage resta sans suite.

Le 28 mars 1935 on devait découvrir fortuitement deux nouveaux sarcophages monolithes et des fouilles organisées devaient dégager dix sept sépultures.

En avril 1936, la construction d’un chalet entraîna la mise au jour de trois nouveaux sarcophages.

 

La synthèse des différentes découvertes aboutit à :

 

-       17 sarcophages monolithiques avec couvercle, taillés dans du calcaire blanc et présentant, le plus souvent, un plan trapézoïdal sans alvéole céphaloïde (7ème et 8ème siècles),

-       3 tombes en coffres de tegulae (5ème au 7ème siècles),

-       Un fragment d’épitaphe remployé en couvercle (supra, 1ère partie, chapitre V, inscription X 8).

 

-       L. ROYER : op. cit. page 3. M. et R. COLARDELLE : la nécropole paléochrétienne de Saint Sixte, op. cit. pages 131 à 142. J. C. MICHEL : Isère gallo romaine, T 1, 1985, page 73. A. de MONTJOYE : op. cit. page 24. CAG 38/1, pages 83 et 84

 

g)   nécropole Saint Ferréol (la Tronche) :

 

Au cimetière « Saint Ferjus » (la Tronche), à l’intérieur et autour de l’ancienne église détruite en 1862, à plusieurs reprises des tombes anciennes ont été découvertes. Ainsi, lors du creusement de caveaux, des sarcophages en 1855, 1876 et 1900 un sarcophage et des tombes maçonnées en 1920.

En 1862, dans les fondations de la sacristie de la nouvelle église Saint Ferjus « un cercueil en plâtre des 5ème, 6ème siècles » aurait été découvert.

Contrairement aux autres nécropoles suburbaines, on est assez mal renseigné pour Saint Ferréol sur l’importance réelle des découvertes qui y ont été faites.

Tout au plus est-on assuré des quatre sarcophages monolithes trouvés fin avril 1900 et de sépultures en murettes et en briques, de moellons et de dalles (dont le nombre n’est pas connu). C’est dans l’une de ces sépultures que fut trouvée l’inscription paléochrétienne dite de Populonia (supra, 1ère partie, chapitre V, inscription n° X 9).

 

-       H. MULLER : sarcophages et tombes champdoliennes trouvées à la Tronche, BSDEA, 1900, pages 74 à 77 ; les origines de Grenoble, 1930, page 33

-       P. THEVENON : sarcophages et tombes champdoliennes trouvés à la Tronche dans le cimetière. Note sans date dans dossier manuscrit, 1947 (BMG R 90-773)

-       M. COLARDELLE : sépulture et traditions funéraires du Ve au XIIIe siècles après J. C. dans les campagnes des Alpes françaises du nord, 1983, pages 219 et 220

-       R. et M. COLARDELLE : la nécropole paléochrétienne de Saint Sixte, op. cit. page 139

-       Archéologie chez vous n° 3, notice 81, page 22

-       J. C. MICHEL : op. cit. page 73

-       CAG 38/1 : page 170

 

h)   nécropole de la « Villa Belledonne » (la Tronche) :

 

Au lieudit « Villa Belledonne », au  nord est du cimetière de Saint Ferjus, près du chemin du Pont Trouiller, à l’occasion de travaux une importante nécropole gallo romaine du bas empire (3ème, 4ème siècles) fut découverte en juin 1947 à environ 2,80 m de profondeur. Le nombre de sépultures parait avoir été relativement important : 40 selon P. Thevenon, une centaine selon M. Colardelle, accompagnées d’un mobilier funéraire caractéristique (céramiques, verreries, bracelets, bagues…)

 

-       P. THEVENON : découverte d’un cimetière gallo romain Villa Belledonne à la Tronche, dossier manuscrit 1947 (BMG R 90773)

-       Le Dauphiné Libéré du 1er septembre 1947

-       Le Travailleur Alpin du 5 novembre 1947

-       M. COLARDELLE : sépulture… op. cit. pages 219 et 220

-       J. C. MICHEL : Isère gallo romaine I, 1985, page 73

-       CAG 38/1 : page 170

 

i)     chemin de la Viotte à la Tronche :

 

Dans un clos signalé comme « proche de Saint Ferjus » ( ?) on devait découvrir dans la première moitié du 19ème siècle avec diverses constructions (thermes ?) deux urnes cinéraires en terre cuite, une urne en marbre et quelques tombeaux dont un en marbre blanc. S’agissait-il d’une nécropole ?

 

-       J. J. A. PILOT : les monuments du département de l’Isère, bulletin de l’Académie Delphinale, I, 1842-1845, page 66 et précis statistique des antiquités du département de l’Isère, BSSI, 3, 1843, page 123

-       CAG 38/1 : page 170  

 

2 – Nécropoles de la rive gauche de l’Isère :

 

j)     nécropole de la rue Saint Jacques :

 

Pilot situe une nécropole antique vers la rue Saint Jacques actuelle, sur le tracé de la voie romaine qui, au sortir de la Porte Romaine, partait en direction de l’Italie.

Le type de tombes et la date de la découverte ne sont pas autrement précisés.

 

-       J. J. A. PILOT : notice sur les anciens cimetières de Grenoble, BSSI, 1854

-       A. de MONTJOYE : op. cit. page 25

-       CAG 38/1 : page 84

 

k)    nécropole de la rue de la République :

 

Des tombes auraient été découvertes sous l’immeuble « Pax ». S’agit-il d’une nécropole ?

 

-       J. P. JOSPIN : Grenoble gallo romain. Nouvelles données de topographie historique : les fouilles de H. Müller (193-1913) sur l’îlot de l’ancienne halle, Art et Archéologie en Rhône Alpes, 5, 1989, pages 12 et 13

 

l)     nécropole de l’ancien palais épiscopal :

 

Les fouilles de l’ancien évêché, place Notre Dame, conduites à compter de 1991 ont révélé sous l’aile nord de l’hôtel épiscopal les sépultures groupées d’une nécropole gallo romaine tardive (4ème, 6ème siècles).

C’est à compter du 4ème siècle que semblent avoir été établies, sur une étroite banquette de terrain entre l’enceinte romaine et son fossé, des sépultures dont une quinzaine en coffres de tuiles avec des fragments de verre et de la céramique DSP.

D’autres sépultures, plus nombreuses et de même nature, ont été dégagées non loin des substructions de la Porte Viennoise. Ces inhumations chrétiennes, à la fois hors les murs conformément à l’usage romain et si proche cependant du premier ensemble cathédral paraissent illustrer une étape intermédiaire entre les pratiques héritées de l’antiquité et celles de la sépulture ad sanctos qui tendent à s’imposer au cours du haut moyen âge. 

