LA VOIE DE L’OISANS

 

COLLOQUE DU 8 OCTOBRE 2002, VIZILLE

 

Diaporama présenté par Jean Claude MICHEL : texte de l’intervention

 

Egalement présenté à Claix le 26 novembre 2005 et à Herbeys le 16 mai 2008

 

Mesdames et Messieurs,

 

Il m’échoit, dans ce méritoire colloque de vous présenter, par l’image et dans un temps limité, le possible tracé de cette quasi mythique « voie romaine de l’Oisans ». Pour être plus précis, je devrais parler des « possibles tracés » car, dans le segment Rochetaillée - Le Freney, ce ne sont pas moins de cinq tracés qui s’avèrent vraisemblables. C’est donc une gageure que de tenter de présenter, en une grande  heure, les problématiques qui s’offrent à notre sagacité.

 

Je le ferai, si vous le voulez bien, en trois parties distinctes :

 

-          le segment Grenoble – Rochetaillée, sur lequel je passerai assez vite car il ne présente pas de problématique majeure,

-          le segment Rochetaillée – Le Freney, le plus complexe, sur lequel tant d’auteurs ont buté et tant de théories ont été examinées. Comme on le sait c’est ce segment médian qui suscite encore le plus grand nombre d’interrogations. Bien évidemment nous ne les résoudrons pas ici mais l’image, davantage que le texte, sera là pour montrer combien la problématique est prégnante.

-          Et, enfin, le segment Le Freney – le Lautaret, sur lequel les auteurs se sont à peu près accordés.

 

Auparavant, il a paru souhaitable au organisateurs que quelques éléments introductifs soient consacrés aux voies romaines en général. Je vais tenter de le faire en un minimum de temps.

 

L’immense réseau de voies de communication terrestres qui se dirigeaient vers tous les horizons, est véritablement le symbole de la pénétration de la civilisation romaine dans la majeure partie de l’Europe et de l’Asie ainsi qu’en Afrique du Nord.

 

Avant l’arrivée des Romains, la Gaule et, notamment ce qui deviendra la province de Narbonnaise, disposaient d’un ensemble de pistes, très bien conservées et conçues de manière à permettre des échanges commerciaux. Ces pistes étaient entretenues, des relais prévus, des péages organisés à l’entrée des frontières des peuples et au passage de certaines rivières que l’on franchissait à gué ou sur des radeaux.

 

Les voies romaines ont ainsi, très souvent, succédé aux chemins Gaulois et Ligures, les Romains, en les organisant de manière méthodique n’ayant fait que mettre en œuvre des mobiles stratégiques qui constituaient le moyen le plus sur d’assurer une domination sur les pays conquis. C’est grâce à ces routes que les ordres venus de Rome parvenaient dans toutes les Provinces, dans les moindres districts. A son rôle militaire, la route joignait un rôle politique et culturel.

 

En effet, nul réseau n’a pu soutenir la comparaison avec celui des Romains qui ont construit et entretenu, pendant plus de 8 siècles, plus de 100 000 km de « viae » qui traversaient plaines, montagnes et marécages, sans chercher à contourner les obstacles de la nature mais en les domptant avec des ponts, des digues, des tunnels.

 

Les voies romaines se divisaient en voies militaires (« viae militares »), construites par et aux frais de l’armée – qui deviendront les voies publiques – en voies publiques (« viae publicae »), construites par l’Etat et surveillées par des curateurs et en voies vicinales (viae vicinales »), qui dépendaient des magistrats locaux.

 

Je vais vous montrer quelques exemples de ces voies romaines, certaines proches de nous, d’autres plus lointaines, mais vous observerez que la technique est, quasiment, toujours la même :

 

-           à Saint Ours sur Veurey, la voie de Grenoble à Valence, par la rive droite de l’Isère

-          aux Rampes de Pont Haut, la voie de la Matheysine au stratum bien conservé,

-          , à Saint Thibéry, avec un ouvrage d’art pour le passage de la voie Domitia

-          Cette même voie Domitia, forée dans le passage des Cluses, non loin du col du Perthus,

-          sur le versant Italien du col du Clapier qui vit peut-être passer Hannibal et son armée

-           à Ferrare, dans le Val Cenis, non loin de l’abbaye de Novalaise,

-          et, bien évidemment, à Donnas, en Val d’Aoste, dont la porte est tellement semblable à celle de Bons.

 

Mais il y avait aussi les voies urbaines, particulièrement soignées, comme  à Lyon, à Ambrussum, en Narbonnaise, mais aussi en Tripolitaine, ou encore à Thuburgo Magus, cette colonie fondée par Auguste pour commander les relations entre la Numidie et la Proconsulaire et enfin, à Dougga, l’une des cités antiques les plus élégantes et les mieux conservées des Provinces Africaines.

 

Partout, la même remarquable technique. Mais, attention : toutes les voies pavées ne sont pas romaines et toutes les voies romaines ne sont pas pavées !

 

Les voies principales sont connues, essentiellement, par les Itinéraires Antiques, au nombre de cinq :

 

-          les « Gobelets de Vicarello », d’époque Augustéenne, décrivant l’itinéraire de Cadix à Rome par la vallée de la Durance et le col du Montgenèvre,

-          l’itinéraire Antonin, daté de la première moitié du 3ème siècle,

-          l’itinéraire dit de Bordeaux à Jérusalem, livret de pèlerinage du premier tiers du 4ème siècle,

-          la « Cosmographie de l’Anonyme de Ravenne », dite aussi « Ravennate », du 7ème siècle,

-          et, surtout, la « table de Peutinger » : ce document, fondamental pour l’étude des voies romaines, est la copie médiévale d’un itinéraire antique découvert à Worms au début du 16ème siècle, par l’érudit Celtes qui la légua en 1508 à Conrad Peutinger d’Augsbourg – d’où son nom actuel -. Celle ci, aujourd’hui conservée à la Bibliothèque de Vienne en Autriche, dérive d’une carte du monde antique, de l’époque d’Auguste, sur laquelle on aurait surajouté, au Bas Empire, le réseau routier de la première moitié du 3ème siècle. Puis, entre 351 et 361, à Constantinople, un proche de l’Empereur Julien aurait repris et complété le document, postérieurement modifié, pour la dernière fois, dans le courant du 7ème siècle. Cette carte est édifiante mais ses proportions – 12 rouleaux de 6,75 m de long sur 0,34 m de large – déforment profondément les proportions géographiques. Son immense intérêt réside dans la figuration stylisée de 555 vignettes, figurant les principales villes de l’Empire Romain.

 

Pour le secteur qui nous intéresse aujourd’hui, le segment Cularo – In Alpe Cottia est bien figuré même si, comme on le verra, les stations restent difficiles à localiser.

 

Au bord de ces voies, on trouvait des « mutationes », relais destinés à changer les chevaux (entre sept et dix milles, soit 10,5 à 15 km) et des « mansiones », généralement établies à une journée de marche diurne l’une de l’autre (entre vingt et vingt quatre milles, soit 30 à 36 km) et tous les milles « pasus » (le double pas romain) soit tous les 1481 m on trouvait, généralement, un miliaire, cet ancêtre des bornes kilométriques qui, en Italie, indiquaient la distance à partir de Rome et, dans les Provinces, la distance à partir de la capitale ou de la ville la plus proche.

 

C’étaient, en général, des pierres cylindriques ou ovalisées, parfois parallélépipédiques, dont la base était cubique pour permettre un enracinement plus solide, de forme massive, mesurant 2 à 3 mètres de haut, 50 à 80 cm de diamètre et pesant deux tonnes, voire plus, toujours situées sur le côté gauche de la voie, c’est à dire tournant le dos à Rome.

