EN VUE D'UNE RESTITUTION DE L'ANCIENNE PORTE DU PONT DE CLAIX

 

Le Pont de Claix reste, décidément, d'actualité. Après les articles de Bernard TIXIER en décembre 2003 et d'Yves ARMAND en juin 2004, voici quelques précisions complémentaires en vue d'une espérée restitution de la porte méridionale de ce pont, largement méconnue car sans doute détruite dès avant le milieu du 18ème siècle.

 

Comme on le sait, le Pont sur le Drac, élevé par Jehan Albert et Pierre Salomon ensuite d'un arrêt du Conseil d'Etat et de lettres patentes d'Henry IV, fut construit de juin 1608 à 1611.

 

En 1624, on éleva, au bas du pont,  du coté de Claix et vers le poste des gardes,                                         une porte qu'on fermait en abattant une herse et, au dessus de la porte, et de chaque coté, il y avait une inscription inspirée des inscriptions dédicatoires romaines et, notamment au plan local, des portes de l'enceinte romaine de Grenoble, dédiée aux empereurs Dioclétien et Maximien. Au demeurant, l'époque se prêtait à de telles dédicaces emphatiques (cf. anciennes portes de Bonne, de Saint Laurent et de France à Grenoble).

 

A Claix, l'inscription tournée vers Grenoble était la suivante :

 

"Henri le Grand, très chrétien,

Roi de France et de Navarre,

Dauphin de Viennois,

Père de la Patrie, toujours Auguste,

Victorieux, triomphant,

Après avoir vaincu ses ennemis,

Et la paix rétablie, tant par mer

Que par terre en toute l'Europe,

Par l'avis et conduite de très illustre

François de Bonne, Duc de Champsaur,

Seigneur des Disguières, pour le bien

Et commodité, a jeté les fondements

De ce merveilleux ouvrage".

 

Et la devise latine :

 

"Romanas moles pudore suffundo"

(je fais honte aux constructions romaines).

 

 

La seconde inscription, tournée vers le Trièves, était la suivante :

 

"Louis XIII, aussi très chrétien,

Roi de France et de Navarre,

Dauphin de Viennois,

Pour le même avis et conduite,

Contre toute espérance, lui a

Donné sa perfection et ordonné

Qu'il s'appellerait Pont de Bonne,

L'an de grâce MDCXXIIII".

 

Et la devise latine :

 

"Unus distancia jungo"

(unique par la longueur, je réunis).

 

Auguste Bourne relate, dans un ouvrage consacré en 1860 à "Vizille et ses environs", un récit traditionnel populaire selon lequel Mandrin se serait présenté en 1754 au Pont de Claix, alors fermé par une grille fermant la porte. S'en serait suivie une échauffourée.

 

De cette tradition, dont on ne sait si elle est historiquement fondée, subsiste toujours l'appellation de "Salle Mandrin" donnée à l'ancien corps de garde, aujourd'hui en cours de réhabilitation par la Commune de Claix. Si l'on donne quelque crédit au récit, cela signifie qu'au milieu du 18ème siècle la porte existait encore.

 

De fait, une gravure à l'eau forte de J. A. Treillard de la période 1770-1775 (BMG Pd 45, Pont de Claix 2), qui est la première vue connue du Pont de Claix, représente la porte mais l’esquisse de celle-ci est mal lisible. Tout au plus, peut-on y voir une certaine ressemblance avec des détails architecturaux de la Porte de France à Grenoble de même époque.

 

 

 

Mais la porte du Pont de Claix semble avoir disparu peu après puisque le parcellaire de Claix de 1784, pourtant très précis, ne figure plus la porte mais seulement le corps de garde. Celle ci aurait donc eu une existence d’un peu plus d’un siècle et demi.

 

Par ailleurs, on ignore totalement ce que sont devenues les inscriptions.

 

P. Sejouné fait état, quant à lui, d'un "très ancien dessin" donnant une représentation de la Porte et de ses inscriptions" qui était conservé, en 1913, dans les archives de l'ingénieur en chef de l'Isère. Quel a été le sort de ce dessin ?

 

On rappellera toutefois que, fin 1992, lors de la transformation de l'ancienne demeure Borel de la Minière, dernier seigneur de Claix, située à Allières, en vue de sa transformation en logements d'habitation, on exhuma une dalle de plus de 200 kg qui devait, originellement, être située sur la porte du Pont de Claix ou, du moins, à proximité.

 

Cette dalle, dont la lisibilité est aujourd'hui délicate, mentionnait le nom des dix commissaires de fabrique chargés de surveiller, en 1607, la construction du pont. A la destruction de la porte, elle dut être transportée à Allières pour une raison inexpliquée. En serait-il allé de même des deux inscriptions dédicatoires ? On peut le penser même si celles-ci n’ont pas été retrouvées. Mais pourquoi Allières ? Le lien avec Borel de la Minière est évident mais l’explication reste à trouver.

L’inscription des commissaires de fabrique est quant à elle, depuis sa découverte, conservée au Musée Dauphinois (inventaire 92.45.1).

 

La Commune de Claix a souhaité un temps pouvoir reconstruire, opportunément et avec l'accord des Monuments Historiques, un "fac similé" de cette porte. Mais l’on attend toujours…

 

       J. C. MICHEL

 

Bibliographie :

 

ADI, B 3397 : un cahier in folio de 48 feuilles (17ème siècle).

Auguste BOURNE : Vizille et ses environs, 1860.

Le Dauphiné, numéro du 28 août 1864, page 125.

P. SEJOURNE : grandes voûtes, 1913.

Auguste BOUCHAYER : le Drac, 1925.

Général D. BEZEGHER : Claix et Pont de Claix à travers les siècles, 1968.

J. C. MICHEL : le pont de Claix, merveille du Dauphiné, dans bulletin des AVG n° 11, juin 1983, pages 5 à 21.

Les Affiches de Grenoble et du Dauphiné du 25 décembre 1992, page 12.

Isère Magazine, Conseil Général de l'Isère, février 1993.

André FRANCES : regards neufs sur le vieux pont de Claix, dans bulletin des AVG n° 40, octobre 1997, pages 19 à 23.

J. C. MICHEL : histoire de Claix, 2002, pages 131 à 138.

J. C. MICHEL : note pour l'architecte en chef des monuments historiques, novembre 2003.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La "pierre d'Allières" (cliché : Y. Bobin, Musée Dauphinois).