FOUILLES ARCHEOLOGIQUES DE L’A 51 A VARCES

 

Conférence donnée à Vif le 10 octobre 1998, à Varces le 19 février 2000 et à Claix le 29 mars 2003

 

 

Mesdames et Messieurs,

 

Présenté pour la première fois à Varces le 19 Février 2000, ce diaporama un peu particulier relate les fouilles archéologiques conduites en deux campagnes, essentiellement sur la commune de Varces, sur les terrains concernés par le tracé de l’ autoroute A 51.

 

Il est issu d’une synthèse de près de 300 pages que j’ai établie sur les sites archéologiques de l’Achard et de la plaine du Lavanchon qui ne sera, vraisemblablement jamais publiée. Ceci mérite explications et j’en viens, dès à présent, au fait.

 

Cette conférence, à maints égards particulière, va nécessiter de votre part – et je vous prie par avance de ne point m’en faire grief – une attention soutenue car, en effet, en l’état actuel de la législation sur les fouilles archéologiques, je ne suis pas autorisé à publier, comme je le fais usuellement, le texte qui sert de support aux images qui vont vous être présentées.

 

Effectivement, l’interprétation scientifique des données archéologiques appartient – stricto sensu – aux seuls archéologues professionnels qui les ont conduites, dans le cadre d’autorisations administratives strictement réglementées et pour lesquelles l’  « imprimatur » m’a été refusé.

 

C’est la loi et il ne saurait, bien évidemment, être question de la transgresser.

 

Cette rigueur légale a toutefois des limites : ce sont celles de la prescription trentenaire. La présente communication pourra donc librement être publiée… en 2027.

 

Je doute d’être en capacité de le faire à cette date fort lointaine et, quand bien même le pourrais-je, vous devriez patienter un quart de siècle. Il s’agit là, vous en conviendrez, d’un horizon fort contraignant pour révéler ce qui, somme toute, nous appartient de cœur et de raison car ces lieux sont nôtres et leur histoire est notre histoire, davantage que celle d’archéologues, fussent ils patentés, qui, du reste, gardent comme confidentiel le produit de leurs recherches circonstancielles. Mais c’est la loi et je n’aggraverai  pas mon cas en insistant davantage.

 

C’est pourquoi, même si cette conférence demeurera vraisemblablement inédite, elle peut néanmoins être présentée et tout particulièrement en un lieu qu’elle concerne directement, au seul motif que si la plume est serve, demeure libre la parole : c’est, du reste, le vieux précepte des procureurs.

 

Comme ce froid sarcophage, fragile mais précieux témoin archéologique sur lequel je reviendrai ultérieurement, beaucoup de choses inertes vont vous être présentées et c’est pourquoi, je requiers, avec la solennité qui s’impose, votre assiduité car la chose n’est pas aisée et, pour tout dire, l’exercice un peu périlleux.

 

Cette parenthèse – dont vous comprendrez, j’en suis convaincu, le côté un peu précautionneux – étant refermée voici donc la synthèse méthodique et méthodologique que vous attendiez, je le crois, sur les sites archéologiques du Lavanchon, fortuitement révélés par les travaux de construction de l’A 51.

 

Muette pendant de très longs siècles, cette plaine l’est redevenue car rien ne demeure visible de la maison néolithique, des fossés de Hallstatt, des greniers laténiens, de la grande villa romaine, de l’aqueduc, des voies ou encore de la basilique funéraire mérovingienne et de ses 180 sépultures. Est-il, dès lors, besoin d’ajouter que les images inédites que vous allez voir sont d’inestimables documents historiques pour la connaissance de notre terroir !

 

Un dernier préalable, vaguement pédagogique est sans doute nécessaire, pour préciser certains des termes que je vais employer et pour les situer sur l’échelle du temps. Si nous ramenions celle ci non à des années mais à des mètres et que le sommet du pic Saint Michel, à près de 2000 mètres, symbolise le présent, on trouverait en remontant l’horloge du temps (c’est à dire en descendant en fait le pic Saint Michel) de l’altitude 476 m – l’an 476, la prise de Rome par les Barbares et donc la fin conventionnelle de l’Empire Romain d’Occident – ou, si l’on s’en tient à l’échelle sommaire que je vous propose la colline de Saint Géraud – jusqu’à l’altitude 741 m – l’an 741, mort de Charles Martel ou le rocher de Saint Loup, on trouverait, disais je, ce que l’on nomme l’antiquité tardive, le haut moyen âge ou encore l’époque mérovingienne, ces trois appellations étant synonymes. Plus bas, de l’altitude 284 mètres, c’est à dire quasiment le Bourg de Claix, jusqu’à 476 mètres ou l’année 476 – j’espère que vous suivez toujours – le Bas Empire romain.

 

Encore plus bas, d’un niveau de – 120 mètres (si l’on veut bien considérer un instant que nous pourrions être au bord d’une mer ou d’un océan – ce qui du reste n’est pas totalement utopique quand on songe à la grande mer du Vercors de l’ère secondaire – jusqu’à 284 mètres, l’an 284 et la Tétrarchie, le Haut Empire Romain. La cote – 120 mètres est importante : c’est l’époque de la défaite définitive des Allobroges devant Quintus Fabius Maximus qui marque, dans notre région, la fin de l’indépendance gauloise, la création de la Provincia, qui deviendra ensuite Narbonnaise, et l’installation d’une romanisation qui durera ici près de 570 ans, soit plus du quart de notre histoire.

Nous plongeons ensuite plus profondément avec l’époque de la Tène – ou second âge du fer – qu’il faut conceptualiser de la cote – 120 jusqu’à la cote – 500.

Plus bas encore, le premier âge du fer – ou époque de Hallstatt – de – 500 jusqu’à – 800.

Dès lors nous abordons des eaux profondes :

-          le bronze final, de – 800 à – 1200

-          le bronze moyen de – 1200 à – 1500

-          le bronze ancien de – 1500 à – 1800, terminus post quem conventionnel de la protohistoire.

Viennent ensuite les larges abysses de la préhistoire :

-          de – 1800 à – 2300, ce que l’on nomme le chalcolithique ou âge du cuivre, début de l’époque des métaux et, encore plus profondément, le néolithique ou âge de la pierre taillée de – 2300 à – 3500.

Je vous rassure : nous ne plongerons pas plus bas ce soir dans cet océan virtuel dans lequel vous avez eu sans doute quelques difficultés à me suivre, mais le voyage est d’importance car il va, en permanence, nous faire osciller entre ces deux cotes extrêmes, de – 3500 avant notre ère à + 740 après J. C. soit 43 siècles d’histoire de la plaine du Lavanchon, à la découverte de ses nombreux sites archéologiques, totalement inédits.

 

Mais, permettez moi, préalablement, un rapide flash back. Que connaissions nous, en effet, jusqu’alors du lointain passé de notre plaine ?

 

L’oppidum du Grand Rochefort, bien sur qui a livré maints et maints vestiges de tout premier ordre, couvrant une période allant du néolithique au moyen âge…

 

… dont quelques uns, parmi les plus suggestifs, sont ici rassemblés,

 

et le balnéaire gallo romain, situé au pied de l’oppidum, sur une terrasse méridionale qui a révélé, au milieu de substructions, ce très beau marteau votif, l’un des plus beaux jamais trouvés en Gaule.

 

Plus récemment, durant l’hiver 1980, les restes du viculus d’Allières sur Claix.

 

Et, peu après, durant l’hiver 82/83, au lieudit le Cellier, était exhumée, contre toute attente, une ferme de type indigène, datée de la fin du 1er siècle avant notre ère,

 

Dont les substructions, à moins de 30 cm de profondeur, commençaient à mettre à mal toutes les théories antérieurement développées sur les divagations de Drac et de la Gresse dans ce secteur.