 

Raymond Chevallier évalue à 8000 les miliaires retrouvés dans l’Empire Romain, dont 600 pour les Gaules. Encore ne s’agit-il que de ceux dûment répertoriés. Mais de très nombreux miliaires ont disparu au cours des siècles : on en a retrouvé en réemploi dans les remparts des chefs lieux de civitas, dans les églises où, retaillés, ils servent de colonnes et de bénitiers. Ils ont aussi servi de pierres domestiques, de rouleaux compresseurs, de polissoirs, d’oratoires ou d’abreuvoirs une fois creusés…

 

Peu de milliaires sont restés à leur emplacement primitif et notre voie, qui pourtant dut être bornée, n’en a malheureusement livré aucun.

 

En ce qui concerne le trafic routier, deux types de documents nous permettent de connaître les véhicules utilisés : certaines sources littéraires et, surtout, les représentations figurées telles que sculptures, peintures, mosaïques, monnaies. Ainsi,

le chariot monoplace figuré sur une stèle de Metz et surtout le gros véhicule de transport de personnes, ancêtre de la diligence, de Wardatal, reconstitué au Musée de Cologne.

 

Et, pour en finir, avec ces propos introductifs, quelques explications sémantiques sur les « Alpes Cottiennes » dont il sera beaucoup question : elles tirent leur nom de Cottius, contemporain d’Auguste, fils de Donnus, contemporain de César, tous deux roitelets d’un petit royaume, celui de Suse, dit « Regnum Cottii ». Le col d’  « In Alpe Cottia », c’est l’Alpe de Cottius : Bernard François y reviendra tout à l’heure.

 

Il est grand temps désormais d’en venir à ce qui nous occupe aujourd’hui : la voie de l’Oisans.

 

Connue par la Table de Peutinger et l’Anonyme de Ravenne, cette voie romaine a été l’une des plus étudiées, sans pour autant que son tracé soit aujourd’hui connu avec une certitude absolue.

Depuis d’Anville, au XVIII° siècle, plus de soixante dix auteurs se sont directement intéressés à la voie romaine de l’Oisans. Est ce dire la difficulté du sujet !

 

On a toujours opposé la « grande route » de Grenoble à Montgenèvre par la Mathéysine, le Champsaur, Gap et Briançon (alors même que celle ci ne figure pas, du moins pour sa partie septentrionale, dans les itinéraires antiques) à la « petite route » (bien que celle ci soit expressément mentionnée dans les mêmes itinéraires) par l’Oisans et le Lautaret, dite aussi « grand chemin », qui présentait l’énorme avantage de raccourcir de moitié la distance.

 

César, en 58 avant notre ère (ou du moins une partie de ses légions) aurait pu passer par le Montgenèvre et la vallée de la Romanche.

 

Cette voie, difficile mais directe, était, au moyen âge, la route préférée des pèlerins de Rome, venant de la France centrale ainsi que des militaires mais beaucoup moins des marchands.

 

On notera qu’aujourd’hui, quatre des principaux ouvrages d’art utilisés par la Nationale 91 pour franchir la Romanche (Ponts de Gavet, de Livet, de la Vena et de la Romanche) sont des sites attestés de ponts médiévaux au XIII° siècle et, probablement d’origine antique.

 

L’étude de la voie de l’Oisans pose encore bien des problèmes en ce qui concerne sa partie médiane : plusieurs tracés, utilisés simultanément ou successivement, sont aujourd’hui envisageables ainsi qu’on le verra lors de l’étude détaillée de certains segments. Il y a bientôt trente ans que je réfléchis sur la voie romaine de l’Oisans – celle de la Table de Peutinger – et, plus le temps passe, plus je suis dubitatif car tant de tracés s’avèrent en effet possibles.

 

Je ne parlerai pas ici du problème des distances qui nous entraînerait trop loin me contentant, dans la présentation qui va suivre, de mentionner seulement quelques aspects de la problématique posée.

 

 

Venons en très précisément au tracé de la voie.

 

1 – Segment Grenoble-Rochetaillée :

 

Selon Pilot de Thorey, la voie, au sortir de la « Porte Romaine » de Cularo, suivait l’actuelle rue Saint Jacques (nécropole suburbaine) en bordure du Draquet et se dirigeait par le chemin du même nom vers Saint Jacques d’Echirolles et le site médiéval de la Commanderie. Entre Grenoble et Echirolles l’éventail que représentait le Drac à l’époque antique ne permet pas de restituer le tracé mais, selon toute évidence, celui ci devait être le plus direct possible. En effet, les drainages naturels des Verderet de Bonne et Verderet Très Cloîtres avaient fait surgir des terrains marécageux de la plaine, une étroite langue de terre qui, descendant des coteaux du Midi jusque vers l’Isère formait alors, sans doute, la seule voie praticable entre Grenoble et Echirolles.

 

Echirolles, on le sait, possède un autel à Mercure, témoin d’un culte remontant, peut-être à l’époque de la conquête, emplacé au bord de la voie romaine.

 

De là, par un chemin qui forme encore la limite communale entre Echirolles et Jarrie elle se dirigeait sur l’Oratoire de Bresson ; c’est un site remarquable aux confins de trois communes : Echirolles, Bresson et Jarrie. La vue est saisissante sur la plaine de Grenoble jusqu’à la Bastille qui apparaît toute proche.

 

Ce point de passage évident était-il atteint par la voie venant de Saint Jacques et traversant le « bois du Temple » (site primitif de l’importante commanderie templière d’Echirolles) où des traces sont bien marquées à l’Ouest et à l’Est - mais le chemin semble s’être perdu entre ces deux parties – ou parvenait il directement à l’Oratoire par un axe direct Nord Sud encore marqué sur près de 700 mètres ?

 

De ce point – emplacement possible d’un ancien milliaire de la voie – on devait apercevoir l’agglomération antique.

 

Puis la voie s’élève par le « chemin ferré » gagnant 100 mètres d’altitude ; Ferrand dit avoir vu à l’Ouest de Bresson des « dalles avec rainures ». Jusqu’au Mont Jayet, le « chemin ferré » forme limite communale entre Bresson et Jarrie, preuve de l’ancienneté de son tracé.

 

Toujours sous la même appellation, la voie passe ensuite à l’Est du château Neuf et du lac de Haute Jarrie ; tracée à flanc de coteau elle est encore très discernable jusqu’au Plâtre et E. Thévenot la qualifie de « voie romaine très probante ».

 

La voie de l’Oisans s’infléchissait à l’Est, passant sous le lieudit « le Mollard. Dans cette partie elle est maintenant bitumée. Par contre de la Combe à la Croix de la Vue, son tracé est encore très apparent et caractéristique : très souvent rectiligne, avec de petits murets de soutènement.

 

Elle passe au lieudit « la Source », dans un très beau site puis à la « Congagnie » où subsistent, dans un site de carrefour manifeste, des traces de construction d’époque indéterminée.

 

De là, elle gagne la « croix de la Vue » (de la Via ?) d’où un tracé permettait de rejoindre le pont de Champ et la voie de la Matheysine.

 

 Dans ce secteur des traces d’ornières sont encore bien marquées. On sait que le problème des ornières a fait couler beaucoup d’encre mais, en définitive, il semble bien que celles ci aient eu pour but de servir de guide roues dans les passages difficiles.

 

La croix de la Vue perpétue peut-être l’emplacement d’un milliaire : c’est en effet un carrefour de plusieurs chemins anciens dont le mieux appareillé est assurément la voie de l’Oisans : murs de soutènement, murets, ornières imprimées dans de larges dalles de pavage…

 

Entre la Croix de la Vue et le Cornage la voie présente, dans ce trajet, suspendu en plusieurs points sur d’énormes murs de soutènement, des passages où l’on retrouve, inscrits dans la pierre les rails en creux, nombreux en Oisans.

 

Elle est particulièrement remarquable dans ce segment qui surplombe, de manière spectaculaire, la vallée de la Romanche.

 

Au delà du château du Cornage, la voie fait place à un chemin de terre puis goudronné et il faut restituer son tracé au dessus des « Mattons » : au lieudit « la Grande Vigne » un important habitat gallo romain occupé du 1er siècle de notre ère jusqu’aux IV° - V° siècles, a été découvert et fouillé en sauvetage en 1992.

