LE MONT SAINT LOUP, ACROPOLE VIFOISE

 

 

Conférence du 24 janvier 2003 à VIF (collège le Massegu)

 

Conférence également présentée à Vif le 22 septembre 1984 et le 6 octobre 1985

 

Mesdames et Messieurs,

 

Ce n’est certes pas à vous que j’apprendrai que le rocher de Saint Loup, qui domine le bourg de Vif, est un site naturel très pittoresque par son emplacement et ses aspects déjà méridionaux, doublé d’un site archéologique de première importance, indissociable de l’histoire de Vif, de la vallée de la Gresse et même de toute la région grenobloise. C’est justement de l’histoire de ce rocher – ou, plus exactement, de cet oppidum – dont nous allons parler ce soir au travers de ce diaporama que j’ai intitulé : « le mont Saint Loup, acropole vifoise ».

 

De quelque endroit que l’on arrive, ce rocher caractéristique est visible et se découpe parfaitement de la montagne d’Uriol. Il ne pouvait donc pas manquer d’attirer l’attention des premiers occupants de la région. A défaut de témoignages archéologiques plus anciens, il faut fixer l’arrivée de ces premiers habitants il y a de cela 4300 ans soit, approximativement, vers 2300 avant notre ère.

 

Qui étaient ils ? Probablement des immigrants venus du midi, répartis en petites peuplades, qui se fixèrent dans divers points facilement protégeables tels que grottes, abris sous roches ou mamelons élevés facilement défendables. Ces premiers défricheurs de territoires libres, qui introduisirent dans notre contrée l'élevage et l'agriculture, se rattachent à la tradition dite chasséenne : on nomme ainsi cette civilisation particulière du néolithique qui tire son nom de la station éponyme de Chassey le Camp, en Saône et Loire, et qui s’identifie par une technique particulière de taille du silex et par une production céramique tout à fait spécifique.

 

Si l’accès à Saint Loup est maintenant facilité par un large chemin qui serpente en grandes boucles à moyenne déclivité, presque une route, il n’en était vraisemblablement pas de même à l’époque préhistorique et le seul chemin possible était alors celui qui monte droit, au travers des taillis puis de la forêt, que nous allons maintenant emprunter.

 

Ce chemin part en ligne droite dans le prolongement du mur du clos des Visitandines et il est encore relativement bien tracé. Il est en forte pente car il faut passer de l’altitude de 335 mètres à celle de 726 mètres.

 

Le paysage n’a vraisemblablement pas changé au cours des millénaires et les premiers occupants du rocher virent sans doute, à peu de choses près, le même paysage que celui qui apparaît sur les clichés que nous venons de voir.

 

Le chemin parvient à un plateau très allongé, sur lequel jaillit une source, élément indispensable à un habitat permanent. Il est dominé par le rocher Saint Loup proprement dit .

 

J’ignore depuis quand il porte le nom de Saint Loup, qui fut évêque de Troyes à l’époque mérovingienne, car les textes médiévaux parlent essentiellement d’Uriol. Mais le nom de Saint Loup, comme celui de Saint Michel, est fréquemment donné à des sommets et l’on en connaît de nombreux exemples de partout en France. Il est néanmoins unique pour notre région.

 

Les premiers occupants choisirent de s’installer un peu en dessous du sommet, vraisemblablement sur la plate forme Sud Ouest que nous voyons ici, relativement plate, inaccessible sur ses côtés principaux et bien protégée des vents. Inaccessible est bien le mot comme on peut en juger maintenant.

 

Voici le côté Est, tel qu’il se présente, vu d’en dessous.

 

Ceci est le côté Nord vers le l’éperon sommital.

 

Voici le côté Sud, plongeant sur Vif

 

Et, enfin, les contreforts Ouest, dominant Saint Paul de Varces.

 

Ces premiers colons édifièrent alors des cabanes ou huttes circulaires d’environ 2 mètres de diamètre. C’est une de celles ci qui fut découverte et fouillée par Hippolyte Müller en 1904. Il n’en reste, malheureusement, que l’emplacement que l’on voit nettement ici, formant une dépression à peu près au centre du cliché.

