CONFERENCE CSVG AUX ADI DU 22 JANVIER 2000

 

Sous la présidence d’André LARONDE, professeur à la Sorbonne

 

CINQ SIECLES D’HISTOIRE : GRANDS MOMENTS, GRANDES FIGURES

 

 

 

Mesdames, Messieurs,

 

Monsieur le Professeur, je vous remercie pour vos accortes paroles.

Monsieur le Président Charre, je vous sais gré d’avoir bien voulu, à l’élégante manière des protecteurs de la Renaissance, vous situer comme promoteur convaincu et actif de mon livre « Grenoble Antique ». J’y suis sensible, vous le savez. Mais, assurément, l’un de vos grands talents est d’avoir su me convaincre – avec la force de persuasion qu’on vous connaît – d’engager ce cycle, fort ambitieux au demeurant, de conférences spécifiquement consacrées à ce thème générique.

 

De surcroît vous avez souhaité – et obtenu – tant votre carnet d’adresses se révèle prestigieux, faire présider ces conférences par M. le Professeur Laronde, sommité en matière d’histoire ancienne, reconnu à Grenoble, à l’évidence, mais encore à la Sorbonne et, surtout, en Cyrénaïque, cet immense territoire grand comme une fois et demie la France qui va des autels de Philène à l’Ouest, jusqu’à Antipygos – le Tobrouk moderne – à l’Est. Monsieur le Professeur, vous êtes l’incontesté spécialiste de la Pentapole – un moment Hexapole avez vous fait observer – donc de Ptolemaïs et d’Appolonia, selon un thème que vous avez largement traité.

 

Est ce dire combien Grenoble Antique, que vous connaissez au demeurant parfaitement bien, dont vous avez notamment étudié les limites possibles de ses îlots urbains – je pense tout particulièrement à la place aux Herbes – doit vous paraître un peu étroite à l’aune de l’ancienne Lybie.

 

Si je suis, bien évidemment, très sensible à l’éminent honneur que vous me faites en présidant ces séances limitées à l’histoire de notre modeste cité, j’en mesure aussi, à la fois, le redoutable enjeu et tout le degré d’exigence que, dès lors, on attend sans doute de moi.

 

Je ne suis, on le sais largement, ni historien, ni archéologue de formation, mais j’espère être devenu un peu l’un et l’autre depuis les très nombreuses années – je devrais, en fait, parler de décennies car il y en a déjà presque trois – que j’ai consacrées à l’histoire locale et, notamment, à l’époque gallo romaine.

 

D’aucuns trouvent ce choix limité ; il me semble, au contraire, quant à moi, fort vaste si l’on veut bien se souvenir que, dans notre région, ce qu’il est convenu d’appeler l’époque gallo romaine, a duré 570 ans, c’est à dire un temps à celui qui nous sépare du lointain règne de Charles VII.

 

Mais pourquoi ce choix d’époque ?

 

Il s’agit là de nature et de goût que je ne saurais rationnellement expliquer. Que l’on sache toutefois que j’ai accompli, en leur temps, mes obligations militaires à Trèves, capitale d’Empire de la Tétrarchie jusqu’à Gratien, dernier Empereur à faire de la plus ancienne ville de Germanie, sa résidence avant de procéder au transfert du siège de l’Empire d’Occident à Milan.

 

L’Empire romain, Gratien, Gratianopolis ! Il y a là, sans doute, un possible fil conducteur à cette quasi passion, davantage pour tous les aspects d’une époque, du reste, que pour les seuls personnages historiques, « non point » - si l’on m’autorise cet emprunt à Shakespeare – « que j’aimais moins César, mais que j’aimais Rome plus encore ».

 

J’ai, par ailleurs, expliqué lors de la soirée de présentation du livre à mes souscripteurs, que deux raisons majeures m’avaient conduites à écrire cet ouvrage :

-          l’achèvement d’une trilogie consacrée à l’Isère gallo romaine

-          et l’envie, irrépressible, de montrer, sinon de démontrer, que Grenoble méritait infiniment mieux que le statut de « bourgade » dont on l’a parfois affublée.

 

Certes, les écrits du Professeur Laronde dans l’Histoire de Grenoble, de Bernard Dangréaux, dans son essai sur les origines de Grenoble, d’Alain de Montjoye ou de Jean Pascal Jospin, ont montré que la ville avait sans doute eu un passé plus conséquent que les vestiges ténus qui subsistent mais il s’agissait là de chapitres dans des ensembles plus vastes ou d’analyses, au demeurant limitées à une problématique spécifique.

 

L’absence, jusqu’alors, de synthèse d’envergure sur la seule époque gallo romaine laissait nécessairement accroire, sinon conforter, trop commodément, un sentiment assez général de grande indigence de notre histoire locale pour la période considérée.

 

Le but essentiel de mon ouvrage est donc la découverte, sinon la révélation, de ce Grenoble Antique qu’il convenait, à mon sens, de réhabiliter face à la mésestime, quasi générale, qui a prévalu jusqu’alors.

 

Dès lors, que de révélations abstruses !

 

Mais il est temps d’aborder la conférence proprement dite, consacrée aujourd’hui à un survol de cinq siècles d’époque romaine. Quelques mots, si vous le voulez bien, sur le plan adopté et sur la méthode retenue.

 

Monsieur le Président, vous m’avez laissé libre de l’un comme de l’autre et je vous en remercie mais c’est aussi dire combien j’en assume seul l’entière responsabilité.

Je souhaite, avant tout, rester simple, intelligible et précis, autant que faire se peut en pareille matière, pour ceux que le thème intéresse sans pour autant qu’ils soient spécialistes de l’antiquité, tout en n’offusquant point, bien évidemment, l’Université ce qui va me conduire à louvoyer entre méthode discursive et présentation ex professo.

 

Dès lors, vous le comprendrez, je suis amené à solliciter dès à présent votre compréhension et, le cas échéant, votre indulgence.

 

Le plan de l’intervention est fort simple. Cette anamnèse comportera six parties :

 

-          la première ne sera, somme toute, qu’une introduction consacrée à dresser un rapide état des lieux de Grenoble et de ses environs durant la préhistoire et la protohistoire,

-          la seconde partie sera consacrée à un état des lieux juste avant la conquête romaine, Hannibal n’étant point oublié

-          une troisième partie étudiera, sommairement, les principaux faits historiques de la conquête du territoire des Allobroges jusqu’à son inclusion dans la Provincia

-          une quatrième partie visera à mieux comprendre la civitas du Haut Empire, ses limites territoriales et le rôle de Grenoble durant cette période

-          la cinquième partie sera consacrée à la Civitas Gratianopolitana et à la problématique de ses origines

-          et, enfin, une sixième et dernière partie concernera, à titre complétif, le tant décrié mais si mal connu Empereur Gratien auquel Grenoble doit, sinon son statut, du moins, ce qui n’est guère contestable, son nom.

 

J’ajoute qu’afin de vous éviter, dans toute la mesure du possible, une quelconque lassitude, seront projetées, à la fin de chacune de ces parties, et, selon les thèmes, soit des diapositives, soit des cartes ou des plans.

 

Mais abordons, sans plus attendre, la partie introductive.

 

 

 

 

I – Grenoble et ses environs durant la préhistoire et la protohistoire

 

Tout ce que l’on sait des environs de Grenoble à la préhistoire est dû, pour l’essentiel, aux fouilles d’H. Müller à la fin du 19ème siècle et au tout début du 20ème siècle et à la magistrale synthèse qu’Aimé Bocquet a consacré, en 1969, à l’Isère préhistorique et protohistorique.

