EPOQUE ROMAINE
Il
faut se souvenir que, dans notre région, l’époque romaine a duré près de six
siècles, de 121 avant notre ère à 470 de notre ère. Cette très longue période –
quasiment le quart de notre histoire – a bien évidemment modelé la physionomie
du paysage et vu la constitution de la plupart de nos villages. Ainsi, est-il
établi pour la proche région que des habitats, plus ou moins importants,
existaient déjà à cette époque : Vif (vicus ?),
le Gua (sanctuaire à Vulcain) et surtout Varces : habitats de Champ Nigat,
de Drabuyard, grandes villae
de Rochedure et de Pélissière,
site artisanal des Gaberts, ferme du Cellier, habitat
du Val d’Allières et, surtout, l’agglomération
frontière de l’Achard (infra).
Au
titre des évènements de toute première importance, on rappellera le long séjour
à Cularo (de 269 à 272) de Julius Placiniadus,
préfet du prétoire sous Claude II et Aurélien – c'est-à-dire quasiment vice
empereur – et ses visites à la Fontaine Ardente et à Vif où il consacrera un
autel « aux feux éternels », encore conservé dans le clocher de
l’église Saint Jean.
Si
l’époque romaine est attestée à Claix, elle est loin d’avoir toutefois révélé,
du moins à ce jour, des vestiges significatifs.
La
présence romaine la plus significative a été révélée au « Val d’Allières », probable viculus
> voir dans le même site Internet l’étude complète qui lui est consacrée.
En
ce qui concerne le site historique du château delphinal,
seul H. Rochat fait état de la trouvaille, au début
du 19ème siècle, de « pièces de monnaies romaines bien
conservées », malheureusement non décrites et perdues aujourd’hui.
La
partie claixoise de l’oppidum de Rochefort a révélé
la présence de nombreuses tegulae (signes d’un
habitat proche) lors de l’établissement du gazoduc.
Très
curieusement (et de manière frustrante), les travaux de construction de
l’autoroute A 51 n’ont entraîné sur Claix aucune découverte archéologique alors
que celles-ci ont été abondantes dans la plaine du Lavanchon
sur Varces.
Toutefois,
sur l’extrême limite méridionale de la commune, au sud de la zone industrielle
des Bauches, j’ai recueilli lors d’une prospection de
surface le 1er février 1997 un fragment important de tegula.
A
Château Bouvier, les fouilles de 1930 de Fernand Gautier et Hippolyte Müller auraient
révélé cinq monnaies romaines non décrites.
A
la Balme sous le Moucherotte, cinq monnaies romaines
ont été découvertes en 1930 par Fernand Gautier (peut être y a-t-il confusion
avec les fouilles du site ci avant) : un as de Trajan, un sesterce de
Gordien le Pieux, un sesterce de Tétricus et deux
illisibles du fait de l’oxydation. Ce même abri a livré, parmi des vestiges
allant du néolithique au 10ème siècle de notre ère, des éléments
montrant une occupation sans doute ponctuelle durant l’époque romaine :
fragments de céramique allobroge et de poterie sigillée. Plus récemment, une
prospection de surface a livré des clous de charpentiers appartenant
vraisemblablement à un auvent en bois
qui prolongeait l’abri à l’ouest
Enfin,
Comboire a pu servir d’oppidum occasionnel au bas
empire à l’imitation des oppida voisins (Rochefort et Saint Loup) : H.
Müller en avait l’intuition mais les bouleversements occasionnés par la
construction du fort rendent désormais impossible toute découverte de nature à
conforter cette hypothèse.
Les voies
romaines :
Au
moins deux voix semblent avoir traversé le territoire de Claix. L’une (peut
être même deux) dans la plaine et l’autre sur les contreforts du Vercors.
Tite
Live, selon un récit emprunté à un géographe de 3ème siècle avant
notre ère, dit que dès au moins la fin du 3ème siècle avant notre
ère une piste traversait de part en part le territoire des Tricorii :
de Cularo, elle se dirigeait vers le sud. C’est elle
que de toute évidence Lucius Munatius Plancus aurait empruntée avec ses légions en mai 43 avant
notre ère, lorsqu il quitta Cularo pour rejoindre
Lépide campé à Forum Voconni.
Nécessairement
cette voie qui venait de Cularo et qui a été
retrouvée à l’Achard sur Varces
– probable vicus frontière entre Allobroges et Voconces – traversait le territoire de Claix. C’était une
voie importante si l’on en juge par les vestiges exhumés sur au moins cent
mètres de longueur : chaussée constituée de blocs de calcaire et de
graviers, large de cinq à huit mètres. Néanmoins son parcours est très malaisé
à restituer. A titre d’hypothèse on peut proposer un axe principal et un tracé
secondaire, les deux ayant pu être utilisés successivement ou simultanément en
fonction des saisons :
Axe
principal :
La
voie de Rome sortait de Cularo par la porte Jovia puis suivait l’actuelle rue Saint Jacques en bordure
du Draquet. De là, par un tracé que l’éventail du
Drac ne permet pas de restituer, la voie devait tendre sur Saint Jacques
d’Echirolles, site de carrefour majeur (temple à Mercure, halte des pèlerins de
Rome puis de Compostelle, commanderie de templiers, relais postal…) :
cette voie gagnait par les coteaux de Haute Jarrie cependant que la voie de
Fréjus se poursuivait plein sud.