 

H. Muller n’avait pas manqué, en effet, de s’intéresser à Saint Loup qui, par sa situation, pensait-il, avait dû, à coup sur, attirer les populations préhistoriques. Une fois de plus, grâce à son flair extraordinaire, il avait vu juste. Il fit une quarantaine de sondages et des tranchées, surtout sur cette plate forme d’ailleurs, remua plus de 130 m3 et en tamisa plus de la moitié. Ce travail considérable fut largement récompensé car il fit une moisson abondante de matériel préhistorique et, fin Août 1904, il découvrit le fond de cabane qui devait valoir à Saint Loup sa célébrité. Cette découverte se fit dans les circonstances suivantes :  au cours d'un sondage, à 65 cm de profondeur, à cet endroit, rencontrant une argile sableuse de sol stérile, il voulut voir plus bas. Bien lui en prit car 15 cm en dessous il découvrit un foyer avec quelques débris de céramique, des os et des fragments de haches en pierre. Nettoyant alors ce foyer il s’aperçut qu’il était parfaitement circulaire sur 2 mètres de diamètre. Alors, en baissant par tranches de 10 à 15 cm, il le vida complètement et cela jusqu’à deux mètres plus bas que le sol actuel de la plate forme. La cabane était limitée par des pierres posées de champ, recouvertes de clayonnage enduit d’argile dont Müller attribue l’origine à l’enduit qui devait recouvrir le toit de la hutte pour en assurer l’étanchéité. L’intérieur contenait, outre les restes du foyer, plus de 300 outils en silex, de la céramique et de nombreux éléments bien conservés de vaisselle domestique.

Examinons un peu certaines de ces pièces qui dorment maintenant dans les réserves du Musée Dauphinois. J’ai d’ailleurs eu, peut être, plus de peine à les en faire sortir – fut ce le temps d’une photo - que Müller n’en avait eu à les exhumer. Voici tout d’abord des lamelles et des pointes de flèches en silex ambré, blond ou sombre, trapézoïdales ou triangulaires. Leur largeur n’excède pas 2 cm.

 

On voit ici un grattoir en silex blond à étranglement bilatéral. Cette pièce mesure 4 cm de long pour 2 cm de large.

 

Ceci est une pointe de flèche en silex, gris sombre, dite flèche tranchante.

 

On voit là un petit pot en céramique bistre à fond plat à ouverture rétrécie avec perforation au col, typiquement chasséen. Il est haut de 7 cm pour un diamètre de 6 cm.

 

En voici un autre, identique.

 

Et voici l’une des marmites. Ce vase a été découvert, presque entier, dans le fond de cabane. Il est en céramique grise de forme subcylindrique, à fond rond et à anse en ruban sur la carène.

 

Ceci en est un autre aspect. Ce vase remarquable est attribué au chasséen mais ne possède aucune équivalence pouvant servir de comparaison dans toute la région.

 

La voici encore. Je me permets de rappeler que cette marmite est vieille de 4300 ans.

 

J’ai souvent arpenté le rocher de Saint Loup et il m’est arrivé d’essayer d’imaginer ce que pouvait être la vie de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants qui vivaient dans cette cabane et dans celles, identiques, que l’on n’a pas découvert mais qui devaient nécessairement exister à proximité.

 

Sans doute ces cabanes étaient elles semblable à cette reconstitution d’habitat néolithique. Les habitants devaient, semble t-il, être surtout agriculteurs, cultivant un blé primitif et élever des porcs et des chèvres.

 

Les chèvres sont toujours présentes à Saint Loup comme on le voit ici. Peut être fabriquaient ils du fromage ? En effet, « toma » est un mot d’origine ligure qui désignait, et désigne encore, le fromage des Alpes.

 

Ils devaient aussi être chasseurs pour les besoins de l’alimentation quotidienne : le nombre de pointes de flèches retrouvées en témoigne. Que mangeaient ils ? On a découvert, dans les cendres du foyer, des os d’oiseaux, de sanglier, de chèvre, de cheval, de bœuf, de porc et même de cerf.

Enfin, ils étaient déjà d’excellents artisans potiers : les quelques pièces que je vous ai montrées le prouvent parfaitement. Cet artisanat était peut être, spécifiquement féminin, comme il est d’usage chez bon nombre de peuples primitifs.

