DE
GRENOBLE A FREJUS PAR
(Version
décembre 2008)
Diaporama
présenté à Vif le 6 octobre 2001
Peut
être certains d’entre vous étaient présents ici même lorsque j’ai présenté des
diaporamas sur l’itinéraire mythique d’Hannibal et sur l’introuvable voie
romaine de l’Oisans dont on revoit ici la mythique « Porte de Bons ».
Il
se trouve que de 1998 à 2001, dans la continuité de mes travaux sur
l’antiquité, j’ai consacré avec mon épouse, un temps appréciable à la recherche
de la voie romaine principale du Trièves qui offre la particularité, assez
rare, d’être fort bien conservée non seulement dans le Trièves mais également
sur l’essentiel de ses
Une
telle recherche de terrain est parfois ingrate ; heureusement, elle est le
plus souvent enthousiasmante car elle allie la marche pédestre et l’histoire
tout en permettant de découvrir des hameaux perdus et, souvent, des paysages
merveilleux.
Certes,
si le point de départ est le même que pour la voie romaine de l’Oisans,
l’aboutissement est plus lointain mais j’espère que les images que je vais vous
présenter ce soir me feront pardonner de vous emmener nettement plus loin que
les sites que nous fréquentons habituellement.
Toutefois,
cette recherche n’ayant pas eu, pour objectif premier, la réalisation d’un
diaporama vous voudrez bien me pardonner sa relative discontinuité et
l’imparfaite qualité de nombre de clichés, initialement pris en pellicule
argentique puis retirés en diapositives et aujourd’hui numérisées. Certes, il
ne s’agit pas ici de refaire ici, mille après mille le chemin qu’empruntèrent
en avril 43 avant notre ère les légions de Munatius Plancus pour tenter de
sauver la république romaine et tant d’autres voyageurs après elles mais plutôt
de vous conduire sur des paysages édifiants ayant souvent conservé leur
authenticité historique car ils sont, pour l’essentiel, situés à l’écart des
routes modernes.
Ce
préambule étant terminé, je vous propose de partir dès à présent pour un voyage
qui, aux époques antique et médiévale permettait en six ou sept jours de
joindre Grenoble, alors Cularo, à Forum Iulli, l’actuel Fréjus.
Nous
le ferons, si vous voulez bien, pour la commodité du propos en trois étapes
inégales :
-
de
Grenoble au col du Fau,
-
du
col de Fau à celui de
-
de
1 – de Grenoble au
Col du Fau :
La
voie sortait de Cularo, qui deviendra ultérieurement Gratianopolis dont on voit
ici une reconstitution d’artiste qui répond cependant à l’idée que l’on se fait
aujourd’hui du Grenoble antique probable mais seulement trois siècles après les
évènements que je vais relater.
Par
De
là, par un tracé que l’éventail du Drac ne permet pas de restituer, la voie
devait tendre sur Echirolles, passant à proximité du coteau Saint Jacques où
les propriétaires du château m’ont permis de photographier l’autel élevé par
Lucius Manilius Silanus à Mercure sans doute dès la conquête romaine. C’est
dans ce secteur que se séparaient la voie de Rome par l’Oisans dont nous avons
déjà parlé et celle de Fréjus jusqu’alors communes. On notera qu’à toutes
époques, Echirolles sera un carrefour routier important : passage des
légions romaines, halte des pèlerins de Rome puis de Saint Jacques de
Compostelle (peut être vous conterais-je un jour l’histoire de ce Jacques
honoré à Compostelle et peut être enterré ici), commanderie de templiers et
enfin relais postal.
D’Echirolles
jusqu’à Varces, le tracé de la voie est incertain. Franchissait-elle le Drac à
hauteur de l’actuel Pont de Claix ? Arrivait-elle de Saint Jacques par le
bois de Marcelline avec franchissement au « Saut du Moine » où les
traces dune piste protohistorique et d’une épée de même époque ont été
découvertes ? Abordait-elle, ce que je crois, Varces par Comboire et les
coteaux de Claix ? Les trois hypothèses sont toutes plausibles et ont pu
correspondre au tracé de la voie romaine à différentes époques, voire à
différentes saisons.