 

De cette exploitation modeste, au caractère agricole marqué, apparaissaient en 1996, à l’occasion de travaux de terrassement vers le Pavillon, de nouvelles structures de murs – extension de la ferme antique – ainsi que des débris nombreux de tegulae, d’imbrices, de briques et même un peson de tisserand.

 

La zone fouillée en 1982 – 83 ayant livré très peu de tuiles, laissait supposer une couverture de type périssable – sans doute en chaume – alors que l’abondance de la tegula sur cette nouvelle partie ne laisse aucun doute sur la nature du toit.

 

Et puis vint, en 1994-95, la première des très importantes découvertes liées à la construction de l’autoroute. Alors que tous les auteurs avaient jusqu’alors admis que le site primitif de Varces devait être situé sur le mamelon de l’église ou du cimetière, les découvertes de l’Achard mirent définitivement fin à cette interprétation : le Varces primitif n’était pas situé sur les hauteurs mais bel et bien dans la plaine, ce qui, au surplus, mettait fin à toutes les théories sur les divagations de la Gresse, du moins en ce lieu.

 

En effet, à l’Achard, à la sortie Sud de Varces, subsistaient sous moins de 50 cm de terre arable, les restes d’une agglomération secondaire gallo romaine dont la chronologie peut, brièvement, s’établir ainsi : sur un site artisanal néolithique, caractérisé par deux foyers, des fragments de céramique et des aires de débitage de silex et de cristal de roche, devait s’élever, dès la première moitié du 1er siècle de notre ère, une agglomération de près de 2 hectares située au bord d’une importante voie romaine. Cette voie a été retrouvée et étudiée sur près de 100 mètres. Constituée de blocs de calcaire et de graviers, large de 5 à 8 mètres, il s’agissait d’une voie de premier ordre ; j’y vois pour ma part la voie de Grenoble à Fréjus.

 

Plusieurs bâtiments ont été nettement identifiés de cette agglomération qui assurait vraisemblablement le contrôle des voyageurs et des marchandises à la sortie du territoire des Allobroges. Il faut, à cet égard, savoir que Grenoble – alors Cularo – était le siège d’un important bureau de la Quadragesima Galliarum – c’est à dire de l’impôt dit du 40ème des Gaules, qui frappait d’une taxe uniforme de 2,5 % toutes les marchandises transportées – et qu’à l’Achard, aux limites des civitates des Allobroges et des Voconces, un bureau secondaire du 40ème des Gaules est hautement probable.

 

Cette agglomération frontière – dont le nom malheureusement ne nous est pas connu – peut être Varcia, possédait, comme il se doit, un quartier cultuel matérialisé par un édicule en bois dans lequel plusieurs centaines de vases miniatures, ainsi que des monnaies, étaient disposées à l’intérieur, autour d’un galet fiché verticalement dans le sol. On peut penser à un sanctuaire à Mercure, protecteur des voyageurs ou à une divinité topique, le galet pouvant symboliser, pour sa part, le vieux fond néolithique.

 

Modifiée à deux reprises, notamment vers la fin du 1er siècle, et aux 2ème, 3ème siècles, cette agglomération semble abandonnée dès la fin du 3ème siècle, peut être vers 270, époque où Grenoble entreprend la construction de son rempart et où l’enceinte gauloise de Rochefort est relevée et renforcée.

 

Après une longue parenthèse, les bâtiments gallo romains, ruinés mais encore visibles, sont réoccupés à l’époque mérovingienne et deviennent un important domaine fortifié – on voit ici ce qui peut correspondre à un reste de tour – qui sera ensuite abandonné au 7ème siècle, sans hâte, méthodiquement même, pourrait on dire, pour se transporter alors sur le site du Varces actuel.

 

A l’Est de l’Achard, au lieudit « les Maladières », traduisant à coup sur l’emplacement d’une ancienne maladrerie située au bord de la voie romaine, les travaux de percement du tunnel d’Uriol, dans sa partie Est, révélaient un édifice beaucoup plus récent mais ô combien précieux : ce four à chaux du 18ème siècle qui est aujourd’hui « conservé » - il s’agit d’un euphémisme – sous plusieurs centaines de tonnes de sable fin.

 

Plus au Sud des Maladières, dans la partie Nord du domaine de Pellissière, une villa romaine a été localisée par prospection aérienne. Non concernée par l’emprise de l’autoroute, elle attend son fouilleur.

 

Mais de l’autre côté de la montagne d’Uriol et avant l’engagement des travaux autoroutiers, que savions nous de la plaine du Lavanchon ?

 

Etaient connus, « les Mollards », cette oblongue colline où, non loin d’un mamelon appelé « le camp des Sarrasins », dont l’origine n’a jamais été étudiée, des tombes sous tuiles avaient été trouvées vers 1865 et quelques autres sites isolés, tel celui dit de « Tuilerie Thomas ». Voilà quelle était notre connaissance de ces lieux familiers avant l’ouverture du chantier de l’autoroute dans sa traversée de la plaine du Lavanchon.

 

Cette carte positionne, en sur lignage de couleur rose, les sites révélés en 1995 : l’Achard, les Maladières et Pellisière et, en jaune, ceux encore plus nombreux comme vous pouvez le constater, découverts en 1996 que nous allons, si vous le voulez bien, explorer pas à pas maintenant.

 

Une observation préalable s’impose toutefois : les toponymes marquant actuellement les sites archéologiques sont de deux ordres : certains sont fort anciens cependant que d’autres ont été récemment corrompus. Vous voyez ici une schématisation du cadastre de Varces et d’Allières de 1812 qui permet de bien comprendre de quoi il s’agit

 

Ainsi peut on voir, de gauche à droite sur ce cliché :

 

-          le Lavanchon de « Lavanches », apport de pierrailles et de gravats arrachés à la montagne,

-          Derbua, aujourd’hui Drabuyard, nom révélateur pour un toponymiste, de la forme « erbue » et par équivalence « arbue » ou « aubue », termes désignant des terres argilo calcaires, en général de couleur claire et toujours fertiles,

-          Rochedure qui n’a pas varié, de même que la Fontanelle, de fontaine, bien évidemment, à rapprocher de Fontanieu,

-          Le ruisseau de la Marjoëre au centre, dérivé de Marga, la boue

-          Mazetières, du latin « maceria » qui, très souvent, désigne des ruines et, en particulier, des ruines d’époque gallo romaines. Dans le contexte de Varces, cela est totalement avéré

-          Les « Gagnes », enfin, de l’ancien français « gaignier », c’est à dire labourer, puis, par glissement de sens, tirer profit.

 

Cette vue générale permet, d’une autre manière, de situer les divers lieux évoqués et l’évolution de leur toponymie au début du 20ème siècle.

Les « Gagnes » (en bas et à droite) sont devenues Martinais d’en Haut et le hameau historique de Martinais est devenu Martinais d’en Bas. On retrouve Derbua sous la forme corrompue de Drabuyard. Les autres toponymes sont restés inchangés.

 

Voici le plan d’ensemble des sites que nous allons maintenant parcourir, du Nord au Sud, en cinq étapes :

-          Champ Nigat

-          Drabuyard Nord

-          Drabuyard Sud

-          Rochedure

-          La Fontanelle

Ultérieurement nous poursuivrons ce voyage plus au Sud encore, aux confins de Varces et de Saint Paul de Varces, à l’actuelle entrée Ouest des tunnels d’Uriol, pour étudier le site archéologique des Gaberts.

 

Commençons donc cet initiatique voyage par le site le plus septentrional, Champ Nigat, dont voici, dans un sommaire croquis, le plan indicatif : vous remarquerez, d’emblée, que diverses périodes s’y entrecroisent : le néolithique, la Tène, l’époque gallo romaine.