 

Voici maintenant une pierre curieuse que l’on peut toujours voir dans la partie Nord Est de l’oppidum. Ni Hippolyte Müller, ni Aimé Bocquet ne parlent de cette pierre qui a pourtant été creusée de main d’homme. Son diamètre est de 54 cm. Sa hauteur totale de 36 cm. Elle ressemble tout à fait aux mortiers que l’on a découverts en maints endroits et qui sont datés, eu égard à leur environnement, de l’époque néolithique.

 

Pour ma part, après avoir beaucoup hésité, j’incline à penser que cette pierre est une meule néolithique, creusée directement dans un rocher, sans séparation du socle. On en a retrouvé de semblables notamment au site néolithique des Baigneurs à Charavines ou en divers autres endroits,

 

Telle celle ci.

 

Ces meules, généralement en granit, pesant jusqu’à 100 kg, étaient fabriquées par creusement d’une cuvette régulière obtenue en tapant avec un galet de roche dure, la face supérieure du bloc de pierre. La meule était ensuite complétée par utilisation d’un broyeur à main servant à moudre les céréales, blé et orge, pour en extraire la farine et éliminer le son. Cette farine, conservée dans des marmites comme celle que nous avons vue tout à l’heure, était ensuite utilisée à la confection de galettes qui étaient cuites sur des pierres plates posées sur des braises. L’un de ces réchauds à braise a du reste était retrouvé dans le fond de cabane.

 

Quelle que soit la l’explication, on admettra que cette pierre n’a pas été creusée sans raisons et l’utilisation à des fins domestiques reste, à mon sens, la plus plausible.

 

Après les néolithiques, le plateau continua à être occupé, mais de manière peut être plus épisodique. Il y a, en effet, de grandes difficultés pour arriver à une chronologie exhaustive du site en partant du matériel retrouvé par H. Müller et, donc, de nombreux hiatus subsistent.

 

Une étude stratigraphique n’est pas davantage envisageable car le sol a été bouleversé à tel point par les occupants successif du rocher que l’on trouve du silex à la surface et des tuiles romaines sur le sol primitif qui se situe à 40 cm de profondeur en certains endroits et à 1,80 m à d’autres.

 

D’autre part, l’exploration systématique du plateau n’a pas encore été faite. Les quarante sondages de Müller ayant livré, outre le fond de cabane, 1000 fragments de silex pour un poids total de 5 kg, je vous laisse imaginer la moisson de matériel qui pourrait résulter de fouilles de grande envergure.

 

Il y a bien eu, en 1967-1968, un chantier ouvert par les Scouts de France mais le rapport de fouilles est assez laconique  et ne décrit que quelques structures de murs et un peu de matériel, essentiellement chalcolithique.

 

 

 

 

L’époque du Bronze a livré quelques tessons en pâte fine et des fragments de bracelets. L’époque de l’indépendance gauloise est représentée par de la céramique grise et par un fragment d’amphore massaliote témoignant des échanges qui existaient alors avec la Marseille grecque.

 

Puis vinrent les romains qui installèrent, semble t-il, un petit camp ou un poste d’observation sur le rocher. Peut être ces soldats faisaient ils partie de l’armée de Placidianus, ce quasi vice empereur sous le règne d’Aurélien qui séjourna trois longues années à Grenoble de 272 à 274 et auquel on doit l’inscription « aux feux éternels » encore enchâssée dans le clocher de l’église de Vif. Hippolyte Müller disait que, dans tout le sol, on retrouvait du mortier de chaux et de briques pillées et une énorme quantité de graviers provenant du Drac ou de la Gresse, agglutinés dans du mortier. Cela demeure toujours vrai.

 

Les Romains fortifièrent le rocher sur sa seule partie accessible, c’est à dire le versant Est. D’importants restes de cette muraille, construite en petit appareil, existent encore. On peut en suivre la trace sur plus de 300 mètres de long. En voici des aspects :

 

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La présence romaine est également traduite par la découverte de débris de poteries, d’amphores, de tuiles en grand nombre et de quatre monnaies : l’une de Claude II, la seconde de Constantin et les deux autres indéchiffrables. Hippolyte Müller relate qu’on lui a montré une cinquième monnaie, un grand bronze de Faustine mère, comme provenant de l’oppidum.