La
dernière de ces hypothèses mérite néanmoins une attention particulière. En
effet, entre Seyssins et le col de Cossey ou de Comboire subsistent encore les
restes d’une voie bien marquée sous la forme d’un très vieux cheminement bordé
de murets de soutènement et présentant, en certains endroits, des traces de
pavage ancien.
Il
existe de plus, en faveur de cette hypothèse, une série de coïncidences
métriques répétées laissant à penser que l’on est bien sur un tracé
antique ; en effet, si l’on considère que le col de Comboire, de tous
temps, a du constituer un passage remarquable, on peut penser que, comme dans
tous les endroits un milliaire, cet ancêtre de nos bornes kilométriques alors
situé tous les 1500 pas romains, y était implanté. De fait, à
Et,
à
De
là par « Pontcharra », le pont aux chars, Varces et Lachar étaient
facilement rejoints. Ce qui est aujourd’hui établi c’est qu’à Lachar existait
une agglomération secondaire située sur le tracé d’une importante voie assurant
le contrôle des voyageurs et des marchandises à la sortie du territoire des
Allobroges,
Et
un bureau de la « Quadragesisma Galliarum » pouvait y être établi.
C’est dire que l’on y situe aujourd’hui les limites des civitates des Allobroges
et des Voconces pour tout le haut empire. Après l’élévation de Cularo au rang
de cité, sous Dioclétien et Maximien, cette frontière sera reportée plus au
sud, sans doute entre Miribel et Lanchâtre.
Un
site cultuel, peut être consacré à Mercure, dieu des voyageurs, qui a livré
plusieurs centaines de coupelles votives, était implanté au bord de la voie
romaine retrouvée à Lachar sur plus de
De
Lachar, la voie se prolongeait sur Pellissière avant de se diriger sur Vif par
un tracé situé plus à l’est que l’actuelle route nationale, ce que rendait
possible le cours de
Vif
était-il un vicus voconce ? Son nom même (Vifus découle de vicus) et
divers vestiges le laissent penser mais ils sont de basse époque. On observera
que dans l’église est conservé un tronçon de colonne sur base carrée qui
pourrait correspondre à la partie inférieure d’un milliaire dont le socle était
très souvent carré pour permettre un meilleur ancrage dans le sol.
Du
bourg antique, situé sur la rive droite de
Est-ce
le gué du Genevrey sur
A
titre d’hypothèse la plus probable, je propose un axe passant par les Rossets,
Lanceteyre ou un peu à l’ouest de ce lieudit puis par Chaudemeyre. Le moins que
l’on puisse dire est que la voie est aujourd’hui peu apparente dans ce secteur.
On
semble la retrouver à partir de Chaudemeyre sous la forme de ce chemin
rectiligne mais en forte déclivité.
Celui-ci
conduit à l’ancienne maison forte du Groin qui, de toute évidence, avait été
construite à cet emplacement pour contrôler la voie au moyen âge.
De
là, elle tend sur
De
Cassoulet jusqu’à Lanchâtre, le tracé de la voie semble se confondre avec celui
de la départementale 8. Elle bifurque alors pour passer à proximité d’un champ
remarquable où la tradition place un « camp romain » et qui y
correspond du reste assez bien,
Surtout
quand on l’observe des hauteurs du Vernay ou de la crête de
C’est
aussi dans ce secteur, si les circonscriptions épiscopales correspondent à peu
près aux anciennes limites de civitates, qu’il faut situer, du moins pour le
bas empire, les limites entre Allobroges et Voconces. Miribel relevait en effet
de l’évêché de Die, territoire Voconce, cependant que celui de Lanchâtre
relevait de celui de Grenoble, territoire Allobroge.
Peu
après la « Croix de
Je
dois aux patientes recherches de terrain de M. J. L. JOUTY d’avoir pu, dans ce
secteur fort méconnu, reconstituer le tracé probable de la voie suivie par
Plancus : d’énormes terrassements, encore en partie visibles, portent la
marque des légionnaires romains qui ont su compenser l’importante déclivité de
De
Et
toujours, comme vous pouvez le constater, cette voie rectiligne.
