PROMENADE AU GUA

 

DIAPORAMA PRESENTE AU GUA LE 16 NOVEMBRE 2002

 

 

Mesdames et Messieurs,

 

De toutes les communes couvertes par les AVG le GUA est, sans doute, l’une des plus méconnues tant elle est diverse par ses paysages et par ses témoignages d’histoire.

 

Certes, ses archives, considérables, ont été ponctuellement explorées jusqu’alors et devraient l’être, dorénavant, de manière plus approfondie par un groupe d’historiens bénévoles constitué il y a peu.

 

Mais jamais, jusqu’alors, notre Association n’avait présenté de diaporama spécifique. C’est chose faite ce soir à votre amicale sollicitation.

 

Certes, celui ci n’est que fragmentaire mais il entend vous montrer, par l’image, et au moyen de quelques textes concis l’importance de sa diversité historique et culturelle.

 

Bien évidemment, cette projection a de nombreuses limites : celles du temps imparti, celles de la documentation iconographique et, surtout, celles du conférencier qui n’est pas un spécialiste de l’histoire de votre commune.

 

Ces triples limites étant exposées, je vous propose de m’accompagner dans un survol un peu intemporel et fragmentaire de ces lieux qui sont les vôtres mais que vous retrouverez, je l’espère, de manière un peu différente de celle dont vous les fréquentez usuellement.

 

N’attendez donc ni suite chronologique, ni promenade géographique structurée : laissez vous porter, si vous le voulez bien, par ce vagabondage un peu anarchique en excusant, au passage, la qualité médiocre de certains clichés pris en des temps déjà lointains et avec un matériel peu sophistiqué.

 

Nous sommes ici, pour commencer, sur le site de l’ancienne maison forte du Groin. Site étrange, un peu intemporel, au bord de la voie romaine majeure du Trièves, celle qui menait de Grenoble à Fréjus et dont l’existence nous est connue depuis plus de deux millénaires grâce à la précieuse correspondance de l’an 43 avant notre ère, échangée entre Munatius Plancus et Cicéron. Cette voie romaine à fait l’objet, de ma part, de plusieurs études publiées dans le bulletin des AVG et d’un diaporama spécifique sur lequel je ne reviendrai pas ici. Focalisons nous, pour l’heure, sur cette ruine altière qui domine toujours l’éternelle vallée de la Gresse à laquelle nous sommes tant attachés.

 

On ne connaît pas l’origine de cette maison forte altière mais l’existence attestée de l’église Saint Barthélemy dès le 11ème siècle augure d’une fort haute origine. La première mention connue du Groin remonte au 29 avril 1297, date d’un hommage rendu par Jacquemet de Commiers, nommé alors seigneur de Gronz, à Guigues Alleman. L’enquête delphinale de 1339 attribue la possession de la maison forte à Hugues de Commiers, alors seigneur du lieu. La dernière mention de cette maison forte est un acte de 1409. Depuis elle est à l’abandon mais tellement présente dans le paysage !

 

 

 

D’un château l’autre. Nous voici maintenant sur le site du considérable château du Gua auquel votre commune doit son nom. Le gua, ou gué, dont il s’agit était probablement celui, aménagé de temps immémorial, non sur la Gresse mais sans doute sur le modeste ruisseau du Jonier à proximité du site castral.

 

Une famille du nom du Gua est connue dès l’an 1161, si l’on en croit Guy Allard. Son château, aujourd’hui enseveli sous une épaisse végétation, se dressait à l'altitude de 880 m sur un mamelon qui est peut-être une ancienne motte castrale. Ce château existait sans doute dès la fin du 11ème siècle, car on parle, dès cette époque d’une « capella de Guado » qui pourrait être la chapelle castrale.