 

Cette vue, prise le 31 Août 1996 de la route de Martinais d’en Bas, selon un axe Sud Nord, montre l’ensemble du site : sous les protections une maison néolithique et, à gauche de la photo, un bâtiment latenien. Au premier plan une zone de structures gallo romaines. Mais voyons tout ceci en détail.

 

Plusieurs trous de poteaux, du type de celui ci, d’un diamètre moyen de 50 cm environ avec calage en pierres et fragments de tegulae, peu espacés les uns des autres,

 

témoignent de l’emplacement d’une structure en bois : auvent, portique ou autre élément d’une époque gallo romaine indiscutable eu égard à l’ostentatoire présence de la tegula.

 

A 7 mètres au Nord de cette structure apparaissaient ces substructions de mur dont on notera, là aussi, la présence concentrée de tegulae : ce sont là, selon toute vraisemblance, les substructions d’un fort mur en galets ayant supporté une toiture en tuiles. Mais, même si une construction gallo romaine est inattendue en un tel lieu, elle reste néanmoins d’une grande banalité.

 

Ce n’est pas, tant s’en faut, le cas de la structure que nous voyons maintenant, située quelques 25 mètres au Nord du site gallo romain. Il s’agit là, et la chose est d’importance, d’une grande fosse de 90 cm de diamètre sur 15 cm de profondeur, avec la trace patente d’un calage externe, ayant servi de trou à un poteau faîtier de maison néolithique. Eu égard à la taille du tronc d’arbre qui devait être élevé à partir de ce trou on peut en déduire que le sol néolithique (c’est à dire il y a de cela au moins 5000 ans) devait être situé environ 80 cm plus haut que le sol actuel. D’autres trous, plus petits, repérés à proximité, laissent à penser à des trous de supports latéraux d’une exceptionnelle maison néolithique,

 

qui, toutes choses restant égales au demeurant, pouvait avoir l’apparence générale de cette soigneuse reconstitution.

 

Vous savez peut être combien sont rares les demeures néolithiques découvertes jusqu’alors en France – à peine une douzaine – toutes construites en bois et en torchis et dont, très souvent, le sol seul a conservé le négatif des poteaux car le bois, en pourrissant, a parfois laissé – comme à Varces – une indélébile marque noirâtre caractéristique. A proximité de cette structure a été trouvée une sépulture néolithique dont la datation au Carbone 14 (- 3500 à – 3000 avant J. C.) peut servir de référence pour la datation intrinsèque de la maison.

 

Au Nord de Champ Nigat, d’autres trous de poteaux, avec calage en pierre, peuvent témoigner d’une période plus récente, la Tene voire l’époque romaine,

 

ce que sembleraient étayer ces structures de murs romains, non fouillés, auprès desquelles on peut noter une forte concentration de tegulae. On a trouvé, à proximité, une céramique allobroge estampillée qui est la première découverte jusqu’alors au Sud de Grenoble.

 

Toujours à Champ Nigat, au bord du site, ont été observées ces substructions d’un bâtiment gallo romain également classiques (si je puis m’exprimer ainsi) aux assises peu profondes comme en témoigne la butte témoin de nivologie discernable en haut et à droite de ce cliché.

 

Beaucoup plus intéressant, car plus rare, cet habitat de la Tene, c’est à dire de la période de l’indépendance gauloise, situé à très peu de profondeur, comme le montrent, là aussi, les buttes nivologiques.

 

On voit très bien ici le détail du mur Est de ce bâtiment rural gaulois qui devait sans doute être un grenier, destiné à la conservation des récoltes, surélevé sur poteaux.

 

La matérialisation du tracé au sol faite ici par un sur lignage jaune, permet d’avoir une vue d’ensemble de ce type de construction,

 

dont est proposée, ici, une reconstitution tout à fait représentative des greniers de récoltes que la plaine du Lavanchon devait présenter il y a de cela un peu moins de 2500 ans.

 

 

Le second site archéologique est celui de Drabuyard Nord tel qu’on pouvait le voir de Champ Nigat, c’est à dire selon l’axe Nord Sud, à la date du 31 Août 1996.

 

Comme à Champ Nigat, un habitat gallo romain, sans doute précoce, est patent, caractérisé par cette structure de galets et de tegulae mêlés. Malheureusement, il n’a pas été fouillé car le temps était compté et l’urgence s’est portée sur les zones archéologiquement les plus prometteuses. J’ouvre ici une courte parenthèse pour indiquer que la technique actuellement mise en œuvre sur les grands chantiers consiste à ouvrir préalablement des fenêtres dans le sol par sondage à la pelle mécanique à concurrence d’une vingtaine de sondages, d’environ 15 m2 chacun, à l’hectare. Seuls, bien évidemment, sont explorés les décaissements révélant des structures archéologiques significatives.

 

Sur ce site, gisait ce beau col d’amphore, de grand modèle, s’apparentant aux productions méridionales de type Pauvadou, que l’on peut dater du 1er siècle avant notre ère et qui démontre, une fois encore, l’existence d’échanges entre notre région et l’extrême Sud du pays à l’époque gallo grecque.

 

Dans ce secteur de Drabuyard Nord, était découverte, en Septembre 1996, une grande voie romaine, bien carrossée, d’une largeur surprenante eu égard à son caractère vraisemblablement secondaire,

 

Et, dans le même temps, comme à Champ Nigat, des trous de poteaux destinés à supporter l’infrastructure de greniers lateniens, comme on peut le voir sur ce cliché d’ensemble.

 

En détail ici, le plus grand de ces trous de poteaux, particulièrement bien conservé.

 

Cette autre reconstitution permettant de mieux comprendre – pardonnez moi cette pédagogie un peu insistante – ce qu’étaient ces constructions lateniennes, décidément nombreuses et fort rapprochées les unes des autres en ces lieux.

 

Poursuivant la visite, nous voici maintenant à Drabuyard Sud où, le 26 Mai 1996, sur un site qui n’a pas ultérieurement été exploré, j’avais repéré cette structure carrée, d’époque romaine, au sol bien appareillé, de type béton ocre, situé à 60 cm de profondeur et à proximité duquel se trouvaient des fragments d’enduit peint rouge, traduisant un évident caractère soigné, sinon luxueux, de la construction.

 

Un peu plus au Sud se voyaient également, en Mai Juin 1996, des clous, des fers et divers éléments métalliques,

 

ainsi que de nombreux ossements d’animaux, traduisant sans doute la présence d’un dépotoir.

 

Parmi eux, ce bel osselet – peut être une pièce de jeu – ici présenté sur un fragment de grande tégula.

 

Et puis, une certaine abondance de céramiques réunies « in situ », le temps de ce cliché : céramique dite commune, claire ou sombre, céramique à vernis noir, rare dans la région grenobloise, céramique à parois fines, céramique tournée, grise ou noire ou encore fragment de sigillée.

 

Et, toujours à Drabuyard, un grand fossé du premier âge du fer ou période de Hallstatt (800 à 450 avant J. C.) orienté Est Ouest, d’une largeur maximale de 5 mètres, contenant un mobilier archéologique assez abondant dont la composition (céramiques, ossements d’animaux parfois brûlés, charbon de bois…) évoquait fortement des rejets domestiques.

 

Plusieurs structures excavées ont également été trouvées au Sud de ce grand aménagement : il semblerait que l’on soit là en présence d’un site d’habitat pré gaulois, ceinturé par un fossé peut être à usage défensif. Le mobilier céramique du site est caractérisé par des vases en pâte grossière, datés du 8ème siècle avant notre ère ; la présence de céramiques d’importation méridionale (amphore massaliote et céramique grise monochrome) est également attestée.