 

Il reste le problème des cavités mystérieuses que l’on voit ici. Elles sont situées sur la plate forme Sud Ouest, un peu au dessous de l’emplacement du fond de cabane.

 

Il est évident que ces cavités ne sont pas d’origine naturelle. La pierre a été taillée de manière très régulière, vraisemblablement à la hache, comme on peut en juger sur ce cliché.

 

On a voulu y voir des tombes et, en réalité, dans le peu de terre que l’une contenait, Hippolyte Müller a trouvé quelques os humains de vieillards et d’enfants mêlés à des débris de mortier et de tuiles romaines. Mais la largeur de ces cavités – plus d’un mètre – inutile pour une sépulture et le creux insuffisant – 20 à 45 cm – font rejeter cette hypothèse.

 

Toutefois, j’ai trouvé des similitudes frappantes, la largeur exceptée, entre ces cavités et celles que l’on trouve dans certaines nécropoles antiques ou paléochrétiennes.

 

Ainsi en va t-il, par exemple, pour la nécropole du site gréco romain de Saint Blaise en Provence.

 

Je vous en laisse juges : voici Saint Blaise

 

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et voici Saint Loup. La similitude est frappante, mais je pense néanmoins qu’il faut écarter l’idée d’y voir des tombes. En effet, outre les dimensions inappropriées, le très petit nombre de ces cavités – quatre en tout – doit faire rejeter toute idée de nécropole. Et encore, sur ces quatre cavités, seules deux sont probantes, les deux autres, d’orientation différente étant à peine discernables.

 

Or on a vu que la population de Saint Loup avait été importante et continue. Si les occupants du rocher avaient voulu établir là leur nécropole il aurait été aisé de creuser un grand nombre de sépultures sur cette partie de la plate forme Sud Ouest où le substrat rocheux affleure.

Enfin, j’ajouterai que Michel Colardelle, qui a recensé toutes les sépultures antérieures au XIII° siècle pour les départements de l’Isère, de la Drome et des Savoie, note l’indigence de tombes rupestres pour cette vaste zone. Alors qu’elles sont si nombreuses en Provence, dans la basse vallée du Rhône et dans les Cévennes, il n’en relève que cinq pour tous ces départements, dont certains douteux, et ignore Saint Loup.

 

Alors de quoi s’agit-il ? A défaut d’explication probante il faut, une fois de plus, se référer à Hippolyte Müller qui y voyait des réservoirs gallo romains qui auraient été logés à l’intérieur de bâtiments élevés à cet emplacement et maintenant disparus.

 

Puisque nous en sommes aux interrogations, je livre également à votre sagacité l’image d’une autre pierre énigmatique située un peu au dessus du broyeur néolithique que nous avons examiné tout à l’heure.

 

Cette pierre mesure 1,26 m de long. Elle est creusée à peu près en son centre d’un carré de 23 cm de côté avec une proéminence centrale. J’ignore tout à fait quelle pouvait être sa destination ou son utilité.

 

Admettez toutefois que, là aussi, il est difficile d’imaginer que la forme tout à fait particulière de ce bloc de pierre puisse avoir une origine naturelle.

 

Après les Romains, l’oppidum fut réoccupé par les Burgondes. Plusieurs indices en témoignent. Tout d’abord, cers le sommet du rocher et à plus d’un mètre de profondeur, à peu près au centre de ce cliché, l’un des sondages d’H. Müller mit à jour un dallage composé de chaux et de brique pilée. Ce béton, de 10 cm d’épaisseur, reposait sur le roc et avait dû être le fond étanche d’un réservoir. La terre qui le recouvrait révéla une petite boucle en bronze, mérovingienne, et un grand nombre de fragments de poteries typiquement Burgondes.

 

En outre, à l’extrémité de la plate forme Sud Ouest, subsistent les vestiges d’un mur avec réemploi de tuiles à crochets et d’un mortier de chaux très grossier indiquant une érection postérieure à la période gallo romaine.

 

J’ai rassemblé, le temps d’un cliché, quelques fragments de grande tuile romaine qui étaient mêlés aux vestiges de ce mur.

 

Et puis, toujours à l’extrémité de la plate forme Sud Ouest, ces restes de construction qui ressemblent assez vaguement à des substructions de tour, que je serais, pour ma part, tenté de rapprocher du mur Burgonde, en proposant une datation similaire.

