LA RONZY
Le
nom du hameau semble venir du patois ronsi, ronzy, la ronce, qui a donné diverses variantes : Ronsi, Ronze, la Ronzy… La plus ancienne mention, sous la forme « de Ronsia » apparaît dans les comptes de Grésivaudan en
1374. Puis, dans une délibération capitulaire de la cathédrale Notre Dame de
Grenoble, on trouve la forme « Ronsi »,
lieu de possession d’une maison du chapitre. Un acte du 25 février 1519 voit la
forme « en Ronsia ». A partir de 1592 on
trouve la forme actuelle « la Ronzy »
parfois écrite avec un « i », parfois avec un « y ». De
même, le « z » prévaut souvent mais jusqu’en 1779 on trouve également
Ronzy avec un « s ».
Les
archives communales conservent le témoignage d’une agression qui dut marquer
les esprits et dont fut victime une habitante de la Ronzy,
Jeanne Roulet, en 1611.
Le
parcellaire noble de Claix de 1635 mentionne que noble Antoine de Dorne, cohéritier de feu noble Antoine de Dorne, Président en la cour du parlement du Dauphiné, son
grand père et les hoirs de noble Claude de Dorne,
également président en la cour, possèdent des biens nobles en la Ronzy.
C’est
l’époque des grands seigneurs de Claix puisque l’on trouve dans le même
parcellaire les noms de Charles de Créquy, maréchal de France, Lieutenant
Général pour le roi en Dauphiné et seigneur de Claix comme l’avait été avant
lui son beau père Lesdiguières, le doyen et les chanoines du chapitre de
l’église cathédrale Notre Dame, coseigneurs de Claix depuis 1224, Ennemond de Servien, conseiller
du roi et seigneur de la Balme et Cossey, le
président Expilly, nobles Jacques de Saint Germain et Robert de Saint Germain
qui créeront le domaine de la Bâtie ou encore Claude Maurianne,
huissier en la cour, qui possède également un domaine à la Ronzy
qui lui vient de feue son épouse Marie Honorée.
Vingt
ans plus tard, le parcellaire de 1655 montre pour la Ronzy
deux familles nobles : Antoine de Dorne et
Claude Maurianne et huit familles roturières :
Jean Mercier, André Champion, Michel Jacob, François Ainard
dit curieusement « pointe de Dieu » et Pierre Chappe, tailleur
d’habits dont la famille possèdera plus tard la « Grange aux Dames »
avant d’en faire donation aux Carmélites de Grenoble. Philippe Faure, vice
châtelain de Claix pour la part du roi y a également des terres.
Il
faut ensuite attendre un bon siècle pour retrouver un parcellaire conservé,
celui de 1784 en l’occurrence, qui contrairement à ces prédécesseurs est
extrêmement détaillé. Il y a toujours deux familles nobles à la Ronzy : celle d’Etienne Royer, avocat consistorial au
Parlement et celle de Madame de Lachal. La première
propriété est l’ancien domaine des de Dorne, composée
alors d’un château, d’une maison, d’une grange, d’une basse cour, d’un jardin,
un réservoir, un verger et de nombreux prés et terres. La seconde se compose de
plusieurs maisons, un four, des jardins, des près et des bois. Les habitants du
hameau sont pour l’essentiel des fermiers, des métayers et des journaliers au
service des deux familles nobles. On relève les noms de Félix Paillot, Antoine Ravix, Joseph Fremont, Jean
Giroud…
La
capitation du 24 janvier 1788 mentionne pour la Ronzy
7 fermiers, 5 journaliers, 1 cabaretier, 1 maçon, 1 cordonnier, 1 menuisier et
1 payannier. Contrairement aux autres hameaux de
Claix, on ne relève pas de pauvres !
Le
recensement de septembre 1798 mentionne 12 familles totalisant 61 habitants.
Parmi eux on relève les noms de Jean Mure, Jean Picard, Claude Marque, Jean
Giroud ou encore le tisserand Jean Ravix. Au hasard
des familles recensées ont relève quelques prénoms délicieusement
désuets : Magdelaine, Euphosine
ou encore Hypolete.
L’arrêté
du 28 Floral An 11 (18 mai 1803) portant classement des chemins de Claix en 3
catégories en fonction de leur importance relève pour la Ronzy
le chemin de ce hameau aux Marais, classé en troisième catégorie, d’une
longueur de 380 toises (
Le
château :
Le
domaine présente la particularité rare de n’avoir connu que deux familles
propriétaires depuis le 17ème siècle : les de Dorne jusqu’en 1709 et depuis lors sans aucune
discontinuité depuis trois siècles les Royer.
