LA BATIE
Bien
que la légende soit jolie – mais c’est là du propre des légendes – il n’y a
aucun fondement à la tradition selon laquelle la Bâtie aurait été, vers 1340,
un « pavillon de chasse delphinal ».
Moins
prosaïquement, l’origine de la construction de la Bâtie – qui a donné son nom
au lieu – coïncide avec l’arrivée à Claix de noble Jacques de Saint Germain,
avocat général au Parlement du Dauphiné, issu d’une vieille famille du Gapençais citée dès 1350 et possédant, à la fin du 14ème
siècle, les seigneuries de Jarjaye, Villette et le Valgaudémar.
M.
de Saint Germain, descendant d’un e longue lignée de magistrats, parait avoir
acquis la terre de la Bâtie « le dernier jour d’août 1592 ». En 1612,
ce qui allait devenir l’important domaine de la Bâtie ne comporte alors que
deux bâtiments : une maison et une grange.
Lors
des guerres de religion, aucun château ou maison forte ne sont signalés à la
Bâtie. Or, il parait invraisemblable que les belligérants eussent négligé une
telle place forte si celle-ci avait existé.
Selon
toute vraisemblance, la première construction parait donc avoir été édifiée
postérieurement à ces funestes guerres, vers la fin du règne d’Henri IV.
Vers
1630, la Bâtie est occupée par son acquéreur, Jacques de Saint Germain, seigneur
de Villette, ce qui tend à accroire
l’idée que ce serait lui qui serait à l’origine de la première construction
seigneuriale.
Il
décède avant 1659 car la maison est occupée à cette époque par Alain de Monts,
seigneur de Savasse ; celui-ci, dans son
testament daté du 31 octobre 1659, précise qu’il habite le château avec la dame
de Gauteron et que celui-ci appartient « aux
hoirs de noble Jacques de Saint Germain ».
Vers
1676, la Bâtie appartient à Jean Louis de Saint Germain, neveu de Jacques. A sa
mort, son cousin, François de Saint Germain, lui succède. Sa mort survenue en
1690, sans postérité mâle, éteindra la dynastie des Saint Germain qui, durant
plus de trois siècles, du conseil delphinal au
Parlement du Dauphiné en passant par la Chambre des Comptes aura constamment
occupé la charge d’avocat général de la province.
Leurs
armes se lisaient d’or à la bande d’azur chargée de trois colombes d’argent,
bec guettant chacun une étoile d’or.
Le
domaine passe alors à une date légèrement imprécise, 1690 ou 1694, entre les
mains de la famille de Jean Baptiste de Ponat, parent
de Christophe de Ponat alors seigneur de Seyssins
sans que l’on sache très exactement si cette transmission se fit par
acquisition ou par apparentement.
En
1700, Jean Baptiste de Ponat est appelé
« seigneur de Beauregard et de la Bâtie ». Durant cette période, la
Bâtie semble n’avoir été qu’une résidence occasionnelle.
Vers
1704, Pierre Aubert, conseiller du roi, trésorier de France en Dauphiné,
lieutenant général de police, contrôleur général des gabelles, succède à la
famille de Ponat comme possesseur du domaine de la
Bâtie. Grâce à une importante fortune, celui-ci entreprend alors des travaux
d’embellissements.
Le
11 octobre 1715, il baille, à titre de grangage de méarie à Charles Champion de Risset,
le domaine de la Bâtie pour quatre ans. Ledit Aubert se réserve « une quartellée de terrain à coté du grand jardin neuf qui sera
employé pour y planter des choux, éricots, truffes et
autres légumes où ledit métayer n’aura rien à y prétendre ».
A
diverses reprises, Pierre Aubert étend son domaine : en 1737, notamment,
il rachète d’importantes terres au seigneur de Claix, le maréchal de Villeroy.
En
1746, le domaine de la Bâtie comprenait des terres du coté de Champagnier, lesquelles donnent lieu à une procédure contre
Antoine Amar, directeur de la monnaie de Grenoble,
dont le fermier s’était avisé de rompre des canaux et conduits d’alimentation.