 

Je procèderai à une rapide évocation des sites les plus marquants avant de projeter quelques vues s’y rapportant.

 

Si l’on prend – ce qui va de soi – les choses selon l’ordre chronologique, on constate que les plus anciens éclats de silex découverts, ceux qui remontent au paléolithique supérieur, l’ont surtout été dans le Vercors : éclats de type levalloisien aux Poulats sur Villard de Lans, aire des Mourets sur les pentes du Cornafion ou gisement de Mayoussière à Vinay (entre 250 000 pour les plus précoces et 120 000 avant notre ère pour les plus récents).

 

Le paléolithique moyen, toujours en site de montagne, est présent à la grotte des Eugles à Saint Laurent du Pont que l’homme de Néanderthal a fréquentée à la belle saison il y a 70 000 ans, cependant que le grand ours des cavernes l’occupait pour son hibernation, ainsi qu’à la grotte de Préletang à Presles et celle de la Passagère à Méaudre.

 

Le paléolithique supérieur a livré, pour sa période la plus ancienne, des restes d’industrie lithique cromagnoïde aux Guillets à Saint Nizier.

 

Puis, pour la période la plus récente qui coïncide avec la fin de la glaciation de Würm, le réchauffement du climat, en amenant la fonte des glaciers, crée un immense lac, dit du Grésivaudan, dont la limite aval se situait, semble t-il, bien au delà de la cluse de Voreppe. Sa profondeur – plus de 400 mètres – donne une idée de l’importance de la cuvette s’étalant au pied des rochers de la Bastille. Peu à peu ce lac devait régresser pour disparaître définitivement il y a 10 000 ans, laissant une très importante couche de sédiments de plus de 15 mètres.

 

Ainsi, vers 1930, une exploitation de gravière située sur la rive gauche de l’Isère, en amont du confluent du Drac (ancien site dit du polygone d’artillerie) a amené l’extraction à 15-16 mètres de profondeur, d’arbres sub-fossiles (peupliers, ormes, chênes de grande taille) couchés dans les graviers qui avaient été, selon toute évidence, charriés par les eaux il y a 10 000 ans.

 

De cette période, de probantes traces de tribus migrantes ont été découvertes, toujours dans le Val de Lans (Clos de Lans, station des Coins…) mais aussi en plaine où, dès après la fin de la glaciation de Würm, les derniers chasseurs de rennes de la fin du paléolithique installent des camps dans une ambiance froide et sèche, notamment à Fontaine (Balmes de Glos) et à la Buisse (Grotte à Bibi….). Un atelier de silex du magdalénien final a également été observé à Proveyzieux.

 

La pleine décrue de la dernière des glaciations, il y a environ 10 000 ans, ouvre une nouvelle période dont les vestiges sont mieux conservés, tout en étant plus nombreux.

 

Les trouvailles de cette période post Wurm, dite épipaléolithique ou mésolithique (- 10000 à – 3500) sont au moins de deux cultures apparentes : la tradition magdalénienne et la tradition azilienne.

 

Mais, à l’exception peut-être de quelques tribus mésolithiques qui paraissent s’être partiellement sédentarisées en Chartreuse, vers 1300-1400 mètres d’altitude, sous un climat pourtant sans doute moins clément qu’il ne l’est aujourd’hui, et de celles de quelques chasseurs de bouquetins et de marmottes montant en Vercors par les gorges du Furon, qui laissent à Sassenage des traces de leur passage ainsi que dans leurs stations d’altitude (Roybon sur Villard de Lans), les autres traces paraissent assez sporadiques : Mont Rachais, Col de Porte, Grotte de l’Olette à Engins, Grottes Colomb et de la Passagère à Méaudre ou encore, découvert récemment à l’occasion des travaux de l’autoroute A 51, le gisement sauveterrien de Pingalas à Sinard.

 

Après plusieurs millénaires d’occupation ponctuelle, la région n’est habitée, de manière permanente, qu’à la suite de l’explosion démographique due à ce que l’on appelle conventionnellement la « révolution néolithique » (-3500 à –2300), période de grandes migrations parties du pourtour méditerranéen, qui a laissé dans la proche région de Grenoble de nombreuses traces de ces premiers défricheurs de territoires vierges, introduisant élevage et agriculture et dont les caractéristiques (taille du silex, céramique…) se rattachent au grand complexe chasséen du Midi de la France :

 

-          Grottes de Fontabert et du Trou Noir à la Buisse

-          Grotte des Fées à Noyarey

-          La Grande Rivoire, Pra Paris, la grotte du Doigt de Dieu à Sassenage

-          Le rocher de Saint Loup à Vif

-          Balme sous le Moucherotte et Château Bouvier à Claix

-          Saint Robert à Saint Egrève

-          Rochefort à Varces

 

Et bien d’autres sites préhistoriques connus de longue date auxquels il convient d’ajouter des sites inédits, découverts à Varces à l’occasion des travaux de construction de l’autoroute A 51 : foyers néolithiques de Champ Nigat et structures d’habitat.

 

De la préhistoire, passons à la protohistoire dont la première phase dite chalcolithique voit la perdurance de nombreux sites mais aussi le développement de nouveaux habitats souvent connus d’ailleurs grâce aux nécropoles qui en dépendaient.

 

De cette période on doit mentionner :

 

-          la nécropole de Saint Paul de Varces, sans doute la plus significative de toutes

-          la grotte de l’Ermitage à Saint Martin le Vinoux

-          celle des Sarrasins à Seyssinet Pariset

-          celle de l’Echaillon à Saint Quentin sur Isère, ou encore le « Pré Margat » à la Tronche et le Grand Rochefort à Varces.

 

Dès 1800 avant notre ère, début conventionnel du Bronze Ancien, des contacts commerciaux entre le Sud de la France et les Alpes sont attestés avec les porteurs du gobelet campaniforme, prospecteurs de mines et métallurgistes ambulants ayant introduit les premiers outils de cuivre. Leur présence est connue dans la plupart des sites que j’ai déjà évoqués ainsi qu’à la Tronche, au Fontanil et à Saint Quentin sur Isère.

 

Un ou deux siècles plus tard, la civilisation dite du Rhône, exporte, depuis le Valais, des haches-spatules et des haches à bords droits : des exemples éloquents sont connus à Pontcharra, Voreppe, Sinard, Allevard…

 

Du Bronze Moyen on peut retenir les nombreuses haches trouvées à Grenoble même ou dans les proches environs : Rochefort, le Sappey, Saint Paul de Varces

 

Le Bronze final (-1200 à –800) voit la mise en place et le développement de la civilisation dite des Champs d’Urnes, venue d’Europe centrale vers – 1100 sans que, jusqu’alors, des nécropoles caractéristiques de cette civilisation aient été découvertes dans la région grenobloise. Néanmoins, une occupation assez dense est notée autour de Grenoble, à la Buisse, Pariset, Fontaine, Varces, Saint Martin le Vinoux et Sassenage.

 

Dès l’époque de Hallstatt – du nom éponyme de la très importante nécropole autrichienne caractérisant la civilisation du Premier Age du Fer, une voie reliant le Bas Dauphiné à l' Italie est bien attestée par la concordance des « Groupes de l’Oisans » (la Palud d’Ornon, Mont de Lans) et ceux de Rochefort (nécropoles Est et Ouest) : il s’agit sans doute de l’une des branches de la route de l’étain des Etrusques et des Grecs, Grenoble représentant, selon toute probabilité, un point de passage obligé sur cette route.