 

Ce site très important – c’est le premier site hallstattien reconnu avec certitude dans notre région – doit vraisemblablement être mis en relation avec les deux nécropoles à inhumation de datation contemporaine découvertes par H. Müller, de part et d’autre du Grand Rochefort.

 

 

Nous arrivons maintenant au quatrième ensemble, le plus spectaculaire de tous, celui de Rochedure. Cette coupe stratigraphique, photographiée le 6 Mai 1996 au Nord de Rochedure, montre, qu’au moins ici, eurent lieu de nombreux débordements du Lavanchon, matérialisés, comme on peut parfaitement le constater, par les différentes couches de graviers et d’alluvions.

 

A proximité de cette coupe, que l’on continue à apercevoir au fond et à gauche, existait une première structure romaine de 6,5 mètres sur 4 mètres,

 

Raccordée sur un second bâtiment avec un sol en partie conservé, l’ensemble ayant constitué, semble t-il, une structure artisanale à mettre en relation avec la grande villa.

 

Voici justement le plan de cette grande villa selon un relevé partiel dréssé en Septembre 1996 par Eric Plassot, responsable de la fouille. D’une superficie minimale de 3000 m2 cette villa romaine est la plus grande jamais découverte dans notre région.

 

Sa composition, avec une trentaine de pièces exhumées, d’une superficie moyenne allant de 20 à 140 m2 est conforme au plan des villae de grandes dimensions découvertes en Narbonnaise, dont un exemple reconstitué apparaît ici.

 

La partie Est que vous voyez maintenant est prise selon un axe Sud Nord et montre bien l’imbrication et la complexité d’une partie des pièces exhumées. Le Lavanchon, non visible ici, se situe à gauche de l’écran et les murs voisins du torrent étaient nettement plus épais que les murs Ouest, comme pour constituer autant de digues aux débordements du capricieux cours d’eau.

 

Quelques sols, comme celui là, dans la partie Ouest de la villa avaient conservé leur pavage en pierre : nous sommes ici au centre de la partie résidentielle et cette pièce est contiguë à un exèdre de 8 mètres de diamètre, sans doute une salle d’apparat, surplombant le Lavanchon et ouvrant sur le Vercors.

 

L’ensemble de la construction est soigné avec de très fortes fondations et un appareil avec chaînage en briques aux angles : on en voit ici un bon exemple.

 

La partie Nord Ouest montre également la puissance, presque même la grandiloquence, des substructions de cette demeure, qui était peut être la villa centrale d’un vaste domaine dont dépendaient sans doute toutes les structures agricoles et artisanales découvertes dans le secteur.

 

Sur l’ensemble du site, la brique, la tegula et l’imbrice abondaient. De nombreuses céramiques – on en voit ici quelques unes – attestent de la variété et de la richesse des objets domestiques.

 

Quelle chronologie proposer pour cette villa, photographiée ici à la date du 1er Février 1997, peu avant son nivellement définitif ?

Sur un site protohistorique, occupé avec une certaine continuité à l’époque de la Tene, s’élève, au 1er siècle avant notre ère, un habitat gallo romain, sans doute modeste à l’origine, qui sera transformé au cours des 2ème et 3ème siècles en une grande villa. Sa destruction semble intervenir vers la fin du 3ème siècle, au cours d’un violent incendie dont on ne sait s’il fut accidentel ou lié à des troubles locaux. La présence sur le site d’un four à chaux, sans doute médiéval, laisse à penser qu’après destruction de la villa, beaucoup d’éléments ont pu disparaître et, notamment, tous les éléments ouvragés : colonnes, fûts, pilastres, ornements…

 

A l’Est de la villa, dès Mai 1996, étaient apparues des structures moins soignées et d’époque plus tardive. Quelques tessons céramiques permettaient une attribution au haut moyen âge.

 

Le décaissement de la route qui les recouvrait, intervenu le 22 Octobre 1996, permettait d’en avoir une meilleure appréhension, comme on le voit ici sur ce cliché d’axe Sud Ouest – Nord Est pris le 26 Octobre 1996.

 

Cette autre vue prise peu après montre un appareil de pierres sèches, de construction peu soignée. Le statut de ces bâtiments n’a pas pu être déterminé. L’urgence de la fouille, la priorité donnée aux vestiges les plus significatifs, l’absence quasi totale d’indices n’ont, bien évidemment, pas facilité l’interprétation.

Mais il est grand temps, désormais, d’arriver au morceau de choix et à la plus imprévisible des découvertes faites à Rochedure sur le site de la grande villa romaine, celle d’un édifice religieux de très haute époque, apparemment isolé dans la campagne, en marge des paroisses connues et dont nul souvenir n’a subsisté.

 

 

La découverte de cette insoupçonnée église restera un événement majeur de l’histoire de notre plaine et une formidable découverte archéologique. Rien, absolument rien, ne laissait pourtant présumer cela : ni la toponymie, ni la mémoire collective qui est pourtant bien souvent la source la plus fondamentale des recherches historiques, ni, justement, la totalité de la recherche historique régionale que, personnellement, je croyais pourtant bien maîtriser.

Rien, absolument rien, je le répète, ne laissait pressentir que dans ce lieu banal de Rochedure gisaient les restes d’un édifices cultuel des premiers siècles de la chrétienté.

C’est dire l’exceptionnelle importance que revêt la mise au jour, dans un tel endroit, d’une église paléochrétienne insoupçonnée, dont l’origine est inconnue tout autant que l’est sa disparition subite, il y a de cela au moins 9 siècles.      

Pardons donc, si vous le voulez bien, à la recherche de l’église perdue.

 

Le relevé de l’édifice, que j’ai établi le 7 Décembre 1996, après exhumation totale des vestiges, est simple : une nef de 8 mètres de long sur 5,5 mètres de large, prolongée à l’Est par une abside de 2,90 mètres de profondeur.

 

L’emplacement d’un édifice cultuel avait commencé à être pressenti dès le printemps 1996. On voit ici une vue à la date du 26 Mai 1996. Des clous de cercueil et l’emplacement évident de sépultures ont, dès ce moment là, laissé présumer un site religieux et funéraire.

 

Les premiers murs révélés ont conduit à penser qu’on était sans doute en présence d’un édifice postérieur à l’époque romaine, implanté dans l’aile Sud de la villa et peut être contemporain de la dernière période d’occupation de celle ci.

 

Cette vue d’ensemble, à la date du 16 Juin 1996, résume bien la problématique à laquelle sont confrontés les archéologues, limités en temps comme en moyens : faut-il investir sur des apparences, voire des intuitions, ou, au contraire, aller à l’essentiel ? Même si, comme on peut le voir, les premiers vestiges n'étaient guère probants, le choix a, fort opportunément, été fait d’investir sur les premières présomptions.

 

Et, dés lors, que de révélations en 6 mois ! Nous sommes maintenant le 1er Décembre 1996 et l’église apparaît dans sa configuration globale. Mais quelle église ? de quelle origine ? pour quelle vocation ?

Autant de questions délicates auxquelles je vais m’efforcer d’apporter, sinon des réponses définitives et assurées, du moins de sérieuses pistes d’analyse et d’interprétation.

 

L’abside, tout d’abord, suscitait nombre d’interrogations. Appartenait elle à la construction originelle ? Etait-elle rapportée ? Et, surtout, à quoi correspondait cette pierre centrale, particulièrement bien ouvragée qui apparaissait partiellement en Juillet 1996 ?

 

Trois mois plu tard la réponse devenait plus évidente. On était assurément en présence d’un édifice de très haute origine, la présence d’un sarcophage complet – en bas et à droite sur le cliché – étant un indice suffisamment révélateur et la grande dalle de tuf, alors complètement dégagée, laissant augurer de l’emplacement possible d’une relique d’importance.