 

Puis, elle se dirige vers le « prieuré », site de l’antique monastère de Sainte Marie de Viceria qui, dès l’époque mérovingienne, échangeait avec la Novalaise « le service de refuge, de protection et de surveillance mutuel ». Cette fondation qui existait, semble t-il, avant même la création de l’abbaye de Novalaise, aurait pu succéder à une mansio ou une mutatio, la première au delà de Cularo (Viceria ?).

 

On n’insistera pas sur la littérature un peu fantaisiste qui a pu naître à propos des origines et du rôle de Vizille durant la période antique : « oppidum antiquum » (Aymar du Rivail), « camp des veilles, castrum vigiliae » (Marigny), « station militaire » (Bourne) : la réalité est moins prosaïque et hormis le site de la Grande Vigne, Vizille n’a pas, à ce jour, livré de témoignages probants : tout au plus peut-on mentionner un « chapiteau romain en marbre blanc » trouvé sur le site du cimetière et conservé à Grenoble depuis son classement au titre des Monuments Historiques en 1911.

 

De l’ancien prieuré Notre Dame la voie se poursuivait sur les hauteurs en direction du château médiéval de Vizille puis traversait du Nord au Sud le parc du domaine de Lesdiguières jusqu’aux sources de la Dhuy qui passent pour avoir été connues dès l’ époque romaine et où un « édifice antique » aurait jadis été observé. Dans ce secteur un diverticule devait permettre de traverser la Romanche (gué ?) vers le hameau du Pont puis par le lieudit « la Croix » sur Saint Pierre de Mésage  de rejoindre la voie de la Matheysine.

 

La voie de l’Oisans, quant à elle, se tenant rive droite de la Romanche et probablement sur les hauteurs, gagnait la Rochette et la « Croix du Mottet » (ou Moutet) sur la limite communale Vizille/Séchilienne. Ici commençaient les difficultés : la voie, dont le tracé n’est pas conservé dans ce secteur, était, semble t-il, régulièrement emportée par les crues.

 

Aux rochers des Lauzes et des Sagnes et au Sud des Rivoirands, F. Vallentin et H. Ferrand disent avoir vu les entailles de la voie romaine de l’Oisans. Cette section est aujourd’hui détruite par les glissements de terrain du Mont Sec.

 

Selon toute vraisemblance, celle ci passait vers l’éminence de l’église puis vers le château de Séchilienne : une tradition obscure voit dans l’une des  tours du château une construction d’époque romaine.

 

C’est dans ces parages que se situait, en 1344, l’ « Eychalier », limite occidentale de l’Oisans. On notera que c’est dans ce secteur que Cortès et Armanet auraient relevé des « traces de route taillée dans le rocher ».

 

Il est de fait qu’à l’Ouest et à l’Est de l’église de Séchiliennne se voient encore de très beaux tronçons d’une voie de belle facture, au pavement encore très suggestif à certains endroits.

 

Je laisse à Bernard FRANCOIS le soin d’évoquer la problématique de FINES, cette station omise sur la Table de Peutinger, connue uniquement par le Ravenate et située, depuis l’étude définitive d’Emile Thévenot au lieudit « Lavorant » sur Gavet.

 

A cet endroit, la voie franchissait la Romanche (traditionnellement ainsi nommée selon Allix, en souvenir de l’ancienne voie romaine qu’elle longeait) : Ferrand, après d’autres, a souligné l’existence en ce lieu d’un pont antique dont les culées étaient encore visibles au siècle dernier. Une passerelle dite « Pont de Gavet » s’élevait jusqu’il y a peu de temps à cet emplacement, face au « Stade Nautique » et dans l’axe du ruisseau de Gavet. C’était là, précisément la limite territoriale antique : une croix, moderne, matérialise toujours cet emplacement.

 

On notera que Ferrand, qui situait Fines à Vizille, donne à Gavet le nom de « Catorissiacum » qu’il dit avoir relevé « sur certaines vieilles cartes » ( ?). Mais cette mention est déjà dans Roussillon (1878) qui parle de « vieilles cartes de la Gaule » ( !).

 

Mais où était située la « statio » de Fines ?

 

Le lieu le plus évident semble être l’actuel village de Gavet mais l’on observera que la « mansio » pouvait aussi être située à Lavorant : ce lieu, situé sur les hauteurs à 700 m à l’Est de Gavet, que l’on atteint par un chemin encore remarquablement pavé, révèle les ruines de cinq ou six maisons qui ne semblent pas être antérieures à la période médiévale mais qui peuvent traduire un habitat originel plus ancien et un rempart paraissant sans doute plus ancien dans lequel P. L. Rousset voyait une limite des Uceni : seules des fouilles permettraient de s’assurer de leur origine réelle. Mais la mansio a également été envisagée, plus à l’Est, aux Clos, vers la chapelle Saint Roch.

 

Bien matérialisée à l’Est de Lavorant la voie est également très apparente vers les Clos et entre les Clos et les Roberts.

 

Selon F. Vallentin, la voie des Roberts aux Clos était dite « ancien chemin vieux d’avant le déluge » ; d’une largeur de 2,60 mètres en moyenne, pavée de grandes dalles irrégulières, cette voie était, selon lui, bordée de chacun de ses côtés d’un mur. Elle est encore en partie conservée et offre un profil assez remarquable.

 

Son tracé est ensuite incertain. Restait-elle rive gauche de la Romanche ou, au contraire, comme la route moderne, retraversait-elle la rivière à Livet – où un pont est attesté au XIII° siècle - pour se tenir rive droite jusqu’au pont de la Véna ? F. Vallentin, la fait passer des Roberts au « Saut du Cheval », lieudit qui n’est plus mentionné sur la carte IGN.

 

Le seuil de la Véna correspond à la limite occidentale des paléolacs de l’Oisans et à l’emplacement du barrage accidentel de 1191 formé par l’effondrement de la Vaudaine. La rupture de ce barrage, dans la nuit du 14 au 15 Septembre 1219, devait provoquer, on le sait, l’une des plus grandes catastrophes du moyen âge : tous les ponts sur la Romanche furent emportés et les eaux s’élevèrent, à Grenoble, plus de neuf mètres au dessus de l’étiage de l’Isère.

 

Dans ce secteur, profondément bouleversé, la voie paraît devoir être située sur la rive gauche de la Romanche mais un pont est cité au moyen âge à la Véna et une hypothèse de voie distincte est envisageable par la rive droite et Baton, conduisant directement à Allemont Oz et Poutran. Nous y reviendrons tout à l’heure.

 

Des vestiges de la voie de la rive gauche auraient été vus vers le « Pont Séchier » (que F. Vallentin attribue à Hannibal et qui est cité jusqu’au XVII° siècle), limite des communes de Livet-Gavet et du Bourg d’Oisans. De là elle devait être parallèle au tracé de la nationale 91, au pied des contreforts du Cornillon, jusqu’à Rochetaillée. Des vestiges sont anciennement signalés dans le « bois de Cornillon ».

 

Rochetaillée :

 

Presque tous les auteurs anciens (à l’exception de Roussillon qui attribue le passage taillé dans le rocher à la période 1220-1225 ( ?) et Cortès qui l’attribue au XI° siècle) et la totalité des contemporains (à l’exception, notable, de P. L. Rousset) considèrent comme authentique le tronçon de voie de Rochetaillée, « a rupe inciso », roche cise, dans une charte de 1313. A. Grenier l’attribue sans aucune hésitation aux Romains et certains auteurs anciens y voyaient même un ouvrage construit par Hannibal ( !). Ferrand rappelle qu’on l’appelait jadis « chemin d’avant le déluge ».

 

A quatre ou cinq mètres au dessus de la plaine apparaissent, en effet, des traces manifestes de voie sous la forme d’entaille creusée dans le rocher du Cornillon, sur une profondeur de deux mètres environ.