 

Dans l’immédiate région grenobloise, les périodes ancienne et moyenne du Hallstatt ont laissé des traces discrètes et il faut attendre la période finale (6ème siècle avant notre ère) pour assister au développement de plusieurs nouveaux centres : La Tronche, Fontaine (l’Echelette), Saint Egrève (la Monta), Seyssinet (le Châtelas), Claix (couche inférieure du Val d’Allières) et, récemment fouillée en sauvetage, la plaine du Lavanchon à Varces (Drabuyard).

 

Les migrations celtiques marquent, traditionnellement, le début du Deuxième Age du Fer ou époque de la Tène du nom de la station éponyme découverte en Suisse à l’extrémité orientale du lac de Neuchâtel.

 

A partir du 5ème siècle avant notre ère, s’amplifie le courant d’échanges commerciaux, d’une part en direction de la plaine du Pô et de l’Etrurie par le Mont Genèvre, d’autre part avec la colonie grecque de Massilia par le col de la Croix Haute et la vallée du Rhône. Les influences grecques, si nombreuses en Provence et Huate Provence, restent fort limitées dans notre région ; on en a toutefois quelques exemples : la Buisse, Sermorens, Vif…

 

L’invasion des Celtes inaugure le début de cette colonisation, d’abord à l’Est de la région puis, progressivement, le Bas Dauphiné et la vallée du Rhône. Les tribus gauloises semblent n’avoir imprégné que très progressivement les autochtones des régions de montagne. Quelques nécropoles gauloises sont connues   Rives, Sassenage, Voreppe et divers sites attestent de la présence de ces nouveaux occupants   perles d'ambre de Saint Martin le Vinoux, Engins (le Mercier), Comboire (trou du Renard), Meylan, Pariset, Rochefort, La Tronche…

 

Récemment, la plaine du Lavanchon à Varces a révélé des établissements laténiens (Champ Nigat, Drabuyard).

 

La fin de l’indépendance gauloise est également jalonnée par diverses trouvailles monétaires (Saint Quentin sur Isère, Saint Laurent du Pont, Vaulnaveys le Haut, Rochefort, la Tronche…).

 

En 118 avant J. C. notre région entre, pour une très longue période sous le contrôle de Rome : la protohistoire cède ainsi le pas à l’histoire.

 

J’y reviendrai bien évidemment largement dans quelques instants.

 

Mais, préalablement, et pour ce qui concerne spécifiquement Grenoble, que nous reste t-il de ces époques préhistorique et protohistorique ?

 

Assez peu de choses en vérité, mais néanmoins quelques objets significatifs :

 

-          6 haches conservées au Musée Dauphinois et inscrites comme provenant de Grenoble ou des environs, dont 2 d’ époque néolithique et 3 du Bronze Ancien

-          3 autres haches, également du Bronze, conservées au Muséum d’histoire naturelle de Lyon

-          un ensemble d’objets (bracelets, boutons, plaquettes de bronze, perle d’ambre…) paraissant provenir de la Tronche.

-          Des bracelets en bronze provenant de Grenoble, la Tronche et Saint Martin le Vinoux.

 

Sont également décrits comme pouvant provenir de Grenoble, mais non conservés ici à l’exception d’un fragment d’épée en bronze du 14ème siècle avant notre ère, un poignard italiote, une poignée d’épée à antennes et une cuirasse protohistorique dite de Grenoble, conservée, selon A. Bocquet, au Musée de l’Armée à Paris.

 

On doit ajouter à cette rapide énumération des silex jadis découverts à la Bastille, la pierre à cupules de Clémencières, de la céramique protohistorique provenant de la Bastille et du Pré Marguin à la Tronche et des tessons de la Tène finale provenant de Grenoble même, maigres indices d’une occupation du site durant l’indépendance gauloise.

 

Voilà ce qu’était Grenoble et son proche environnement jusqu’au 3ème siècle avant notre ère et ce qui a été révélé jusqu’à ce jour.

 

Je vous propose maintenant quelques vues des sites évoqués ou des éléments découverts.

 

 

 

 

 

 

1ère série de projections

 

1 – reproduite dans mon livre cette vue d’artiste représentant les chasseurs du Val de Lans il y a 250 000 ans et la faune caractéristique de cette époque : mammouth, rhinocéros laineux, grand cerf, ours de Deninger

2 – reconstitué dans un autre contexte, le mammouth, qu’assurément côtoyèrent les premières peuplades des moyennes montagnes entourant Grenoble.

3 – ces tous premiers occupants étaient peut être ainsi : il s’agit là de reconstitutions proposées au parc préhistorique de l’Aven Marzal.

4 – Parmi les sites que j’ai évoqués : le Mont Saint Loup à Vif qui a livré, dans des fonds de cabanes, nombre d’objets du néolithique et du Bronze

5 – on en voit ici un échantillonnage

6 – la nécropole de Saint Paul de Varces  // et les très beaux objets qu’elle a révélés (diapos 7 à 10)

11 – le Grand Rochefort à Varces

12 – son enceinte protohistorique, réutilisée à l’époque gallo romaine

13 – et quelques aspects de son matériel lithique

14 – la grotte Vallier à Seyssins

15 – l’abri de Balme sous le Moucherotte

 

ou des sites découverts récemment,

 

16 – Pingallas et ses gisements du Sauveterrien au Bronze Final

17 – dont on voit ici des fragments de vases néolithiques récemment recueillis

18 – le col du Fau et sas campements temporaires néolithiques sur une voie de passage immémoriale

19 – ou encore Champ Nigat dans la plaine du Lavanchon qui a livré des trous de poteaux d’une probable maison néolithique…

20 - … qui pouvait avoir cette apparence.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

II – Avant la conquête

 

Au 4ème siècle avant notre ère, différentes tribus gauloises d’origines et d’ethnies différentes sont déjà solidement implantées dans notre région : Allobroges de la vallée du Rhône au Léman, Vocontii au Sud, Ucenii ou Iconii en Oisans, Tricorii dans la Vallée du Drac et le Trièves, Segovellauni en Basse Isère, Vertamocorii dans l’actuel Vercors.

 

La carte de Barruol, que nous verrons tout à l’heure, donne une vision saisissante de la grande diversité de ces peuples. En ce qui concerne plus particulièrement les Allobroges, on pense qu’ils seraient arrivés – peut-être d’Europe Centrale – vers 450 avant notre ère et qu’ils se seraient sédentarisés dans les basses plaines jusqu’alors délaissées : Voreppe, Sassenage, Fontaine, rives de l’Isère…

 

Si l’origine précise de ce peuple n’est pas connue, on sait que leur nom pourrait dériver – à moins que ce ne soit l’inverse – de la divinité Allobrox dont une dédicace a été trouvée en 1857 dans les ruines de ce qui devait être un sanctuaire à la Bâtie Montsaléon dans les Hautes Alpes, pourtant en territoire Voconce !

 

Dès au moins la fin du 3ème siècle avant J. C. les Allobroges occupaient continûment les deux rives de la moyenne Isère lorsque cette vallée fut empruntée par l’armée carthaginoise d’Hannibal. C’est Polybe, en effet, qui, le premier, les mentionne expressément, alors même que pour se faire une opinion sur les récits contradictoires qui couraient déjà à son époque sur la traversée des Alpes par Hannibal, il refait – vers – 150 – le parcours, tant étudié depuis des évènements de 218 avant J. C. déclarant : « je puis parler de ces évènements avec assurance parce que je tiens mes renseignements de témoins contemporains (?)  et que j’en ai visité le théâtre au cours d’un voyage que j’ai fait dans les Alpes pour observer de mes propres yeux ce qui en était ».