 

En voici d’autres aspects

 

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Il reste encore quelques autres vestiges, assez difficiles à expliquer. Tout d’abord ce mur, au pied de l’oppidum, qui me semble d’origine romaine, eu égard au liant de très bonne qualité qui unit les pierres.

 

Ce rocher vaguement taillé ensuite, à l’entrée de l’oppidum, qui semble avoir servi de point fortifié défendant le seul accès possible du plateau. Telle est toujours sa destination semble t-il.

 

Et, enfin, ce vague escalier, toujours vers l’entrée de l’oppidum.

 

On en voit ici un autre aspect. Ces esquisses de marches n’aboutissent à rien d’autre que l’abrupt des pentes du contrefort Sud Est du rocher. Y eut-il à cet emplacement un lieu de culte de haute origine ? On peut le penser.

 

Venons en maintenant au moyen âge qui vit la construction d’un château et d’une chapelle dont il ne reste plus rien, pas même la localisation précise. Il semble toutefois qu’il devait s’élever à peu près au centre du plateau vers la base du rocher à moins qu’il n’ait occupé l’emplacement de la grande construction existant actuellement que l’on voit maintenant. Je suis enclin à penser que si cette construction n’a pas fait partie du château, elle en a du moins utilisé les matériaux, car les fondations de l’édifice et la porte cintrée à l’Est, paraissent construits en matériaux de remploi.

 

Je ne pense pas personnellement que le château se soit élevé sur le rocher proprement dit car, hormis la plate forme Sud Ouest, il n’y a aucun endroit plat ; d’autre part, la source se situe en dessous du rocher et, enfin, et c’est peut être là le point décisif, le rapport de fouilles d’Hippolyte Müller ne fait état d’aucun vestige médiéval sur le rocher.

 

On possède néanmoins une assez bonne connaissance de ce château par la description qui en est faite dans l’enquête delphinale de 1339. Cette enquête nous apprend, en effet, que « le château d’Uriol est situé sur un large rocher fortifié ayant au sommet un donjon bien fermé de murs crénelés. Ces murs ont 67 toises de long sur 21 toises de large » (135 m sur 42 m).

Puis on voit que ce donjon, qui suivait les sinuosités du rocher, présentait des pans de murs qui, sur plusieurs points, se terminaient aux angles. On y entrait par une grande porte ou portail en belles pierres de taille. Près de ce portail était une écurie de 5 toises de long sur 2 de large et 4 de haut, dont la muraille avait 3 pieds d’épaisseur.

Dans le donjon à un seul étage était une salle avec une cheminée en pierres. En contrebas du donjon il y avait une tour carrée, haute forte, à deux étages, défendue par des créneaux et avec un toit couvert en petites planches minces. Elle avait 7 m de long et 16 m de haut. Ses murs étaient épais de plus de six pieds. Venait à la suite de cette tour un vingtain ou mur long de 16 mètres, haut de 6 et épais d’un mètre.

Le plus ancien texte qui mentionne ce château est un document de 1070. Le plus récent, un acte de 1683 qui constate que le château est en ruines depuis longtemps et qu’il n’y a plus, dans cet endroit, que de vieilles masures.

 

Si plus rien ne demeure du château delphinal de Vif, on peut néanmoins se faire une bonne idée de ce qu’il devait être, par comparaison avec celui de Claix, de même époque,

 

ou encore de celui, plus proche, de Saint Géraud. Mais on ne peut manquer de s’interroger à cet égard, sur la relativité des choses et du temps qui a permis que les plus anciens vestiges du rocher soient conservés par delà les millénaires alors qu’il ne reste pas une pierre de ce château considérable pourtant intégralement conservé il y a moins de cinq siècles de cela !

 

Il en est de même de la chapelle Saint Michel. L’enquête de 1339 la décrit comme étant située à l’entrée du donjon. Elle était d’origine très ancienne car la cartulaire de St Hugues de la fin du 11ème siècle la mentionne déjà. Sa disparition est davantage explicable que celle du château. En effet, on sait que Mgr le Camus autorisa sa démolition en 1673, pierre par pierre, pour que les habitants du hameau d’Uriol, situé à ½ lieue, puissent la reconstruire au milieu de leur hameau.