 

Mais, à la même date, le problème se complexifiait de nouveau. L’abside, vue ici selon un axe Nord Sud, s’entrecroisait avec des murs romains montrant une interpénétration ou un aménagement sans doute intentionnellement conçu dès l’apogée de la villa. Ma religion personnelle – si vous me pardonnez l’expression – était dès lors faite, fondée sur une intuition strictement empirique. Je m’explique. Même si l’on connaît encore très mal le processus de christianisation des campagnes, on pense que, pour une part importante, la construction des premiers sanctuaires ruraux pourrait être due à l’initiative de propriétaires privés, soucieux, au Bas Empire romain, de pratique religieuse dans leur domaine. J’ai largement développé, en son temps, cet axe de réflexion dans une étude consacrée aux origines de l’église Saint Jean Baptiste de Vif. A mes yeux, l’établissement de l’édifice cultuel de Rochedure procède du même raisonnement et, dès lors, pourrait remonter aux 3ème, 4èmes siècles de notre ère, c’est à dire à une période où la grande villa était encore occupée ^par une famille gallo romaine christianisée. Je n’ai nulle vanité, seulement un plaisir certain, à constater aujourd’hui que cette vision, alors contestée par les archéologues professionnels, est désormais leur interprétation officielle.

 

Mais, revenons pour l’heure, à notre visite des lieux : à l’entrée de l’abside, la pierre sépulcrale, au moment de son ultime dégagement, laissait augurer, je l’ai dit, la présence possible d’un tombeau majeur : je vais laisser un peu de suspense et nous y reviendrons tout à l’heure en parcourant l’importante et surprenante nécropole funéraire.

 

Dès lors, les découvertes allaient se multiplier : ainsi, en Octobre 1996, la mise au jour d’un sol en terrazo dans l’abside, démontrant que l’église était bien implantée sur une partie essentielle de la villa romaine et que son origine était bien contemporaine de celle ci

 

et découverte d’une rare et précieuse inscription funéraire paléochrétienne gravée sur un marbre blanc : celle ci, malheureusement incomplète, est la suivante :

 

                                   deux croix, paon, étoile, deux croix

 

                                   (IN H)OC TVMV

                                   (LO M)ESERECOR

                                   (DIA) (CH)RISTI RE

                                   (QVIESC)ET IN

                                   (PACE B)ONE

                                   (MEMORIAE)

 

« dans ce tombeau, par la miséricorde du Christ, repose en paix, de bonne mémoire…. ».

 

Le formulaire est classique et l’on peut, sans trop de risques, rapporter cette inscription à la seconde moitié du 6ème siècle. Mais, malheureusement, le nom du lapicide de Varces n’est pas révélé.

 

Entièrement dégagée dès le début Décembre 1996, l’église, que l’on voit ici dans sa globalité, nonobstant cet aspect de chantier inhérent à la plupart des sites archéologiques en cours de fouilles, avait livré, sinon tous ses secrets, du moins celui de son origine.

 

Cette vue à la même période confirmait l’interprétation générale, démontrant la contemporanéité et la simultanéité d’existence des bâtiments privés et du site religieux et la continuité de celui ci à une période postérieure.

 

En effet, comme le montre, voire le démontre, cet instantané du 7 Décembre 1996, on est bien en présence d’une église édifiée sur l’emplacement de l’une des pièces de la villa avec réutilisation d’une partie des infrastructures romaines.

 

Dans la partie Nord, se voient parfaitement ici la totale juxtaposition des murs romains et des murs d’un moyen âge de très haute époque, si l’on compare la qualité de construction, le mur romain, à l’extrême gauche, ayant toutefois un appareil plus puissant.

 

La même observation vaut pour le mur Sud de l’église, également parallèle au mur romain, à l’extrême droite, mieux appareillé et davantage ostentatoire.

Ceci nous conduit à nous attarder quelque peu maintenant sur les origines possibles de l’édifice de Varces. On connaît de nombreux exemples d’églises implantées sur des vestiges gallo romains dans toutes les régions de la Gaule. Dans certains cas c’est une tombe privilégiée – une memoria ou petit bâtiment destiné au culte du souvenir – qui donne ensuite naissance à un édifice cultuel : ainsi en est-il à Tavers (Loiret), Roujan (Hérault) ou Briord (Ain), tous datés du 5ème siècle.

Dans d’autres cas il s’agit de chapelles privées – les oratorio – des propriétaires chrétiens de grandes villae : par exemple Montcarret (Dordogne), Arnesp et Montmaurin (Haute Garonne), Saint Herblain (Loire Atlantique). Parfois, enfin, c’est la salle d’apparat de la villa, souvent à abside, qui est transformée en chapelle ; ainsi, Sidoine Apollinaire au 5ème siècle mentionne t-il un sacratium dans la villa Octavianus près de Narbonne.

Dans la proche région, nombreux sont les édifices de haute époque implantés sur des sites romains : Aoste, Hières sur Amby (Saint Martin), l’Isle d’Abeau (Saint Germain), Merlas (Saint Sixte), Penol, Tourdan, Saint Romain de Jalionas pour les sites avérés, Bourgoin, Moirans, Saint Jean de Soudain, la Terrasse, Tullins, Veurey, Vif et Voiron pour les sites hautement probables.

La présence à Rochedure d’une zone funéraire considérable conduit à s’interroger sur l’état primitif de l’antique église : s’agit-il ici d’une memoria distincte de la villa ou d’une chapelle intégrée de type oratorium ?

Son évolution ensuite est sans doute moins problématique. En effet, la découverte d’un fragment d’inscription paléochrétienne dans le chœur de l’édifice – j’y reviendrai – plaide nettement pour un édifice de type basilique funéraire rurale comme à Saint Ours sur Veurey et, surtout, Saint Julien en Genevois qui est le meilleur exemple comparatif connu.

On le voit bien, le plan de l’église est dépouillé : une nef rectangulaire prolongée à l’Est d’une abside semi circulaire, légèrement décalée au Sud. Un parallèle s’impose avec la basilique funéraire mérovingienne de Saint Julien en Genevois : dimensions similaires : nef de 8 mètres sur 5,2 mètres à Varces contre 8,5 mètres sur 4,80 mètres à Saint Julien, abside de 2,80 mètres à Varces également 2,80 mètres à Saint Julien , décalée au Sud dans les deux cas, similitude apparente du lieudit : Saint Martin à Saint Julien, Martinais à Varces.

Dans les deux cas les basiliques sont entourées d’une zone funéraire allant de l’antiquité au pré moyen âge. Au surplus, celle de Saint Julien intégrait un sarcophage dans l’abside ; deux sarcophages, dont un complet, existent dans la nef de l’édifice de Varces.

 

Demeure une incertitude. L’église paléochrétienne de Varces était-elle originellement, comme à Saint Julien en Genevois, consacrée à Saint Martin ?

On pourrait être tenté de rapprocher Martinais de Martin et pourtant rien, dans la microtoponymie locale ne s’y apparente : Derbua, Rochedure, la Fontenelle, Champ Perrigaud, Champ Fleury sur le cadastre de 1812. Toutefois, ces appelatifs ne traduisent pas une origine très ancienne et des toponymes plus lointains ont pu disparaître.

Il convient également de noter qu’il y a au Nord du Bourg de Vif un lieudit « Saint Martin » mais celui ci est situé à l’Est de la Gresse et il est emplacé à 3250 mètres, à vol d’oiseau, de Rochedure, donc trop éloigné de Martinais pour qu’il puisse y avoir entre les deux un quelconque lien. Alors ? Faut-il conjecturer que l’édifice de Rochedure ait pu originellement être voué à Saint Martin, dont, par corruption, serait né Martinais ? D’éminents toponymistes que j’ai consultés sur ce point pensent que cela est très vraisemblable et que Martinais a pu, fort légitimement, provenir dans sa forme terminale connue dès le 14ème siècle, de « Martinaco », c’est à dire « le lieu de Saint Martin ».