 

Près de 150 ans après lui, Tite Live, on le sait, reprendra en partie ses écrits, les mêlant à d’autres sources non identifiées pour tenter également de reconstituer la fabuleuse épopée.

 

« Avec l’appui des Allobroges », dit Polybe, et « pendant dix jours, Hannibal longe l’Isère sur 800 stades » (environ 145 km) ce qui, si l’on part du confluent de l’Isle, vers Valence, l’amènerait aux environs de Pontcharra.

 

Même si les récits de Polybe et de Tite Live divergent ensuite sur la traversée des Alpes, du moins s’accordent-ils sur cette partie d’itinéraire et, après eux, la presque totalité des auteurs qui ont cherché à reconstituer le parcours d’Hannibal.

 

L’extravagante armée, composée encore, lors de sa traversée du pays Allobroge de 38 000 fantassins, 8000 cavaliers et 37 éléphants aurait donc longé l’Isère soit jusque vers Pontcharra si l’on opte ensuite pour le col du Cucheron, soit jusqu’au confluent de l’Arc et serait donc nécessairement passée par Grenoble, rive gauche, après avoir franchi le Drac à gué, sans doute à hauteur de Comboire. Telle est l’opinion de nombre d’auteurs au titre desquels on peut citer Camille Jullian, Paul Azan, Guy Barruol, Roger Dion, Jean Prieur et Serge Lancel.

 

Il ne saurait toutefois être question, dans le cadre de cette conférence, d’aller plus loin. L’on quittera donc Hannibal et ses éléphants tout en relevant qu’en cette fin du 3ème siècle avant notre ère il semble bien que le système monarchique ait prévalu chez les Allobroges. Le roi est alors assisté d’un sénat qui réunit les membres de l’aristocratie, ceux que César appellera equites.

 

Au siècle suivant, la Monarchie est remplacée par un système oligarchique avec des magistrats, un sénat et une assemblée du peuple. Des relations régulières et suivies s’instaurent alors avec le Sud de la Gaule, Marseille, l’Italie et même la Grèce.

 

 

 

 

 

 

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2ème série de projections

 

Retroprojection :

 

-          carte de Barruol

-          itinéraire d’Hannibal

 

Diapos :

 

1      – tout partit de Carthage on le sait et de la soif de conquête d’Hannibal qui, en 218 avant J. C. entreprit son fabuleux périple avec peut-être 90 000 hommes à pied, 12 000 cavaliers et 37 éléphants.

2     – si l’on en croit nombre d’auteurs, et notamment Serge Lancel que je suis tout à fait disposé à suivre dans ses explications, Hannibal aurait longé la rive gauche de l’Isère jusqu’au site de Grenoble devant, pour ce faire, franchir en première porte des grandes Alpes, le Bec de l’Echaillon par une voie sans doute d’origine protohistorique que l’époque romaine aménagera durablement : la voie de Saint Ours que l’on voit ici.

3     – il n’est pas dans l’objet de cette conférence de traiter du trajet emprunté par Hannibal mais, pour avoir fréquenté la plupart des cols qu’il aurait pu franchir, je reste personnellement attaché à la vallée de l’Arc, au vallon de Savine et au col de Savine Coche, dit aussi de Lavis Trafford, à très peu de distance du col du Clapier

4     et    5

6     – on me pardonnera peut-être d’avoir cru y voir le promontoire d’où Hannibal aurait harangué son armée en lui montrant, à ses pieds, les plaines padanes et l’Italie toute entière.

7     et  8 : clôturons cette brève digression par ce portrait présumé d’Hannibal jeune sur un bronze de Volubilis.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

III – De la conquête à la Provincia

 

Près d’un siècle après le passage d’Hannibal sur le territoire des Allobroges, on connaît de manière plus assurée les grandes étapes de la pénétration romaine en Gaule méridionale. Si l’occasion de la première intervention de Rome, vers 154 avant notre ère, avait été la menace que le Ligures faisaient peser sur les comptoirs massaliotes, les deux premières expéditions conséquentes furent celles de 125 et 124 avant J. C. respectivement commandées par Fulvius Flacus et Sextius Calvinus qui vainquirent les Salyens et détruisirent leur forteresse d’Entremont.

C’est alors la fondation d’Aquae Sextiae par Sextius, pemière implantation permanente des Romains en Gaule.

 

Le consul Cneius Domitius Ahenobarbus, successeur de Sextius Calvinus, prenant alors le prétexte de ce que les Allobroges protégeaient Teutomatius, le chef vaincu d’Entremont, et refusaient de le livrer – ce qui en faisait un casus belli – leur déclare la guerre. On sait ce qui advint : au début de l’année 121, Domitius Ahenobarbus bat les Allobroges à Vindalium, au Nord Est d’Avignon : selon Tite Live, ils perdent 20 000 hommes et abandonnent aux légions romaines 3000 prisonniers. Dans l’été de la même année, les Allobroges sont de nouveau battus de manière décisive, au confluent du Rhône et de l’Isère par Quintus Fabius Maximus. Les pertes sont considérables : 120 000 hommes selon Tite Live, 130 000 selon Pline, 150 000 selon Orose, voire même 200 000 selon Strabon.

 

Fussent-ils largement exagérés, ces chiffres montrent bien l’ampleur de la défaite qui vaudra à Quintus Fabius le surnom d’  « Allobrogicus ». Celui ci fit ériger à Rome un monument commémoratif en forme d’arc, le « fornix Fabianus ». De cet arc de triomphe, l’un des plus anciens du monde romain, qui se situait à l’entrée du forum, près du temple de Vesta, on a retrouvé les fondations, témoignages au centre même de la capitale romaine de l’entrée de l’Allobrogie dans le monde romain.

 

Avec le territoire des Allobroges entrait sous contrôle de Rome tout le Sud de la Gaule qui, dès 118-117 avant J. C. (peut être même dès 120), allait constituer la Provincia Romanorum ou Provincia Ulterior (ou encore Gaule Transalpine) par opposition à la Provincia Citerior ou Gaule Cisalpine, dont la première capitale fut sans doute Aix en Provence avant d’être transférée à Narbonne.

 

On est mal renseigné sur cette première organisation. On sait seulement que le Sénat romain établit d’abord un règlement pour les territoires conquis en Cisalpine entre 125 et 120 mais il ne s’agit pas encore de l’organisation coloniale qui n’interviendra, de manière quasi générale, que près d’un siècle plus tard.

 

On rappellera que Pilot situait la fondation par Quintus Fabius d’une colonie militaire à Cularo dès cette haute époque. Mais, ainsi que Prudhomme, dès la fin du 19ème siècle, devait le relever cela ne repose sur aucun fondement.

 

Les Allobroges occupaient alors un immense territoire qui, des abords de Valence jusqu’à Genève, couvrait tout le Dauphiné septentrional et la Savoie. Strabon insiste sur la mutation de ce peuple intervenue alors : « les Allobroges –dit-il – qui entreprirent naguère tant d’expéditions avec des armées de plusieurs dizaines de milliers d’hommes, en sont réduits aujourd’hui à cultiver cette plaine – la vallée du Rhône – et les vallées des Alpes… En général ils vivent dispersés dans les bourgs : toute la noblesse pourtant habite Vienna. Cette capitale primitive est bien localisée, depuis les travaux de G. Chapotat, sur la colline de Sainte Blandine à Vienne.