Dans
ce secteur, loin des foyers de la civilisation, le temps semble s’être arrêté.
Le paysage est champêtre, paisible et le cheminement agréable.
Vers
Rivoiranche, où la voie a été envahie par la forêt, la base d’un probable milliaire
a été exhumée en mars 2002. La partie conservée mesure
A
Saint Paul les Monestier la voie n’est plus marquée mais les patientes enquêtes
de M. JOUTY ont révélé que sa trace était localement connue près du ruisseau,
dans ce qui est devenu de nos jours un potager. On la retrouve, peu après, au
sud de la belle église médiévale sous la forme d’un bon chemin.
Celui-ci
conduit au lieudit « Pré de
Dans
ce secteur, on retrouve également une série de coïncidences métriques trop
parfaites pour être dues au seul hasard. Permettez moi d’ouvrir une parenthèse
sur celles-ci. En effet, selon la théorie des probabilités composées, des
coïncidences métriques répétées donnent rapidement un degré de probabilité si
élevé qu’il exclut pratiquement l’erreur. Soit, par exemple, le cas d’une route
ou d’un chemin offrant 25 carrefours pour
De
la croix de « Pré
L’un
de ces probables milliaires existe peut être encore en partie. En effet, j’ai
remarqué non loin de là, au hameau de Chabottes, à proximité d’une maison
conservant cette curieuse sculpture qui passe pour être romaine et à laquelle
j’ai jadis consacré plusieurs articles,
ce
fût de colonne ovalaire scié de manière assez évidente comme on peut le voir et
qui pourrait bien être le reste d’un milliaire de la voie.
Au-delà
de la croix de Gruère, la voie orientée plein sud, gagne très rapidement le col
du Fau.
Ce
col, qui marque encore les limites de
trois communes (Monestier de Clermont, Saint Paul les Monestier et Roissard)
est un passage de très haute origine ;
un
campement néolithique y a été découvert il y a quelques années et les sondages
archéologiques ont permis de retrouver la voie protohistorique puis romaine qui
est aujourd’hui recouverte
par
le chemin qui passe à proximité de la « Pierre du Prêtre »,
aujourd’hui disparue, dont on ne saura jamais s’il s’agissait d’un bloc
erratique ou d’un mégalithe.
2 – du col du Fau au
col de la croix Haute :
La
voie romaine était remarquablement tracée, je pense que vous en êtes déjà
convaincus, mais les photos ne peuvent pas traduire l’impression générale qui
se dégage lorsqu’on la parcourt : en effet, peu avant le col du Fau, la
vue est tellement parfaite que l’on aperçoit toute la vallée jusqu’à
Grenoble : ceci était extrêmement important pour les voyageurs de jadis
qui voyaient ainsi parfaitement l’origine ou le but de la voie qu’ils
suivaient. En direction du col du Fau, la vue est également extraordinaire
puisque son tracé, quasi rectiligne, se devine jusqu’au col de la croix Haute
jusqu’auquel le regard porte.
Du
Fau, la voie se poursuit sur la commune de Roissard par un chemin non pavé mais
très bien matérialisé, passant à proximité du lieudit « les
Hôpitaux », emplacement disparu d’un hôpital de Saint Jean de Jérusalem
fondé en 1230 comme dépendance de la commanderie de Saint Maurice en Trièves.
Toutefois,
les prospections archéologiques faites dans les années soixante dix sur ce
coteau et dans les proches environs n’ont pas permis de confirmer l’existence,
pourtant probable du site médiéval que le toponyme laissait espérer.
A
proximité de ce site, au lieudit « les Araignées » a été découverte
fortuitement au cours de labours, une sépulture du bas empire qui a livré deux
vases dont celui, bien conservé, que nous voyons maintenant.