 

Plusieurs tronçons, sur une longueur totale de plus de 300 mètres, sont encore visibles. Mais le passage était si étroit – de l’ordre de deux mètres, parfois moins – qu’on a douté de son authenticité jusqu’à ce qu’on découvre des rainures et les trous de scellement d’un tablier en bois qui devait surplomber le vide et doubler l’emprise de la route. Les rainures, parallèles au rocher, sont espacées de 1,38 m et devaient servir au roulage, cependant que d’autres rainures transversales, profondes de 10 à 18 cm, espacées de 2,23 m, devaient servir à l’encastrement de poutres soutenues pour la partie située au dessus du vide, par d’autres poutres enfoncées obliquement dans le rocher. Les poutres maîtresses étaient accrochées à la base de l’encorbellement par une mortaise.

 

A l’extrémité du tronçon situé le plus au Sud, la demi voûte disparaît pour faire place à un rocher taillé verticalement, donnant ainsi une voie d’une largeur de près de trois mètres.

 

Ces travaux considérables se justifiaient par la nécessité d’éviter le fond de la plaine, soit inondé en permanence soit exposé à des inondations temporaires, et témoignent, selon J. P. Jospin, de l’importance stratégique et économique que revêtait la voie de l’Oisans à l’époque romaine.

 

Des aménagements similaires procédant de la même technique d’élargissement artificiel d’une voie taillée dans le roc par des planchers en encorbellement sont connus en Mésie Supérieure (aujourd’hui Serbie) au défilé (« Gornja Klisura ») de la voie dite du Djerdap  construite sous Tibère et réparée sous Trajan ainsi qu’en témoignent des inscriptions gravées dans le rocher de la voie elle même.

 

Des aménagements rupestres de même nature sont également connus au poste romain du Néron et les suggestifs dessins établis par le fils d’Hyppolyte Müller montrent la technique de taille du rocher en encorbellement, la taille des rainures et la présence de traverses en bois.

 

 

2 – Segment Rochetaillée – Le Freney :

 

Je laisse également à Bernard FRANCOIS le soin d’exposer la problématique du secteur de Rochetaillée à Bourg d’Oisans et j’en viens sans plus attendre à

 

CATORISSIUM, CANTOURISA :

 

Citée par la Table de Peutinger (Catorissium) et par l’Anonyme de Ravenne (Cantourisa), cette station aurait été l’antique chef lieu de la vallée. G. Barruol y voit même la capitale des Ucennii.

 

Catorissium, dont l’emplacement précis n’est toujours pas connu, a été situé à des endroits divers et variés et, notamment :

- au pont de Gavet (Longnon)

- à Bourg d’Oisans (Albert, Chabrand, Ferrand, Thévenot, Barruol, François)

- à la Garde (d’Anville, Roussillon, Crozet)

- à Oz (Rousset)

 

Le segment CATORISSIUM – MELLOSEDO

 

est, selon la Table de Peutinger, l’étape la plus courte du trajet (V milles). Même si la distance doit être sans doute corrigée (X milles ?) c’est assurément celle qui, de tous temps, a été considérée comme l’obstacle terrible.

 

Divers tracés ont été envisagés et sont du reste nécessaires selon que l’on considère que Catorissium correspond à Bourg d’Oisans, à la Garde ou à Oz (l’hypothèse de Gavet devant être écartée pour les raisons que l’on a exposées précédemment) et Mellosedo à Mont de Lans ou à Mizoën.

 

Je vais successivement présenter les diverses hypothèses de tracé de la voie romaine.

 

A – Tracé Bourg d’Oisans – Mont de Lans : (environ 12 km)

 

Le Bourg d’Oisans a livré, en un lieu non précisé, une fibule « à Sanguisaga » (en forme de sangsue), gravée en Etrurie ou dans le Latium dans la seconde moitié du VIII° siècle avant J. C. provenant vraisemblablement d’une tombe située à proximité d’une piste protohistorique et, selon Pilot, quelques monnaies romaines.

 

F. Vallentin et H. Ferrand y situent la « mansio », le second à Saint Antoine, un peu au dessus du Bourg d’Oisans.

 

L’endroit le plus propice – si Catorissium est bien à situer à Bourg d’Oisans – semble être le site de l’église Saint Laurent, où un prieuré est mentionné dès 1036, placé sur un promontoire qui surmontait le lac d’Oisans. Un hospice y est signalé au début du XIV° siècle.

 

Mais, pour autant, le tracé de la voie est fort incertain : on a souvent supposé un double passage de la Romanche avec remontée sur le versant opposé, ce qui entraîne d’important détours et des pentes assez considérables. On verra, toutefois, que l’hypothèse d’un tracé par la Garde et Armentier mérite d’être sérieusement considéré ; c’est, au demeurant, celui qui prévaut aujourd’hui.

 

Avec Ferrand, Thévenot est persuadé que la voie romaine se frayait un passage dans les gorges de l’Infernet mais que la trace a du s’y effacer ; du reste on a signalé, depuis Ferrand, un lambeau, estimé romain, au bas de la montée de l’Infernet ; ce tronçon, abandonné sous le premier Empire, était appelé, selon Armanet et Cortès, le « chemin ancien des romains dit les Portes ». En dernier lieu, B. François estime que ce tracé direct est le plus vraisemblable. emplacement. Même si l’actuel pont d’Auris date de 1849 – comme le rappelait P. L. Rousset – il a toujours été désigné sous l’appellation de « pont romain », ce qu’Allix admettait, expliquant l’absence de vestiges par l’exhaussement et la montée des alluvions : le pont antique pourrait, ainsi, se situer à plusieurs mètres en dessous du pont actuel. En 1720 le pont d’Auris est d’ailleurs mentionné, ce qui montre une continuité du passage à cet endroit, où subsiste, en outre, un « champ du Gua » pouvant rappeler un gué antérieur à la viabilisation de la voie de l’Oisans.

 

F. Vallentin, entre le Bourg d’Oisans et le Châtelard, avait imaginé un tracé fort compliqué, du moins dans sa partie occidentale : Bourg d’Oisans, les Gauchoirs, les Escalons, la Danchère, l’Argentière, Bourg d’Arud, Venosc, (où des tombes protohistoriques et des tombes romaines des 3° - 4° siècles ont été découvertes et où des monnaies romaines sont signalées par Rochas-Aiglun en 1840), le Ferret, Côte Noire, Ferraret (où, dans des marmites de géant il voyait les citernes d’une « forteresse romaine » qu’il nommait « le Fort des Têtes » et près de laquelle il plaçait la station de Mellosedo), Combe Chave, les Ougiers, les Buissons, Pierre Frête, la Combe du Tuf ou Comboche, Serres du Coin, le ruisseau des Commères (où il signale un rocher taillé), le Bois du Roi, le Rocher Rond, la chapelle Saint Sauveur, le Mas de Rivoire le Haut, puis un franchissement du ruisseau de la Rivoire sur un pont dit romain, les Mas des Drayes et de la Ferrière où il signale un rocher taillé et des murs de soutènement et, enfin, le Châtelard.

 

Cette hypothèse de tracé – un peu surprenante – est aujourd’hui reprise par J. P. Jospin. On observera qu’elle double la distance entre les deux stations (24 km contre 12 km).

 

Mont de Lans (Mellosedo de la Table de Peutinger ou Metroselon de l’Anonyme de Ravenne) est situé sur une très ancienne voie de passage ayant livré en 1860, à 500 mètres sous le village, sur le chemin conduisant au Freney, des sépultures de l’époque de Hallstatt faisant partie du « groupe de l’Oisans » et, en 1927, un foyer avec des tessons de poteries hallstattiens, au dessus de la Porte de Bons, près du chemin taillé dans le roc. Tout ceci témoigne d’une voie de passage traditionnelle.