 

Vaincue mais encore « puissante entre toutes » selon les termes d’Appolodore, la nation des Allobroges n’était pas pour autant définitivement soumise. En effet, en 77 avant notre ère, ceux ci se heurtent à Pompée lors de son passage pour se rendre en Espagne. En 69, au nom de l’assemblée des peuples de la Provincia ils envoient à Rome une ambassade conduite par Indutiomarus pour se plaindre des exactions commises par Fonteius, le gouverneur de la Province. Celui ci, accusé de vénalité et de concussion aura, on le sait, comme illustre défenseur Cicéron qui ne sortira du reste guère grandi de sa célèbre plaidoirie (« Pro Fonteio »), même si, selon toute probabilité elle aboutit à l’acquittement de l’accusé. En 63 a lieu une nouvelle ambassade pour se plaindre de nouveau du gouverneur d’alors, Lucius Murena. Mais Romme est en pleine effervescence : Catilina résiste à Cicéron et prépare sa conjuration.

 

N’obtenant rien de Rome, les Allobroges n’avaient que le choix de l’insurrection. La révolte éclate en 62, conduite par Catugnatos. Elle se généralise durant deux années. On sait par Dion Cassius qu’elle est écrasée par l’armée de Caius Pomptinus qui s’emparre des places fortes allobroges, notamment Solonion et Ventia. On a beaucoup disserté sur cette dernière qui n’a jamais été identifiée et que l’on a, selon les auteurs, placée à Valence, en Ardèche vers Tournon, à Vienne, à Vinay voire même dans la proche région grenobloise où Antonin Macé voyait dans le nom du torrent de la Vence la survivance de l’oppidum de Ventia qu’il situait, quant à lui, sur le rocher de Cornillon.

 

Durant la guerre des Gaules, César séjourne à plusieurs reprises chez les Allobroges. Ainsi, selon le « Bellum Gallicum » en 58 avant J. C. « il mène son armée sur le territoire des Allobroges ». En 56 « il hiverna chez les Allobroges » et, en Février 52, « il se rend à grandes journées à Vienne ». Passa t-il à Cularo ? C’est probable même s’il n’en fait pas mention explicite. En effet, lors de la campagne de 58, César dit qu’avec cinq légions il se porte d’Aquilée en Gaule Ultérieure en prenant au plus court à travers les Alpes. On connaît donc le point de départ : Aquilée puis on sait qu’il passe à Ocelum dans les Alpes, agglomération qui doit être localisée à Chiusa, à 3 km en amont d’Avigliana, Ad Fines, point oriental extrême de la terre de Cottius. Quant au point d’arrivée c’est Fines Vocontiorum, le pays des Voconces et, enfin, le territoire des Allobroges. Eu égard à l’insécurité relative des Alpes – César dit que les Ceutrons, les Graiocèles, les Caturiges, tentent de l’arrêter – il est concevable que ses cinq légions n’aient pas toutes empruntées le même itinéraire. En se dissociant vers Suse, une partie pouvait passer par le Montgenèvre, l’autre par le col du Clapier dans le massif du Mont Cenis, leur regroupement s’opérant soit dans la plaine valentinoise, soit vers Cularo, débouché possible des deux cols.

 

Lors de l’insurrection de 52, qui fut quasi générale en Gaule, les peuples de la Provincia, et notamment les Allobroges, ce « peuple rebelle par excellence » aux yeux de Cicéron, demeurèrent néanmoins fidèles à Rome, bien que César, au souvenir de leur révolte de 62 ait éprouvé de vives inquiétudes. Ils en furent récompensés par l’élévation de Vienne au droit latin.

 

Je ne traiterai pas aujourd’hui de Munatius Plancus et des évènements de Mai Juin 43 avant notre ère, où le sort du monde se joua peut-être à Cularo, car cela est le thème principal de la troisième conférence et je vous propose d’enchaîner directement avec la 4ème partie.

 

IV – la civitas du Haut Empire

 

L’organisation administrative de la Provincia se fit progressivement. A une époque imprécise du 1er siècle avant notre ère, la Provincia reçut le nom de Narbonnaise, du nom de sa capitale, Narbonne.

 

Des vingt cités de la Narbonnaise, celle des Allobroges était la plus étendue. Elle occupait un territoire considérable qui correspond actuellement aux départements de l’Isère et de la Haute Savoie, à une partie du canton de Genève et des départements de l’Ain, de la Savoie, du Rhône, de la Loire, de l’Ardèche et de la Drome, c’est à dire tout le l’espace compris entre le Rhône, l’Isère et les Alpes, grandes frontières naturelles, qui, selon Bernard Rémy, étaient pourtant dépassées un peu partout.

 

Dès l’établissement de la « Colonia Julia Augusta Florentia Vienna (14 avant J. C.) les habitants de l’ager Allobrogum sont désormais appelés Viennenses, du nom du chef lieu de la civitas. Contrairement à ce que l’on peut observer dans d’autres civitas voisines (Axima Ceutronum, Forum Segusiavorum), le nom du peuple des Allobroges n’est pour ainsi dire plus employé à partir de ce moment là.

 

Si, sous César, les civitates désignaient en fait les peuples, les nations, à partir d’Auguste le terme civitas prend un sens plus particulier : c’est la cellule fondamentale de l’organisation administrative impériale. Mais, peu à peu, cependant, de la circonscription territoriale initiale, le mot tend à s’appliquer principalement, et bientôt exclusivement, au seul chef lieu de cette circonscription, devenu prépondérant dans la vie administrative, politique et religieuse.

 

La civitas de Vienne recouvre presque exactement le territoire Allobroge : ainsi le prouve la borne du col de la Forclaz, près de Saint Gervais, qui mentionne qu’en 74 après J. C. sur l’ordre de Vespasien, le légat, commandant l’armée de Germanie Supérieure, fixa la frontière entre le territoire des Ceutrones et celui des Allobroges, désignés non sous leur nom de peuple, mais sous celui de Viennenses, les Viennois.

 

On peut mesurer ce qu’était l’immense cité des Allobroges, couvrant entre 10000 et 13000 km2, à l’étude des reconstitutions topographiques, sensiblement identiques, faites par André Pelletier et Bernard Rémy.

 

Ce dernier, tout particulièrement, à défaut de documents précis, en se basant sur des critères comme la toponymie, l’épigraphie ou les limites ecclésiastiques des premiers évêchés, a tenté de délimiter, assez précisément, certains secteurs de la frontière. Celle ci correspondrait, au Nord, au Rhône et au Lac Leman, et à l’Est, à la vallée de la Dranse. La vallée de l’Arly devait être laissée aux Alpes Graies. Enfin, le Grand Arc et la chaîne de Belledonne faisaient, très vraisemblablement, frontière avec les Alpes Cottiennes.

 

Il convient de s’attarder quelque peu aux limites qui nous intéressent tout particulièrement : celles de la région grenobloise.