C’est
à partir de Saint Jacques d’Echirolles que la reconstitution du tracé est
malaisée. Là aussi, deux hypothèses sont envisageables :
-
le
bois de Marcelline avec un franchissement du Drac à gué entre les deux
Rochefort puis l’Achard,
-
un
franchissement du Drac à l’emplacement de ce qui deviendra ultérieurement le
pont et le port de Claix. Un gué étant peu concevable à cet emplacement,
faut-il imaginer un bac, voire un premier pont en bois ou en maçonnerie ?
Dans ce cas, la voie aurait suivi le tracé de ce qui deviendra ensuite, jusqu’à
la création de la voie royale sous l’administration de Lesdiguières, le chemin
de Claix à Varces et au-delà.
Tracé
par les coteaux :
Par
la rive droite du Drac – dont le tracé était alors situé très à l’est de son
emplacement actuel – la voie (ou une voie) pouvait aborder Claix par Seyssins
et le col de Comboire. En effet, ce tracé, étudié à
la fin du 19ème siècle, est jalonné d’indices : sépultures
gallo romaines autour de Saint Martin de Seyssins et au sud du village,
découverte de monnaies romaines, mentions orales d’anciens pavages…
Entre
Seysiins et Cossey, cette
voie est encore bien marquée sous la forme d’un très ancien cheminement en
faible pente, bordé de murets de soutènement anciens et aboutissant à la
chapelle de Cossey. De la, par Furonnières,
la Croix, Allières et Pontcharra elle pouvait gagner
l’Achard.
Il
existe en faveur de cette hypothèse une série de coïncidences métriques
répétées pouvant laisser à penser à un tracé antique. En effet on pense que
dans notre région les voies avaient été très tôt jalonnées de milliaires, ces
ancêtres des bornes kilométriques qui, en Narbonnaise, étaient implantés tous
les mille pas (le pasus
ou double pas romain soit
Le
chemin de la Vie :
Hippolyte
Müller pensait, sans doute à juste titre, que ce très ancien chemin qui semble
partir de la Poya sur Fontaine pouvait être
originellement un passage pédestre assez commode et le plus court possible pour
aller de Cularo à Die.
Ce
nom de « vie » dérive évidemment de « via », la voie même
si en l’occurrence celle-ci est sans doute antérieure à l’époque gallo romaine.
En témoignent les grottes et abris sous roche qui la jalonnent sur Seyssins et
sur Claix : grotte Vallier (infra), Château
Bouvier, Balme sous le Moucherotte.
Son
appellation originelle n’est conservée que sur les communes de Seyssins et de
Claix. Au-delà, on en a fait le « sentier du périmètre ».
La
« Grotte Vallier » :
Bien
que située aujourd’hui sur le territoire de Seyssins, cette grotte est
indissociable du « chemin de la Vie » et doit être mis en relation
avec les sites antiques de Château Bouvier et de la Balme sous le Moucherotte.
Creusée
dans le flanc est du Moucherotte la grotte, à
L’Achard à Varces : une
agglomération frontière :
Les
fouilles de 1994-1995 préalables à la construction de l’autoroute A 51 ont
révélé au lieudit « l’Achard » (ou Lachar par corruption) au sud du village de Varces, les restes d’une agglomération antique couvrant
plusieurs hectares dont deux seulement ont été fouillés.
Sur
un site néolithique (aire de débitage de silex ou de cristal de roche) s’édifia
ici dès au moins la première moitié du 1er siècle de notre ère une
agglomération comprenant divers bâtiments et un sanctuaire emplacés
sur une importante voie romaine repérée sur plus de
Le
sanctuaire (peut être dédié à la déesse Alpina) a
livré plusieurs centaines de vases miniatures et des monnaies déposés à
l’intérieur de l’édicule autour d’un galet fiché verticalement dans le sol, ce
qui n’est pas sans rappeler la configuration du site cultuel de Rochefort.
Selon
toutes probabilités on est là en présence d’un vicus
frontière dont le nom n’est pas connu (Varcia ?)
et qui assurait le contrôle des voyageurs et des marchandises à la sortie de la
civitas des Allobroges.
Aux
2ème et 3ème siècles, certains des bâtiments sont
reconstruits cependant que d’autres sont édifiés sont édifiés à l’ouest du site
primitif. La découverte de deux monnaies associées à un bol dans les
substructions de l’un des bâtiments laisse à penser à un rite de fondation et
fournit un précieux indice chronologique : vers 222-231. C’est peut être à
cette époque qu’il faut rapporter la construction d’un muret d’enclos au sud et
à l’est des édifices.
L’agglomération
semble ensuite avoir été abandonnée, pour des raisons inconnues, vers la fin du
3ème siècle avant d’être reconstruite à l’époque mérovingienne.