Le compte rendu de la visite pastorale est d’ailleurs intéressant car il indique que l’église est alors « située près du rocher ». « Près » et non « sur » le rocher. Comme l’enquête de 1339 place l’édifice à l’entrée du donjon, il y a là des arguments de nature à étayer l’idée que j’ai développée tout à l’heure.

 

Il reste, de nos jours, à l’ancien village d’Uriol, quelques traces de la chapelle Saint Michel, reconstruite pierre à pierre et que le temps semble avoir, jusqu’alors, épargnées.

 

Saint Loup n’a pas livré, tant s’en faut, tous ses secrets. Ce site incomparable mériterait que soient un jour entreprises des fouilles méthodiques destinées à retrouver l’emplacement des autres cabanes, à préciser la chronologie d’occupation, à vérifier s’il existe ou non un hiatus entre la fin du néolithique et l’époque du bronze et, surtout, pour tenter de découvrir l’emplacement de la nécropole qui serait de nature à lever bien des zones d’ombre.

 

Les hommes qui vécurent ici il y a 4000 ans de cela nous ont laissé quelques modestes témoignages : beaux dans leur émouvante simplicité et vénérables par l’antiquité qu’ils évoquent. Sans doute d’autres vestiges comparables dorment encore sur ce rocher et restent à découvrir pour nous aider à mieux connaître ce que fut la vie de ces tous premiers vifois.

 

Mesdames et Messieurs,

 

Le terme d’acropole que j’ai proposé comme titre à cette communication a pu vous paraître, tout à l’heure, quelque peu emphatique. Si tel était le cas, je souhaite avoir réussi à vous convaincre qu’il était, en fait, relativement approprié ; de même que j’espère vivement vous avoir communiqué mon attachement pour ce rocher historique.

Nous venons de faire un survol d’histoire de plus de quatre millénaires, par la pensée et par la suggestion. Il s’agit là d’un peu banal voyage ! Mais, disait Descartes, « c’est quasi le même de converser avec ceux des autres siècles que de voyager ».

Cette constatation pourra, si vous le voulez bien, tenir lieu, pour l’heure, de conclusion.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LISTE DES DIAPOSITIVES UTILISEES

 

 

1 – rocher Saint Loup

2 – Mont Saint Loup

3 – hommes préhistoriques

4 – Mont Saint Loup

5-                           « 

6 – rocher Saint Loup

7 – plate forme

8 – rocher Saint Loup

9 – plate forme vers les fosses

10 – falaises Est

11 – sommet Nord

12 – Vif vu du Mont Saint Loup

13 – Saint Paul de Varces vu du Mont Saint Loup

14 – emplacement de cabane

15 – rocher Saint Loup

16 – grattoir et pointes

17 – grattoir frontal

18 – pointe de flèche

19 – gobelet

20 – petit pot

21 – marmite

22 -        « 

23-            « 

24 – emplacement de cabane

25 – reconstitution d’une maison néolithique

26 – chèvres de Saint Loup

27 -                 « 

28 – pierre creusée

29 -                 « 

30 – mortier de Saint Blaise

31 – pierre creusée

32 -                 « 

33 – plate forme vers les fosses

34 – amas

35 -     « 

36 -     « 

37 -     « 

38 – Ermine Street Guard cliché n° 3

39 – mur romain

40 -                 « 

41 -                 « 

42 -                 « 

43 – fosses

44-        « 

45-        « 

46-        « 

47 – site de Saint Blaise

48 – tombes de Saint Blaise

49 -                 « 

50 -                 « 

51 – fosses

52 -     « 

53 -     « 

54 – pierre creusée

55 -                 « 

56 -                 « 

57 – plate forme

58 – amas

59 – tegulae

60 – « tour »

61 -     « 

62 -     « 

63 – mur romain

64 – entrée

65 – escalier

66 -     « 

67 – rocher Saint Loup

68 -                 « 

69 – plate forme

70 – château delphinal de Claix

71 – château de Saint Géraud

72 – mont Saint Loup

73 – chapelle d’Uriol ?

74 – chèvres de Saint Loup

75 – objets préhistoriques

76 – mont Saint Loup