 

-       C. MAZARD : chronique des fouilles, la Pierre et l’Ecrit, 1990, page 243, 1991, pages 234 et 235, 1992-1993, page 209, 1993-1994, pages 208 et 209, 1994-1995, pages 239 et 240, 1995-1996, pages 218 et 219

-       M. COLARDELLE et E. VERDEL : en attendant le jugement dernier, archéologie funéraire dans les Alpes du paganisme gallo romain au christianisme médiéval, 1995, n° 30 et figue 10

-       F. BAUCHERON, F. GABAYET, A. de MONTJOYE : autour du groupe cathédral de Grenoble, deux millénaires d’histoire, 1998, pages 106 à 117

 

3 – Sépultures isolées :

 

A la jonction de la Grande Rue et de la place Saint André, H. Müller signale la découverte, à l’occasion de la construction d’un immeuble, d’un sarcophage d’enfant, monolithique en pierre blanche.

 

-       H. MULLER : les origines de Grenoble, 1930, pages 9 et 10

 

« Dans les vignes du chemin Saint Jean », sur les limites de Grenoble et de la Tronche mais sur cette dernière, on a découvert des tegulae ayant pu être utilisées comme sépultures.

 

-       H. MULLER : sarcophages et tombes… op. cit. page 74

-       M. COLARDELLE : sépulture… op. cit. page 220

 

 

CHAPITRE XX – LES EDIFICES CHRETIENS

 

J’ai longuement hésité à entreprendre un tel chapitre qui justifierait largement un ouvrage spécifique tant est abondante la matière.

Trop parler des témoins majeurs de l’histoire paléochrétienne de Grenoble eut été dévier des limites imparties à l’ouvrage. Ne point en parler du tout eut constitué une lacune grave.

J’ai donc choisi une demi mesure.

La thèse de Mme Colardelle sur le site cultuel et funéraire de Saint Laurent faisant le tour de la question, on se contentera donc ici d’une brève synthèse.

De même, eu égard à la remarquable publication du résultat des fouilles conduites de 1989 à 1995 place Notre Dame ayant notamment permis la découverte du baptistère jusqu’alors conjecturé, une courte synthèse de ce travail collectif sera simplement présentée.

 

1 – Le groupe cathédral et le baptistère paléochrétiens :

 

On sait que le groupe cathédral occupe l’emplacement d’un modeste quartier urbain des 2ème et 3ème siècles, représenté par une ligne de façades d’orientation nord sud déterminant autant de maison à l’ouest, bordées vraisemblablement par une ruelle à l’est (supra, chapitre XII).

 

Cet îlot parait avoir été détruit lors de l’édification de l’enceinte du bas empire à la fin du 3ème siècle.

Peu après, dans le courant du 4ème siècle (vers 340-350 ?) apparaissent les premiers bâtiments d’une communauté chrétienne structurée.

On sait par ailleurs que la première mention d’un évêque de Grenoble, Domnin (Domninus) apparaît en 381 lors du concile réuni à Aquilée par l’empereur Gratien. Le dispositif de cathédrale double, conservé au moyen âge par l’accolement l’une à l’autre des églises Notre Dame et Saint Hugues parait remonter au 4ème siècle.

A cette époque sont édifiés deux corps de bâtiments disposés en équerre, emplacés dans le coude prononcé de l’enceinte, à l’est de la Porte Viennoise. Le bâtiment nord, adossé au rempart en avant d’une poterne de l’enceinte, s’articule à l’ouest avec un second bâtiment se développant parallèlement à un axe important de circulation (decumanus ?).

 

C’est semble t-il au cours du 5ème siècle que le groupe épiscopal acquiert sa forme définitive. Le plan des bâtiments du 4ème siècle parait avoir été conservé mais avec un élargissement du bâtiment ouest s’appuyant au sud sur un baptistère octogonal de proportions modestes, muni en son centre d’une cuve de marbre blanc.

L’angle rentrant formé par les bâtiments annexes est alors complété par une galerie ouverte reposant sur un portique monumental qui ceinture un espace en forme d’atrium. Le pavement est formé par une alternance de bandes en dalles calcaires et de bandes en carreaux de céramique rouge.

Dans le même temps, semble t-il, le baptistère ne cesse d’être l’objet de transformations dont la nature et la répétition pourraient traduire à la fois les évolutions de la liturgie chrétienne du baptême et celles du cadre, sans doute ostentatoire, que les évêques de la cité ont voulu lui donner.

 

Ainsi, le baptistère est-il orienté par l’adjonction d’une première abside. Un système d’adduction sous pression amène l’eau au centre de la cuve par un tuyau de plomb. Dès ce moment et jusqu’à la destruction du baptistère semble alors garantie la prescription recommandant l’usage de l’eau vive en référence au baptême du Christ dans le Jourdain. A cet égard, de tous les baptistères découverts en France (Poitiers, Riez, Aix en Provence, Fréjus, Nevers, Lyon…) celui de Grenoble parait unique.

 

Trois absides sont ensuite ajoutées sur les faces du baptistère qui en étaient jusqu’alors dépourvues. Quadrilobé à l’intérieur, il s’inscrit désormais dans un plan en croix à l’extérieur, ces agrandissements sacrifiant alors les salles annexes initiales. Dans le même temps, le fond de la cuve est rehaussé et ses parois sont enduites d’un mortier rose, cependant qu’un nouveau dispositif d’adduction d’eau remplace le système primitif.

 

D’ultimes transformations sont ensuite apportées à la fois à l’édifice et à la cuve et deux pièces d’angle, également ouvertes sur le baptistère, sont ajoutées de part et d’autre de l’abside est.

 

L’octogone primitif est alors réduit à un pentagone irrégulier comportant, à chacun de ses angles, une colonne s’élevant vers une architrave constituant un ciborium. Une marche de 15 cm de hauteur permet de descendre plus aisément dans la cuve.

 

La découverte dans l’abside est de plusieurs centaines de tesselles en pâte de verre colorée à la feuille d’or évoque la richesse de la mosaïque pariétale ornant le cul de four du presbyterium, lieu où officiait l’évêque. Plusieurs dizaines de fragments de tabletterie en os, en ivoire et en bois de cerfs, ornés de décors sculptés géométriques et de scènes figurées renseignent sur la somptuosité évidente du mobilier liturgique.