 

Entre la Rivoire et le Châtelard, par le Penail, le chemin actuel porte encore l’appellation de « chemin ancien des romains » : c’est le tracé de la « route royale » du XVIII° siècle qui a du, selon l’usage, emprunter le tracé antérieur. Le Probus ne laisse d’ailleurs aucun doute sur le tracé de la voie médiévale antérieure (qui, très vraisemblablement devait être le même que celui de la voie romaine) : on y mentionne une « strata » entre le ruisseau de la Rivoire et celui des Commères. Or, l’on sait que le terme « strata » indique, au milieu du XIII° siècle, la grande voie de passage vers l’Italie.

 

Au col du Châtelard (où Vallentin plaçait une mansio) la voie passe dans une sorte de dépression séparée des abîmes de la Romanche, admirablement placée pour recevoir, comme le nom l’indique, un ouvrage fortifié (Ferrand y voyait un fortin).

 

Les traces sont ensuite moins évidentes jusqu’à la Porte de Bons : bien marquées à certains endroits ce n’est à d’autres, de nos jours, qu’un sentier même si l’assiette de la voie reste toujours manifeste.

 

La « Porte de Bons » :

 

La quasi totalité des auteurs ont considéré la Porte de Bons comme une construction romaine, voire « éminemment romaine » (Grenier, Thévenot). F. Vallentin rapporte même une tradition qui l’attribue à Hannibal ( !) ; mais cela était alors de mode. Seul, P. L. Rousset lui attribue une origine récente (les guerres d’Italie du XVI° siècle), ce qui ne tient plus, au demeurant, avec un document de 1319 récemment étudié par Bernard François.

 

 Au surplus, nombre d’auteurs modernes ont été frappés par ses similitudes avec les saignées taillées de la porte de Donnas dans le Val d’Aoste.

 

La première mention de cette porte semble être faite dans les « mémoires historiques sur le Briançonnais » de Brunet de l’Argentière, édités en 1754 : « …. On découvrit des vestiges en 1722 entre le village du Mont de l’An et la rivière de la Romanche au dessous dudit village à mi côte il y a un reste de chemein et un arc fait dans le roc avec des degrez pour monter dessus que les gens du pays appellent Porte Sarrasine… ». Telle n’aurait sans doute pas été la dénomination si, comme le pense P. L. Rousset, l’ouvrage avait été édifié au cours du siècle précédent ce témoignage.

 

La Porte de Bons est un portail rocheux ouvert dans les schistes chloriteux sur la paroi qui domine le cours de la Romanche, à 150 mètres environ au dessus du tunnel de l’Infernet. Cette porte étroite est surmontée d’une voûte à section elliptique (hauteur, 4,05 m). Elle a une longueur de 3,50 m et une largeur de chaussée de 2,45 m. Cette arche, en partie creusée dans le rocher, en partie construite, s’est partiellement effondrée vers 1770  ; la largeur de l’arche, entre les piedroits, est de 3,15 m. De chaque côté a été ménagée une banquette formant un soubassement en saillie sur la paroi (de 0,30 m environ de largeur à une hauteur de 0,50 m). Des rainures d’une largeur de 5 à 13 cm pour une profondeur de 8 à 15 cm, distantes de 1,36 m à 1,60 m sont encore visibles. H. Müller y voyait le moyen de fixer des longrines, lesquelles, recouvertes de rondins, constituaient un chemin de bois permettant aux bêtes de somme d’avoir un sol abordable, même sur les pentes un peu fortes du trajet sur une roche assez glissantes. A l’aplomb du tracé, le rocher a parfois été redressé sur plus de six mètres de hauteur, ce qui montre les travaux colossaux générés par l’établissement de la voie.

 

Les quelques quarante auteurs qui ont étudié la Porte de Bons y voient ou un tunnel routier, ou une porte, ou un arc de triomphe ou encore un monument commémoratif à mi distance entre Culabone et Brigantione (Allix). G. Barruol pense également à un point de perception d’un droit de péage dans un passage obligé. Roussillon y voyait un monument commémoratif d’une victoire remportée sur les Allobroges ( !).

 

L’inscription dédicatoire de cette porte – qui a du vraisemblablement exister – serait, sans doute, à rechercher dans les éboulis au dessous de la porte.

 

H. Blet, pour sa part, a imaginé que le tracé par Bons, peut-être inachevé, avait pu être interrompu par suite de difficultés insurmontables. G. Sentis, sans aller aussi loin, y voit un passage exclusivement estival.

 

En dernière analyse, J. P. Jospin y voit une construction d’époque augustéenne.

 

Au delà de ces diverses opinions, on notera le souci ornemental qui a conduit les constructeurs à ravaler à une épaisseur sensiblement égale tout le pourtour de la porte : les coups de ciseaux qui ont opéré ce déblaiement se marquent encore à une hauteur de plus de dix mètres du côté qui touche à la masse de la montagne.

 

Par ailleurs, la voie, bien tracée dans la roche en place, s’étend assez longuement au dessus et au dessous de la porte avec des traces d’ornières assez nettes.

 

A 50 mètres de la Porte de Bons, une seconde porte, déjà en mauvais état en 1802, semble avoir existé : Héricart de Thury la figure dans ses « monuments celtiques » avec la légende : « portes vieilles du Mont de Lans en Oisans ».

 

Des vestiges de voie auraient été visibles au XIX° siècle, au delà de la porte, sur 400 mètres, sans interruption, jusqu’au ruisseau du Pontet.

 

A l’Ouest de la porte, Ferrand dit avoir localisé la voie romaine aux Garcins, où sa largeur moyenne était de 2,20 mètres puis, au delà, solidement pavée, avec 5 mètres de largeur et des inflexions se développant avec la régularité d’une courbe géométrique.

 

Après la porte, la voie présente un trajet en encorbellement sur environ 200 mètres. Jusqu’au hameau de Bons, la voie, sauf quelques éboulements, a conservé son aspect et sa largeur. De Bons à Mont de Lans elle était jadis bien visible sur tout son parcours, un peu en dessous de la route moderne. Mais Ferrand indique que, déjà en 1913, des propriétaires dont elle traversait les champs, l’avaient défoncée.

 

Enfin, on notera qu’a été trouvée à Mont de Lans, en un lieu non précisé, une monnaie sénatoriale d’Auguste (23 avant J.C) et qu’un hôpital, en mauvais état est signalé en 1455.

 

 

B – Tracé La Garde – Mont de Lans : (environ 12,5 km)

 

L’hypothèse d’un passage de la voie d’Oisans par la Garde et les terrasses d’Armentier a été émise dès 1847 par Roussillon, sans preuves historiques. Il dit d’ailleurs, laconiquement, « de la Garde, la voie antique descendait à la plaine par les coteaux ». Cette voie, pavée sur certains secteurs, est l’actuel G. R. 54 aujourd’hui un peu périlleux mais il faut peut être imaginer un tracé mieux sécurisé à l’époque antique.

 

La Garde est dotée d’une solide tradition antique et il n’est pas utopique, loin s’en faut, d’y situer Catorissium plutôt qu’à Bourg d’Oisans. Mais il faut, dès lors, opter pour un tracé par les terrasses d’Armentier et la cheminée d’Auris.

C’est ce qu’ont fait Marie  Christine Bailly Maître et Joëlle Bruno Dupraz après avoir définitivement établi que la Garde était, au XI° siècle, le siège du « castrum Sageti » qui contrôlait la circulation tant sur le lac d’Oisans que sur la voie romaine.

 

Le chemin qui suit le flanc du rocher de l’Armentier est ancien : le cadastre napoléonien montre que la spectaculaire route de l’Armentier, achevée en 1899, ne présente pas un tracé inédit et s’est, en fait, implanté parallèlement au très ancien « chemin de l’Armentier à la Balme » qui reliait la Garde à Auris, mal conservé dans les schistes calcaires, en passant par les Essoulieux, le Bassey et Vieille Morte.