En
1747, son fils, Charles Aubert, chevalier, premier avocat général au Parlement
de Dauphiné, marié à Scolatique Dauphin de Verna, lui succède comme seigneur de la Bâtie tout en
devenant, dans le même temps, seigneur de Claix par suite du rachat de cette
seigneurie à la mort de François de Neuville, duc de Villeroy.
Désormais
et jusqu’à la Révolution, les deux seigneuries n’en feront plus qu’une.
Charles
Aubert poursuit l’œuvre d’embellissement engagée par son père. Il habite la
Bâtie de manière permanente à compter de 1754. Il décède le 25 janvier 1763
sans héritier mâle, ce qui éteint cette famille seigneuriale dont les armes
étaient d’azur à un haubert d’or.
Le
domaine de la Bâtie passe alors à son neveu, Pierre Louis Joseph de Lemps, conseiller au Parlement du Dauphiné. Celui-ci
devient à son tour seigneur de Claix et de la Bâtie jusqu’au 12 octobre 1764
date de sa mort prématurée à l’âge de 38 ans. C’est par sa tante paternelle,
Louise de Lemps épouse de Louis de Montchenu de Thodure que les
seigneuries de Claix et de la Bâtie passent au fils cadet de ceux-ci, Abel,
Marquis de Montchenu, maréchal de camp.
A
sa mort le 12 octobre 1769 celui-ci ne laissait de sa liaison avec sa
gouvernante Sébastienne Richard qu’un fils naturel
posthume, Jacques Sévère qui naîtra à Grenoble le 17 mars 1790. Son frère aîné,
Louis, colonel de dragons, meurt six jours plus tard qu’Abel, le 18 octobre
1769. La seigneurie passe alors à l’un de ses trois neveux, le Baron Victor
François dit le Vicomte de Montchenu, officier au
régiment du roi.
Je
dois aux recherches généalogiques de Madame Colette Sala dont la famille de son
époux descend de Jacques Sévère que celui-ci n’était pas un enfant illégitime
du Marquis Abel de Montchenu, comme on l’a toujours
dit, sauf si Sebastienne Richard a menti dans sa
déclaration de grossesse du 26 décembre 1769. Jacques Sévère eut quatre enfants
dont l’un, Scipion, portait le titre de Marquis.
Le
Vicomte François de Montchenu, célibataire, bien que
seigneur de Claix et de la Bâtie n’y résidera que fort rarement.
Le
domaine de la Bâtie, vendu comme bien national à la Révolution, est alors
acquis par Louis Belluard. Selon le recensement de
1798, seules trois familles habitent alors au hameau de la Bâtie.
En
1816, la Bâtie passe en dot à Elisabeth, fille de Louis Belluard,
lors de son mariage avec François Tardivy de la
Caille, lieutenant colonel du Génie en retraite. En 1844, la propriété est
transmise à leur fille aînée, Antoinette et à leur gendre le capitaine Gabriel
Colomb de la Tour de Beauzac.
Bien
qu’amputé à la Révolution, l’ancien domaine seigneurial était alors encore très
important avec
En
1868, à la mort de Gabriel Colomb de la Tour de Beauzac,
la Bâtie passe alors en diverses mains et, notamment, celles de Joseph Torchon
puis de sa fille, épouse Audras qui en hérite vers
1930.
Puis,
M. Rubat l’acquiert en 1967. C’est à la Bâtie que
séjournera l’impératrice Farah Dibah, lors des jeux
olympiques de Grenoble en 1968.
M.
Rubat vendra la propriété la commune de Claix le 16
juillet
« Superficie
globale de
Rez de chaussée : entrée, cuisine,
WC, couloirs, office, chapelle, salle à manger, salon, débarras, deux chambres
pour
1er
étage : hall, WC, salle d’eau, salle de billard, huit chambres pour
Caves
pour 249,10 m2 ».