 

C’est à l’occasion des fouilles de sauvetage préalables à la construction de la seconde ligne de tramway, place Notre Dame, que ce baptistère a été découvert au cours du printemps et de l’été 1989 par F. Baucheron puis peu à peu dégagé jusqu’en 1992-1993.

 

L’intérêt des vestiges découverts – les différents états du baptistère paléochrétien et de ses annexes mais aussi une portion du rempart gallo romain et des éléments de la Porte Viennoise – a entraîné leur conservation et leur classement au titre des monuments historiques en date du 5 décembre 1994.  

 

L’aménagement d’une crypte archéologique permet la mise en valeur de cet ensemble et sa présentation aux visiteurs depuis le 5 février 1999.

 

Le groupe épiscopal semble avoir acquis sa forme définitive au 5ème siècle, formé de deux églises accolées traduisant un dispositif de cathédrale double à l’instar de ceux existants dans la proche région à Lyon et à Genève ou, plus loin, à Trêves.

 

Des deux vocables primitifs, Saint Vincent (qui deviendra ultérieurement Saint Hugues) et Sainte Marie, le premier est le plus ancien : il pourrait avoir été adopté dès le 5ème siècle, époque où commença à se répandre la dévotion pour le martyr de Saragosse.

Le mur septentrional de Saint Vincent n’est d’ailleurs autre que le rempart romain, au nord est de l’emplacement de la Porte Viennoise.

 

Malgré la chute de l’empire et les périodes troublées qui suivirent, les bâtiments cathédraux et le baptistère semblent avoir perduré jusqu’à la fin de l’époque carolingienne. Puis, pour des raisons que nous ignorons, le baptistère fut rasé (10ème, 11ème siècles) et un cimetière fut implanté sur lui, face à l’entrée de Notre Dame.

 

Bibliographie sélective :

 

L’ouvrage de référence sur ce sujet est désormais celui de :

 

-       F. BAUCHERON, F. GABAYET et A. de MONTJOYE : autour du groupe épiscopal de Grenoble, deux millénaires d’histoire, DARA, 1998

 

Mais on pourra également consulter :

 

-       L. BASSETTE : la cathédrale Notre Dame et l’église Saint Hugues de Grenoble, 1936

-       B. BLIGNY (direction) : Histoire des diocèses de France, Grenoble, 1976

-       R. COLARDELLE : Grenoble aux premiers temps chrétiens, GAF n° 9, 1986n pages 12 à 16

-       A. de MONTJOYE : documents d’évaluation du patrimoine archéologique des villes de France, Grenoble, 1990, page 24

-       E. CHATEL : étude sur les portes de l’enceinte gallo romaine de Grenoble d’après deux dessins du XVIe siècle, Cahiers archéologiques, 38, 1990, pages 22 et 23

-       N. DUVAL et alii : naissance des arts chrétiens. Atlas des monuments paléochrétiens de la France, 1991, pages 57 et ss

-       C. MAZARD : chronique des fouilles, la Pierre et l’Ecrit, 1990, pages 244 et 245, 1991, pages 236 et 237, 1992-1993, page 209, 1993-1994, pages 209 à 211

-       DRAC Rhône Alpes, SRA, bilan scientifique 1991, pages 67 et 68, 1992, pages 80 à 82, 1993, pages 96 et 97

-       F. LONTCHO : Grenoble à la recherche de ses premiers monuments chrétiens, Archéologie Nouvelle n° 3, février 1994, page 60

-       CAG 38/1 : pages 74 et 75

-       D. CHANCEL : le groupe cathédral de Grenoble et la place Notre Dame du cardinal Le Camus à la révolution, la Pierre et l’Ecrit, 1995-1996, pages 97 à 99, 115 et 124

-       Collectif : Grenoble, traces d’histoire, collection les patrimoines, 1997, page 9

-       GALLIA Informations, 1996, page 107

-       K. FLEURY ALCARAZ : l’exceptionnel baptistère de Grenoble, Archéologia n° 355, avril 1999, pages 4 et 5  

 

2 – Saint  Laurent :

 

En raison de l’intérêt archéologique porté depuis deux siècles à la « crypte Saint Oyand », Saint Laurent est sans doute l’ensemble monumental le plus célèbre de Grenoble. C’est désormais aussi le mieux connu grâce aux fouilles extrêmement complètes conduites durant près de vingt ans par Renée Colardelle.

 

C’est un excellent exemple de la création, sur le site d’une nécropole suburbaine du bas empire, d’une basilique funéraire au plan complexe, modifiée à plusieurs reprises, qui laissera ensuite la place à une église priorale puis paroissiale.

 

On se contentera ici de rappeler la chronologie probable des édifices qui se sont succédés sur l’emplacement de l’actuelle église Saint Laurent et de faire état des dernières découvertes.

 

Chronologie :

 

-       1er et 2ème siècles : présence d’un édifice rectangulaire gallo romain, à l’emplacement de l’actuel rocher, situé vraisemblablement le long de la voie de Grenoble à Chambéry. Un pavement de grandes dalles calcaires a été retrouvé. Il montre le grand soin apporté à la construction de ce bâtiment dont la destination reste toutefois inconnue.

-       3ème et 4ème siècles : plusieurs mausolées sont construits (sept au total ont été retrouvés) et la fonction de la nécropole est alors bien attestée. Une basilique funéraire de plan carré est également édifiée.

-       5ème siècle : une grande salle rectangulaire vient s’accoler au mausolée ouest selon un axe nord sud. Elle contient de nombreux sarcophages. Elle contient de nombreux sarcophages. Elle perdurera et sera recouverte de peintures murales aux 8ème et 9ème siècles.

-       6ème et 7ème siècles : construction d’une église cruciforme, de plan centré, dont les trois branches orientales comportent chacune trois absides en forme de trèfle. Autour d’un espace carré de 10 m de coté, elle développe un plan en croix grecque. Cet édifice, lorsqu’il était en élévation, comportait plusieurs niveaux. Neuf absides de cette période, de même module, ont été identifiées.

Saint Oyand fait partie des petites chapelles ainsi construites. C’est du reste la branche orientale de l’église cruciforme. Connu par des textes du 11ème siècle, Saint Oyand se rapporte à un moine du Jura, Eugendus (vers 450-515) qui connut à l’époque mérovingienne une certaine vénération dans la région.

 

-       8ème et 9ème siècles : réaménagement (ou reconstruction ?) de la chapelle Saint Oyand qui utilise un quart de l’église précédente. Elle reçoit alors un décor et une ordonnance monumentale. Des colonnes antiques sont réutilisées. Les tailloirs sont l’un des fleurons de l’art carolingien. On construit également un double escalier dans le bâtiment ouest.

