La vie à
Claix au 19ème et au début du 20ème siècles
Les
délibérations du conseil municipal de Claix renferment nombre de détails,
souvent savoureux, sur la vie quotidienne de nos prédécesseurs. Des sujets
aussi vastes que variés y sont traités. Bien qu’échappant à mes centres
habituels d’intérêt, j’ai cru utile des les relater.
Ainsi,
le 24 octobre 1824, on se préoccupe de la forêt « face à l’incurie de
l’administration ».
« Ne
devient-il donc pas de la nécessité la plus urgente de prévenir la ruine entière
de la commune de Claix en faisant intervenir l’intérêt particulier de propriété
pour la conservation des bois qui couvrent encore la montagne par laquelle elle
est dominée ? L’expérience de plus d’un siècle ayant prouvé qu’il ne faut
pas compter sur la vigilance de l’administration forestière il ne reste par
conséquent qu’à la remplacer par des propriétaires qui apporteront tous leurs
soins à la prospérité du bois et dont l’intérêt personnel sera pour la commune
une sauvegarde plus puissante que la surveillance mécanique d’agents salariés
et indifférents. L’état dans lequel sont les forêts particulières comparé à
celui des bois régis administrativement prouve de la manière la plus évidente
qu’il ne faut espérer d’amélioration que de la part des propriétaires
particuliers… ».
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Les
hivers étaient alors plus rigoureux que de nos jours, à tel point qu’un arrêté
est alors nécessaire :
« Le
maire de la commune de Claix s’étant aperçu que, vu la quantité de neiges et de
glaces qui encombrent les chemins, des enfants se permettent de glisser avec
des traîneaux sur les chemins en pente de la commune ; considérant que
cette manière de traîner rendant la glace plus dangereuse il pourrait en
résulter des chutes graves soit pour les personnes, soit pour les animaux,
Arrête :
Article
1er : il est défendu de se traîner le long des chemins publics
avec des traîneaux connus dans le pays sous le nom de grassole,
Article
2 : les parents sont responsables pour la contravention de leurs enfants
mineurs,
Article
3 : les gardes de la commune sont chargés de l’exécution du présent
(arrêté) et verbaliseront contre tous les contrevenants pour être poursuivis et
condamnés à l’amende selon la loi.
Le
présent (arrêté) sera publié et affiché au lieu accoutumé de cette commune
après l’approbation de M. le préfet de l’Isère.
Fait
à la mairie de Claix les jours, mois et ans que dessus (20 janvier 1829).
Signé :
le chevalier d’Hugues ».
En
ces temps qui ne connaissaient pas encore l’intercommunalité, le conseil
municipal de Claix avait des compétences fort étendues et on réglementait
beaucoup et en maints domaines. Que l’on en juge par le règlement de police
institué le 3 août 1829 :
« Le
maire de la commune de Claix, chevalier de l’ordre de Saint Jean de Jérusalem
(il s’agit en fait de l’ordre de Malte dont le chevalier d’Hugues, maire de
Claix, était membre et dont les armes figurent sur la chapelle de son ancien
domaine de Furonnières), sur les plaintes qui lui ont
été adressées à plusieurs reprises par différents particuliers habitant cette
commune
Arrête :
Article
1er : les boulangers de cette commune se conformeront aux taux
de la ville de Grenoble pour la vente du pain. Les taux seront affichés à tous
les changements de prix devant la porte de la mairie et aux établissements de
chacun d’eux aux endroits les plus apparents. Ils devront tenir des balances
constamment suspendues dans leurs boutiques et avoir la série du poids usuel
ordonnée par le règlement.
Article
2 : la retraite sonnera pendant toute l’année, savoir : depuis le 1er
mai jusqu’au 1er novembre à 9 H 30 du soir et depuis le 1er
novembre jusqu’au 1er mai à 9 heures précises. Les cabaretiers et
cafetiers fermeront exactement leur établissement après qu’elle aura sonné et
en feront sortir tout le monde. Si malgré cette défense quelqu’un se permettait
de passe outre, il leur serait (sic) dressé des procès verbaux ainsi qu’aux
personnes qui s’y trouveraient à boire, à jouer et à manger (on pourrait
s’étonner de ces fermetures précoces mais Claix était encore à cette époque une
commune essentiellement rurale et les habitants, agriculteurs pour la plupart,
se couchaient tôt et, à défaut, on les y contraignait). Ils ne recevront
personne dans leur cabaret les dimanches et fêtes reconnus par la loi de l’état
pendant les offices divins ; ils ne donneront asile à aucun individu
suspect et feront leur déclaration à la mairie des étrangers qu’ils logeront et
tiendront registre des consignes et ne donneront que des aliments et des boissons
de bonne qualité.
