ANCIENNE EGLISE SAINT JEAN DE COSSEY

 

Elle est située au point de franchissement du petit col dit de Cossey ou de Comboire, exactement au bord d’un très ancien chemin dont le tracé est encore bien marqué sur plus d’un kilomètre en direction du nord, qui pourrait être une ancienne voie romaine. Dès lors on peut s’interroger sur l’existence d’un lieu de culte à Cossey remontant très haut : bas empire ? époque paléochrétienne ?

 

La problématique des origines du site cultuel de Cossey n’est pas unique au plan strictement local car elle se pose dans les mêmes temes que celle de l’église de Risset dans laquelle M. Colardelle voyait un site d’origine paléochrétienne en rapport avec le viculus voisin d’Allières. Dans la même sens, Louis Royer estimait pour sa part que l’église de Cossey pouvait représenter – ou perpétuer – le baptistère primitif.

Mais seules des fouilles précises dans la nef et dans le chœur de l’édifice actuel  pourraient apporter sur ce point une confirmation formelle à ce qui n’est ici que conjecturé.

 

Ce qui est sur c’est que la terre de Cossey est citée dès 1058, date de la dédicace du monastère clunisien de Domène, doté d’importants biens fonciers au titre desquels on relève des terres et des vignes à Cossey alors nommé « malum consilium ». Une église est attestée dès 1085, époque où « une noble matrone, Vualdra, servante du Seigneur, donne au monastère de Cluny et aux frères de Domène une vigne au lieudit malum consilium qui possède une église dédiée à Saint Jean dans le diocèse de Grenoble ».

 

Le patronyme de la donatrice aux consonances encore burgondes est un élément supplémentaire pour témoigner de l’ancienneté de l’occupation du site de Cossey. De plus, la formulation « servante du Seigneur, procède encore des usages paléochrétiens.

 

L’église passe ensuite (fin du 11ème siècle ?) sous la dépendance de l’évêque de Grenoble comme en témoigne le troisième des cartulaires dits de Saint Hugues. L’ « ecclesia de Consilis » est alors taxée de 6 deniers.

 

Un censier de 1120 montre que les moines de Domène possédaient toujours d’importants bien sur Cossey même si l’église n’était plus sous leur dépendance : ils ont alors comme redevances six deniers et deux pains d’Aldearda, six deniers et deux pains de Joannes Clerius et Joanna Clera, quatre deniers de Joanna Ferebraria, trois oboles et un pain d’Aimo Guillae.

 

Hormis quelques reconnaissances civiles, on ne dispose pas de documents sur l’église de Cossey aux 12ème et 13ème siècles.

 

En 1339, la paroisse de Cossey comprend quatre hameaux faisant quarante feux : ces quatre hameaux devaient être Cossey, Bouveyres, Pénatière et Malhivert.

 

Le pouillé de la Décime de 1375 la montre toujours dans son état d’église paroissiale (Sancti Johannis de Consilio ecclesia) de même qu’une attestation faite le 20 février 1392 par le châtelain de Claix.

On ne sait pas précisément à quelle époque ni dans quelles circonstances elle perdit ensuite sa qualité d’église paroissiale ; on sait seulement que cette mutation intervint avant 1497, époque où un pouillé la montre réunie à l’église de Claix : « ecclesia Sancti Johanis de Consilio annexa Sancti Petri de Claisio ».

 

Mais cette dépendance devait être toute relative car Saint Jean de Cossey est encore qualifié d’église paroissiale lors de la réception du maître d’armes Pierre Davy de Claix le 15 février 1534, l’acte se terminant par la formule « fait en la paroisse et lieu Saint Jean de Conseil ».

 

En avril 1636, d’importants travaux sont commandés à des maçons du val d’Aoste habitant Varces, François Brunet, Jacques et Laurent Ducros par Ennemond de Servien, le seigneur de Cossey.

 

L’église devait avoir besoin de sérieuses réparations car la commande comporte les objets suivants :

 

-       remailler, enduire et raccommoder les murailles du clocher,

-       refaire toute la barbacane à la grande porte et entrée,

-       élargir et rehausser les deux fenêtres de taille qui sont aux murailles coté vent et coté bise à la mesure et proportion de celle qui est derrière l’autel,

-       faire et poser deux autres fenêtres à la même proportion aux murailles de la nef, coté vent et coté bise avec gonds et ferrures,

-       enlever les deux avancements qui sont au-dedans de l’église depuis l’entrée d’icelle jusqu'au chœur…

 

Le travail semble avoir été rondement mené car la réception en est prononcée le 9 septembre 1637. Des travaux complémentaires avaient d’ailleurs du être ajoutés au devis initial car la réception porte également sur la réfection de la muraille coté bise, la pose de marches de pierre autour de l’église et l’exécution de bouchet de pierre de taille dans les deux murailles.

