LA BALME

 

Intemporel et secret, le hameau de la Balme placé sur une terrasse en surplomb du Drac et au pied du rocher de Comboire est riche d’histoire.

 

Comme tous les lieudits « la Balme », son nom a du lui être donné dès l’antiquité en raison de sa situation particulière.

 

Le hameau est connu avec certitude dès le 13ème siècle mais il est trop bien situé pour n’avoir pas connu un habitat plus ancien. Des fragments de tegulae ont été du reste trouvés en novembre 2008 0 Taconnière dans la propriété Blanc Tranchant.

 

Constitué d’une vingtaine de maisons, le hameau de la Balme a peu changé depuis 1800 si l’on compare le cadastre napoléonien et le cadastre actuel. Tout porte à croire qu’il était d’ailleurs dès le moyen âge à peu près tel qu’aujourd’hui.

 

Dès avant 1266 il y avait au moins une demeure noble à la Balme puisque, le chevalier Guillaume de Claix reconnaît alors, à la demande et en présence de l’évêque de Grenoble « tenir de lui sa maison de la Balme en dehors de la Roche, quatre vignes et l’albergia des Saliquets ». Il se déclare son homme lige, lui rend hommage et jure fidélité sur les évangiles.

 

La Balme restera alors, plus de cinq siècles durant, la propriété du chapitre cathédral de Grenoble, coseigneur de Claix.  

 

D’autres maisons avaient du également s’implanter et se développer car une famille noble dite « de la Balme » est également mentionnée dès le 13ème siècle.

 

Quatre de ses membres sont connus par les textes d’archives :

 

-       Guillaume de la Balme au milieu du 13ème siècle,

-       Jean de la Balme marié à Alise du Puy vers 1283,

-       Guigues de la Balme en 1292,

-       Athénulphe de la Balme, chanoine, en 1340.

 

L’enquête delphinale de 1339 montre qu’il y avait alors à la Balme une maison forte appartenant au Chapitre.

 

Limitée sans doute à l’origine, l’implantation du Chapitre devint considérable vers le 15ème siècle : on pense qu’il y avait alors dans cet enclos de bâtiments encore parfaitement dessiné, au moins 150 personnes à demeure : chanoines, chapelains, clercs, valets…

 

Au milieu du 17ème siècle, la maison centrale – le château – fut acquise avec ses dépendances par Ennemond de Servien par ailleurs seigneur de Cossey.

 

La Balme resta dans les possessions de la famille de Servien jusqu’en 1713 mais le Chapitre conservait, quant à lui, nombre de dépendances et notamment la « maison du Chapitre » et la chapelle Sainte Marie Madeleine.

La distinction précise entre les possessions du seigneur de Servien et celle du chapitre figure dans le parcellaire noble de Claix de 1693.

 

Le 21 juillet 1713, par suite d’une vente intervenue entre Hugues Humbert de Servien et noble Antoine Raby, receveur général du Dauphiné, la partie castrale du domaine change de possesseur. En 1722 à la mort d’Antoine Raby, son fils Louis lui succède et devient à son tout seigneur de la Balme

 

En 1786, au décès de Madame Raby de la Ponte, née d’Agoult, ses héritiers vendent à Barthélemy Arthus de la Croix, comte de Saye, marquis d’Orancieux, président du parlement du Dauphiné le domaine de la Balme.

 

Il n’en jouira guère longtemps car il émigre en 1789. Ses biens et ceux du chapitre cathédral sont alors vendus au titre des biens nationaux en 1791 à la famille Briant.

 

En 1820, Victor Berlioz avocat général à la cour royale de Grenoble, oncle du compositeur Hector Berlioz rachète le domaine aux héritiers Briant.

 

A sa mort, en septembre 1850, le domaine passe à son gendre Amédée Burdet puis, en mars 1912, ses héritiers le vendent au capitaine Martinet         .

 

Celui-ci est tué ainsi que ses fils au cours de la guerre 1914-1918. La propriété passe alors aux demoiselles Poncet et Torchon qui y installent l’œuvre dite « le repos de l’ouvrière ».

 

Ultérieurement, les bâtiments deviendront le « Foyer du Vercors » avant que le château ne soit récemment transformé en logements d’habitation.

 

 

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Le hameau de la Balme conserve de nombreux vestiges architecturaux anciens du château, de l’ancienne chapelle capitulaire (infra), d’une glacière et d’anciennes demeures.

 

A l’origine maison forte médiévale, le château fut reconstruit pour l’essentiel au milieu du 17ème siècle par Ennemond de Servien. De cette époque pourrait dater l’exceptionnel escalier d’honneur à noyau central ajouré qui présente de grandes analogies avec l’escalier du château de Sassenage.