-       En 1012 est citée l’église Saint Laurent, date à laquelle l’évêque Humbert d’Albon donne ses ruines aux bénédictins de Saint Chaffre qui édifient un prieuré. Au siècle suivant un cloître est accolé à l’église. Ce prieuré subsiste jusqu’en 1683 et Saint Laurent devient alors une simple paroisse. Le cloître est détruit mais son emplacement continuera à être utilisé comme cimetière jusqu’en 1793, comme il l’avait été 17 siècles auparavant.

 

Découvertes récentes :

 

Parmi les découvertes les plus significatives, on peut citer :

 

-       de nouveaux mausolées des 3ème et 4ème siècles dont l’un est conservé jusqu’à la voûte et orné de fresques,

-       un système de chapelles et d’escaliers d’accès à une crypte située sous le clocher,

-       un mur de clôture du cimetière primitif du bas empire,

-       la mise en évidence d’un mausolée de type hypogée, très arasé, sous Saint Oyand, dont les matériaux de construction ont été récupérés lors de la construction de Saint Oyand.

 

Il est à noter que la découverte de caveaux de mausolées, avec leurs peintures dans un exceptionnel état de conservation, est chose unique en Gaule. Mais ceci est bien à l’image d’un site qui, jusqu’alors, est sans doute le plus complet et le plus original dans sa continuité archéologique de toute l’Europe.

 

Bibliographie sélective :

 

Saint Laurent (et notamment jusqu’à une époque récente la crypte Saint Oyand) a donné lieu à une bibliographie très importante. Celle présentée ici n’est que synthétique.

 

-       J. J. CHAMPOLLION FIGEAC : dissertation sur un monument souterrain existant à Grenoble, 1803

-       A. de CAUMONT : rapport sur une excursion à Grenoble, Bulletin Monumental, 3ème série, T IV, 1858, pages 306 à 314

-       J. J. A. PILOT : notice sur l’église Saint Laurent de Grenoble, 1864

-       P. DAVID : les monastères du diocèse de Grenoble à l’époque mérovingiennes : Saint Laurent de Grenoble et Notre Dame de Vizille, 1930, pages 1 à 15 ; l’oratoire mérovingien de Saint Oyand, 1931 ; vie de Saint Oyand, 1936 ; l’église de Saint Laurent de Grenoble et l’oratoire de Saint Oyand, 1937

-       J. HUBERT : date de la crypte de Saint Laurent de Grenoble, Bulletin de la société nouvelle des antiquaires de France, 1952, pages 64 à 68 ; les fouilles de Saint Laurent de Grenoble, ibid, 1963, pages 135 à 137

-       R. GIRARD : la crypte de Saint Laurent de Grenoble, Cahiers d’histoire, VI, 2, 1961, pages 155 à 164 ; fouilles à Saint Laurent de Grenoble, campagnes de 1960 à 1964, 89ème congrès national des sociétés savantes, section archéologie, 1964, pages 347 à 369

-       M. Le GLAY : informations archéologiques, GALLIA T XXII, 1964, page 526, T XXIV, 1966, pages 509 à 511, T XXXI, 1973, pages 530 0 (« é

-       R. GIRARD : la crypte de l’église Saint Laurent de Grenoble, Congrès archéologique du Dauphiné, 1974, pages 243 à 263 ; l’église et la crypte de Saint Laurent de Grenoble, 1977

-       J. HUBERT : la « crypte » de Saint Laurent de Grenoble et l’art du sud est de la Gaule au début de l’époque carolingienne, Arts et vie sociale de la fin du monde antique au moyen âge, 1977, pages 361 à 370

-       E. CHATEL : recueil général des monuments sculptés en France pendant le haut moyen âge (IVe-Xe siècles) : Isère, Savoie, Haute Savoie, 1981, pages 7 à 23

-       R. COLARDELLE, C. BONNET, M. COLARDELLE, J. F. REYNAUD : Saint Laurent de Grenoble : nouveaux résultats des fouilles. Mélanges d’archéologie et d’histoire médiévales en l’honneur du doyen de Boüard, 1982, pages 49 à 64

-       J. LASFARGUES : Informations archéologiques, GALLIA, T XXXX, 1982, pages 399 à 400

-       M. COLARDELLE : sépulture et traditions funéraires du Ve au XIIIe siècles après J. C. dans les campagnes des Alpes françiases du nord, 1983, pages 219, 229 et 382

-       R. et M. COLARDELLE, A. de MONTJOYE : Grenoble (Isère) : la découverte d’un riche passé, dossiers de l’archéologie n° 78, 1983, pages 68 à 71

-       R. et M. COLARDELLE : la nécropole de Saint Sixte et la topographie chrétienne de Grenoble, Actes du congrès national des sociétés savantes, 1983, pages 131 à 142

-       Collectif : des Burgondes à Bayard, mille ans de moyen âge, 1984, page 52 ; premiers temps chrétiens en Gaule méridionale, antiquité tardive et haut moyen âge, IIIe – VIIIe siècles, notices 164 à 172, pages 89 et 90

-       R. COLARDELLE : Grenoble aux premiers temps chrétiens, GAF n° 9, 1986

-       A. de MONTJOYE : documents d’évaluation du patrimoine des villes de France, Grenoble, 1990, page 24

-       R. COLARDELLE : rapport de recherche 1978-1990, 4 volumes 

-       Collectif : de Lascaux au grand Louvre, archéologie et histoire en France, 1991, pages 524, 525 et 536

-       C. MAZARD : chronique des fouilles, la Pierre et l’Ecrit, 1990, pages 248 et 249, 1991, pages 237 et 238, 1992-1993, pages 212 à 214, 1993-1994, pages 212 à 214

-       F. LONTCHO : Saint Laurent de Grenoble : le monde des morts, Archéologie nouvelle n° 3, février 1994, pages 56 à 63

-       CAG 38/1 : pages 75 à 78

-       R. COLARDELLE : Saint Laurent de Grenoble, fouille programmée, la Pierre et l’Ecrit, 1994-1995, pages 240 à 242

-       R. COLARDELLE : Saint Laurent de Grenoble, 2000 ans de tradition funéraire, 2008

 

3 – Autres édifices :

 

Il est hautement probable que d’autres édifices de culte aient été édifiés à l’intérieur de la ville ou à sa périphérie au cours du haut moyen âge. Deux d’entre eux méritent d’être évoqués : Saint Jean et Saint Pierre.