 

Il surplombe, dans un à-pic impressionnant, la vallée de la Romanche

 

La Garde a, en outre, livré des monnaies romaines non décrites au site des Châteaux et à Armentier et un as de Marc Aurèle.

 

Après les terrasses d’Armentier la voie aurait desservi Auris où, au hameau de la Ville (villa ?) ont été découvertes des monnaies de Trajan et d’Antonin le Pieux. De la Balme elle empruntait le tracé dit « cheminée de la Balme » (ou « cheminée d’Avoie » : de la voie ?) qui descend jusqu’au fond des gorges de la Romanche franchie par le pont d’Auris, probablement d’origine romaine.

 

Bien pavée dans ses nombreux lacets cette voie est assurément de haute origine : au moyen âge et même au delà, elle est qualifiée de « chemin général », tronçon de la route delphinale puis royale.

 

Du pont d’Auris cette voie gagne St Sauveur puis Mont de Lans par le trajet que j’ai précédemment décrit.

 

 

 

C – Tracé Oz – Le Freney : (environ 17 km)

 

P. L. Rousset a repris, en la développant et en l’argumentant, une hypothèse jadis formulée par Roussillon.  Celle ci consiste à situer Catorissium à Oz et Mellodedo au Freney ou à Mizoën.

 

Cette voie aurait eu son origine au pont de la Vena et se serait tenue sur la rive droite de la Romanche. Assez rectiligne elle correspond aujourd’hui à la route secondaire qui passe à la chapelle de Baton, au pied des montagnes des Challanches, à Châtillon, à la Roche de la Ville et à la chapelle de la Madeleine pour aboutir, sans difficultés particulières à Allemont où des « objets romains » auraient été découverts et où un chemin porte encore l’appellation caractéristique de « chemin ferret ».

 

L’hypothèse développée par P. L. Rousset est argumentée par un certain nombre de considérations : cette voie, située sur la rive droite de la Romanche, offrait une alternative au franchissement du lac d’Oisans et présentait un itinéraire un peu plus court (Fines – Oz : environ 19 km) et, surtout, bien exposé au midi, alors que la rive gauche avec Bons et Mont de Lans était située au Nord. Selon lui, le patronage des saints des paroisses apporterait d’évidents indices : Oz, Huez et surtout Auris . En effet, les témoignages de la vie de Saint Géraud montrent que le saint abbé auvergnat du IX° siècle allait, tous les deux ans, à Rome en empruntant souvent le même itinéraire dont les deux termes de son passage des Alpes étaient Lyon et Turin. Sa biographie donne trois noms de lieux le long de la voie de l’Oisans : Catuserios, Abricolam et Mulsedonum. Malgré la différence de graphie – existant déjà entre la Table de Peutinger et le Ravenate – il est, semble t-il, aisé de reconnaître Catorissium et Mellosedo. Abricolam, pour sa part, pourrait être rattaché à Auris en raison du souvenir de Saint Géraud comme lieu de culte, renforcé par le souvenir, à Cluy, du culte de Saint Ilpise, plus ancien encore puisque remontant à l’époque de Saint Julien et de Saint Ferréol. Ceci démontrerait, selon lui, l’ancienneté d’Auris et le fait que ce village ne pouvait, semble t-il, qu’être situé à proximité d’un axe ancien de circulation.

 

 

Un lieu pourrait fournir un argument important à cette hypothèse en apportant des précisions sur l’une des stations de la Table de Peutinger. On trouve, en effet, au cadastre du Freney, sur le versant Nord du col de Cluy, un chemin qui va de l’ « Octave » à la « Pierre des Jeux » ; sur celui ci une croix est nommée la « croix de l’Octave ». Excentrée à l’Est du tracé présumé de la voie il faudrait néanmoins admettre, comme le fait P. L. Rousset, qu’elle ait pu se déplacer au cours des âges. Il serait ainsi possible que cette « octave » indique, sinon une borne milliaire, tout au moins une indication de distance, précisant l’éloignement du gîte d’étape à partir duquel le calcul aurait été fait. Or, à huit milles de la croix de l’Octave se trouve Oz qui s’identifierait alors avec la station de Catorissium.

 

On notera, à cet égard, que l’une des rares trouvailles d’époque romaine faite en Oisans est une pièce de monnaie de Caligula, trouvée justement à Oz, en 1860.

 

Cet itinéraire offre, au surplus, deux sites qui méritent une grande attention : le « camp des forçats » et la « croix de Trévoux ».

 

Bien que certains segments de cette voie aient été décelés depuis longtemps, on doit à P. L. Rousset de l’avoir étudiée et même proposée comme tracé de la voie romaine de l’Oisans. B. François, qui ne contredit pas totalement cette hypothèse, y voit néanmoins un tracé qui se serait imposé vers le VI° siècle, alors que la voie romaine était, peut-être, tombée dans l’oubli.

 

Du Besey sur Oz jusqu’au col de Poutran cette voie ne pose, au demeurant, aucun problème majeur, la longue montée s’effectuant presque toujours à vue. Au notera, de plus, des tronçons pavés bien conservés, de nombreux murets de soutènement et deux lieudits indicatifs : le « pont du Gay » et le « pré de la Pierre ».

 

La traversée du plateau de l’Alpe d’Huez ne pose pas davantage de problème : un chemin, non pavé mais bien tracé, évitant les zones marécageuses, correspond à l’axe col de Poutran – col de Cluy ; il est connu depuis longtemps et la carte IGN le désigne toujours sous l’appellation « ancienne voie romaine ».

 

Il aboutit à « Pierre Ronde » d’où l’on gagne, par un tracé encore bien marqué, le Gua sur Sarennes - ancien gué évident et emplacement d’un hameau cité en 1339 – puis le col de Cluy.

Le « camp des forçats » :

 

Au col de Cluy, dans une grande étendue d’alpages, existe un vaste quadrilatère, à peu près régulier, entouré d’un fossé bordé par un mur de pierres sèches.

A l’intérieur de ce rectangle, se remarque un talus pouvant provenir du déblaiement du fossé qui est situé de l’autre côté du mur ; on pourrait y reconnaître le travail habituel effectué pour créer un camp militaire.

Le côté Ouest de l’enceinte a 336 mètres de longueur et le côté Est 282 mètres. Les deux autres côtés ont, respectivement, 107 mètres et 101 mètres.

Le mur en pierres sèches n’est pas continu mais, dans la partie inférieure du terrain – la plus utile pour la défense si tel était son objet – la construction a 0,90 mètre de haut, 0,60 mètre de large et beaucoup, parmi les blocs de la base, doivent dépasser 500 kg. Le fossé a encore 1 mètre de large et le talus inférieur, aux meilleurs endroits, 2 mètres sur 0,50 mètre de haut.

 

Du bas, part une « allée » remontant vers l’intérieur sur 80 mètres environ et débouche sur une partie en arc de cercle : P. L. Rousset y a vu le « praetorium » du camp. Cette zone centrale n’apparaît pas en relief mais plutôt en transparence à travers l’herbe : c’est au dessus, sur les pentes de l’Homme, que l’on distingue la différence de teinte dans la couleur de l’alpage.

 

Selon P. L. Rousset, les gens du pays auraient toujours surnommé ces restes le « camp des forçats », ce qui semble exclure une origine pastorale, et y voyaient une « colonie pénitentiaire » en relation avec les mines de Brandes. On notera toutefois que les auteurs anciens, et notamment ceux d’entre eux qui ont étudié toutes les possibilités de tracé de la voie (Vallentin, Roussillon), n’ont jamais fait la moindre allusion à l’enceinte de Cluy.