 

Bernard Rémy considère que la frontière des Allobroges était située nettement au Sud de Grenoble, et contrairement à la plupart des auteurs qui, s’en tenant à une interprétation littérale des termes de Plancus « Cularo ex finibus allobrogum » estimaient que le territoire des Voconces commençait dès la rive gauche de Grenoble (Champollion Figeac) ou immédiatement aux confins de celle ci (Prudhomme, Allmer, Barruol…), il propose une nouvelle lecture de ces termes. Pour lui l’expression signifie bien « en territoire Allobroge » et non « aux confins » ou « sur la frontière ». Il relève que, lorsque des fleuves font limite territoriale, César emploie des expressions différentes. Ainsi, pour la limite entre Biturriges et Eduens, écrit-il « pertinere ad flumen » ou encore, pour l’extrême frontière des Rèmes, sur l’Aisne, « flumen Axoman quod est in extremis Remorum finibus ». Il note, avec pertinence, qu’il n’y a pas lieu de penser que l’usage de Plancus, dans de telles expressions, ait pu être différent de celui de César.

 

Aussi, propose t-il de fixer la limite du territoire Allobroge à l’Est de Pariset et d’Echirolles, sur la rive gauche de la Romanche à Vizille et dans la région de Gavet où la définitive étude d’Emile Thévenot a montré qu’il convenait d’y situer la station Fines de l’Anonyme de Ravenne, séparant, à cet emplacement, le territoire des Allobroges de celui des Ucenni-Iconii.

 

Par contre, il situe déjà Vif et la basse vallée de la Gresse en territoire Voconce : le postulat est peut être discutable et j’étais jusqu’alors enclin à situer la limite avec les Vertamocorii – peut être même les Tricorii – nettement plus au Sud, dans les environs de Château Bernard -. Les récentes découvertes faites à l’Achard, sur le territoire de Varces, laissent à penser à une agglomération secondaire, disposant d’un bureau frontière de la Quadragesima Galliarum. Si tel est bien le cas, les limites des civitates des Allobroges et des Voconces seraient à situer dans ces parages.

 

De cette immense civitas, seuls quatre « pagi » sont connus :

 

-          le pagus Vale(rius ou rianus) dans la région du confluent Isère-Arly

-          le pagus Dia(nensis) du Rhône à l’Isère, de Seyssel à Hauteville

-          le pagus Oct(avianus) d’Aoste à Vienne

-          le pagus At(is ou ius) près de Grenoble.

 

La liste n’est guère plus longue en ce qui concerne les « vici » dont seuls sept sont assurés :

 

-          le vicus Albinennensium (Albens, Savoie)

-          le vicus Augustum ou Augustanorum (Aoste, Isère)

-          le vicus Aquarum (Aix les Bains, Savoie)

-          le vicus Genavensium ou Genavensibus (Genève)

-          le vicus Rep(entinis ?) (Reventin Vaugris, Isère)

-          le vicus Se…. (région de Saint Innocent, Savoie)

 

Par toute une série de déductions Pierre Broise y ajoute :

 

-          Ad Publicanos (Albertville ou Gilly en Savoie)

-          Mantala (Saint Pierre d’Albigny, Savoie)

-          Lemincum (Chambéry)

-          Bergusium (Bourgoin)

-          Lavisco (les Echelles ?)

-          Morginum (Moirans)

-          Turedonnum (Tourdan)

-          Figlinae (vers Roussillon, limites Isère/Drome)

-          Ursolae (Saint Valiier, Drome)

-          Tegna (Tain, Drome)

-          Casuaria (Faverges, Haute Savoie)

-          Etanna (Yenne ?)

-          Ad Tur… (Tournon ou Tours vers Albertville)

-          Voludnium (Saint Jean de la Porte, Savoie)

-          Condate (Seyssel)

Et, bien évidemment, Cularo qui n’est pourtant jamais cité formellement comme vicus dans les textes et par l’épigraphie.

 

Néanmoins, tous les auteurs s’accordent à considérer Cularo comme l’un des vici les plus importants de la civitas des Allobroges : en effet, dès le Haut Empire, les deux agglomérations – qui deviendront ensuite chef lieu de civitas, Grenoble et Genève – fournissaient déjà à la cité le plus grand nombre de magistrats, prêtres et sévirs après Vienne : 12 % dans l’un et l’autre cas, selon le Professeur Laronde.

 

Bernard Rémy, pour sa part, a noté que, sur l’ensemble des épitaphes de la cité de Vienne, hors Vienne, 29,3 % étaient attribuées à Grenoble et 16,7 %  à Genève. Il ajoute que les inscriptions relatives à un décurion, un questeur et un triumvir locorum publicorum démontrent que Cularo était un vicus.

 

C’est à la même conclusion qu’aboutit André Pelletier à l’examen des inscriptions relatives aux dédicaces des portes de Grenoble et aux receveurs de la Quadragesima Galliarum.

 

Je parlerai bien évidemment de tout cela dans la seconde conférence mais, à ce point de l’exposé, quelques documents visuels sont nécessaires.

3ème série de projections :

 

Retropejections :

 

-          la Narbonnaise et ses civitates

-          les limites de la cité des Allobroges (Pelletier)

-          les limites de la cité des Allobroges (Bernard Rémy)

 

Diapositives :

 

1     – légionnaires de l’époque de la conquête selon la reconstitution de l’Ermine Street Guard

2     – César

3     – la fin de la conquête des Gaules : le siège d’Alésia reconstitué à l’archéodrome de Beaune

4     – Lucius Munatius Plancus qui a fait entrer Cularo dans l’histoire en 43 avant J. C.

5     - … et Cularo, tel qu’on se le représentait au 19ème siècle. Je n’insisterai pas sur les anachronismes

6     – le camp dit des forçats au Col de Cluy en Oisans, qui pourrait être un camp romain de l’époque de la conquête

7     – Auguste, dont l’une des premières actions fut d’organiser la Narbonnaise

8     – le site de l’Achard, sur Varces, fouillé en 1995, limite possible de la civitas des Allobroges et probable bureau du 40° des Gaules

9     – et on revoit ici une autre carte de l’immense civitas des Allobroges : celle publiée dans le récent Atlas du patrimoine de l’Isère.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

V – la civitas Gratianopolitana

 

La situation que j’ai précédemment décrite perdura jusqu’à la grande réorganisation administrative opérée en Gaule à l’initiative de la Tétrarchie. On sait par la « liste de Vérone, datée de la Tétrarchie (vers 292-297 pour l’estimation la plus précoce, vers 305 pour la plus tardive) que l’Empire est, à ce moment là, divisé en douze diocèses dont deux pour les Gaules : le diocèse des Gaules (capitale Trèves) et le diocèse de Viennoise (capitale Vienne) dit aussi « des Sept Provinces ».

 

Pourquoi Vienne ? Selon André Pelletier, il faut y voir avant tout des raisons de logistique : Vienne est située sur la grande rocade défensive qui, de Sirmium sur la Save en ex Yougoslavie par Aquilée et Milan en Italie du Nord, longe, en profondeur, la frontière du Danube au Rhin. Celles ci bouleversent donc fondamentalement toutes les organisations territoriales antérieures : Lyon perd sa place de capitale des Trois Gaules et elle n’est plus que le modeste chef lieu d’une province amputée des deux tiers de son territoire par rapport au Haut Empire.

 

Vienne, après Trèves, est la seconde ville de Gaule. De simple chef lieu de cité elle devient métropole d’une nouvelle province – la Viennoise – et capitale de l’un des douze diocèses de l’Empire, celui des Sept Provinces ou de Viennoise comprenant la Novempopulanie, l’Aquitaine Première et Seconde, la Narbonnaise Première et Seconde, les Alpes Maritimes et la Viennoise proprement dite qui s’étend de Genève à Marseille et qui comporte pour cités : Marseilles, Arles, Cavaillon, Carpentras, Avignon, Orange, Saint Paul Trois Châteaux, Die, Vaison, Alba, Vienne, Valence et, probablement, Grenoble et Genève.