 

-       église Saint Jean : elle était située sur l’actuelle place Saint André. Mentionnée dans le troisième cartulaire de Saint Hugues, elle fut détruite au cours des guerres de religion. Le creusement d’une canalisation dans le prolongement de la Grande Rue à la fin du 19ème siècle a mis au jour quelques substructions correspondant au chevet et des sépultures qui, malheureusement, n’ont pas été décrites. En 2005, lors des travaux de rénovation du dallage de la place l’église est réapparue momentanément.

-       Eglise Saint Pierre : elle est également mentionnée dans le cartulaire de Saint Hugues mais son emplacement n’est pas connu précisément. On sait seulement qu’elle était établie hors les murs de la Porte Romaine. Faut-il y voir un témoin de la christianisation de l’hypothétique nécropole du bas empire évoquée par Pilot ? (supra, chapitre précédent).

 

En raison de leur vocable, grande est la tentation de faire remonter l’origine de ces deux édifices aux premiers temps de l’église de Grenoble.

 

-       J. MARION : les cartulaires de l’église cathédrale de Grenoble dits cartulaires de Saint Hugues, 1869

-       G. VALLIER : l’église Saint Jean à Grenoble, Mélanges dauphinois, 1887

-       A. de MONTJOYE : op. cit. pages 22, 27 et 29

-       J. C. MICHEL : l’église Saint Jean de Vif des origines au 12ème siècle, bulletin des AVG n° 38, 1996, pages 4 à 16

 

 

CHAPITRE XXI – LES ACCES A LA VILLE ET LES VOIES ROMAINES

 

Cularo, on l’a vu, est citée dans deux itinéraires antiques, la Table de Peutinger et l’Anonyme de Ravenne (supra, 1ère partie, chapitre IV, 3) comme station de la voie romaine de Vienne à l’Italie par le Montgenèvre.

 

Au-delà de cette voie, au demeurant l’une des plus importantes de l’antiquité et dont les origines remontent au moins à la protohistoire, d’autres axes secondaires, chemins gaulois utilisant les lignes de faîte, voies romaines mettant à profit vastes plaines, larges couloirs fluviaux et vallées alpines, font de Grenoble un carrefour antique significatif.

 

Au moins huit de ces voies ont été repérées.

 

1 – la voie de Vienne à l’Italie :

 

Elle traversait Cularo où elle pénétrait par la Porte Viennoise (la direction de Vienne) et d’où elle sortait par la Porte Romaine (la direction de Rome).

 

Un érudit local, J. B. Morel s’est même interrogé à cet égard sur la fonction accessoire d’indicateur routier que les inscriptions monumentales apposées sur les deux portes auraient pu avoir ! En effet, dans une administration aussi formaliste et hiérarchisée que l’était l’administration romaine, les voies principales de communication étaient du privilège direct des empereurs comme l’un des ressorts vitaux de leur sécurité.

 

Le premier segment de la Table de Peutinger relatif à la Gaule mentione sur cette voie huit stations entre Vienne et le Montgenèvre : (Vigenna), Turecionno, Morginno, Culabone, Catorissium, Mellosedo, Durotinco, Stabatione, (in Alpe Cotia).

L’anonyme de Ravenne mentionne une station supplémentaire entre Culabone et Catorissium : Fines.

 

a)    itinéraire de Grenoble à Vienne :

 

S’il est bien un point sur lequel – et le fait n’est pas si courant – se sont accordés tous les auteurs c’est sur cette partie de l’axe routier.

 

Empruntant, du fait d’une topographie imposée par la nature, un chemin sans doute de très haute origine, la voie romaine quittait Cularo au débouché du pont sur l’Isère, se poursuivait par l’actuelle montée Chalemont et le chemin du Fort Rabot, passait près de la demeure de Guy Pape et rejoignait le territoire de l’actuelle commune de Saint Martin le Vinoux. En ce lieu, l’exploitation de carrières a défiguré le paysage ancien, mêm si la tradition locale a toujours conservé le souvenir de la « voie romaine ». C’était en effet le seul accès possible en direction de Vienne, l’Isère venant alors affleurer la base de la colline à l’emplacement actuel du quai et de la Porte de France dont la voirie ne fut établie qu’au début du 17ème siècle.

 

Mais cette voie a encore été parfois utilisée postérieurement au tracé inférieur. Ainsi, en 1724 « … l’Isère n’a point de lit fixe, principalement dans la partie de Grenoble jusqu’au dessous de Moirans… Le grand chemin de Grenoble à Lyon risque d’être emporté… ce qui obligera de chercher le grand chemin dans la montagne… » (ADI IIc 815, 52).

 

Des carrières, la voie se poursuivait sur le coteau vers le cimetière et l’église de Saint Martin le Vinoux, suivait à l’horizontale le chemin du Canet puis le chemin de l’église, rejoignant alors le Souchet et le franchissant à Pique Pierre. De là, elle gagnait la Buisserate au bas des pentes, sans doute derrière le château de la Balme.

 

Revenue au niveau de la plaine au bas du Néron, la voie se continuait par le quartier de la Maladière, la ferme de Fiancey et le hameau du Muret dont le mur du château la borde encore. Elle passait sans doute ensuite le long des flancs du Néron jusqu’à la Monta. De là et jusqu’à Voreppe, l’itinéraire suivait strictement les contreforts de la Chartreuse, passant à Rocheplaine, au Fontanil (croix de chemin), à Saint Vincent du Plâtre et au Chevallon. Sur ce segment elle est encore très lisible.

 

L’importance de la voie est soulignée par l’occupation, à but apparemment militaire, de certaines hauteurs la surplombant tels le Néron (supra, chapitre II) ou le rocher de Cornillon.

 

De l’église du Chevallon par le « chemin vieux », la voie passait au « Bourg Vieux » de Voreppe et se dirigeait au quartier des Balmes de la Buisse. Sur ce tronçon elle portait, au moyen âge, le nom de « chemin des Chevaliers ».

 

Au-delà d’une fabrique de matériaux de construction elle se confond actuellement sur 500 mètres environ avec la route moderne qu’elle quitte ensuite sur la droite pour devenir un chemin d’élévation qui conduit au cœur même de la Buisse.

 

De là jusqu’à Moirans, la route actuelle semble avoir recouvert l’ancien tracé par Saint Jean de Moirans, la voie est encore très discernable au Bois du Four sur la commune de Charnècles : Ri Dolon (pont d’origine antique ?), sources cultuelles du Rochat, Tréfond, les Etrats (Via strata ?), Mercuel…

 

A Izeaux était vraisemblablement situé originellement l’un des rares milliaires conservés de cette voie.