La
voie se retrouve ensuite aux « Peyrouses » où elle est bien
matérialisée. Dans ce secteur, un peu en dehors des axes routiers modernes, la
voie a conservé toutes les apparences quelle devait avoir depuis la plus haute
antiquité.
Entre
les « Peyrouses » et « Martine », il y a également la
possibilité d’apercevoir quelques belles fermes du Trièves.
A
ce dernier lieudit, le ruisseau de Riffol était franchi par un gué pavé dont il
subsiste quelques traces et notamment ces larges dalles.
Par
le flanc est des Côtes de Gerbaux, la voie, toujours bien tracée, d’une largeur
constante de cinq à six mètres atteint le « Gerbaux » où, en février
1905, fut mise au jour une sépulture du Hallstatt final avec des bracelets en
bronze du type dit « de Rochefort » prouvant l’existence de la piste
protohistorique dont j’ai parlé en introduction.
Non
loin de là, au bord de l’actuelle route départementale, ancienne voie royale,
subsiste une borne ancienne indiquant « 40 (km) de Grenoble » qui,
remarquablement, correspond parfaitement à la voie romaine que nous avons
suivie depuis Grenoble et à ses
De
Gerbaud jusqu’à « Vicaire », la voie est aujourd’hui recouverte par
la route départementale. Après ce hameau au nom curieux, peut être ancien
vicus, la voie passe à proximité de la chapelle Saint Michel.
Cette
chapelle conserve encore une colonne sciée en deux morceaux, curieusement ici
dans le sens de la hauteur, qui, comme à Chabottes, me fait penser à un
possible milliaire anépigraphe.
La
voie descend ensuite par de larges boucles jusqu’au pont Saint Michel sur le
torrent de Grosse Riffol. La voie romaine était assurément bien tracée car elle
subsiste toujours,
ce
qui n’est pas le cas de l’ancienne nationale 75 qui, sur une largeur
impressionnante, a été totalement emportée au début des années cinquante.
Le
pont Saint Michel dans son état actuel est relativement moderne mais son
origine, ou sa reconstruction, remonte à Lesdiguières et à la route royale du
17ème siècle. Un siècle plus tard, il était détruit et il dut être
reconstruit tel que nous le voyons. Mais, antérieurement au 17ème
siècle il existait vraisemblablement un pont en bois car aucune des deux rives
n’offre aujourd’hui la trace d’un ouvrage en pierre plus ancien. Toutefois, un
gué n’est pas improbable car de très grosses pierres plates sous le pont et sur
la rive gauche du torrent peuvent correspondre à un gué primitif.
Nous
sommes là à
Au-delà
du pont Saint Michel, la voie sur la rive méridionale du torrent est également
bien conservée. Elle passe au « Babe » et remonte jusqu’à l’altitude
Elle
atteint alors le site remarquable de la « Croix de Bouland ». On
notera qu’entre le pont Saint Michel et cette croix il y a exactement
De
la croix, la voie se poursuit sur Saint Martin de Clelles qu’elle traverse,
Puis
elle redescend jusqu’à l’Orbanne qu’elle franchissait par le remarquable pont
construit en 1610 par Jehan Albert et Pierre Salomon, déjà auteurs des ponts de
Claix et de Cognet et de la réfection du pont de Brion.
L’arche
unique de ce pont, d’une grande hardiesse, avait
C’était
pourtant un ouvrage de prestige, manifestement prévu pour une intense
circulation, qui avait sans doute succédé à un pont plus ancien, un gué
paraissant difficilement imaginable eu égard à la verticalité des parois que
l’Orbanne a creusées. On observera, là encore, que de la croix de Bouland au
pont sur l’Orbanne il y a encore exactement
J’ai
utilisé le passé car ce pont remarquable a été détruit le 3 décembre 2002 par
suite de pluies torrentielles ayant miné les berges.
