Les
délibérations du conseil municipal de Claix du début du 20ème siècle
renferment quelques curiosités et, notamment, celle d’une malheureuse Claixoise, épileptique et indigente : Louise Célina Julie V…. Pour des raisons évidentes que l’on
comprendra car ces évènements ne sont pas si lointains, j’ai limité le nom à sa
première lettre
On
croirait un roman de Zola et, pourtant, il s’agit d’une histoire vraie. Triste
histoire, en vérité, que celle qui occupa le conseil de municipal de fin 1900 à
début 1904 et qui est ainsi relatée dans cinq délibérations municipales.
Cela
débute le 5 Novembre 1900 :
«
M. le Maire entretient le Conseil des conditions d’admission de la fille V… à
l’hospice de Saint Fulgent (Cher). A ce sujet,
l’assemblée prend la décision suivante :
Considérant
qu’il serait de toute utilité de faire admettre la fille V… à l’établissement
sus énoncé et d’avis de sanctionner purement et simplement la décision du
bureau de bienfaisance prise à cet égard dont la teneur suit : le bureau
de bienfaisance s’engage à verser une subvention de 100 F à titre définitif à
l’économat de l’hospice de Saint Fulgent à charge
toutefois par les parents de faire le reste pour le séjour illimité de cette
fille à cet établissement faute de quoi le présent engagement serait
retiré ».
On
pourrait penser que l’histoire s’arrête là, mais il n’en est rien.
En
effet, le 25 Août 1903, le conseil municipal est de nouveau saisi :
« M.
le Maire fait remarquer que l’admission de la fille V…, épileptique, à l’asile
de Saint Fulgent a été rejetée et qu’il se propose
d’écrire à M. l’Inspecteur de l’Assistance Publique de l’Isère afin de prier ce
fonctionnaire de trouver un gardien qui recevra de la commune une somme de 200
F par an ».
Le
14 Octobre 1903, suite du feuilleton :
« la
fille V… Célina ayant quelques immeubles il est
décidé qu’une commission sera nommée avec charge de louer ses biens afin que la
commune en retire le meilleur profit pour l’indemniser en partie des dépenses
qu’elle fait pour la propriétaire ».
« M.
le Maire donne lecture au Conseil de deux lettres de M. le Préfet de l’Isère en
date des 17 Novembre 1903 et 14 Janvier 1904 relatives à la fille épileptique
V… Célina, desquelles il résulte que l’assemblée est
invitée à délibérer sur le vote d’une pension annuelle en faveur de la
susnommée en vue de faire participer l’Etat et le Département dans les frais
d’entretien » ; le conseil municipal adopte alors la résolution
suivante :
« Considérant
que la fille V… Célina qui n’est pas interdite a des
immeubles dont le revenu annuel est d’environ 50 Fet qu’il importe avant de se
prononcer sur la quotité à voter de pouvoir gérer ses biens dont le prix du
fermage serait versé intégralement et régulièrement chaque année par le fermier
à la caisse municipale,
Prie
l’autorité supérieure de vouloir bien si possible autoriser la commune à passer
un bail ou d’indiquer tout autre moyen après quoi une décision ferme serait
prise à cet égard ».
Les
choses n’en restent pas là. En effet, le 27 Août 1904 intervient une nouvelle
délibération :
« M.
le Président (de la commission) expose au Conseil Municipal qu’il convient de
s’occuper à nouveau de la fille V… Louise Célina
Julie, malade épileptique, en vue de la faire admettre si possible à l'asile de
St Fulgent (Cher). Cette personne est placée
actuellement chez un habitant de la commune de Vaujany,
canton du Bourg d’Oisans. Il est à remarquer que dans le délai d’un an il a
fallu la déplacer trois fois, ce qui prouve à plus forte raison qu’il est
réellement souhaitable que l’autorité supérieure veuille bien prendre l’affaire
en considération.
Le
Conseil Municipal ouï l’exposé de M. le Maire et vu l’urgence vote un crédit de
90 F et s’engage à assurer cette subvention annuelle pour toute la durée du
séjour de la malade. En résumé, les ressources annuelles assurées se
décomposent ainsi :
-
90 F à la charge
de la commune de Claix
-
50 F à la charge
du bureau de bienfaisance de Claix
-
60 F montant des
revenus des biens de la fille Vial Célina
au
total 200 F.
Le
Conseil Municipal regrette vivement de ne pouvoir voter un crédit plus élevé et
se plait à compter sur toute la bienveillance de l’administration pour arriver
à une solution favorable ».
Le
30 Décembre 1904, cette affaire revient de nouveau devant le conseil
municipal :
« M.
Berthelot, le cimentier du Gua et conseiller général,
par lettre en date du 22 Novembre 1904 propose au Conseil de voter les fonds
nécessaires pour l’admission de la fille V… Célina à
l’asile de Vence qui doit s’ouvrir le 1er Mai 1905. A cet effet, le
Conseil Municipal désirant en finir avec cette perpétuelle question prend la
délibération ci après :
« M.
le Maire expose au Conseil Municipal qu’il est d’extrême urgence de s’occuper
de l’admission de la fille V… Louise Célina Julie,
malade épileptique, à l’asile de Vence qui doit s’ouvrir le 1er Mai
prochain, d’assurer le crédit nécessaire qui est inscrit au budget de
l’exercice courant et qui le sera les années suivantes. Cette personne est
placée actuellement chez un habitant de la commune de Vaujany,
canton du Bourg d’Oisans. Il est à remarquer que dans le délai d’un an il a
fallu la déplacer trois fois ce qui prouve à fortiori qu’il est réellement
souhaitable que l’autorité supérieure veuille bien prendre l’affaire en
considération ».
« Le
Conseil Municipal, ouï l’exposé de M. le Maire et vu l’urgence vote un crédit
de 72,50 et s’engage à assurer cette subvention annuelle pour une durée de
trois ans.
En
résumé, les ressources annuelles assurées se décomposent ainsi :
-
72,50 F à la
charge de la commune de Claix
-
50 F à la charge
du bureau de bienfaisance de Claix
-
60 F montant des
revenus des biens de la fille V… Célina
au
total 182,50 F
Le
Conseil Municipal se plait à compter sur une solution favorable ».
M.
Le Maire expose par ailleurs qu’aucune somme n’est votée en ce moment pour le
paiement de la pension du trimestre de la fille V… Célina,
épileptique et indigente de Claix placée chez M. Genevois à Vaujany
en Oisans.
Le
Conseil Municipal vote en conséquence une ouverture de crédit de 50 F pour le
paiement de la pension du 22 décembre 1904 au 22 mars 1905 de l’épileptique
indigente V… Célina ».
On
ne retrouve ensuite plus mention de cette triste affaire et les budgets
municipaux ne font pas état de renouvellement de crédit. Faut-il en conclure
que la malheureuse était alors décédée ?
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Jean Claude MICHEL