 

« Imp(eratori) caes(ari) / Fl(avio) Vale(erio) / Constantino / P(io) f(elici) / Aug(usta) … (CIL XII, 5508).

 

Ce milliaire sert aujourd’hui de support de bénitier dans l’église de Saint Paul d’Izeaux.

 

On n’insistera pas sur la suite de l’itinéraire qui, par Turecionno (Tourdan) gagnait Vienne.

 

b)   de Grenoble au Montgenèvre :

 

Sortant de Cularo par la Porte Romaine, la voie suivait l’actuelle rue Saint Jacques et se dirigeait par l’ancien chemin du même nom vers la commanderie d’Echirolles.

 

De là, on peut la situer à l’oratoire de Bresson puis sur le plateau de Haute Jarrie qu’elle joignait par le chemin encore appelé « chemin ferré ».

 

Elle se continuait par la Croix de la Vue, Cornage, les Mattons et passait à l’emplacement du cimetière de Vizille sur le site duquel sera fondé en 726 le monastère Sainte Marie de Viceria qu’un peu plus de dix ans après le Patrice d’Abon unira à l’abbaye de la Novalaise dans le Val de Suse.

 

Au-delà de Vizille, la voie se poursuivait par Fines (lieudit actuel Lavorant à l’est de Livet), Catorissium (Bourg d’Oisans ou la Garde), Mellosedo (Mont de Lans ou Mizoën), Durotinco (Villard d’Arène), Stabatione (Monétier les Bains), Brigantione (Briançon)) pour atteindre In Alpe Cottia (le col du Montgenèvre).

 

Bien qu’étudiée par des dizaines et des dizaines d’auteurs, la voie romaine de l’Oisans est toujours aussi mal connue et même certains de ses vestiges les plus probants (Rochetaillée, porte de Bons) remis périodiquement en question.

 

Il ne s’agit pas ici de s’aventurer sur le terrain ô combien difficile de la voie romaine de l’Oisans dans son secteur le plus controversé, Fines – Stabatione. J’ai par ailleurs tenté cet exercice périlleux et la bibliographie sélective placée à la fin de ce chapitre donne, pour qui le souhaite, les principales références en la matière.

 

2 – la voie de Grenoble à Chambéry (rive droite de l’Isère) :

 

Selon D. Van Berchem il s’agirait de la route primitive de Vienne au col du Petit Saint Bernard mentionnée par Strabon.

 

Sortant de Cularo par la Porte Viennoise, cette voie traversait l’Isère sur le pont primitif et passait probablement, comme semble l’indiquer la morphologie du terrain, au dessus de l’actuelle rue Saint Laurent et à l’est du clocher de l’église.

 

Bordée de nécropoles, selon l’habitude antique, elle est identifiable par celles-ci : Saint Laurent, Porte Saint Laurent, Saint Sixte, Saint Ferjus (supra, chapitre XIX). Cette voie doit être assez profondément enfouie, probablement un peu plus bas qu’à l’entrée de l’église médiévale. Dans certaines de ses sections la voie est encore nommée « chemin de l’empereur » en souvenir dit Pilot d’Aurélien qui l’aurait fait réparer et élargir en plusieurs endroits vers 273.

 

Elle est encore identifiable en maints endroits : Montfleury (croix), Saint Martin de Montbonnot, Charvinières (Saint Ismier), la Grande Vie (Crolles), la croix de Saint Aupré (Montfort), Pouliot sur Lumbin (milliaire anépigraphe ?), la Terrasse (sanctuaire à Mercure), Saint Vincent de Mercuze (trésors), la Buissière, Chapareillan (traces exhumées au lieudit significatif l’Etraz, Via Strata), Saint Martin et Chambéry (Lemencum).

 

3 – la voie de la rive gauche de l’Isère :

 

C’est celle qu’aurait suivie Hannibal en 218 avant notre ère de Valence à Cularo et à Pontcharra (supra, 1ère partie, chapitre IV).

 

a)    de Valentia à Cularo :

 

Selon toutes probabilités, la voie longeait l’Isère sur l’essentiel de son parcours comme le fait aujourd’hui la RN 532. Elle passait à Saint Just de Claix, non loin de l’oppidum dit des « Quatre Têtes », au confluent de l’Isère et de la Bourne (Ventia ?), puis à Village Vieux, à Saint Romans, à Beauvoir en Royans où le site de l’ancien château delphinal laisse présumer, en contrebas, la voie médiévale qui, vraisemblablement ici comme ailleurs ne devait être autre que la voie romaine. Traversant  Izeron, elle devait ensuite gagner Rovon (les Charrets) puis Saint Gervais, la Rivière (la Charrière) et Saint Quentin sur Isère.

 

De là, par un tracé problématique, elle devait gagner Veurey non par la route côtière actuelle mais en franchissant le Bec de l’Echaillon par le Replat, la Crête et la chapelle Saint Ours. De là, elle devait redescendre par le chemin pavé subsistant sur Veurey.

 

De Veurey, par Noyarey, Sassenage, Fontaine et Seyssinait Pariset, elle tendait vers Cularo. L’aboutissement de cette voie n’est pas identifié : S. Lancel pense que, du temps d’Hannibal, un gué existait sur le Drac vers Comboire.

 

b)   de Cularo à Pontcharra :

 

Le tracé de cette seconde voie du Grésivaudan est moins aisé à définir que celui de la rive droite de l’Isère. C’est néanmoins l’axe suivi par Hannibal selon la majeure partie des auteurs qui se sont penchés sur le mythique itinéraire.

Une proposition de tracé peut être suggérée à partir des indices toponymiques et de certains vestiges archéologiques : Saint Martin d’Hères (chemin du Pavé), Gières (Vie Vieille), Domène (les Quatre Chemins), Le Versoud (chemin de la Charrière), Froges (lieudits Constantin et Mazeretières), le Champ près Froges (la Grande Vie), la Pierre (le Ferrat), Goncelin (traces de chaussée ?) et Pontcharra.

 

4 – la voie dite de Munatius Plancus :

 

C’est sans doute la voie principale du Trièves et aussi la plus ancienne assurément. Tite Live dit qu’une piste existait déjà au 3ème siècle avant notre ère. C’est ce chemin que parcourt Munatius Plancus en 43 avant notre ère (sur ces évènements et sur le tracé global, supra chapitre V).