De
l’emplacement du défunt pont, limite communale de Saint Martin de Clelles et de
Clelles, la voie remonte le coteau de Bouland jusqu’à la croix de Malverger, à
l’altitude
Ce
secteur de l’Orbanne à Clelles est, à mon sens, l’un des plus beaux de tout le
parcours. La voie, dans un état de surprenante fraîcheur, laisse entrevoir tout
le génie de son profil, bien adapté, rapide sans être jamais fatiguant avec des
vues toujours dégagées qui, lorsqu’elle était bornée, devaient permettre
quasiment de distinguer le chemin entre deux milliaires.
Elle
traverse ensuite Clelles, dont on voit ici la belle église, localité qui a
livré un fond de vase de céramique grise du 1er siècle de notre ère,
conservé au Musée Dauphinois. Sur une courte distance, la voie correspond ici à
l’actuelle départementale 252.
De
« Teyssonières », elle se retrouve sous la forme d’un bon chemin
jusqu’au « Pontou », carrefour de chemins à l’emplacement d’un
ponteau disparu.
De
là elle descend jusqu’au ruisseau du Merdari qui sert de limites entre Clelles
et le Percy et qui est franchi par un gué appareillé ancien,
puis
elle atteint le lieudit caractéristique de la « Fourche » à proximité
immédiate de Longefond dont on voit ici la belle chapelle.
Oscillant
entre
C’est
vraisemblablement à la croix de Pré Dessous, ou non loin, que devait se
dédoubler la voie jusqu’alors unique, une branche se dirigeant en direction du
col de Menée et de Die cependant que la voie principale se poursuivait en
direction de Sisteron.
Celle-ci,
tirant au plus droit dans les sous bois, atteint le « Bachat »,
carrefour de chemins à
Du
Bachat, la voie passe sous le village actuel du Percy puis elle descend
jusqu’au ruisseau du même nom avant de remonter par « Serre Denta »
jusqu’au Monestier du Percy dont le nom rappelle le souvenir d’un prieuré fondé
au 13ème siècle.
Entre
le Percy et Monestier elle est très bien matérialisée et on observera que la
distance entre les deux villages, aujourd’hui
Traversant
le village de Monestier en patte d’oie, la voie passe à Malaterre puis descend
de nouveau jusqu’aux Bayles franchit un nouveau ruisseau, celui de Chapotet,
puis, par les Serrettes elle atteint Bayarrdière.
Dans
ce secteur elle est également bien marquée sous la forme d’un chemin presque
rectiligne et d’une largeur constante.
Je
ne peux résister à la tentation de vous montrer quelques vues de la voie dans
ces parages où elle est encore très suggestive,
-
-
La
voie atteint alors le lieudit «
Le
tracé de la voie est ici parallèle à celui de la nationale 75 et apparaît, en
contrebas de celle-ci, sous la forme d’un ancien chemin encore bien marqué.
Peu
avant d’atteindre le bourg de Saint Maurice, la voie franchit le ruisseau
Bonson où un sarcophage fut jadis découvert
Après avoir traversé le village, où l’on suppose un habitat romain, la
voie monte par un axe en cours de restitution du fait d’une opération de
remembrement au col Turdot à l’altitude
De
là, par un tracé plus rapide que celui de la route actuelle, elle gagne Lalley
qui, jusqu’en 1730, n’était qu’un hameau de Saint Maurice en Trièves dont les
terres s’étendaient jusqu’au col de
De
Lalley, la voie longe le ruisseau de
Dans
ce secteur, la voie est encore relativement bien marquée jusqu’à un point situé
à quelques centaines de mètres de Notre Dame du Trièves où, à la faveur d’une
courte montée, elle se perd brutalement.
On
voit ici le point de rupture à partir suquel la voie devait originellement
tirer droit sur l’oratoire mais les aménagements qu’elle devait avoir dans ce
secteur délicat semblent avoir disparu.
A
partir de l’oratoire, elle est de nouveau visible, parallèle à la nationale 75.
Le passage du col de
Sur
l’immense territoire que représente l’actuelle commune de Lus
C’est
non loin de là, à l’ouest du « Pont Lombard » que subsistent les
ruines ignorées d’un établissement templier dont l’histoire est mal
connue : la commanderie de Toussière.