La famille de Dorne originaire
du Valentinois, fut anoblie sous Henri II. Dès 1595 l’un de ses membres est
président du Parlement du Dauphiné. Cette famille possède la Ronzy dès avant
La famille Royer habitait au commencement du 17ème
siècle où elle était venue probablement à la suite des guerres de religion car
elle était protestante. On trouve Claude Royer, consul de la communauté de
Saint Baudille et son fils David qui adjura la
religion réformée en 1664. Un hameau a du reste conservé le nom patronymique
« les Royer ». Etienne Royer, fils de David, se fixa à Grenoble où il
devint procureur au bailliage en 1703. C’est donc lui qui hérite en 1709 de la
propriété claixoise des de Dorne.
Celle-ci se composait alors d’une maison de maître, d’une ferme, d’un
pigeonnier, d’une écurie et d’autres bâtiments, de jardins, de vergers et de
terres importantes. Mais la mise en possession d’Etienne Royer donne lieu à
d’assez longues difficultés résultant, semble t-il, des droits des cohéritiers.
Le Parlement rend le 7 septembre 1739 un arrêt de délaissement en faveur
d’Etienne Royer mais il faudra attendre un accord transactionnel du 3 mars 1766
pour mettre définitivement fin aux diverses procédures en cours.
Entre
temps, Etienne Royer était décédé en 1758. Devait lui succéder son fils,
également prénommé Etienne, avocat consistorial au Parlement du Dauphiné,
Lieutenant particulier en la maîtrise des eaux et forêts et deux fois premier
consul de Grenoble (1774 et 1776). C’est lui qui achètera à Cherubin Beyle l’orangerie
et une partie du potager en 1762. Il se maria en 1748 avec Françoise Beston dont il eut 18 enfants. A son décès survenu en 1783,
le domaine entre en possession de Louis Royer, conseiller de préfecture,
administrateur du département de l’Isère et délégué à l’assemblée de Vizille du
21 juillet 1788. Il est remarquable de constater que Louis Royer, à l’encontre
de nombreux nobles tel le Comte de Morges, seigneur d’Allières,
ne prit pas le chemin de l’immigration. Ceci aurait pu conduire à la vente du
domaine au titre des biens nationaux. Finalement arrêté comme suspect en
novembre 1793 avec Cherubin Beyle, Louis Royer sera interné à Sainte Marie d’en
Haut puis rendu à la liberté en août 1794 sur les réclamations de ses concitoyens
venus manifester devant la prison aux cris de « nous voulons notre
Royer ». Il décède en 1828. Par testament en date du 26 avril 1823 il
avait institué comme légataire son frère, Alexandre Royer Deloche,
ancien procureur général et président à la Cour Impériale de Grenoble, par
ailleurs ancien maire de Grenoble. Auparavant, en 1784, il avait acheté à
Cherubin Beyle dont les finances étaient de plus en plus obérées par son
ruineux élevage de Mérinos de Furonnières, les
bâtiments devant la maison : hangar, cave, cuvage, précédemment propriété
de Mme de Lachal. Au décès d’Alexandre en 1842 lui
succède Casimir Royer, neveu d’Alexandre et de Louis, premier président à la
Cour de Grenoble et député de l’Isère, cessionnaire par suite d’un acte du 27
septembre 1829. C’est lui qui donne à la Ronzy le
visage qu’on lui voit aujourd’hui. Casimir Royer devait décéder en 1876. Il est
enterré avec son épouse, née De Gros, au cimetière de Claix.
Lui
succède alors son fils aîné, Louis Royer, président de chambre à la Cour de
Grenoble. Il décède en 1913 et repose également au cimetière de Claix. Le
domaine passe alors à Paul Royer, son fils, avocat et bâtonnier jusqu’à sa mort
en 1944. Il est également enterré au cimetière de Claix où son épouse l’a
rejoint en 1966.
Sans
héritier direct, la Ronzy passe alors à Max de Royer
Dupré, polytechnicien et directeur adjoint des papeteries de Pont de Claix, de
la branche des Royer Dupré connue dès le début du 18ème siècle. A
son décès prématuré survenu en 1961, le domaine passe alors à son fils,
Bertrand de Royer Dupré, également décédé prématurément et à l’épouse de Max,
Madame Odile de Royer.