 

Mais une autre piste demande a être explorée : s’agit-il de l’  « ecclesia Sancti Marcellini » qui n’a jamais été localisée ?

Le culte à Saint Marcellin est plus ancien que celui de Saint Martin et rien ne pourrait expliquer qu’un changement de patronage ait pu, à Martinais, intervenir dans ce sens, les quelques rares églises dédiées à Saint Marcellin qui nous sont connues étant toutes d’origine paléochrétienne, à l’exception d’une unique fondation plus tardive connue en France à l’abbaye de Bonneval dans l’Eure et Loir.

Pour l’Isère, le cartulaire de Saint Hugues, de l’an 1100, ne mentionne qu’une seule église dédiée à Saint Marcellin : celle, non localisée, située précisément à Varces. L’étude toponymique iséroise se résume, quant à elle, a fort peu de choses :

-          un manse Sancti Marcellini, au 11ème siècle, lieudit disparu de la commune de Pommier la Placette,

-          l’église Sancti Marcellini citée par le cartulaire de Saint Hugues

-          et une autre église du même nom qui n’apparaît qu’au 13ème siècle à Saint Marcellin en Bas Dauphiné

 

Saint Marcellin de Varces existait donc vers 1100 (1080 – 1130) comme église paroissiale ; elle est alors taxée de 12 deniers, tout comme Saint Pierre de Varces, Saint Paul de Varces, Saint Pierre de Claix et Saint Jean de Vif. Ceci signifie que la paroisse était alors relativement importante. A titre de comparaison, l’église de Cossey n’est taxée que de 6 deniers. Sachant que l’église Saint Marcellin de Varces était le centre d’une paroisse importante et aisée, on a du mal à imaginer qu’elle ait pu être l’édifice de Rochedure. Les dimensions ne s’y prêtent guère : 10,90 mètres de longueur totale pour 5,5 mètres de largeur ; ce ne sont pas là les dimensions d’une église paroissiale. Cossey, à priori deux fois moins importante en termes de population, accuse des dimensions nettement plus importantes : 15 mètres sur 5.

En outre, l’assimilation de l’édifice de Martinais à l’église Saint Marcellin ne correspond pas à l’ordre, vaguement géographique, que le cartulaire de Saint Hugues est censé respecter. En effet, le texte cite Saint Marcellin non après Saint Pierre de Varces – ce qui aurait du être le cas si elle avait été située à Martinais – mais entre Saint Paul de Varces et l’église de Chabottes, ce qui induit qu’elle devait, en toute logique, se situer nettement au Sud de Martinais.

Prudent, Jules Marion ne situe pas Saint Marcellin et se borne à indiquer « église depuis longtemps détruite, située sur le territoire de Varces ».

 

En l’absence de publication officielle près de six ans après la fin des fouilles du Lavanchon, je me hasarderai donc, à titre d’hypothèse, à esquisser une possible chronologie du site de Rochedure.

Dans une vallée partiellement protégée de l’axe de circulation le plus probant fréquenté de très haute origine et où s’établissent dès la préhistoire des sites de hauteur (Comboire, Rochefort, Saint Géraud, Saint Loup) s’implantent, dès le néolithique, quelques foyers d’habitat de plaine tels ceux de Champ Nigat. Ceux ci perdurent et s'intensifient à la protohistoire (Champ Nigat, Drabuyard, les Gaberts). Durant l’époque de la Tene, de nouveaux foyers apparaissent, notamment à Rochedure jusque là vierge de toute occupation.

A l’époque gallo romaine s’implantent des domaines bien identifiés : Allières, le Cellier, Rochedure, les Gaberts

A ce jour, Rochedure apparaît comme le plus important de ces domaines : la grande villa en témoigne. Puis viennent les périodes de troubles : le rempart de Rochefort est consolidé, celui de Saint Loup également. Placidianus est à Grenoble et son armée commence à édifier les remparts de la cité. Rochedure est toujours occupée. Une partie de la villa est consacrée à un culte funéraire. Une memoria, à l’emplacement de l’église découverte, n’est pas improbable. Mais les pillages et les invasions se succèdent. La villa est incendiée. Le temps passe. Quelques inhumations sont encore faites sur le site dévasté dont, sans doute, subsistent quelques élévations des structures antiques. Sans que l’on sache si l’habitat se reconstitue à proximité ou, de nouveau, sur les hauteurs, Rochedure perdure comme site funéraire : les sépultures en pleine terre ou en coffre de bois (clous) en témoignent.

 

La memoria originelle est alors peut être intégrée à un petit bâtiment cultuel, de structure rectangulaire, s’appuyant en partie sur les restes de murs gallo romains. On assiste peut être à la même évolution que celle connue pour Saint Julien en Genevois. Y eut-il à Rochedure un édifice de type basilique funéraire mérovingienne ? Le précieux fragment d’inscription paléochrétienne et les deux sarcophages de la nef pourraient le laisser penser.

L’édifice primitif est ensuite consolidé ou reconstruit : une abside est établie dont l’orientation à l’Est respecte les usages observés sur tous les sites du haut moyen âge. S’agit-il alors toujours d’une basilique funéraire strictement rurale comme à Saint Ours, du cimetière d’un proche village ou encore de la chapelle privée d’un grand domaine ?

 

L’influence – sans doute considérable – du baptistère de Grenoble, récemment exhumé, n’est-elle pas, elle aussi, à invoquer à ce stade de la conjecture ?

Enfin, dans une dernière période – sans doute vers le 11ème siècle – l’édifice est enfin reconstruit, du moins partiellement, pour aboutir à l’état où il nous a été révélé et comme semble l’attester la céramique caractéristique produite par les niveaux fouillés.

Cette probable reconstruction médiévale sera, sans doute, de courte utilisation : peu après, cette inédite église disparaîtra pour des raisons totalement ignorées et, avec elle, tout souvenir architectural ou même écrit, pas davantage que la tradition orale – pourtant très souvent présente – n’en conservera la mémoire, jusqu’à son exceptionnel ressurgissement au début de l’été 1996.

 

A quoi pouvait ressembler cette église et peut-on aujourd’hui, toujours à titre d’hypothèse, en proposer une restitution ?

La faiblesse des fondations semble induire une hauteur relativement peu élevée de l’édifice. Le voûtement de l’abside reste, quant à lui, hautement improbable : l’épaisseur de la maçonnerie, en effet, n’est pas plus conséquente que celle des murs de la nef. Selon toute vraisemblance, une charpente devait supporter le toit. Par ailleurs, aucune trace de clocher n’est décelable. Compte tenu de la parfaite continuité des quatre murs de soutènement, l’accès à la nef devait probablement se faire par des escaliers sans doute situés à l’Ouest, un peu comme à Cossey. En fin, l’existence de baies est envisageable sans toutefois être certaine.

 

Plus précisément, on pourrait également se référer aux rarissimes édifices, d’origine paléochrétienne avérée, qui sont encore conservés dans leur structure originelle, comme ici certaines des chapelles de la grande abbaye de Novalaise, dans le Val Cenis, dont on connaît les très larges possessions et fondations dans toute notre région.