 

Jean Prieur, pour sa part, pense qu’il est difficile d’admettre l’idée que cet ouvrage puisse être un camp de haute époque. Par contre, il pense que cette énigmatique construction pourrait être une « clusurae » du Bas Empire. Ces fortifications frontalières – dont le seul exemple conservé de nos jours se situe à  « l’Ecluse », vers le col de Panissar, frontière antique entre la Gaule et l’Espagne – se présentaient sous la forme d’un rempart peu étendu, accompagné d’un point d’appui permettant facilement à une petite garnison de retarder le passage d’une armée. Au Bas Empire, la protection de l’Italie a du passer par la fortification des Alpes et ce sont ces « clusurae » qui sont représentées de façon schématique sur la « Notitia Dignitatum » au début du V° siècle mais dont la nature et l’emplacement exact ne sont pas connus.

 

Une étude récente de Jean Pascal Jospin ouvre de nouvelles perspectives de recherches : selon lui, la structure originelle serait plus petite que le « camp » : 230 mètres sur 100 mètres avec la trace de tranchées qui, dans le prolongement du fossé Sud, courent sur la ligne de crête jusqu’au sommet de la montagne de l’Homme et ce que Rousset prenait pour l’ « allée du praetorium » ne serait, en fait, que le côté méridional de cette structure primitive. S’agit-il d’un aménagement de l’âge du fer, dont la fonction défensive n’est cependant pas assurée, remanié ultérieurement à l’époque antique ou médiévale ? Mais, est aussi évoquée une possible fonction cultuelle de type « Viereckschanzen ». Seules des fouilles archéologiques sur ce site permettraient, peut-être, d’élucider les différentes hypothèses évoquées.

J’ajouterai, qu’au Sud du « camp des forçats » se voient encore des traces moins distinctes d’un second enclos, presque de mêmes dimensions, qui était établi parallèlement au premier. Comme on le voit, ce secteur un peu particulier est loin d’avoir livré ses secrets.

 

 

De Cluy, le « chemin du Lauzat », remarquable voie ancienne, de déclivité raisonnable et constante, aboutit, dans un très beau site, à la « Croix de Trévoux » c’est à dire des trois voies.

 

 Dans celle qui vient de Cluy, P. L. Rousset voit la voie venant de Vienne et de Grenoble ; dans celle qui se dirige vers le Freney : la voie d’Italie.

Une troisième s’en va, serpentant au milieu de larges polis glaciaires et conduit à Auris et, de là, à la Garde.

 

 P. L. Rousset jalonne ensuite la voie de l’Italie des repères suivants : Le Puy Dessus, l’oratoire Saint Servant, le chemin dit « la Charroutière », le Périer puis, après un franchissement de la Romanche (pont romain ?), le Freney.

 

Ce tracé est donc, globalement, bien identifié. Mais la déclivité laisse songeur : d’Oz (908 m) on monte à Poutran (1996 m) pour redescendre au Gua sur Sarennes (1662 m), remonter au col de Cluy (1801 m), redescendre au Freney (942 m) pour remonter enfin au col du Lautaret (2057 m). c’est peut-être un chemin de pèlerins mais ce n’est sans doute pas une voie militaire romaine.

 

Enfin, pour rester dans ce secteur on évoquera une dernière hypothèse :

 

 

D – La Garde – Mont de Lans par le col de Maronne (environ 13 km)

 

Celle ci est séduisante. En effet si l’on part de la Garde en direction de Maronne on passe au lieudit « la Madeleine » qui évoque un hospice ou une maladrerie édifiée selon toute vraisemblance au bord d’une voie fréquentée Celle ci, selon Roussillon, aurait succédé à un « temple romain » et une butte artificielle voisine a été décrite comme une « tour à signaux » antique. Il s’agit, plus vraisemblablement d’une motte féodale. A proximité, des sépultures ont été signalées à plusieurs reprises. Au delà se situe le lieudit « le Châtelard », fortification probable.

 

 De là est évident le passage par le col de Maronne en suivant un chemin encore dénommé « chemin du Pape ». Du col de Maronne on peut envisager un tracé au flanc des Côtes jusqu’à Cluy ou un tracé un peu plus bas par les Orgières et la chapelle Saint Géraud jusqu’aux sources dites « Font Bernard » et, de là, le chemin du Lauzat.

 

P. L. Rousset n’écarte pas cette solution mais l’explique comme étant un « raccourci de basse époque ». « Ce n’est pas – dit-il – qu’il fut plus court ; en effet de la Croix de Trévoux à Gavet par le col de Cluy, Poutran et Oz ou par Auris le col de Maronne, la Garde et Bourg d’Oisans, la distance est sensiblement la même » mais il reconnaît qu’  « on économise un col » et que celui de Maronne est sensiblement moins élevé que celui de Cluy.

Pour un kilométrage équivalent la fatigue et l’effort dus aux montées et aux descentes sont amoindris et l’altitude inférieure permet, pendant plus longtemps dans la saison, l’utilisation des chemins.

 

E – enfin, au point où l’on en est des hypothèses dans ce secteur tant controversé, j’en proposerai une cinquième, inédite : Bourg d’Oisans – le Freney, par Auris.

 

De Sainte Guillerme, au lieudit « le Clapier », la voie aurait pu, en effet emprunter le pont d’Auris et la « cheminée d’Avoie » que nous avons vue tout à l’heure, puis, d’Auris gagner la croix de Trévoux et le Freney.

 

La remarquable cheminée d’Auris est parfaitement tracée dans un secteur pourtant hostile. Tout incline à voir là un « travail de romain ».

 

 Elle aboutit à l’oratoire Saint Christophe et, tout proche de là, au hameau de la Balme, de haute origine. De la Balme existe toujours un bon chemin qui conduit à « la Ville », centre probable de l’habitat le plus ancien d’Auris.

 

On rappellera que des monnaies de Trajan et Antonin le Pieux y ont été découvertes et que c’est l’emplacement de l’église paroissiale Saint Julien, citée dès 1073 dans un cartulaire d’Oulx.

 

De là, un chemin ancien conduit aux Cours puis franchit la Combe Gillarde. Vers la source du même nom, ce chemin se raccorde à la très belle voie du Lauzat et aboutit à la croix de Trévoux, les « trois voies ».

 

On observera que cet itinéraire très rapide ne comportait aucune difficulté particulière et pourrait, lui aussi, correspondre au tracé Catorissium – Mellosedum.

 

Le problème de MELLOSEDO, METROSELON :

 

Ainsi qu’on la vu, cette station, citée par la Table de Peutinger (Mellosedo) et par l’Anonyme de Ravenne (Metroselon), a été proposée à divers endroits :

 

-          Mont de Lans, qui est aujourd’hui l’hypothèse la plus communément admise,

-          Venosc (Ferraret), selon l’hypothèse de Vallentin, que l’on doit écarter et qui, du reste, n’est pas reprise par J. P. Jospin qui fait pourtant sien l’essentiel du tracé proposé par Vallentin

-          Le Freney selon le tracé par Oz retenu par P. L. Rousset

-          Mizoën, selon plusieurs auteurs anciens (Gras, Roussillon… ), qui, au demeurant reste très plausible

 

Cette hypothèse, qui ne remet pas en cause le tracé par la Porte de Bons est, en effet, à considérer. La distance,  depuis la Garde,  est sensiblement comparable : tout au plus l’allongement de trajet est de l’ordre de deux kilomètres. En outre, avant la mise en eaux du barrage du Chambon, qui a profondément modifié la topographie des lieux, divers vestiges de voie ont été remarqués sur le territoire de Mizoën :

 

-          aux « Eglières », où le rocher avait été entaillé, semble t-il, et où des rainures se voyaient,

-          aux « Condamines » où des « vestiges de chaussée » se voyaient avant 1874 et où un pont, détruit au début du XIX° siècle, est dit « pont construit par les romains »,

-          à « Préforens », où plusieurs tronçons, en tranchée, avaient été repérés en 1875 avant d’être détruits peu après ; chaque tronçon présentait trois niveaux : un niveau pavé de grandes pierres irrégulières, une couche de mortier et de sable, une couche de petits cailloux. La largeur moyenne de cette chaussée était de 2,60 mètres,

-          le lieudit « Oulme » où d’autres tronçons étaient également visibles avant 1875,

-          le lieudit « le Rochas » où le rocher était taillé avec l’empreinte de deux rainures de voie, profondes de 8 à 15 cm et distantes de 1,38 mètre. Vallentin plaçait d’ailleurs en ce lieu une « mansio »

-          le lieudit « l’Echirolle » où se voyaient d’autres rainures, également écartées de 1,38 mètre,

-          le lieudit « Fernis » où le rocher avait été taillé et où des rainures semblables avaient été vues

-          et enfin près du village où Cortès voyait, dans le « chemin des Aymes » un reste de cette voie.