 

C’est sans doute à l’occasion de cette réorganisation que les deux vici furent transformés en cités de plein exercice. Bien que cette supposition soit loin d’être l’idée dominante, elle ne manque pourtant pas d’une certaine logique mais la difficulté vient du fait que la presque totalité des auteurs ont considéré que l’élévation de Grenoble au rang de civitas était le fait de Gratien. Ce qui est indiscutable au plan de l’onomastique ne démontre pourtant aucunement qu’il y ait eu concomitance entre le changement de nom de Cularo et son changement de statut.

 

Au delà d’un certain nombre d’arguments qui pourraient plaider en faveur d’une origine plus précoce qu’on ne l’a généralement admis à la création d’une civitas à Grenoble peuvent être invoqués :

 

-          tout d’abord, il y a homogénéité de période entre la grande réforme et la donation par Dioclétien et Maximien de remparts à Grenoble : on imagine mal – Camille Jullian avait déjà relevé le fait – que les empereurs aient pu doter personnellement l’enceinte d’un simple vicus : le cas serait alors unique dans tout l’Empire. On notera, de surcroît, que depuis Marc Aurèle un rempart ne pouvait être construit sans l’accord de l’empereur. La conjonction de ces deux éléments plaide donc pour le fait que Grenoble ait été cité dès l’époque de la Tétrarchie.

-          Ensuite, il y a homogénéité de période avec la division de la civitas voisine des Voconces qui, avant la fin du 3ème siècle, est divisée en quatre civitates : Vaison, Die, Gap et Sisteron.

 

Tel était jusqu’alors l’avis de quelques auteurs, notamment Otto Hirschfeld dans le « Corpus », Ihm et Bruhl dans la « Real Encyclopâdie » et également Georges Duby.

 

Mais la démonstration la plus convaincante pourrait venir des recherches faites par Van Berchem. Celui ci, à l’égard de Genève – dont le changement de statu se pose dans les mêmes conditions que Grenoble – opte pour une élévation de la civitas au tout début du 4ème siècle : il note, en effet, que le milliaire d’Hermance, sur la rive gauche du lac Leman, bien daté de la période 305-306 indique les milles à partir de Genève et non de Vienne, ce qui a toutes les chances de signifier que la première est déjà, à cette époque, affranchie de la seconde. A l’égard de Grenoble, il tient le même type de raisonnement : allant plus loin dans l’analyse de l’enceinte il relève que les dédicaces des portes ne font aucune mention des Viennois, ce qui ne serait guère convenable si la ville n’avait eu à ce moment là le statut de civitas.

 

On le voit, le problème de la datation de la civitas est désormais sérieusement posé et il convient sans doute d’envisager que Grenoble ait été chef lieu de cité dès les premières années du 4ème siècle (et non lors du changement de nom intervenu sous Gratien vers 378-379), voire même, comme le propose Bernard Dangreaux à la fin du 3ème siècle : cette dernière datation est, du reste, celle qu’envisage le tout récent Musée de l’ancien évêché de Grenoble. J’ajouterai, si vous me le permettez que c’est également mon opinion. J’y reviendrai lors de la seconde conférence, en évoquant le séjour à Grenoble de Iulius Placidianus.

 

Les limites précises de la civitas Gratianopolitana ,quant à elles, n’ont pas fait l’objet jusqu’alors d’études précises. Bernard Rémy pense que le territoire de la nouvelle cité a sans doute été accru, par rapport aux limites de la civitas des Allobroges, et, notamment, aux dépens des Voconces dans certaines régions comme le Nord du Vercors, la montagne de Lans et l’outre Drac.

 

Pour Guy Barruol, l’ancien territoire des Iconni aurait été englobé dans la nouvelle cité, de même que la plus grande partie du territoire des Tricorii.

 

En tout état de cause, les limites de cette cité paraissent avoir déterminé, par la suite, les limites du diocèse de Grenoble telles que nous les connaissons très précisément à partir des 11ème-12ème siècles.

 

Mais se fonder sur celles ci pour définir les limites possibles de la civitas Gratianopolitana relèverait d’un exercice hasardeux et l’on comprendra aisément que je ne veuille pas l’envisager ici.

 

 

 

 

4ème série de projections :

 

 

Rétroprojections :

 

-          la civitas du Haut Empire

-          la civitas du Bas Empire

 

 

Diapositives :

 

1     – les Tétrarques selon le porphyre de Constantinople : 2 Augustes, Dioclétien et Maximien et 2 Césars : Constance et Galère.

2     – Dioclétien et Maximien dans le groupe des Tétrarquies

3     – et là, moins conventionnels, sur une monnaie de la fin du 3ème siècle que j’ai placée en quatrième de couverture de « Grenoble Antique »

4     – Dioclétien, d’après le buste de Nicomédie

5     – et là sur une monnaie en or

6     – et Maximien d’après le buste de Chiragan.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

6ème partie : le mal connu et le mal aimé Gratien

 

Il n’y a pas grand mal à considérer, comme l’ont fait du reste tous les auteurs, ou presque, que Grenoble doit, sinon son statut de chef lieu de civitas au Bas Empire ce qui, on la vu, est très discutable, du moins son second nom antique Gratianopolis, à l’empereur Gratien.

 

Celui ci n’a guère eu la faveur des historiens et, dans une belle unanimité, ils se sont accordés à constater son incapacité à régner, voyant en lui un esprit davantage tourné vers les dévotions que vers les réalités d’un empire romain en déliquescence. De lui l’historien de l’église, Rufin, dira même, un peu cruellement, qu’il a été « plus pieux qu’utile à l’église ». Seul, à ce jour, P. L. Rousset a tenté un plaidoyer pour cet empereur mal aimé et décrié que l’on connaît fort peu au demeurant : quelques rares textes, quelques monnaies, surtout émises à Trèves, et un buste monumental découvert près de la basilique impériale de Trèves.

 

J’ai considéré que dans l’ouvrage que je consacrais à Grenoble et même s’il est très probable qu’il ne vint jamais dans cette cité qui porte son nom, Gratien méritait bien quelques pages. Le même argument me conduit aujourd’hui à solliciter encore un peu votre attention pour lui faire place dans cette conférence.

 

 

 

Avec Julien dit l’Apostat, dernier survivant mâle de la famille de Constantin, s’éteint, en Février 364, la dynastie fondée par ce dernier en 307. Un officier romain, de condition modeste, originaire de Pannonie, est alors élevé à la dignité d’empereur : Valentinien 1er. En Mars 364, celui ci nomme son frère cadet, Valens, co-empereur. Valentinien se charge de l’Illyrie et des provinces occidentales cependant que le reste des Balkans et l’Orient sont confiés à Valens. Tous deux sont de fervents chrétiens. Ignorant l’aristocratie traditionnelle, ils choisissent leurs officiers et ministres parmi leurs compatriotes Pannoniens ou parmi les lumières du temps (le poète Ausone, par exemple, qui sera appelé à la cour de Trèves). Valentinien consacre la majeure partie de son règne à combattre les Alamans sur le Rhin Supérieur. En 375 il se rend en Illyrie pour prévenir une invasion des Quades et des Sarmates. Bon guerrier, Valentinien était aussi, semble t-il, bourru, coléreux et brutal. Il élevait, dit-on, deux ourses près de sa chambre. Au cours d’une audience accordée à une délégation ennemie il entre dans une colère telle qu’elle lui provoque une fatale crise d’apoplexie.