 

Il resterait encore à longuement disserter sur les proches hameaux de Martinais d’en Bas, « villa de Martinaix » au 14ème siècle, et sur celui de Martinais d’en Haut, anciennement dénommé les Gagnes, à proximité duquel s’élève la belle maison forte de Brigaudière, située à très peu de distance de notre troublante église,

 

Tout autant que sur Saint  Marcellin, dont l’hagiographie nous révèle deux saints homonymes : un pape de l’extrême fin du 3ème siècle et Marcellin l’Africain, évêque d’Embrun, ainsi que sur la mystérieuse église qui lui était consacrée à Varces, du temps de Saint Hugues et dont je n’ai fait qu’effleurer une problématique qui nous entraînerait très loin. Bien que vous manifestiez une très patiente attention, je ne saurais vouloir en abuser, d’autant plus que ce parcours un peu initiatique dans les sites archéologiques du Lavanchon n’est pas totalement achevé et que, après la basilique et, en complément de son étude, il convient maintenant d’examiner quelques aspects de la très grande nécropole qui l’entourait.

Au demeurant, dois-je le rappeler, je ne fais que résumer ici près de 300 pages de notes denses et donc, assurément, je suis conduit à faire des choix sélectifs qui, inévitablement, sont donc arbitraires.

 

Avant d’explorer le site funéraire proprement dit, et pour vous permettre de vous y retrouver un peu dans les divers modes d’inhumation que vous allez découvrir, voici, très sommairement faite, une synthèse typologique des divers modes de sépultures de l’antiquité au moyen age.

Les plus anciens sont figurés en bas et à gauche : il s’agit des coffres de tegulae de section quadrangulaire constitués de 4 à 6 tuiles romaines dans le sens de la largeur, rebords placés vers le bas pour former le fond : ces tombes appartiennent à la tradition antique et sont généralement antérieures à la fin du 4ème siècle.

A coté sont figurés les coffres de tegulae en bâtière, dont la datation classique va du 5ème au 7ème siècles mais dont des exemples sont connus dès le 2ème siècle.

En bas, à droite, les sépultures en pleine terre, du 4ème au 6ème siècles.

Au dessus, les coffres maçonnés en pierre, du 6ème au 8ème siècles, puis les coffres complets de dalles du 5ème au 8ème siècles, les coffres mixtes, c’est à dire en bois, dalles et tegulae des 6ème au 8ème siècles, et enfin les coffres de plan ovalaire et les coffres anthropomorphes qui traduisent une période plus récente : du 9ème au 13ème siècles.

Je parlerai tout à l’heure des sarcophages de pierre.

Voici un plan très sommaire des sépultures les plus significatives fouillées dans l’église ou à proximité de celle ci : leur étude exhaustive n’est bein évidemment pas de mise ici, d’autant que plus de 180 tombes ont été étudiées, ce qui est considérable car, même dans les grandes nécropoles rurales comme celle de la Grande Côte à Roissard, jamais autant de sépultures, portant sur une aussi large période, n’avaient pu, jusqu’alors être étudiées.

 

Pardonnez moi maintenant des descriptions qui pourront peut être choquer un peu ou paraître fastidieuses. Elles sont néanmoins nécessaires, je le crois, à la compréhension de ce site exceptionnel.

Voyez tout d’abord ce coffre en tegulae, placé contre le mur Nord Est de l’église, de type peu commun, mais de tradition antique certaine avec une datation très large : 2ème au 7ème siècle.

 

Cette sépulture de type maçonné, apparaissant ici, vidée de son couvercle de tuiles, contenait les restes d’un enfant

 

Là, une sépulture en pleine terre, orientée Nord Sud, d’une datation assez haute : 4ème au 6ème siècle,

 

Tout comme celle ci, de même orientation et de même datation.

 

Ici, une sépulture de type anthropomorphe, au moment de sa découverte, en Juillet 1996, orientée tête à l’Ouest. On remarquera sur le haut du cliché, une seconde sépulture, sans doute postérieure, dont sont nettement visibles les ossements de la cage thoracique d’un enfant.

 

Cette petite sépulture, également de type anthropomorphe, est aussi celle d’un enfant. Vous remarquerez le crane en pain de sucre, forme très rare – connue jusqu’alors dans une tombe de la nécropole de Meyzieu – transmise, croit-on,

 

(on le voit ici de manière plus complète) par les Huns aux Burgondes et provenant originellement de l’habitude prise par les populations migrantes, de lier les nourrissons sur une planche, la tête solidement fixée. Il semble, en outre, que celui ci ait subi une trépanation comme l’indique la marque explicite sur la partie droite de la boîte crânienne.

 

Au Nord Est de l’abside de l’église, cette sépulture de type coffre du Bas Empire, dont le coffrage en bois a disparu, ne laissant subsister que les pierres de calage

 

Cette autre est également de type coffre. Elle était appuyée sur le mur Sud de l’église, de telle manière que l’un des cotés du coffre soit formé par le mur de l’édifice.

 

Là, chose rare, un sarcophage en tuf incomplet – il manque le couvercle – s’appuyant au Sud sur le mur romain ; la datation la plus probable est le 7ème siècle.

 

Le redoublement de cette sépulture selon un axe Est Ouest. Il s’agit là, est-il besoin de le dire, de documents exceptionnels que j’ai pu réaliser sur autorisation particulière du responsable des fouilles, le 14 Septembre 1996.

 

Le même sarcophage est présenté ici, à la date du 7 Décembre 1996, après que sa sépulture ait été extraite.

 

On voit maintenant le seul sarcophage complet du site, découvert dans la partie Nord Est de la nef, qui était conservé sous une grande dalle : la datation proposée est le 6ème, 7ème siècle.

 

Les sarcophages paléochrétiens, on le sait sans doute, sont rarissimes dans notre région et c’est dire l’importance des découvertes de Rochedure. Certains subsistent encore in situ à Veurey, à l’emplacement de la basilique mérovingienne de Saint Ours, mais pour combien de temps encore ?

On notera la similitude de conception de ces coffres en pierre, réservés, à l’évidence, à des personnages importants ou aux membres des familles dominantes.

 

Si Saint Ours à la chance de conserver encore, à leur emplacement originel, ses sarcophages mérovingiens, ceci n’était guère envisageable pour Varces.

 

Revenons à Rochedure : on voit ici un coffre maçonné, partiellement rempli de son contenant, datable des 6èmes, 8èmes siècles s’appuyant également au Sud sur un mur romain.

 

Là, des sépultures d’enfants car les dimensions sont réduites (90 cm sur 30 cm), situées au Sud Est de l’abside et photographiées selon un axe Sud Nord en Octobre 1996.

 

A la même époque étaient visibles des sépultures en pleine terre – à moins qu’il ne s’agisse de sépulture double – La plus grande des deux, au premier plan, mesure 1,50 m sur 40 cm.

 

Là, une belle sépulture anthropomorphe, orientée Ouest Est, située à peu de distance de l’abside de l’église.

 

Une autre sépulture, de même type, révélée fin Octobre 1996.

 

Là encore, une grande sépulture en coffre de dalles ovalaire, d’orientation traditionnelle, mesurant 2 m sur 0,40 m photographiée en Novembre 1996.

 

Et, sous ce qui était, jusqu’à fin Octobre 1996, une route communale, subsistaient d’autres sépultures, extension méridionale de la nécropole que l’on voit ici d’Ouest en Est. Des murs, en gros blocage, d’une largeur de 70 cm environ, situés sous les talus d’aplomb de la route décaissée…

 

…. Bordaient une grande inhumation que l’on ne peut que distinguer ici, emplacée sous le bachage de protection centrale. On peut penser qu’il s’agissait là d’une sépulture importante.

On se souvient sans doute de mon propose de tout à l’heure concernant la pierre centrale située à l’entrée et au centre de l’abside qui, lors de sa découverte, avait été interprétée comme pouvant être un autel recouvrant une sépulture majeure.