 

Le château du Gua se composait vraisemblablement d’un donjon, de quelques salles basses en contrebas de celui ci et de la chapelle dédiée à Saint Nicolas, le tout entouré de murailles sur une longueur de 110 mètres. La famille du Gua semble avoir été en possession du château et de ses terres jusqu’en 1309, époque où ceux-ci seraient définitivement passés dans la maison des Bérenger. On sait, par un dénombrement des biens d’Alexandre de Bérenger du Gua, en date du 27 mars 1682, que le château était déjà, à cette époque, totalement ruiné.

 

J’avais, lors de quelques sondages superficiels effectués au début des années quatre vingt, exhumé ce curieux bassin de pierre – peut-être une cuve de pressoir – quelques pierres bien appareillées et des traces de forts murs.

 

Eric Tasset s’est hasardé à reconstituer l’antique château du Gua ; ce dessin montre le résultat de ses investigations. La reconstitution, fort édifiante, montre un art ancien, charnière des 10ème – 11ème siècles, puissant, dominant, mais, dans le même temps, malcommode et isolé de tout. Fallait-il que son emplacement corresponde à un lieu de passage obligé pour concevoir que les hommes du moyen âge acceptent de vivre dans des conditions difficiles sinon austères !

 

Et puis, sans doute convient-il d’évoquer la haute figure de Louis de Bérenger, seigneur du Gua, favori, sinon mignon, du roi Henri III.

 

Retournons dans la plaine. Le Gua c’est bien sur, et peut-être avant tout, la Fontaine Ardente célébrée par Augustin d’Hippone dans sa cité de Dieu écrite vers 420. Il avoue qu’il ne la connaît pas personnellement mais que sa renommée est parvenue jusqu’à lui :

 

« … Pour cette fontaine, je n’ai trouvé personne qui m’ait dit l’avoir vue en Epire mais j’en sais qui m’ont dit en avoir vu une toute semblable en Gaule près d’une cité nommée Gratianopolis… ».

 

70 ans avant Saint Augustin, Saint Hilaire de Poitiers avait, quant à lui, composé un court poème sur la « Fontaine de Grenoble », mais celui ci est beaucoup moins connu que la citation de Saint Augustin. Sans doute faut-il lui rendre justice de cette antériorité !

 

 

 

C’est un site étrange même si les siècles qui nous sont proches l’ont totalement dénaturé. Il paraît probable qu’il y eut, en ces lieux, un site à Vulcain comme semble en témoigner une inscription, aujourd’hui perdue, que Savaing de Bossieu a,  en son temps, relevée : « Lucius Maternus Optamus a fait ériger cet autel à Vulcain ».

 

Sans doute convient-il également de rappeler que le Dr Bisch y aurait découvert, en 1916, des monnaies romaines et un très beau vase en marbre blanc, à godrons torses dont j’ai présenté, il y a quelques années, les caractéristiques  cultuelles, apparentées au vase de Puimoisson dans les Alpes de Haute Provence. Au surplus, on ne saurait parler de la Fontaine Ardente sans évoquer la haute figure de Julius Placidianus, préfet du prétoire sous le règne d’Aurélien, c’est à dire, quasiment vice empereur, qui, en 272, alors qu’il était en garnison à Grenoble, consacra à Vif, peut-être par prétérition, un autel aux « Feux Eternels ».

 

H. Müller, quant à lui, dit  avoir découvert sur le site des tuiles romaines.

 

Mgr le Camus y fit lui même une visite en 1672 qui le laissa perplexe. Pétri d’humanisme, il voulait sans doute retrouver les traces patentes de ce phénomène naturel qui impressionna tant la mémoire populaire durant de très longs siècles. Il y vit une flamme sans fumée, y respira l’odeur de souffre et paraît au demeurant avoir été très circonspect.

 

Et puis, il y a, à peu de distance, le site mystérieux de Bayanne dont La légende – l’une des légendes – a été contée en son temps par Yves Armand, Président des A. V. G. Mais au-delà de la tradition orale, des traces archéologiques ont montré que, sur ce site peu éloigné du tracé de la voie romaine principale du Trièves, avait pu s’élever un établissement romain, sans doute une mansio – c’est à dire un relais routier – comme en témoignent de nombreuses tuiles romaines retrouvées à la faveur de labours profonds sous une couche d’éboulis qui pourrait être à l’origine de la tradition d’une « ville ensevelie ».