 

Son fils aîné, Flavius Gratianus – Gratien – né le 18 Avril 359 (ou le 23 Mai) à Cibalae (aujourd’hui Vinkovi en Hongrie), nommé Auguste à Amiens dès le 24 Août 367 lui succède donc, assez naturellement, le 17 Novembre 375, bien que n’étant âgé, alors, que de seize ans. Son premier acte est de nommer co-empereur son demi frère Valentinien II, mais celui ci, âgé de quatre ans, est bien évidemment cantonné dans un rôle symbolique.

 

D’après les canons de l’époque, Gratien est un bel homme – le buste que l’on a de lui en témoigne – aimant la chasse et les livres mais beaucoup moins l’effort ; de plus, il semble être totalement dépourvu du sens du commandement.

 

En 374, il avait épousé Constantia, fille posthume de l’empereur Constance II, ce mariage ayant eu, à l’évidence, pour seul objectif de le rattacher à la dynastie emblématique de Constantin.

 

En 377, apprenant que son oncle Valens, l’empereur d’Orient, est aux prises avec une nouvelle invasion de barbares mettant à feu et à sang la Thrace, il décide de lui porter secours. Mais, informé peu après son départ de la tentative de franchissement du Rhin par les Alamans, il revient sur ses pas, les décime près de Horbourg en Alsace – jérome parlera de 30 000 morts ! – et refoule les survivants dans les montagnes de la Forêt Noire. C’est historiquement la dernière fois qu’un empereur romain lancera une expédition au delà du Rhin. Gratien qui, de ce fait, n’a pu secourir son oncle Valens, apprend le 9 Août 378 sa mort lors de la terrible défaite d’Andrinople en Thrace.

 

Végèce, auteur du traité d’art militaire « Epitoma rei militaris », rédigé après la mort de Gratien, soulignera que l’armement ancien, insuffisant pour une guerre de ce type a été « en usage depuis la fondation de Rome jusqu’à l’époque du Divin Gratien » et expliquera ainsi le désastre d’Andrinople.

 

L’Orient n’ayant dès lors plus d’Empereur, Gratien proclame, pour succéder à Valens, Théodose, le meilleur de ses généraux. Tous deux coordonnent leurs efforts pour redresser la situation sur le front Danubien, mais en vain : les barbares s’installent en Pannonie.

 

C’est à cette époque que Gratien, initié aux questions théologiques par Ambroise, évêque de Milan, publie un édit de tolérance en faveur des Ariens, accordant à chacun le droit, extraordinaire, de se tromper.

 

Mais le 3 Août 379, poussé semble t-il par Théodose, chrétien quelque peu fanatique, Ambroise et le pape Damase, il abroge cet édit et interdit d’enseigner les doctrines qui, telle celle d’Arius, sont jugées hérétiques par l’église. En Mai 381, il siège au concile d’Aquilée, sur les bords de l’Adriatique, non loin de Trieste, qui condamne définitivement l’arianisme. On sait que, parmi les trente cinq membres de l’assemblée, figure Domnin, premier évêque attesté de Grenoble. On pense que c’est de cette époque que le nom de Gratianopolis se serait substitué à celui de Cularo.

 

A l’automne 382 Gratien va encore plus loin, mettant quasiment hors la loi, par un décret resté célèbre, la religion romaine au propre sénat de Rome. Cette mesure provoque une résistance ouverte, aggravée par le fait que Gratien renonce à porter le titre de « Pontifex Maximus » comme l’avaient fait, depuis Auguste, tous ses prédécesseurs, signifiant ainsi ouvertement la séparation du paganisme et de l’Etat pour tendre à constituer un empire chrétien.

 

Il quitte, dans le même temps, Trèves, capitale officielle de l’empire depuis Constantin, pour s’installer à Milan dont il fait sa nouvelle capitale. En Juin 383, au décès de son épouse, Constantia, qui ne lui avait pas donné d’enfant, il se remarie avec une très jeune femme Laeta. Dans le même temps, alors qu’il part combattre une nouvelle fois les Alamans en Rhétie, l’un de ses officiers, Maxime, commandant de l’armée de Bretagne, se fait proclamer empereur par ses troupes. Cet usurpateur sait que les hauts dignitaires de l’armée méprisent Gratien, qu’ils jugent faible, incapable, livré à ses conseillers. Il n’ignore pas, en outre, que les classes aisées de l’empire se rebellent contre la décision prise par Gratien, à la fin de 383, de supprimer les exemptions d’impôts et les privilèges dont elles jouissaient. Fort de cette situation, Maxime débarque en mer du Nord aux bouches du Rhin. L’armée de Germanie le reconnaît immédiatement comme empereur. Gratien n’a d’autre solution que de se porter alors contre Maxime. La rencontre à lieu près de Paris. Mais son armée le trahit et rejoint Maxime. Gratien n’a que le temps de fuir avec trois cents cavaliers Alains qui lui sont restés fidèles. Il est rejoint à Lyon le 15 Août 383 par Andragathuis, général de Maxime. Fait prisonnier, il est exécuté peu après, le 25 Août 383. Maxime, qui désavouera ce meurtre et fera inhumer Gratien à Trèves, devient alors le maître des provinces situées au Nord des Alpes.

Apprenant la mort de Gratien, Ambroise, pour sa part, lui décernera le titre de « Christianissimus Imperator ».

 

De huit ans d’un règne difficile et d’une courte vie que l’histoire jugera sévèrement, il convient cependant de relever l’avis nuancé d’Ammien Marcellin, connu pour son impartialité et pour la pertinence de ses attendus, « … si la destinée l’avait permis et si ses proches avaient été à la hauteur, il aurait été un empereur digne d’être mis en parrallèle avec les plus choisis d’autrefois… ».

 

De fait, il fut empereur trop jeune et, parmi les proches ainsi visés, figure sans aucun doute Ausone, appelé à la cour de Trèves par Valentinien pour éduquer Gratien et qui, on le sait, abusa largement de sa situation de précepteur puisqu’il se fit nommer consul et devint le principal conseiller de son élève.

 

Il n’est pas établi qu’au cours de son mouvementé règne, Gratien soit jamais venu à Grenoble, et cela paraît du reste assez peu probable. Néanmoins, certains auteurs ont accrédité l’idée de son passage dans la région lors de son premier voyage dans les Gaules, en 377 ou au cours de l’hiver 379. On a ainsi conjecturé son arrêt à Grenoble (Allard), à Moirans (Chorier, Clerc Jacquier) ou encore à Parménie (Bouvier et Burkard).

 

Sa mort même a été localement embellie par l’inscription – fausse – dite du « Divin Gratien « , très probablement inspirée par l’oraison funèbre prononcée en 392 à Milan par Saint Ambroise lors de la mort de son demi frère Valentinien II :

 

« O Gratien, O Valentinien… Je pleure sur toi Gratien mon enfant si doux à mes yeux… je pleure aussi sur toi, Valentinien, mon enfant si beau à mes yeux ».

 

 

5ème série de projection :

 

Rétroprojection :

 

-          Gratien et la maison de Valentinien

 

Diapositives :

 

1     – Trèves, la capitale de l’empire d’Occident de puis la Tétrarchie

2     – la basilique impériale de Constantin à Trèves…

3     - … à l’intérieur de laquelle était exposée sans doute la tête monumentale en marbre blanc de Gratien

4     – Gratien vu de face…

5     - … et de profil, le nez et le menton ayant été cassés

6     – et Gratien toujours, mais moins conventionnel ici

7     – Grenoble antique