 

Et bien, voici ce qu’ a révélé l’enlèvement de la grande pierre d’abside : une tombe en coffre de tegulae, d’époque romaine tardive, voire mérovingienne, de faibles dimensions, donc réservée à un enfant. Mais, son emplacement particulier, la qualité de la dalle couvrante, sa situation dans l’église, inclinent à penser que l’enfant défunt était sans doute d’appartenance noble et, vraisemblablement le fils d’un maître des lieux à la période post romaine.

 

Enfin, sera terminée cette nomenclature que d’aucuns pourront juger un peu morbide mais qui était pourtant nécessaire – les cimetières ne sont ils pas des livres d’histoire ? -  avec cette ultime sépulture de type coffre de dalles de plan ovale, d’une datation assez basse – 9ème à 11ème siècles – c’est à dire tout près du « terminus post quem » d’occupation certaine du site funéraire et religieux et son abandon de tous pour glisser dans les longs siècles d’un oubli tel que, même la tradition orale et la mémoire populaire n’en conserveront aucun souvenir pas davantage, ce qui est assez surprenant, que la toponymie.

 

Mais, achevons ce voyage dans les sites archéologiques du Lavanchon en poursuivant l’axe Nord Sud emprunté depuis notre départ. Le site de la Fontenelle, au delà de l’église et de sa nécropole, révélait, lui aussi, dès les premiers sondages – ici en Août 1996 – d’évidentes structures de murs…

 

… qui, très vite, allaient pouvoir s’interpréter comme étant celles d’extensions méridionales de la grande villa de Rochedure que nous avons parcourue tout à l’heure.

 

Mais, vous l’avez sans doute largement compris, rien n’est jamais simple sur un chantier archéologique et, rapidement, était détectée une anomalie d’importance : si la partie droite de ces extensions se raccordait parfaitement avec la partie Ouest de la villa de Rochedure, il n’en allait pas de même de la partie gauche, dont la destination posait problème : s’agissait-il d’une annexe de la villa ou, au contraire, des vestiges de constructions d’une autre époque ?

 

Ceci n’a pu être établi. Néanmoins, cette partie des bâtiments (photographiée ici en Septembre 1996 selon l’axe Nord Sud) montre une apparente homogénéité de construction et laisse à penser que la grande villa de Rochedure aurait pu être encore plus importante qu’on ne l’a cru.

 

Encore plus au Sud, le lieudit « Pontcharra » - assurément le pont aux chars – sur le Lavanchon, devait être également occupé à l’époque antique. Le lieu n’a pas été fouillé car il était situé hors de l’emprise de l’autoroute. J’ai néanmoins repéré, sur plus de 27 m de long, une structure de murs avec, dans sa partie médiane, quelques fragments de tegulae. Aucun mur parallèle ou perpendiculaire n’ayant été observé, on peut s’interroger sur sa destination : peut être s’agissait-il d’un mur de clôture ?  Mais, la aussi, le gallo romain ou du moins l’antiquité tardive sont présents, comme ils l’ont été tout au long des sites que je vous ai présentés et dont voici maintenant le dernier : celui des Gaberts.

 

De ce site, on connaissait jusqu’alors la maison de la Dame d’Arman, qui dépendait, en 1673, de la paroisse de Saint Géraud.

 

Cette vue des Gaberts, à la date du 21 Septembre 1996, constitue désormais un document car, si la maison de la Dame d’Arman a été conservée, il n’en est pas allé de même de ses dépendances et du moulin sur la Marjoëre.

 

Mais, qu’a donc livré le site des Gaberts ?

Comme on le voit sur ce relevé, superposant à la fois les structures découvertes en Juillet 1996 et celles qui l’ont été un peu plus tard, là aussi, la protohistoire côtoyait le gallo romain et le médiéval.

 

L’une des révélations les plus surprenantes a été cette voie romaine que l’on voit ici d’Est en Ouest ; au fond apparaît encore la ferme de Champ Fleury – dans l’axe de laquelle elle se trouvait – détruite le 27 Août 1996 et sur le site de laquelle j’ai observé, entre le 25 et le 31 Août, plusieurs sites à tegulae, témoins probables de constructions gallo romaines.

 

Plus largement visibles ici, selon l’axe inverse Ouest Est, la voie relativement large -– plus de 6 mètres – a laissé supposer un temps qu’elle pouvait aboutir à un site cultuel de type fanum, la montagne d’Uriol interdisant ensuite tout franchissement carrossable. Mais il n’en était rien et cette belle voie demeure donc un mystère. On observera simplement que l’autoroute en reprend aujourd’hui le tracé.

 

D’importants murs, de belle facture romaine, étaient nettement apparents avec des prolongements évidents sous l’ancienne route mais ils n’ont pu, faute de temps, être décaissés.

 

Au centre Est, une structure post romaine avec des murs en pierres sèches réutilisant des substructions antiques : là aussi, et pour les mêmes raisons, sa destination n’a pu être précisée.

 

Et puis, tout aussi inattendu que la voie romaine, un bel aqueduc dont on voit ici le plan que j’ai dressé à partir de plusieurs relevés de site effectués en Septembre et Octobre 1996.

 

Cet aqueduc, ici photographié le 28 Septembre 1996 dans l’axe Sud Nord, était sans doute beaucoup plus long que les seuls vestiges révélés. Sa profondeur moyenne était de 40 cm et, à son extrémité, était visible une fosse circulaire pouvant être le bassin d’aboutissement. Qu’elle en était la destination ? A vrai dire on ne sait trop : installations artisanales d’une briqueterie antique liée aux fosses d’extractions reconnues sur le site ? Alimentation d’un domaine situé plus au Nord ? Site cultuel ? On ne saurait vraiment trancher.

 

Comme tous les autres sites, les Gaberts sont maintenant rendus à leur long silence et seule l’autoroute témoignera, comme à l’Achard, d’un tracé qu’empruntait déjà, il y a de cela 2000 ans, une voie romaine.

 

 

Mesdames et Messieurs, nous voici parvenus au terme de ce long et particulier voyage dans l’histoire de cette plaine jusqu’alors muette sur son surprenant passé et qui l’est redevenue désormais car, de tout ce que je vous ai montré, plus rien ne sera jamais visible. Faut-il le regretter ? Cela est un débat que je me garderai bien d’ouvrir.

Je préfère inviter à la méditation sur la relativité de nos connaissances du passé qui peuvent, comme cela a été le cas ici, s’enrichir considérablement dans des circonstances particulières et notamment à la faveur des grands travaux : les récentes découvertes faites à Sinard sont là pour en témoigner également si besoin était.

Mais la plaine du Lavanchon doit désormais être considérée comme un très grand site archéologique. On connaissait déjà, je l’ai rappelé en introduction à cette soirée, les sites majeurs de Rochefort et ceux, secondaires, des Mollards, de Tuilerie Thomas, de Saint Géraud et les sites plus récents du Cellier, de Pellissière et surtout de l’Achard. Viennent de s’y ajouter – et, dés lors, la nomenclature devient impressionnante – une maison néolithique, un habitat hallstattien ceinturé d’un fossé défensif, des greniers laténiens, des établissements ruraux gaulois, une très grande villa romaine, une briqueterie antique, divers habitats gallo romains, un aqueduc, une grande voie romaine, une memoria ou un oratorium, une église mérovingienne, une très grande nécropole présentant toute la typologie des inhumations de l’époque romaine au moyen age et ayant révélé une inscriptions paléochrétienne qui s’ajoute aux 39 jusqu’alors connues pour tout le Département de l’Isère, hors Vienne et Grenoble, des bâtiments du haut moyen age et bien d’autres choses encore dont je n’ai pas parlé dans ce qui n’avait que vocation à présenter une synthèse.

 

 

 

Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre bienveillante et très patiente attention.