 

Non loin de là, nous ne pouvons ignorer le site de  Miribel et de ses châteaux qu’au cours de l’une de nos sorties d’été nous avons visité au prix – faut-il le concéder – d’efforts méritoires.

 

C’est un site austère, connu de temps immémorial : en 1030, en effet, Humbertus de Mirabello, seigneur du lieu, fait donation de terres au puissant monastère bénédictin de Domène.

L’installation d’un castrum, peut-être dès l’an Mil, a nécessité d’importants terrassements, ménageant des replats et des abrupts, généralement chemisés de pierre. Les constructeurs de la fortification ont su admirablement se servir du relief, protégé sur trois cotés par d’abruptes pentes naturelles, doublées au surplus d’un important rempart.

 

En 1339 le château de Miribel est décrit comme étant l’un de ceux édifiés dans l’une des situations les plus fortes.

 

L’autre château de Miribel – dit de Grinde – est mentionné dès le 14ème siècle. Incendié à la révolution, il conserve encore une tour puissante et de solides structures médiévales.

 

La paroisse de Miribel Lanchâtre offrait autrefois la particularité de posséder deux lieux de culte appartenant à deux diocèses différents : Miribel à celui du de Die et Lanchâtre à celui de Grenoble. Faut-il y voir, comme j’ai été tenté de le faire, la frontière de deux civitates du Bas Empire : celles de Grenoble et de Die ?

 

Non loin de là est Lanchâtre – in castris – et son camp mystérieux dans lequel j’incline à voir, nonobstant l’absence de vestiges tangibles, un camp circonstanciel établi par les légions de Munatius             Plancus, alors même que celui-ci, entre Grenoble et le Verdon, allait et venait, espérant contenir les armées d’Antoine et de Lépide, qui menaçaient gravement la République romaine.

 

Le Gua recèle encore bien des mystères, à commencer par l’évolution toponymique de son nom : Guado au 11ème siècle, Vadum dans le même temps – ce qui démontre l’importance culturelle de son gué immémorial -. Au fil du temps, le « V » de Vadum s’est changé en « G » et le « D » est tombé. Le « a » de Vadum a quant à lui subsisté dans Gua, cependant que les autres consonnes disparaissaient de bonne heure.

 

Revenons un instant à l’église de Saint Barthélémy, l’un des quatre édifices religieux que cite le cartulaire de Saint Hugues.   

Au 15ème siècle, cette église avait pris le nom du Groin puisque un pouillé de 1497 la désigne sous le nom d’  « écclesia Sancti Bartholoméi de Grohyo ».

 

Reconstruite au 19ème siècle, elle possède = statues.

 

Allons plus haut dans la commune, à Prelenfrey, le « Pato Lanfredo » du cartulaire de Saint Hugues au 11ème siècle. Une église de l’an mil y existait donc. Un temps placée sous le vocable de Saint André, elle offre diverses mentions jusqu’au 14ème siècle. Elle a, depuis lors, été reconstruite à une époque récente.

 

 

 

Autre église, toute figurative celle là, l’église Saint Michel, du nom du saint des hauteurs que l’on retrouve en maints endroits et notamment à Claix, qui caractérise ici un pic dominant.

 

Sous ses flancs est un site étrange et préservé : le très ancien hameau de l’Echaillon, dont les granges « in manso de Eschallone » sont citées dans un texte du 10 juillet 1440.

Il est des lieux magiques, aimés des Fées, chéris des poètes, bruissants de murmures et hantés de mirages vaporeux ou fugaces, écrivait joliment, en 1990, Pierrette Faugeras. Celui là en fait assurément partie.

 

Rien ne manque, même pas l’étrange silhouette de la Pierre Viravi, bloc erratique que l’on imagine ayant pu être vénéré des Celtes sans que l’on sache pour autant si elle eut, véritablement, la destination cultuelle à laquelle tout son environnement appelle.