 

Selon toutes probabilités, après avoir franchi le Drac sur un gué soit à l’emplacement du Pont de Claix, soit vers le « Saut du Moine », la voie suivait la vallée de la Gresse jusqu’à Vif puis gagnait Monestier de Clermont et le col du Fau qui semble avoir été un carrefour de voies antiques et où des vestiges remontant à la protohistoire ont été récemment observés.

 

De là, par Saint Michel les Portes, Clelles, le Percy et Saint Maurice en Trièves, la voie gagnait le col de la Croix Haute et, au-delà, Sisteron, Riez et Fréjus.

 

5 – la voie de Grenoble à Gap par la Matheysine :

 

Au sortir de Grenoble, cette voie empruntait la grande voie de l’Italie qu’elle quittait pour franchir la Romanche soit vers l’emplacement de l’ancien pont de Champ, soit un peu avant Vizille. Par Saint Pierre de Mésage, elle gagnait le plateau de Laffrey et Pierre Châtel. Puis, par les Josserands, la Fayolle, les Thénaux, Sersigaud, Tors, Pontcharra et le plateau du Païon elle arrivait au pied du calvaire de la Mure où son tracé est encore évident.

De la Mure (probable vicus, voire même chef lieu des Tricorii), la voie se dédoublait. L’axe principal se poursuivait par Pré Sabot, la Croix, les Rampes (où un tronçon pavé subsiste toujours), Pont Haut (emplacement de pont romain), les terrasses, les Méarotz, la Salle, Corps (ou Pellafol où des traces de pont sur le Drac ont jadis été relevées), Chauffayer, Saint Bonnet, Forest Saint Julien (Geminae ?) et Gap.

 

Un axe secondaire joignait la Mure à Mens par les Saguettes, Cognet (pont romain sur le Drac ?), Saint Jean d’Hérans (relais routier ?) et le col Accarias.

 

Enfin, un axe antérieur à l’époque romaine allait de la Mure à Bourg d’Oisans par Valbonnais, le Périer, Chantelouve et le col d’Ornon (supra, 1ère partie, chapitre III).

 

6 – la voie de Grenoble à Mens :

 

Le nom même du Trièves semble provenir de « trievos », les trois voies. Mais, en dépit de cette évidence toponymique, le point reste controversé. Si la voie du Trièves (ou les voies) n’ont pas connu autant de recherches passionnées que la voie de l’Oisans, il n’en demeure pas moins que nombre d’auteurs ont travaillé sur le sujet et que divers trajets sont envisageables.

 

Même si en l’état actuel de la recherche Mens n’a toujours pas livré des preuves tangibles d’une occupation à l’époque romaine, il semble avéré qu’une voie existait entre Grenoble et Mens.

 

Jusqu’à Vif, son tracé devait être celui de la voie principale du Trièves suivie par Munatius Plancus (ci avant, 4). Mais l’on sait qu’il existait également un tracé parallèle évitant Grenoble lorsqu’on arrivait par la rive gauche de l’Isère (ci avant, 3a). De Seyssinet, en effet, une voie gagnait Seyssins puis montait au col de Cossey ou de Comboire où son tracé est encore bien marqué. De là, elle traversait le territoire de Claix et gagnait Varces où son emplacement a été retrouvé à diverses reprises et notamment lors des fouilles récente du site de l’Achard.

 

Reprenant à Varces le tracé principal, la voie se poursuivait sur Vif. Elle devait ensuite bifurquer sur Saint Martin de la Cluse, Avignonet, Sinard et Monestier de Clermont. Elle franchissait l’Ebron à Roissard par un pont et gagnait Lavars. Ces deux dernières localités sont de haute origine puisqu’elles sont cités dans le testament du patrice d’Abon daté de 739.

 

De Lavars, la voie devait rejoindre Mens par Cornillon en Trièves.

 

Au-delà de Mens, elle se dirigeait sur le col de la Croix Haute par Mas Martinet (traces de voie), Prébois, Toucheboeuf (gué sur l’Ebron) et Saint Maurice en Trièves.

 

Egalement de Mens, est supposée une voie secondaire qui, par Cornillon en Trièves, Villarnet, Mayres Savel (pont sur le Drac à Savel ?), Marcieu et Roac gagnait la station thermale de la Motte Saint Martin. Cette dernière localité pouvait être reliée à Grenoble par une voie joignant Avignonet (emplacement de pont connu sur le Drac) puis Vif.

 

Prudhomme admettait implicitement l’existence de cette voie puisqu’il pensait que « les riches gallo romains de Cularo fréquentaient les thermes d’Uriage et ceux de la Motte Saint Martin ».

 

7 – la voie de Cularo à Dea Augusta :

 

Très vieille piste, devenue voie romaine avant d’être, jusqu’au 19ème siècle, le Grand Chemin de Die à Grenoble. Cet axe direct représentait une distance inférieure à 70 km mais, pour cela, devait franchir des cols et traverser les hauts plateaux du Vercors.

 

De Grenoble au col du Fau, son tracé était, selon toute évidence, celui de la voie principale du Trièves. Du col du Fau elle devait gagner Saint Michel les Portes, Gresse (citée dans le testament d’Abon de 739), la Bâtie de Gresse et le Pas de la Selle où subsistent sur près de 30 m de longueur peu avant le Pas les traces d’une voie antique taillée dans le rocher.

 

De là, la voie se poursuivait par la vallée de la Queyrie (carrières romaines), le Pas de Chabrinel, les Gravelles et Romeyer d’où elle gagnait Die.

 

8 – l’Avia Publica ou Voie du Vercors :

 

Un chemin de grande communication, d’origine non établie, existait entre Grenoble et le Vercors. Ce chemin est nommé « Avia Publica » dans les textes médiévaux. S’agit-il d’une Via Publica antique ?

 

F. Camoin le fait passer à Sassenage puis aux Côtes où des traces de voie ont été observées, à Engins (Laliarey, le Fournel, les Merciers), à Lans (l’Olette, le Peuil), à Villard de Lans (Villevieille, les Lombards, l’Essarton, la Font de la Meya), à Corrençon (les Martins, la Fleur du Roy).

 

De là, il se serait poursuivi par le Pas de l’Ane et Saint Martin en Vercors (dhemin de la Pia, corruption probable de Via).