 

Mais les embellissements et l’aménagement général sont vraisemblablement l’œuvre d’Antoine Raby et de son fils Louis entre 1713 et 1780 : en témoignent la porte principale ouest rehaussée par un encadrement en pierre surmonté du blason des Raby et la porte est avec une ferronnerie monogrammée aux initiales « L R » (Louis Raby).

 

Des jardins à la française sur une terrasse à l’ouest du château entouraient une pièce d’eau centrale.

 

Enfin, seul témoignage des visites d’Hector Berlioz à la Balme se voyaient encore, il y a une vingtaine d’années dans le bureau du directeur du « Foyer de l’Isère » de vagues portées de musique dites « hiéroglyphe » qui auraient été griffonnées sur la tapisserie du salon par le compositeur sans doute en 1848.

 

Curieux et rare édifice, la glacière de la Balme fut construite vers 1659 dans la partie du domaine passée à M. de Servien. L’exploitant agissait en affermage pour le compte de noble Abel de Sautereau, conseiller au parlement du Dauphiné qui avait obtenu du roi le monopole de l’exploitation des glacières – jadis nombreuses – dans les élections de Grenoble, Vienne, Valence, Romans et Montélimar.

 

Selon toutes probabilités, la glace stockée à la Balme pour être vendue aux familles nobles de Grenoble et des environs provenait des sommets du Vercors et, sans doute, des glacières naturelles d’Autrans et de Corrençon.

 

D’un diamètre de 6,50 m, d’une hauteur au point central de 2,50 m, la glacière de Claix était d’une forme assez peu courante et donnait l’apparence d’une grotte.

 

Son mauvais état général n’a pas permis d’obtenir son inscription à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques.

 

On notera encore à la Balme :

 

Ø  au sud du château des bâtiments anciens enclavés dans une cour intérieure qui était sans doute fermée à l’origine par une porte d’accès dont on voit encore le pilier ouest. On notera, sur la porte d’entrée de l’un de ces bâtiments, un bel arc gothique en pierre, en réemploi apparent.

Ø  Le portail d’accès au domaine de Madame de la Ponte, après l’allée dite aujourd’hui « cavalière » n’existe plus que partiellement. Seul le pilier est du 18ème siècle subsiste, le pilier opposé ayant disparu de même que les chasse roues encore visibles dans les années quatre vingt. L’ouverture au 19ème siècle du chemin dit « des cimentiers » a définitivement modifié l’aspect initial des lieux.

Ø  Plus au nord se voit encore l’ancienne maison de Blanc dit La Goutte : cette demeure remonte sans doute au 17ème siècle. Elle fut achetée par Blanc en 1711 au marquis de Plunivel, conseiller au parlement. Il la revendra en 1740 à Jacques Brunaud. En 1784 elle appartenait à son fils, Joseph. La propriété comportait alors « maison, grange, four, colombier, basse cour, pré, verger et vigne pour 4325 toises ». De belles fenêtres à meneaux sont conservées sur les façades sud et est.

 

François Blanc dit « la Goutte », poète patoisant et habitant de la Balme

 

Curieuse figure que celle de cet « épicier poète », perclus de goutte et de rhumatismes qui nous a laissé quelques œuvres curieuses en patois grenoblois et, notamment « Grenoblo Malherou », « coupi de la lettra écrite par Blanc dit la Goutta à un de ses amis », « le Jacquety de la comare »…

François Blanc qui avouait parler patois car « le français i ne me revint pas si bien que le patois » était peut être originaire de Claix.

 

C’est lorsqu’il était domicilié à Grenoble, place Claveyson où il tenait une épicerie, qu’il acquit en 1711 du marquis de Plunivel cette demeure. Celle-ci lui tenait lieu de maison de campagne et il y composa ses principales œuvres, cloué sur son fauteuil par d’incessantes crises de goutte : « jemey gouttu ne souffrit tant que mi » écrira t-il.

 

Il avait épousé en 1689 Dimanche Pelissier dont il eut quatre filles : Sébastienne, Catherine, Marguerite et Dimanche. La troisième épousa Pierre Hache, marchand ébéniste, et de leur union naquit Jean François Hache dit l’Aîné, l’illustre ébéniste qui était donc le petit fils de François Blanc.

 

Alors que dans son testament de 1720 ce dernier estimait sa fortune à 20 000 livres, il mourut en 1742 octogénaire et presque ruiné, ce qui pourrait expliquer l’aliénation de sa demeure claixoise deux ans plus tôt.