 

De cette pierre grosse ou Viravi, au vallon de l’Echaillon, ce ne sont pas les témoignages pratiques à défaut d’être historiquement vérifiés, qui font défaut. On y a parlé d’une Dame Blanche, Nicolette, fille d’un fermier des Amieux et d’un demi dieu, Aucassin, qui habitait l’une des plus hautes chaumières de Saint Paul !

Une vogue des muguets, aux racines immémoriales, se tenait encore, il y a peu, en ce lieu étrange.

 

Non loin de là, un ruisseau oublié, le Champa, ou ruisseau Bérenger, dont le regretté Jules Deprès nous a jadis conté la belle histoire.

 

Et toujours, omniprésent en ces lieux, le roc puissant, altier, de la roche Saint Michel qui se découpe ici sur un ciel azur et ses recoins mystérieux vers le Pas de l’Escalier ou Echailler.

 

Et puis d’autres lieux sont encore à évoquer :

 

-          celui de la maison forte du Mollard de Champrond dont l’abbé Coffin a jadis conté la riche histoire. Cette maison forte apparaît au début du 14ème siècle comme possession de la puissante famille des Alleman, dans sa branche dite de Champrond. Au siècle suivant elle appartient à la famille Henry puis aux siècles suivants on la retrouve dans les biens de la famille Ricoz venue de Touchane en Trièves. Bien remaniée ensuite, notamment au 17ème siècle, elle présente toujours de nos jours une fenêtre à meneaux sur la façade méridionale.

-          Le château des Bérenger, qui date de la première moitié du 18ème siècle, comme en fait foi un acte de 1743 faisant état du château nouvellement construit.

-          La maison forte de la Colombière, mentionnée en 1339, dont la localisation est aujourd’hui bien incertaine.

-          Le château de Lanchâtre, sur la commune du même nom, demeure d’Eymard Duvernay dont Yves Armand, dans son discours de réception à l’Académie Delphinale, a brossé une fort savoureuse évocation.

-          L’église de la Ferrière du Gua, qui fit partie jusqu’au milieu du 17ème siècle de la paroisse du Genevrey. Je n’évoquerai ici que pour mémoire la méridienne de cette église dont Bernard Tixier nous conte, dans le tout dernier numéro du bulletin des A. V. G. la symbolique et l’histoire.

-          Et puis, la Gresse, trop souvent meurtrière, telle que nous la contée Edmond Coffin et que l’on voit ici, image insolite, en 1985, gelée sur tout son cours inférieur.

 

 

 

Enfin, beaucoup plus haut, le saisissant col Vert, déformation récente du Govert, archétype du faux col, échancrure au sommet d’une falaise paraissant infranchissable. H. Müller devait néanmoins y trouver, dans le talus bordant le chemin, une monnaie romaine, dépôt probable d’un lointain voyageur et signe de sa fréquentation immémoriale.

 

Et puisque nous sommes en des lieux mystérieux, parlons aussi de l’autre pierre Viravi, ce curieux rocher en forme de bouchon de champagne renversé. On racontait, jadis, qu’il lui arrivait de virer sept fois sur elle même pendant certaines messes de minuit mais d’autres légendes assuraient qu’elle ne tournait qu’une fois tous les cents ans et que sa base conservait un merveilleux trésor, enfoui par les Sarrasins. En fait de trésor faut-il rappeler que rien n’a jamais été trouvé mais les légendes ont toujours la vie tenace.

 

Pour clore cette rapide et intemporelle errance arrêtons nous, si vous le voulez bien, sur la route du Gua, au Genevrey, et précisément à l’église Notre Dame qui présente encore cette très belle fresque de la Vierge au Manteau, œuvre du …. que nous avons retenue comme couverture de notre tout dernier bulletin, celui de nos vingt cinq ans de parution….

 

Mesdames et Messieurs, merci pour votre attention.