Article
3 : il est défendu de faire du bruit dans les rues, de troubler l’ordre
public pendant la nuit après que la retraite aura sonnée à peine d’être
poursuivis comme perturbateurs et punis comme tels.
Article
4 : il est défendu à tous les propriétaires et fermiers d’établir des
meules de grains, de four de paille de bois et autre combustible à une distance
moindre de
Article
5 : il est également défendu aux propriétaires et locataires de faire des
engrais dans les chemins publics et dans les rues du village et de faire des
tas de fumier devant leur maison d’habitation.
Article
6 : défenses sont faites de jouer à la boule les jours ouvrés dans les
rues du village et chemins publics de la commune.
Article
7 : vu les accidents arrivés pendant l’hiver, il est défendu de se traîner
dans la rue et chemins publics avec des grassoles sur
la glace. Il est également défendu à qui, quel qu’il soit, de jeter des boules
de neige dans aucune partie de la commune et notamment devant et sur le passage
de l’église.
Article
8 : les anciens règlements sont abrogés pour tout ce qui peut être
contraire au présent (arrêté).
Article
9 : le garde champêtre veillera exactement à l’exécution du présent règlement
et verbalisera contre tous les contrevenants.
Le
présent (arrêté) avant de recevoir son exécution sera soumis à M. le préfet de
l’Isère et publié et affiché pendant deux dimanches consécutifs.
Fait
et arrêté à la mairie de Claix le 3 août 1829.
Le
maire : le chevalier d’Hugues ».
On
notera que ce règlement de police, fort rigide, sera ensuite régulièrement
repris et modifié à compter du 14 avril 1836.
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L’on
a vu que le conseil municipal intervenait alors dans des domaines qui seraient
inconcevables de nos jours. Mais cet interventionnisme allait encore plus loin
ainsi dans le domaine des sages femmes comme en témoigne cet arrêté :
« Vu
le certificat de capacité accordé à Marie Charlon,
femme Bouillon, vu la loi du 19 Ventôse An 11 qui, articles 35 et 36, punit de
la peine de six mois de prison et de
Le
maire de la commune de Claix a pris l’arrêté suivant :
Article
1er : la demoiselle Marie Charlon,
femme Bouillon habitant au Pont de Claix est autorisée d’exercer la fonction
d’accoucheuse dans la commune de Claix à la charge pour elle d’exiger un
salaire modéré de ceux qui peuvent payer et d’accoucher les pauvres sans
rétribution.
Article
2 : défenses sont faites à toutes personnes non pourvues du certificat de
se mêler d’accouchement sous peine d’être dénoncée au procureur du roi et
d’être poursuivi (sic) conformément à la loi.
Article
3 : lecture du présent (arrêté) sera faite à l’issue de la messe
paroissiale après que le public aura été averti au son de la caisse et le
présent (arrêté) sera affiché à la porte de l’église et au devant de la maison
commune.
Fait
et arrêté à la mairie de Claix le 24 Mars 1831.
Le
maire de Claix : Laurent Neveu ».
Puis
cet autre, sur les chiens enragés :
« Nous,
Maire de la commune de Claix soussigné, sur l’avis à nous donné qu’un chien
attaqué de la rage avait paru dans une commune voisine et qu’il avait traversé
celle de Claix, en conséquence ordonnons et enjoignons à tous possesseurs de
chiens de les tenir en fermes et à l’attache jusqu’à ce qu’il en soit autrement
ordonné, les prévenant qu’en cas de contravention au présent ces chiens seront
tués par le garde champêtre que nous commettons à cet effet et les
contrevenants dénoncés aux tribunaux compétents pour être condamnés aux amendes
prononcées par les lois du 24 août 1790, titre 2, article 3 et 22 juillet 1791,
titre 1er, article 15.
Fait
et arrêté à Claix le 16 juillet 1833 ».