Un
mur de clôture de
La
demeure primitive des de Dorne se composait, au début
du 17ème siècle, d’un rez de chaussée où
se trouvaient les pièces principales qui s’ouvraient sur le devant par des
portes fenêtres et d’un étage où étaient situées les chambres. La maison
s’encadrait de deux carrés de jardins à la française. Elle subsista semble t-il
dans cet état jusqu’aux radicales transformations opérées en 1829 et en 1830
par Casimir Royer dans la période qui précéda son mariage. C’est lui qui créa
notamment le perron à double volée hémisphérique qui changea tout l’aspect de
la façade. Les pièces du premier étage perdirent alors leur emploi, le premier
étage devint aménagé pour les pièces de réception et le grenier, surélevé,
forma les chambres du deuxième étage. Au même moment fut dessiné, par
Corneille, le parc romantique.
On
remarque que la façade principale, coté parc, est mieux soignée que la façade
opposée et qu’elle forme avec les façades sud et nord des angles aigus. Sur la
façade principale on peut voir quatorze ouvertures de fenêtres aux encadrements
de pierre grise. Au premier étage, les trois portes fenêtres centrales sont
surmontées de corniches de pierre s’ouvrant sur le perron de 1830.
Sous
ce perron, trois arcades en plein cintre abritent trois fontaines. Celle du
milieu est un bassin surmonté d’une vasque godronnée à deux étages avec des
vases d’Anduze de 1833. Sous les deux arcades de part et d’autre se trouvent
deux vasques fontaines en pierre.
Le
château est couvert d’un toit à quatre pentes douces en tuiles romanes. De
toutes les influences méridionales qui ont inspiré les constructions de Claix,
la Ronzy montre la plus évidente influence italienne,
ce que renforce encore le crépi ocre.
Les dépendances :
Les
bâtiments peuvent remonter plus haut que le château primitif lui-même, sans
doute au 16ème siècle ce que semble confirmer un arc en accolade.
L’orangerie, acquise en 1762, semble avoir succédé à un pigeonnier déjà
mentionné sur le parcellaire noble de 1693. Acheté par Louis Royer à Cherubin
Beyle, ce b^étiment eut aussi une autre
destination : ce fut en effet une magnanerie à l’époque où la culture du
ver à soie était devenue une vraie sinécure. Mais Paul Royer, dans un manuscrit
de 1934, parle toujours d’orangerie.
J’ouvre
ici une parenthèse car on voit parfois écrit « orangeraie » ;
or, les deux termes ont une signification différente. L’orangerie est le lieu
fermé où l’on met à l’abri durant la saison froide les orangers cependant que
l’orangeraie est l’endroit où l’on cultive les orangers en pleine terre. Il
s’agit donc bien ici d’une orangerie. Une autre, similaire, existait jusqu’à il
y a peu au château de Furonnières et une autre encore
à Allières sur Claix au château de Borel de la
Minière.
Le
domaine agricole primitif a été sensiblement réduit par l’effet des partages et
des cessions. Il comportait notamment des bois sous Comboire,
le coteau dit de Mont Olivet, un domaine au Peuil et
les terres dites du Colombier aujourd’hui sur les limites des communes de Pont
de Claix et de Champagnier mais jadis parties
intégrante du territoire de Claix.
La
belle allée de marronniers remonte vraisemblablement à une époque antérieure
aux aménagements effectués par Casimir Royer.
Les eaux de le Ronzy :
Une
citerne ne peut manquer de surprendre. Elle a en effet des allures et des
dimensions que bien des piscines modernes pourraient envier. Mme de Royer m’a
du reste confié que, par grandes chaleurs, la citerne avait en effet souvent
tenu lieu de piscine.
Paul
Royer écrivait : « deux choses ont de la valeur à la Ronzy : les Stendhal (il parlait de manuscrits dont la
première édition de la Chartreuse de Parme annotée par Stendhal) et les eaux.
Dès 1784, existe un acte précisant les droits sur les eaux dites de la Ronzie mais c’est encore Casimir Royer qui se préoccupa de
doter la propriété de droits d’eaux spécifiques. Primitivement, il n’y avait
d’autre eau potable que la part des eaux dont la source prend naissance au
sommet du village et qui étaient recueillies dans la grande citerne en pierre,
antérieure à 1830. Mais, par suite de l’état défectueux des captations, cette
eau était devenue polluée. Un arrêt du Parlement du 27 juin 1867 autorisa le
droit de détourner les eaux de la Robine, 36 heures par semaine, du samedi au soleil
couchant au lundi matin soleil levant. Un canal traversant tout le village
assurait, au moyen de vannes de dérivation, l’exercice de ce droit. Enfin, en
1930, intervint également une dérivation des eaux dites Fantin. Quant à
l’écoulement de la citerne, il se fait par un canal servant à l’irrigation du
parc.