LES SIECLES OBSCURS
On
ne savait guère de choses jusqu’à il y a peu sur la période comprise entre la
fin de l’empire romain et de l’an Mil mais, désormais, la cartographie locale
des premiers édifices cultuels de notre région commence peu à peu à se dessiner.
En effet, il semble que dès la fin de l’empire romain, plusieurs de nos
villages aient vu s’élever de petits lieux de culte qui, de distance en
distance, pouvaient être autant de foyers de christianisation que de centre
ruraux. C’est ainsi que, du nord au sud, on peut citer Saint Martin de
Seyssins, Saint Jean de Cossey – où L. ROYER situait
le baptistère primitif – Saint Pierre de Claix, Saint Pierre de Risset, Martinais le Haut et Saint Jean de Vif.
Seules
pour l’heure existent toutefois des preuves tangibles pour Martinais et pour
Vif. Pour les autres sites il ne s’agit que de conjectures mais divers indices
laissent à penser à une possible origine paléochrétienne. En ce qui concerne Cossey, seules des fouilles dans le sous sol de la chapelle
permettraient sans doute d’être définitivement fixés.
La
période de transition entre une antiquité qui s’achève et un moyen âge débutant
est, notamment dans notre région, fort mal connue. On s’accorde toutefois à
considérer qu’elle est caractérisée par deux évènements majeurs : le
triomphe du christianisme et la venue d’un peuple germanique, les Burgondes,
qui créent un royaume de courte durée.
Mal
connus des archéologues, les Burgondes seraient venus de la péninsule
scandinave vers le 2ème siècle de notre ère pour s’installer tout
d’abord au sud de la Baltique puis, au 3ème siècle de notre ère,
dans la région du Main (centre ouest de l’Allemagne). Curieux peuple,
hétérogène dans sa composition s’il en fut, qui se retrouva en 451, lors de la
bataille dite des « Champs Catalauniques » combattre à la fois aux
cotés d’Aelius mais aussi avec l’armée d’Attila.
Selon
la « Chroniqua Gallica », la « Sapaudia » fut donnée à ce peuple du nord « la
vingtième année du règne de Théodose » (vers 395) pour être partagée avec
les autochtones.
Durant
des siècles on a admis comme une évidence que la « Sapaudia »
ne pouvait être que l’actuelle Savoie et les régions voisines dont celle qui
conserve depuis comme seule trace linguistique le souvenir de ce peuple :
la Bourgogne.
L’Isère,
on en convient maintenant, en faisait partie. La « Notice des
Dignités » (Notitia Dignitatum
Imperii), document administratif du 4ème
siècle, indique précisément que le tribun de la cohorte flavienne première de Sapaudia résidait à Grenoble : « tribunus priame flavia sapaudia Calarona ».
Le
royaume burgonde aux deux capitales – Genève et Lyon – dont l’apogée se situe à
la fin du 5ème et au début du 6ème siècles sous le règne
de Gondrebaud ne connut qu’une existence éphémère et
disparut à la suite des attaques de Clovis et de ses fils qui l’annexèrent en
532-534.
De
cette période subsistaient encore, près de cinq siècles plus tard, des patronymes
manifestement burgondes : Leotgarda à Vif en
1030, Vualdrada à Cossey en
1085.
Les
temps mérovingiens ont mauvaise réputation dans notre histoire nationale et
demeurent largement méconnus. Ils méritent pourtant d’être reconsidérés à la
lueur des travaux récents et de découvertes archéologiques de plus en plus
précises.
Le
partage de 534 entre les descendants de Clovis place la cité de Grenoble dans
le patrimoine de Clotaire 1er mais il s’agit d’une période de
divisions, de luttes et de fléaux ; famines consécutives à des pluies
torrentielles et des hivers rigoureux obligeant les malheureuses populations à
se nourrir d’herbes, de racines, d’écorces d’arbres (566, 585), pandémies de
dysenterie (570), de variole (592) et surtout de pestes bubonique et pulmonaire
venues d’Orient dont les effets auraient été horribles (546, 563, 570, 580,
588).
De
ces périodes tragiques on ne dispose que de fort peu d’éléments généraux et,
tout particulièrement, on évalue relativement mal l’importance des structures
religieuses, notamment monastiques ; circonscrite à notre proche région,
l’histoire monastique mérovingienne du diocèse de Grenoble reste en effet
entièrement à écrire.
Pour
l’heure, on n’en connaît en effet que fort peu de choses : un évêché
attesté à Grenoble dès le concile d’Aquilée en 381, le monastère Sainte Marie
de Viceliae (Vizille) connu par l’acte de fondation
de la Novalaise du 30 janvier 726, un possible
ermitage de Saint Aimé, né vers 565 dans le suburbium de Grenoble, un sanctuaire à Saint Nazaire
établi au 7ème siècle sur le territoire de l’actuelle commune de la
Terrasse et le complexe de Saint Laurent de Grenoble.
La
création du réseau paroissial reste quant à lui un sujet controversé sur lequel
partisans des chronologies hautes (5ème, 6ème siècles) et
basses (9ème, 10ème siècles) s’affrontent sans qu’aucun
élément probant ne soit pour l’instant dégagé.
Ainsi
n’est pas résolue la fondamentale question : y a-t-il rupture ou
continuité entre l’époque romaine et la naissance des paroisses ?
A
défaut, reste très utile l’hagionymie – ou hgiotopographie – étude des plus anciens vocables d’églises
qui montre que dans la plupart des sites du très haut moyen âge, l’église
paroissiale, avant le milieu du 5ème siècle, est au patronage du
Sauveur puis, vers le milieu de ce même siècle à celui de Saint Etienne, avant
d’être communément à celui de la Vierge (vers 500) et, au début du 6ème
siècle, à ceux de Saint Jean Baptiste, Saint Pierre, Saint Laurent et Saint
Martin : ceux-ci sont présents à Vif, à Varces,
à Seyssins et à Claix mais seules des fouilles archéologiques ont révélé des
traces de ces premiers sanctuaires à Seyssins, à Varces
et à Vif.
Autour
de ces premiers sites cultuels on commence à percevoir une certaine
organisation spatiale avec divers foyers d’habitat. Ainsi :
-
le
viculus d’Allières,
-
Cossey,
-
Le
Grand Rochefort : là aussi, les témoignages archéologiques montrent une
réoccupation, du moins épisodique, jusqu’au 10ème siècle ou au début
du 11ème siècle : fragments de meules à affiler du 6ème
au 10ème siècles, débris de vases, tessons tournés également du 6ème
au début du 10ème siècles, ferrailles (clous, fers à chevaux) du 8ème
siècle, canons creux de type carolingien, haches et couteaux carolingiens…
-
Le
site de l’Achard sur Varces :
abandonnée à la fin du 3ème siècle, la station gallo romaine est
réoccupée aux 7ème et 8ème siècles où de nouveaux
bâtiments sont édifiés ainsi qu’un grand four culinaire. Les bâtiments sont
alors entourés d’un mur flanqué peut être de tours, ce qui laisse à penser à un
possible domaine fortifié, abandonné vers le 8ème siècle pour des
raisons inconnues.
D’autres
sites d’habitat existaient, notamment dans la plaine du Lavanchon
que l’on pensait submersible et qui a livré tant de vestiges lors des fouilles
préalables à la construction de l’autoroute A 51, notamment à Champ Nigat (bâtiments du haut moyen âge) et à Rochedure (édifice paléochrétien) ou aux Gaberts.