Celle-ci,
comme presque tous les établissements de ce type, était située à proximité de
la voie romaine. On relèvera que de Grenoble à Fréjus ce ne sont pas moins de
six établissements hospitaliers que l’on rencontre, en moyenne un tous les
3 – de
Nous
abordons maintenant la troisième et dernière partie de ce voyage. Il semble établi
que la voie, reprenant dès lors le tracé protohistorique, longeait au plus près
le Buech, passant notamment à
Sur
les territoires de Saint Julien en Beauchêne et de
Je
manque ensuite un peu de documents jusqu’à Sisteron mais la voie apparaît
notablement dans le secteur de « Serre
De
Ribiers à Sisteron, la voie est encore parfaitement conservée dans un tracé
quasi rectiligne sur près de
Elle
passe à Saint Aubert, à Champ Bean, aux Autarets dont le nom
« altarenum » rappelle à n’en point douter le souvenir d’un autel
puis à « Vieille Guillonne ». Elle est jalonnée de sites romains dont
le plus important, qui pourrait correspondre à unvicus, est situé sous le bourg
même de Ribiers.
La
voie romaine atteint alors Sisteron par les Combes. Sisteron, Segustero,
capitale des Sogiontii puis chef lieu de la civitas Segesteriorum, occupe une
position stratégique sur un passage obligé de
La
voie de Fréjus, quant à elle, franchissait
Au
débouché du ravin de « Pierre Taillée », sur les limites communales
de Volonne et de l’Escale, on peut encore voir le spectaculaire passage aménagé
dans le rocher pour la route antique.
Taillé
dans le poudingue, d’accès aujourd’hui difficile depuis la mise en eau du lac
artificiel, cet ouvrage d’art que Barruol compare aux cluses de
Peu
après le lieudit « l « Hôte », la voie se confond avec le
tracé de
Au
« Plan de Fontenelle », à l’ouest du confluent de
La
voie est ensuite de nouveau bien identifiée rive gauche de
Le
dénivelé de la voie est, dans ce secteur, relativement important, passant en un
peu plus de
Au
nord d’Espinouse, un oratoire, au bord de la voie romaine, pourrait
matérialiser l’emplacement d’un milliaire disparu : une monnaie romaine y
a été découverte à proximité.
Espinouse
est un hameau, aujourd’hui loin de toute circulation, qu’il faut mériter
lorsque, comme les voyageurs de jadis, on vient de la plaine de
Sur
le territoire de Saint Jeannet, qu’elle traverse du nord au sud, de nombreux
sites antiques ont été découverts le long de la voie romaine et, notamment, une
mutatio et trois milliaires dont celui dit des Cardaires : il s’agit d’un
monolithe de
A
proximité, l’ancienne chapelle romano gothique de Saint Jean rappelle l’intense
circulation que cette voie connaissait jadis, ce qui, bien évidemment, n’est
plus le cas aujourd’hui.
De
Bras d’Asse jusqu’à Saint Jean, la voie, rigoureusement rectiligne, est
repérable au « Plan » et au « Chausson » de part et d’autre
de l’Asse qui devait être franchie à gué.
Vers
la chapelle médiévale de Saint Jean, que l’on voit ici dans un triste état,
gisait encore en 1957, au bord de la voie, une colonne brisée à base cubique
correspondant à la partie inférieure d’un milliaire marquant le 8ème
mile le Riez.
De
Saint Jean jusqu’au « Poteau de Telle », la voie suivait le trac
presque rectiligne d’une ancienne draille à troupeaux comme du reste dans
beaucoup d’endroits en Provence ou dans les Préalpes.
Le
« Poteau de Telle » est un endroit remarquable servant de limites
communales à Bras d’Asse et Puimoisson. Selon Barruol ce toponyme de
« Telle » équivaudrait à « Fines » et indiquerait
vraisemblablement la limite entre deux territoires de civitates.