 

On notera également la présence de sépultures du Bas Empire près de l’ancienne église Saint Christophe.

 

F. Vallentin, pour sa part, avait imaginé un tracé entre la Porte de Bons et Mizoën par les Combes, le « mas de Fernis », le « mas de l’Echirolle », le « mas de Rochas », le « mas de Préforens », la « croix des Orars », le ruisseau du Gilibert – où il situe un « pont romain » qui aurait été détruit en 1830 – les « Condamines », Cotariol, Traverse, le « Pied des Serres », la Gardelle, Tardivière, le « mas de Daraire » et, enfin, Mizoën.

 

Bien évidemment on ne suivra pas Roussillon qui, pour sa part, faisait passer la voie à « la Loge » sur le plateau d’Emparis.

 

 

3 – SEGMENT MELLOSEDO – DUROTINCO : (environ 20 km)

 

Quel qu’ait pu être le trajet précédent, par Bons et Mont de Lans ou par les différents itinéraires envisageables de la rive droite de la Romanche, les auteurs s’accordent ensuite sur un tracé parallèle à la Romanche, à l’emplacement du barrage du Chambon qui a noyé toutes les traces, puis le long de la « Combe de Malleval ».

 

Dans ce secteur, F. Vallentin dit avoir vu des « rainures taillées dans le roc, identiques à celles de Rochetaillée » et Pilot y signale, sans précisions, la découverte d’ « objets romains ».

 

Quoiqu’il en soit la voie devait nécessairement passer aux anciens hameaux du « Chambon », du « Dauphin » - bourg dont l’origine était, pour le moins, médiévale – et de « Parizet ». Celle ci est mentionnée sur l’ancienne carte du Service Géographique de l’Armée de 1922.

 

A l’ancien hameau du « Dauphin », un « pont en pierre, à culées très fortes et assez élevées » est signalé par Albert.

 

Après le hameau de « Parizet », commençait la « Combe de Malleval », aride et désolée, justifiant sa sombre dénomination.

 

C’est là, à la limite actuelle des départements de l’Isère et des Hautes Alpes, que se situait l’  « hospice de Loche » (ou de l’Oche), reconstruit par Humbert II à l’emplacement probable d’une « mansio », indispensable dans ce pays désert.

 

La localisation deDUROTINCO :

 

Citée par la Table de Peutinger (Durotinco) et par l’Anonyme de Ravenne (Durotingo), cette station, comme les précédentes, n’est toujours pas localisée avec certitude. Elle était vraisemblablement située entre la Grave et Villard d’Arène. Le toponyme (forteresse) pourrait indiquer la présence d’une garnison au pied du Lautaret.

 

Diverses hypothèses ont été envisagées :

 

-          le lieudit « Degoul », sur la commune de Mont de Lans (Longnon dans le CIL XVII,2  et, récemment, R. Chevallier)

-          « entre la Grave et le Villard d’Arène » (Barruol),

-          les « Cours » ou les « Hyères » sur la Grave (Roussillon)

-          « un des villages du Villard d’Arène » (Ferrand)

-          les « Vernois » (Vallentin, Roman et H. Müller qui a vu « trois routes superposées appartenant à des époques diverses »,

-          « près du Villard d’Arène » (Champollion-Figeac)

-          au « Pied du Col » (Allix).

 

On observera que la Grave a livré divers vestiges antiques :

 

-          des sépultures de l’âge du Bronze, près de Ventelon,

-          une intaille en cornaline de haute époque (entre 50 avant notre ère et 50 après notre ère)

-          des traces d’occupation romaine au presbytère : lampe en terre cuite et monnaies romaines.

 

Au surplus, des travaux routiers sur la Nationale 91 ont livré, en 1987, une tombe du haut moyen âge et un hôpital est mentionné en 1458.

 

F. Vallentin, dans ce secteur, fait passait la voie – qui, selon lui, portait l’appellation d’ « ancienne voie sarrasine » - à Loches, les Balmes, le Rif de la Girose, Méaris, Grand Champ, au mas de la Gela (tronçon pavé ?), la Lauzelle, au mas des Fumas, aux petits et aux grands Vernois (agglomération jadis importante selon la tradition), et, après une traversée de la Romanche, au mas du Châtel à Negger, Binante, Saint Homme, les Ruines et au Pied du Col.

 

Le Villard d’Arène a également livré de nombreuses traces archéologiques :

 

-          au lieudit «Casse Rousse », à 2050 mètres d’altitude, une cachette de fondeur du bronze final (1000 avant notre ère)

-          au lieudit « les Cours » des traces d’occupation romaine : fiole en verre et scories en fer

-          au « Pied du Col », la trace de la voie romaine qui passait, presque rectiligne.

-           

Segment DUROTINCO – STABATIONE : (environ 16,5 km)

 

Au delà de « Pied du Col », probable emplacement de la station de Durotinco, deux intervalles, selon l’ancienne carte du Service Géographique de l’Armée, paraissent remarquables : la « Font des Vives » à 1500 mètres d’une croix, aujourd’hui disparue, qui était elle même située à 1500 mètres du col du Lautaret.

 

Le col du Lautaret, jadis de l’Autaret (« altaretum », autel en 1042) a toujours été la limite orientale de l’Oisans : « mandamentum Oysentii ab Altareto usque ad Eychalerium prope Sechilinam » au XIV° siècle. Aucune découverte archéologique n’est connue mais le col a peu été prospecté. H. Müller indiquait y avoir trouvé une tuile qu’il estimait incontestablement romaine. Ferrand y plaçait une « mansio », ce que semble corroborer la mention d’un hospice connu au moyen âge.

 

S’il est établi que cet hospice était bien situé au col lui même, l’éventuelle « mansio » est peut être à rechercher sur le versant méridional du col ; à peu de distance de celui ci, en effet, sur un replat bien protégé à proximité de la voie romaine, subsistent des substructions d’une construction compartimentée qui ne saurait s’assimiler à celle d’une bergerie.

 

Ces vestiges, qui s’apparentent pourtant à ceux de la mansio du col du Petit Saint Bernard, ne semblent pas avoir été étudiés.

 

Au delà du Lautaret et sur le versant Briançonnais la voie est encore très bien marquée notamment aux « Prés Brunets », à 1829 mètres d’altitude,

 

Et, surtout,  à l’ancien hospice de la Madeleine où certains auteurs placent la station de Stabatione, à la « Font Gilbert » et au Lauzet et elle présente un tracé beaucoup plus rectiligne que celui de l’actuelle route nationale. Enfin, sur les pentes de la montagne de l’Aréas, des tumulii protohistoriques auraient été découverts non loin de la voie romaine nommée ici « chemin Ferré.

 

Nous n’irons pas au delà de la Madeleine car le tracé par Stabatione et Brigantione jusqu’au Mont Genèvre, site de la station In Alpe Cottia, l’Alpe de Cottius, sort nettement des limites fixées au présent colloque.

 

Mesdames et Messieurs,

 

Il était difficile, sinon téméraire, de vouloir en un laps de temps aussi limité de brosser une synthèse de la vaste problématique qui se pose à nous. Les érudits auront sans doute trouvé mes propos sans doute trop généralistes cependant que le public moins averti aura trouvé cela sans doute un peu trop dense. Que les uns et les autres, que je remercie pour leur louable attention, veuillent bien me le pardonner.