On
règlementait aussi, ce qui est davantage concevable, le ban des
vendanges :
« Nous,
maire de Claix, après avoir pris l’avis des principaux propriétaires et
fermiers de vignobles, avons arrêté :
Article
1er : le ban des vendanges est ouvert à compter du jeudi 10
courant pour le Mas des Balmes qui comprend tout le vignoble existant au levant
ou à droite du chemin qui tend de Claix à Seyssins, ceux qui sont à gauche ou à
droite du même chemin tendant de Claix à Seyssins en s’arrêtant à la Croix
Rolland et au chemin appelé les Barrets qui conduit
au hameau de la Côte et Jayères ce qui comprend le
Mas des Balmes, la Ronze (la Ronzy),
la Bâtie, Allières, Garretière,
Duyatières et Furonnières.
Article
2 : les vignobles des autres mas qui ne sont pas désignés dans l’article
précédent seront vendangés à compter du lundi 14 du même mois.
Article
3 : les propriétaires et fermiers qui contreviendraient au présent
(arrêté) seront poursuivis et punis conformément à l’article 475 du code pénal.
Article
4 : défenses sont faites aux grappilleurs dits choureleurs
d’entrer dans les vignes et tressages avant que tout le mas soit vendangé sous
peine d’être poursuivis devant les tribunaux compétents.
Article
5 : le garde champêtre de cette commune est chargé de veiller et d’assurer
l’exécution du présent arrêté qui sera publié et affiché aux lieux accoutumés.
Fait
et arrêté à Claix en mairie le jour, mois et an que dessus (6 octobre 1833)
Pour
le maire empêché, signé Bailly adjoint ».
Le
ban des vendanges, hérité du moyen âge, revient ensuite toutes les années dans
les délibérations du conseil municipal.
Mais,
plus surprenant, on règlementait aussi le prix de la viande.
« Le
prix de la viande à dater de ce jour et jusqu’à autrement soit ordonné est fixé
comme suit :
La
livre usuelle de
Il
est défendu aux bouchers de vendre et de peser la viande autrement qu’à la
livre usuelle de
Signé :
Comte (12 octobre 1837) ».
On
n’hésitait pas, par ailleurs, à instituer des taxes pour améliorer les finances
locales tel ce surprenant « impôt sur les chiens », institué le 30
septembre 1858 :
« Article
1er : un registre est ouvert à la mairie pour recevoir les
déclarations que les possesseurs de chiens sont tenus de faire en exécution de
l’article 5 du décret du 4 août 1855.
Article
2 : les déclarations sont reçues au secrétariat de la mairie depuis le 1er
octobre prochain jusqu’au 15 janvier suivant. Il en sera donné récépissé aux
déclarants.
Article
3 : ceux qui auront fait leur déclaration avant le 1er janvier
devront la rectifier s’il survient quelque changement dans le nombre et la
destination de leurs chiens.
Article
4 : aux termes de l’article 10 de décret du 4 août 1855 ci-dessus visé,
tout possesseur de chien qui aura fait une déclaration incomplète ou inexacte
sera passible d’un taux double. Celui qui n’aura fait aucune déclaration sera
passible d’une taxe triple.
Fait
le 30 septembre 1858
Le
maire : signé Blanc de Molines ».
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Le
temps n’est pas si loin où chaque ville, chaque village, avaient leur heure
propre. Ainsi Claix n’avait pas la même heure que celle de Grenoble ou même de Varces, sa proche voisine. Ceci prit fin le 28 février 1890
avec la promulgation de cet arrêté :
« Le
maire de Claix,
Vu
la délibération du conseil municipal de Grenoble portant que les horloges
publiques de Grenoble seront désormais réglées d’après l’heure du méridien de
Paris, vu l’arrêté de M. le maire de Grenoble, vu les rapports journaliers qui
existent entre Grenoble et Claix, considérant qu’il est indispensable que
l’horloge de Claix indique la même heure que celle de Grenoble,
Arrête :
A
partir de lundi 3 mars 1890, l’horloge publique de Claix sera réglée sur
l’heure de Paris qui est celle de Grenoble et du chemin de fer.
Fait
le 28 février 1890
Signé :
Fernel ».
Dans
le même temps, les actes de civisme étaient reconnus à leur juste valeur.