De
cet endroit, assez exceptionnel, la vue
porte au nord jusqu’à Bras d’Asse et même au-delà mais je vous assure que ce
segment de voie, de forte déclivité, sans possibilité d’ombre est, par une
pleine chaleur d’été, plutôt éprouvant. Pour l’anecdote je vous dirais que nous
avons ici avec mon épouse sué sang et haut par une très chaude journée le 1er
juin 2000 et qu’au retour à Bras d’Asse, totalement assoiffés, l’eau minérale
nous a été facturée au prix du pétrole. Du « poteau de Telle », par un tracé
infiniment plus direct que celui de l’actuelle D 953, on atteint Riez.
La
« colonia Reiorum Appolinaris », chef lieu de la civitas des Reii,
doit sa fondation et son opulence à sa situation privilégiée au carrefour de
quatre voies romaines importantes : celle de Grenoble à Fréjus, celle de
Digne par la vallée de l’Auvestre, celle d’Aix en Provence par la vallée du
Colostre et celle de Castellane. Riez a livré d’importants vestiges romains et,
pour ce qui concerne notre voie, G. Barruol a étudié en 1986 un ancien pont –
que l’on voit ici sur un cliché de fouilles – qui permettait à la voie de
Grenoble à Fréjus de franchir le Colostre qui coulait alors
Au-delà
de Riez, la voie se dirigeait vers le Verdon, emplacement choisi par Munatius
Plancus pour y installer son camp d’observation de la fin mai 43 avant notre
ère. Dans ce secteur, la voie franchissait un puissant éperon rocheux dans une
large saignée, creusée de mains d’hommes, large de 3 à
Mais
de tout cela, plus rien n’est visible car tout le secteur de
Le
pont du Verdon, aujourd’hui immergé, était situé au point le plus étroit, à
l’entrée orientale des gorges de Baudinard. Il était construit entre deux
falaises distantes de
Dans
tout ce secteur, la voie comme sur le versant nord était partiellement
entaillée dans le rocher jusqu’au bois de
Sur
la commune de Vérignon, la voie romaine que reprend aujourd’hui en partie le
route départementale 49 et un chemin situé à l’est de celle-ci était jalonnée
de bornes milliaires placées sur l’ordre d’Antonin le Pieux entre le 1er
janvier et le 31 décembre 145. Il n’y a pas de miracle à avoir une telle
précision ; en effet, les inscriptions portées sur les milliaires
répondent toutes à un formulaire identique donnant la titulature de l’empereur
sur l’ordre duquel le bornage a été effectué et, notamment, l’indication de sa
puissance tribunicienne et de son consulat, ce qui permet d’arriver à une telle
précision.
L’un
de ces milliaires est encore conservé in situ. Son inscription est difficile à
lire mais je pense que vous me faites confiance en ce domaine : elle est
consacrée à l’empereur César Titus Aélius Hadrianus Antoninus Auguste, Pieux,
Père de
Dans
le village même de Verignon, un milliaire sert aujourd’hui d’abreuvoir dans une
propriété et un oratoire semble avoir été élevé à son emplacement originel au
bord de la voie.
Sur
tout le territoire de l’immense commune de Vérignon, celle-ci est parfaitement
conservée et il y a là l’un des passages les plus suggestifs de l’ancienne voie
romaine qui tirait au plus droit dans des paysages méridionaux de grande
beauté.
Aux
« Aumades », un milliaire subsistait également jusqu’à une récente
réfection de chaussée à proximité du pont de
Sur
la commune d’Ampus (dont le nom vient d’un possible Emporion antique), de
nombreux vestiges sont également connus, notamment à Notre Dame de Spéluque ou
subsiste ce milliaire d’Auguste de l’an 3 avant notre ère qui sert aujourd’hui
de socle à une croix.
Au-delà,
dans le secteur de « Grange Riamde », la voie est également bien
conservée : dans les dépressions elle est construite en remblai et bordée
de murets et dans les cotes elle est soit creusée à flanc de coteau soit en
tranchée à l’approche des collets.
