Un très ancien domaine claixois : Marcelline

 

Le domaine historique de Marcelline était situé à l’extrémité de la plaine qui s’ouvre de Grenoble au Pont de Claix et il s’étendait sur une partie des coteaux d’Echirolles et de Champagnier avec, dans sa partie basse, des terres arables et des prairies. Il était limité au sud par le cours du Drac (1).

Le nom, pour le moins curieux, de Marcelline est d’origine incertaine. J’ai indiqué en d’autres circonstances (2) qu’il pouvait provenir du patronyme d’un propriétaire gallo romain, Marcellus et j’y vois toujours l’explication la plus plausible (3).

Marcelline apparaît pour la première fois dans l’histoire sous la forme « Marselina » dans le premier des cartulaires dits de Saint Hugues que l’on date traditionnellement de l’extrême fin du 11ème siècle (4). A cette époque, Marcelline était une terre avec habitation de la dépendance de l’évêque de Grenoble et possédée par deux frères, Hector et Didier, fils de Burnon. Cette mention au 11ème siècle d’un domaine bien identifié plaide pour une origine beaucoup plus ancienne, mérovingienne ou gallo romaine.

On ne possède ensuite plus de précisions sur Marcelline jusqu’à 1339 ou elle est qualifiée de « fortalicium » (maison forte) relevant du chapitre Notre Dame de Grenoble comme d’ailleurs l’ensemble du mandement de Claix (5).

Marcelline figure ensuite dans divers actes du 15ème siècle, notamment en dates de 1405 (6) et 1472 (7). La graphie du lieu est déjà identique à celle que nous connaissons aujourd’hui. Vers le milieu du 15ème siècle le domaine était possédé par noble François de Beaulieu. Ses enfants le recueillirent dans sa succession et l’on sait par deux actes liés des 21 octobre 1497 et 3 mars 1498 que ceux-ci le vendirent à un notaire nommé Jean Perroud.

Marcelline comprenait alors une maison forte, qualifiée de tour, une cour, un jardin, des granges, des terres arables, des prairies, des vignes, des bois et des fermes. On voit y figurer aussi une île appelée en patois local l’ « Isla de la Dona » (8) et située près de la digue du Drac dite de Marcelline. La maison est peut être celle qui subsiste encore et qui conserve des traces d’architecture médiévale.

Le domaine s’étendait alors « des moulins de Gringallet jusqu’au sommet des arches du Drac ». Les moulins dont il s’agit étaient situés au nord, sur l’actuel territoire d’Echirolles (9) et les « arches » n’étaient autre chose que les digues établies en amont du pont de Claix (qui n’existait pas encore) jusqu’aux îles de Champagnier, que les consuls de Grenoble avaient fait élever pour mettre la ville à l’abri des débordements du Drac.   

(1)  tout ce territoire appartenait jusqu’au 19ème siècle à la terre de Claix

(2)  Isère gallo romaine, T 1, 1985, page 225  

(3)  Voir néanmoins les explications données par M. FRANCES dans le n° 13 de la revue des AVG, juin 1984

(4)  J. MARION : cartulaires de l’église cathédrale de Grenoble dits cartulaires de Saint Hugues, 1869, page 123 : « … E ea quae habent in Marselina cultum et hermun, prata et boschalia… »

(5)  Archives Départementales de l’Isère, B 3120,26

(6)  Archives Départementales de l’Isère, B 3372

(7)  Ibid : « in plano Marcelline »

(8)  A. FRANCES : op. cit.

(9)  Lieudit actuel « Grangallet »

 

A la mort de Jean Perroud, Marcelline passa à son neveu, Jacques Perroud, qui en 1522 eut de longs démêlés avec les habitants de Champagnier au sujet de leurs délimitations respectives. A l’occasion du procès qui s’ensuivit devant le parlement du Dauphiné les juges firent injonction au propriétaire de Marcelline d’avoir à déclarer quelles étaient les limites précises de son domaine…

Le 15 avril 1549 Jacques Perroud légua Marcelline à Jean Baronnat, fils d’un conseiller au parlement. On sait par un acte du 7 août 1569 que celui-ci albergea le domaine à Melchior Doriac, avocat au parlement. Le 7 janvier 1570 cet albergement fut converti en acte de vente définitive avec investiture du doyen du chapitre Notre Dame de Grenoble réservataire et véritable seigneur de Marcelline depuis le 11ème siècle. Le domaine devait alors rester durant plus de deux siècles dans la famille Doriac ; quelques membres de cette famille sont restés connus, tels Louis Doriac en 1644, Louis Théodule Doriac en 1670, Guillaume Doriac en 1730. On sait également qu’en 1745 la veuve de ce dernier, Françoise de Bouffier, transigea avec le seigneur de Claix, Charles Aubert de la Bâtie, au sujet des eaux provenant d’un ruisseau qui traversait l’île de la Dona, connu sous le nom de « ruisseau des Clairières ou de la Grande Biole ».

Au moment de la Révolution la terre de Marcelline était possédée par deux frères avec lesquels s’éteignit d’ailleurs la famille Doriac : Gabriel Doriac, chevalier de Malte et François Mathieu Doriac, chanoine de la cathédrale de Grenoble. Le 1er juillet 1790 ils vendirent le domaine à Etienne Bon, procureur au bailliage du Grésivaudan. A sa mort en 1804, le domaine fut partagé entre ses trois enfants et scindé en « Marcelline d’en Haut », « Marcelline d’en Bas » et « Marcelline du Drac ».

Lors de l’érection de Pont de Claix en commune distincte le 5 juin 1873, l’ensemble de l’ancien domaine de Marcelline, autrefois situé sur les mandements de Claix et de Champagnier, fut compris intégralement dans la nouvelle commune.

Marcelline n’est maintenant qu’un lieudit ignoré du plus grand nombre. Sa longue et riche histoire paraissait devoir être quelque peu tirée de l’oubli.