 

Bibliographie sélective : 

 

Sur l’ensemble des voies évoquées :

 

-       S. GRAS : les voies romaines du Dauphiné, Revue du Dauphiné, 1, 1837, pages 268 et ss

-       G. BARRUOL : les peuples préromains du sud est de la Gaule, étude de géographie historique, 1969, pages 71, 77, 280 et 296

-       A. LARONDE : les voies de communication à travers les Alpes Occidentales dans l’antiquité romaine, Information régionale n° 16, 1974, pages 1 à 18

-       J. MAZOUYES : maladreries et lépreux de l’ancienne province du Dauphiné, thèse 1980

-       J. C. MAICHEL : Isère gallo romaine, I, 1985 (avec cartes)

-       CAG 38/1, 1994

-       J. C. MICHEL : les voies romaines dans le présent site Internet

 

Sur la voie de Vienne à Cularo :

 

-       G. CHAPOTAT : contribution à l’étude de la préhistoire et de la protohistoire dans la région viennoise, II : la croisée de Vienne, 1959

-       P. BISCH : rétrospectives sur la plaine de Bièvre, BSDEA, 1961, pages 119 à 126

-       R. TRUC : la voie romaine entre Grenoble et Vienne, Information régionale, 16, 1974, pages 1 à 17

-       J. BURDY : promenades archéologiques autour de Lugdunum, II, 1979, pages 52 et 53

-       P. CHANARON : Charnècles à travers les siècles, 1980, pages 14 à 20

-       J. C. MICHEL : la borne milliaire de Saint Paul d’Izeaux, Archéologie chez vous n° 5, 1986, notice 30, page 12

-       J. P. MOYNE : la période gallo romaine, Archéologie chez vous n° 10, 1992, page 23

 

Sur la voie de Cularo à Montgenèvre (voie dite de l’Oisans) :

 

-       S. GRAS : notice sur les restes de voies romaines qui existent dans l’Oisans, BSSI, I, 1839, pages 105 et ss

-       J. H. ROUSSILLON : guide du voyageur dans l’Oisans, 1854, pages 91, 92, 119 et 120

-       F. VALENTIN : la voie romaine de l’Oisans, bulletin de l’Académie Delphinale, 1877, pages 263 à 304

-       J. BAYLE : le massif des Grandes Rousses, 1880

-       E. CHABRAND : la Porte et la voie romaine de Mont de Lans, BSDEA, 7, 1900, pages

-       H. FERRAND : la voie romaine de l’Oisans, BSSI, 1913, pages 129 à 146

-       E. THEVENOT : la station de Fines et les limites du pays des Uceni, Revue d’Etudes Anciennes, 44, 1942, pages 248 et ss

-       H. BLET : la voie romaine de l’Oisans, BSDEA, 1949, pages 40 à 43

-       J. C. MICHEL : Vieux chemins, seconde promenade, bulletin des AVG n° 13, juin 1984, pages 45 à 53

-       P. L. ROUSSET : Au pays de la Meije, 1992, pages 111 à 138

-       M. C. BAILLY MAITRE et J. BRUNO DUPRAZ : Brandes en Oisans, DARA n° 9, 1994, pages 28 à 30

-       R. CHEVALLIER : les voies romaines, 1997, pages 212 et 213

-       J. C. MICHEL et alii : la voie romaine de l’Oisans, 2005

 

Sur les voies du Grésivaudan (rives gauche et droite de l’Isère) :

 

-       J. J. A. PILOT : sur un édit d’Aurélien et le chemin de l’empereur dans la vallée du Grésivaudan, BSSI, 6, 1861, pages 437 à 442

-       A. PRUDHOMME : Histoire de Grenoble, 1888, page 17

-       J. SESTIER : le tramway Grenoble – Chapareillan et la vallée du Grésivaudan, rive droite de l’Isère, 1900

-       B. COLOMBAN : richesses archéologiques du canton du Touvet (inventaire), TER Université de Grenoble, 1974

-       D. VAN BERCHEM : observations sur le réseau routier des Allobroges, Bulletin de la Société Nouvelle des Antiquaires de France, 1976, pages 137 à 146

-       J. BRUNO : le Grésivaudan, toponymie et peuplement d’une vallée des Alpes, 1977

-       Archéologie chez vous n° 3, 1984, pages 10 et 11

-       S. LANCEL : Hannibal, 1995, page 129

 

Sur la voie de Valence à Grenoble (rive gauche de l’Isère) :

 

-       F. de VILLENOISY : Seyssins et la voie de la rive gauche de l’Isère, Le Dauphiné du 2 octobre 1882

-       W. MEYER : l’ancien mandement se Saint Marcellin (Isère) à l’époque gallo romaine, inventaire archéologique, mémoire de maîtrise, Université de Lyon 2, 1992, 2 vol.

-       S. LANCEL : Hannibal, 1995, page 128

 

Sur les voies du Trièves :

 

-       H. TERRAS : la vicomté de Trièves et la baronnie de Gresse en vallée chevaleureuse, 1970, pages 171 et ss

-       C. JULLIAN : histoire de la Gaule, réédition 1993, 1, pages 1148 et 1149

-       A. BEAUP : géographie du Trièves, 1982, pages 127 et ss

-       A. FRANCES : à propos du mot Trièves : essai d’une nouvelle interprétation, bulletin des AVG n° 34, 1994, pages 42 à 47

-       Collectif : patrimoine en Isère, Trièves, 1996, pages 34 à 36

-       J. C. MICHEL : les voies romaines du Trièves, bulletin des AVG n° 43 et n° 44, 1999

-       J. C. MICHEL : les voies antiques du Trièves (à paraître en 2010)

 

Sur les voies de la Matheysine :

 

-       E. PILOT de THOREY : ancien pont de Champ et chapelle Sainte Madeleine, 1878

-       A. DUSSERT : essai historique sur la Mure et son mandement, 1903

-       L. CAILLET la Mure et ses environs, 1925

-       V. MIARD : la Mure et la Matheysine à travers l’histoire, 1965, pages 37 à 40 et 285 à 289

-       Archéologie chez vous n° 7, 1989, page 10

 

Sur la voie de Grenoble à Die :

 

-       J. X. CHIROSEL : Glandasse, 1981

-       F. GAUTIER : sur le chemin de la Vie, bulletin des AVG n° 20, 1987, page 56

-       J. C. MICHEL : chemins d’en haut, bulletin des AVG n° 20, 1987, pages 27 à 36. De Trièves en Vercors, cols et pas, bulletin des AVG n° 40, 1987, pages 8 à 14

-       Patrimoine en Isère, Trièves, 1997, pages 37 à 40

 

Sur l’Avia Publica :

 

-       F. CAMOIN : Villard de Lans, son site, son histoire, 1955, pages 89 et 90