Toujours
quasi rectiligne, elle a livré jusqu’à
C’est
sans doute parce que Lepide et Antoine étaient parvenus dans ce secteur, entre
Sainte Anne et Collefrat que Plancus opéra son recul précipité. Ecoutons le
témoigner auprès de Cicéron : « … Lepide, désespérant de me voir
arriver, avait fait alliance avec Antoine le 4 des Calendes de juin et le même
jour tous deux s’étaient mis en marche dans ma direction. Ils n’étaient plus
qu’à 20 000 pas lorsque j’en fus informé. En un clin d’œil, grâce à la
bonté des dieux, tout fut disposé pour ma retraite et je pus l’effectuer sans avoir
l’air de fuir. Rien n’est resté en arrière et ces forcenés qui croyaient déjà
tenir leur proie ne purent saisir ni un fantassin, ni un cavalier, ni le
moindre bagage ».
Un
fragment de milliaire de Tibère que l’on voit ici.
Nous
n’irons pas au-delà de Draguignan car, dès lors, le tracé de la voie qui se
dédouble mériterait à lui seul une conférence spéciale mais ce ne sera pas pour
aujourd’hui car nous sommes bien loin de Cularo et du Trièves. Que l’on se
rappelle seulement que dans le triangle géographique constitué par Draguignan,
Vidauban et Fréjus eurent lieu des évènements déterminants pour l’histoire de
Rome l’an 711 de celle-ci c'est-à-dire, dans notre chronologie, l’an 43 avant
Jésus Christ. Si cela vous intéresse, peut être vous les conterais-je un jour.
Mais
pour l’heure et en guise de conclusion, permettez moi comme à la fin d’une
bonne pièce de théâtre de vous présenter les principaux acteurs de ces
évènements que nous avons quelque peu côtoyés en parcourant cette importante
voie romaine de Grenoble à Fréjus.
Marcus
Antonius, Marc Antoine ou tout simplement Antoine : c’es le meilleur
général de l’époque. Après les évènements de la guerre civile il renouera avec
Octave, épousera Cléopâtre la reine d’Egypte avant de rompre de nouveau avec
Octave et de se donner la mort peu après avoir été défait par ce dernier lors
de la bataille d’Actium.
Marcus
Aemilius Lepidus ou Lépide : ancien maître de la cavalerie de César, c’est
le gouverneur de
Decimus
Iunius Brutus Albinus ou Brutus : cousin du meurtrier de César, ayant lui
aussi fait partie du complot, il rejoindra Plancus à Grenoble avec ses dix
légions avant de s’enfuir lors de la trahison de celui-ci et d’être arrêté et
assassiné.
Caïus
Iulius Caesar Octavianus, Octavien ou Octave : c’est le personnage le plus
considérable de l’histoire romaine. Fils adoptif de Jules César, son grand
oncle, c’est également son héritier légitime. Après les évènements de la guerre
civile il instituera le Principat, en fait monarchie déguisée en république et
le sénat lui décernera, sur la proposition de Plancus, le titre d’
« Imperator Caesar Auguste ». Auguste sera désormais son nom et il
deviendra le premier et l’un des plus illustres des 108 empereurs romains
officiels.
Marcus
Tullius Cicero ou Cicéron : avocat, sénateur, consul, philosophe et
écrivain, auteur d’une œuvre écrite immense en grande partie conservée,
notamment plus de
Et
enfin Lucius Munatius Plancus, aux pieds plats : gouverneur de
Au-delà
du comportement équivoque, sinon ambigu, du personnage, nous lui devons d’avoir
rendue célèbre la voie de Grenoble à Fréjus, pourtant ignorée des itinéraires
antiques. Infiniment moins connue que les grandes voies que sont
Dont
on voit ici le superbe mausolée à Gaète près de Naples.
Près
de 21 siècles après la guerre de Modène, la voie magnifique qu’il emprunta est
toujours là, presque intégralement conservée. J’espère vous l’avoir fait mieux
connaître sinon découvrir dans ses multiples aspects au cours de cette longue
promenade à laquelle je souhaite que vous aurez pris un plaisir équivalent à
celui qui fut le notre, avec mon épouse, lorsque nous l’avons étudiée,
parcourue en tous sens et photographiée en vue de ce diaporama.