Ainsi, le 8 février 1903 :
« M.
le Maire expose à l’assemblée la belle conduite du jeune Dumoulin Hippolyte
qui, le 3 novembre dernier, arrêta un cheval emporté qui arrivait à proximité
de jeunes enfants. Le conseil municipal adresse ses sincères félicitations à ce
courageux jeune homme en appelant sur ce point la bienveillante attention du
préfet ».
On
ne sait s’il fut entendu !
Mais
il y avait aussi des actes d’incivisme comme en témoigne cette délibération du
12 juin 1904 :
« M.
Ferrand expose au conseil municipal qu’en présence des actes de brutalités exercés
au catéchisme par M. Chapperon, desservant de la
commune, sur les enfants Bérard Raoul et Sylvie Duclos, il convient d’aviser
aux moyens à employer pour obtenir le déplacement immédiat de ce ministre du
culte qui se signale en outre fréquemment à l’attention publique par des
procédés graves d’indélicatesse à l’égard des parents des enfants,
Le
conseil municipal, considérant qu’il est indispensable de prévoir à brève
échéance des voies de fait ou parfois des émeutes et que, pour se couvrir de
toute responsabilité, il convient de signaler à l’administration supérieure
l’état d’esprit de la majeure partie de la population à l’égard de ce prêtre
dans le but d’en finir, si possible, et donner ainsi satisfaction à un public
outré qui attend ce déplacement avec impatience, demande à M. le Préfet de
vouloir bien intervenir auprès de qui de droit pour l’affaire précitée.
La
présente délibération sera également portée à la connaissance de M. le
procureur de la république pour enquête à ordonner ».
La
mendicité n’est pas propre à notre siècle. En ce début du 20ème
siècle, elle semble même avoir été particulièrement importante à Claix comme en
témoigne cette délibération du 18 février 1906 :
« Pour
mettre fin à un abus, M. le maire fait connaître au conseil que quatre placards
portant la mention « la mendicité est interdite sur le territoire de la
commune de Claix » seront placardés incessamment ».
Nos
concitoyens du début du 20ème siècle, anticléricaux et intolérants à
l’égard du culte (mais ceci était alors dans l’air du temps) devaient être
particulièrement indisposés par les cloches de l’église puisqu’un arrêté semble
avoir été nécessaire pour les règlementer à compter du 23 août 1908 :
« Article
1er : les sonneries religieuses pourront avoir lieu pour les
offices, prières publiques et autres exercices religieux.
Article
2 : ces offices, prières et exercices pourront être annoncés sur l’usage
habituel par trois reprises n’excédant pas cinq minutes chacune.
Article
3 : les temps d’épidémie, les sonneries pour cérémonies et services
funèbres pourront être suspendues par arrêté municipal.
Article
4 : les sonneries ne pourront avoir lieu pour quelque raison que ce soit
avant 4 heures du matin et après 9 heures du soir du 1er avril au 30
septembre, avant 5 heures et demi du matin et après 8 heures du soir du 1er
octobre au 31 mars excepté toutefois pendant la nuit de Noël.
Article
5 : en dehors des cas ci-dessus prévus, les sonneries ne pourront avoir
lieu sans autorisation du maire ou de son délégué.
Sonneries
civiles : le Maire ou sont délégué aura le droit de faire sonner les cloches
de l’église :
1°
lorsqu’il sera nécessaire de réunir les habitants pour prévenir ou arrêter
quelque accident de nature à exiger leur concours comme dans les cas
d’incendie, d’inondation…
2°
pour annoncer le passage officiel du Président de la République
3°
la veille et le jour de la fête nationale et des fêtes locales ».
La
fin du premier quart du 20ème siècle annonçait l’émergence de
l’automobile. Certes, les radars n’existaient pas encore mais il convenait déjà
de se prémunir contre les chauffards comme en témoigne cet arrêté du 10 août
1925 :
« Dans
les agglomérations de la commune de Claix, les véhicules à traction mécanique
ne devront pas dépasser les vitesses suivantes, savoir :
-
poids
lourds (véhicules dont le poids total en charge est supérieur à 3000 kg :
-
poids
légers (moins de
Le
maire, signé : Blanchon ».
Autres
temps, autre mœurs ! Tout cela peut paraître aujourd’hui bien désuet mais
la vie de nos prédécesseurs était ainsi faite.