 

J. J. A. PILOT décrit Blanc la Goutte comme un « homme badin, gai, plaisant, d’une humeur enjouée ». Son œuvre la plus célèbre restera bien évidemment le « Grenoblo Malherou » édité à plusieurs reprises (1733, 1741, 1840, 1859) relatant l’inondation de 1773. Selon toutes probabilités c’est à la Balme qu’il composa ce long poème : en effet, il cite les chemins de « Clay » à Grenoble emportés par les eaux et semble se préoccuper particulièrement de cette partie de la vallée.

 

C’est également dans ce poème que se trouve ce vers sur l’Isère et le Drac : « j’entendo le Serpent et lo Dragon sibla », allusion au dicton populaire « la Serpen et lo Dragon mettront Grenoble en savon.

 

La chapelle Sainte Marie de la Balme :

 

On sait que dès le milieu du 13ème siècle, le chapitre cathédral de Notre Dame de Grenoble, coseigneur de Claix, avait pris pied à la Balme. Une chapelle y fut donc fondée très tôt.

 

Son vocable à Sainte Marie Madeleine, commun à tous les établissements à vocation hospitalière, fait  aussi penser à une maladrerie qui aurait pu être fondée à l’occasion d’une épidémie de peste.

 

C’est du moins ainsi qu’elle semble avoir été recensée vers 1300 : « malapteria de Clays ». Selon le Général Bezegher, un petit charnier d’une trentaine de corps aurait été découvert à l’occasion de travaux dans les fondations de la maison jouxtant la chapelle, ce qui pourrait renforcer l’hypothèse d’une fondation hospitalière.

 

Le pouillé de 1497 la mentionne comme chapelle : « capella Beate Maria Magdalenes loci de Balma ».

 

Celle-ci existe toujours comme telle au 17ème siècle et Mgr le Camus la cite à l’occasion de deux visites pastorales : lors de la visite du 19 mai 1673 il indique « la chapelle de la Balme est séparée de tous bâtiments, voûtée et carrelée n’y ayant rien ni dessous ni dessus… ». Il précise également « cette chapelle est fort ancienne ; elle était plus grande mais on en a retranché une partie… ».

 

Le 16 mai 1692, le prélat revient à la Balme ; il y est reçu par le sieur de la Repara, syndic du Chapitre et par le châtelain Dupuy et y couche.

 

Le parcellaire de 1784 la montre encore dans son état de chapelle : « Chapelle de la Madeleine avec son plassage ».

 

L’ancienne chapelle existe toujours de nos jours mais de façon totalement banalisée : toutefois, sur son mur sud subsistent des traces de fenêtres murées avec des matériaux composites.

 

Chapelle castrale de la Balme :

 

L’ancien château de la Balme, qui était peut être à l’origine la maison forte de Guillaume de Claix avant de devenir la résidence du chapitre, remonte dans son état actuel au début du 18ème siècle, époque où il fut totalement rénové, sinon reconstruit, par Antoine Raby. Sous les Berlioz, le château comportait encore une chapelle devenue alors salon de musique.

 

Chapelle de l’Ouvrière :

 

Dans un bâtiment déjà figuré sur le parcellaire de 1784 et qui, à l’origine, faisait sans doute partie des possessions du chapitre Notre Dame fut fondée au début du 20ème siècle une chapelle pour l’œuvre dite « le repos de l’ouvrière ».

La façade ouest du bâtiment donne encore toutes les apparences d’une chapelle néo gothique.

 

Mas dépendants de la Balme :

 

Le mas des Alluts au pied de Comboiry semble tirer son nom du mot « alleux » désignant des propriétés héréditaires et transmissibles.

Le parcellaire de 1784 le montre limité à l’ouest par le chemin du Bourg à Seyssins et à l’est par le rocher de Comboire.

Il n’y a pas alors d’habitat et les terres appartiennent pour l’essentiel à Madame d’Eybens, Jean Louis Fournier et au notaire Bret.

 

Le mas dessous Comboiry est cité dès 1655, époque où Jean Eymard y a des vignes et des rivoires.

Le parcellaire de 1784 situe ce mas au nord de la Balme.

Il se compose alors de grandes propriétés (terres, bois, taillis et surtout vignes) appartenant à Madame de la Ponte et à Joseph Brunaud.

 

Le mas de Champ Magaud est situé en 1784 au nord est de la Balme, descendant jusqu’au Drac.

Il est alors composé pour l’essentiel de grandes propriétés appartenant au Chapitre Notre Dame et à Madame de la Ponte.

 

Le mas à la Balme à la Surreta est situé en 1784 au sud de la Balme, au nord du mas des Pérouses, à l’ouest du chemin public de Malhivert à la Balme et à l’est du chemin public du Bourg à la Balme.

Pour l’essentiel, les terres appartiennent à Madame de la Ponte qui y possède terres, vignes, hautains, « pimpignière » et une très longue allée d’arbres conduisant à son domaine de la Balme.