Le
dossier d’expertise établi par le cabinet Lecart au 3ème
trimestre 1967 apporte d’intéressantes précisions complémentaires :
«
Surface couverte :
-
murs
en pierres et tout venant avec enduit de façade en ciment lissé,
-
encadrement
des fenêtres et des portes fenêtres en pierres de taille,
-
porte
d’entrée en bois de chêne avec vitrage et fer forgé,
-
garde
corps du balcon en fer forgé,
-
sur
la façade est, encadrement de la porte d’entrée de service en pierres de taille
avec fronton en pierre,
-
entrée
principale sur façade nord, parvis et escalier en pierres de taille
Couverture :
toiture à quatre pentes en ardoises taillées sur charpente en bois à poinçons
et contrefiches, liteaux en bois et voliges.
Description
intérieure :
Sous
sol :
Terre
battue et chape de ciment. Escalier d’accès au sous sol en pierres de taille.
Une porte en bois de chêne à barreaux, 4 portes en bois à panneaux à la
française avec peinture.
Rez de Chaussée :
Au
sol, dalle reposant sur des voûtes en pierres du sous sol composé de marin,
chevrons bois.
Couloir
des caves avec sol en revêtement de carrelage grès à dessins. Porte en noyer
sur l’entrée du hall.
Hall
d’entrée : plafond en plâtre avec moulure en staff.
Couloir
de l’office avec porte en bois à panneaux peints à la française.
Cuisine,
au sol carrelage en terre cuite.
Salon :
au sol parquet en chêne à lames droites. Plafond enduit plâtre avec moulure en
staff. Cheminée avec habillage en bois sculpté.
Salle
à manger : au sol parquet de noyer à grosses lames, plafond comme au salon,
cheminée avec habillage en marbre. Trois portes doubles avec vantail en noyer.
Bibliothèque :
au sol, parquet en chêne verni avec lames droites. Cheminée avec habillage en
marbre.
Chambre :
parquet chêne à lames droites. Cheminée avec habillage en bois sculpté.
Escalier
d’accès à l’étage : marches en pierres avec palier en pierres de taille.
Garde corps en fer forgé.
1er
étage :
Plancher
de l’étage en voûtains, pierres avec marin et tout venant, poutres bois et
solives.
Hall,
sas d’accès aux combles, WC, 8 chambres, toilettes, anti
chambres.
Cheminées
à feu de bois, salle de billard avec cheminée, chambre mezzanine, salles de
bains, chambre mansardées.
Escalier
d’accès aux combles en bois tournant.
Combles
avec plancher voûtains en pierres avec remplissage marin tout venant, poutres
bois et solives ».
En
2000 le château, funestement détruit, a été a peu près reconstruit à
l’identique pour des logements d’habitation.
Avant
sa reconstruction le château datait, pour l’essentiel, de la première moitié du
18ème siècle, époque des embellissements considérables effectués par
la famille Aubert. L’escalier d’honneur en pierres de taille, le parvis,
l’entrée, le balcon et son garde corps en fer forgé en décoration de
vaguelettes paraissaient également dater d’une période antérieure à 1750. Les
vantaux et l’imposte de la façade principale étaient plus tardifs. Un blason
martelé subsistait au dessus de la porte principale : très
vraisemblablement il devait représenter les armes des Aubert.
La
porte latérale est du parc, toujours conservée, en molasse, de style Louis XIII
très marqué pourrait remonter à l’époque des Ponat
voire à celle des Saint Germain. D’un type remarquable, cette porte aujourd’hui
rongée par le lierre est la seule de ce type existant à Claix.
Les
nombreux communs, aujourd’hui logements, subsistent toujours. Bien que
réaménagés ils demeurent pour l’essentiel tels qu’au 18ème siècle
ainsi que la cour pavée de petits galets.
Mas dépendant de la
Bâtie :
Le
« Mas de Pré Vieux » est limité au sud par le hameau de la Bâtie et à
l’ouest par le chemin du Bourg à la Bâtie. Il n’a jamais connu semble t-il
d’habitat. Les principales terres appartenaient au seigneur de Montchenu, à la dame Bonnety et à
François Pupil qui disposait d’un roussoir
au bord de la Robine.
Le
« Mas de Champ Baron » apparaît en 1784 à l’ouest du domaine de la
Bâtie, au-delà du chemin public tendant du Bourg à Risset.