 

Toutefois, l’arcade de la fenêtre de la muraille n’a pas les proportions demandées et la barbacane du clocher est inachevée ; néanmoins, le contrôleur des travaux, Ennemond Derrion donne décharge aux maçons et leur paye le prix convenu, ceux-ci s’engageant par ailleurs à pallier rapidement les insuffisances.

 

Des six visites paroissiales que fit Mgr Le Camus à Claix, seules celles de 1673 et de 1698 intéressent Cossey.

 

Lors de la visite du 18 mai 1673 la chapelle est en bon état : le prélat prescrit seulement que la grille du cimetière – qui entourait alors l’église comme le voulait l’usage – soit réparée et qu’une messe soit dite à Cossey de bonne heure tous les dimanches par le curé de Claix.

 

A l’occassion de sa visite du dimanche de Pentecôte 1698, Mgr Le Camus reçoit –à 6 heures du matin ! – les habitants de Claix et une délégation de Cossey ; celle-ci demande que la messe soit dite régulièrement dans son hameau. Le cardinal n’est pas de cet avis et s’oppose à la transformation de la chapelle de Cossey en église paroissiale.

Depuis lors et même si une demande d’inscription à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques n’a pas abouti, Saint Jean de Cossey est sauvegardé. D’opportuns travaux de restauration externes et internes ont été récemment effectués et redonnent à ce vénérable monument une partie de son lustre d’antan.

 

Description :

 

L’intérieur de l’édifice est de plan rectangulaire : 15 m de longueur pour 5 de largeur. Le chœur est carré (5 m x 5 m) et prolonge directement la nef. Il conserve une croisée d’ogives reposant sur des culots. Deux angelots tenant une tête de mort et deux masques humains encadrés de feuillages ornent ces culots. Les quartiers de la voûte sont ornés d’enroulements disposés autour de ces triangles. Ce décor, remarquablement riche, ne semble pas d’une seule venue. Le caractère très poupin et joufflu des angelots jouant avec une tête de mort évoque nettement l’art de la Renaissance et le 16ème siècle exploitant d’ailleurs la tête de mort qui n’apparaît qu’à la fin du moyen âge. On serait par contre tenté de dater de la première moitié du 17ème siècle les enroulements décoratifs de la voûte en forme de cuirs découpés en vogue sous le règne de Louis XIII.

 

Les deux culots supportant la retombée des branches sur le mur sud sont ornés d’un culot de petites dimensions (30 cm de longueur sur 13 cm de hauteur) polychromés représentant un angelot arborant un crâne humain. Les culots du mur nord sont sculptés d’une face humaine ailée dans l’un des cas, surgissant de feuillages dans l’autre. Ces décors ont été récemment restaurés.

 

Le bénitier encastré dans le mur à gauche de la petite porte latérale sud est taillé dans une pierre de calcaire dur et fait partie vraisemblablement du mobilier original de la chapelle. L’inscription en caractères gothiques qui court sur le bandeau supérieur semble avoir été récemment déchiffrée et pourrait signifier « ici naît la vie », ce qui pourrait s’appliquer à un baptistère de proportions réduites.

 

Contre le mir nord, vers l’entrée, subsistent de possibles fonts baptismaux monolithes en pierre, longs de 110 cm, larges de 80 cm pour une hauteur identique avec deux cuves de 57 cm et de 20 cm de diamètre. Avant d’être fixés sur un socle de béton, ces fonts se présentaient peut être sous la forme de deux cuves en pierre réunies simplement par le soubassement tels ceux que l’on peut encore voir dans l’église paroissiale de Varces. On a aussi pensé à de possibles mesures à grains réutilisées. On peut proposer comme datation le 16ème siècle.

 

Deux grands porte cierge étaient naguère conservés dans la chapelle où l’abbé Meyer les a photographiés au début des années soixante. L’un a disparu peut après 1975. L’autre est maintenant conservé dans la sacristie de l’église Saint Pierre. Il est caractéristique du 15ème siècle.

 

Une clé pendante ornait jadis la croisée d’ogives. En pierre sculptée, cette décoration de 28 cm sur 25 cm représente une Vierge à l’Enfant entourée de sept visages d’inégale grosseur (de 7 x 6 cm à 10 x 7,5 cm). En raison d’une cassure partielle de l’élément on peut penser qu’il y avait à l’origine neuf visages latéraux. L’ancien curé de Claix, François Carrier, y voyait une représentation des rois d’Israël. Cette clé pendante, que l’on peut dater du 17ème siècle, a été déposée pour des raisons de sécurité en 1985. Restaurée de nos jours, elle est conservée à la mairie de Claix et les plus récentes interprétations y voient plutôt un symbole d’une congrégation non définie.

 

Enfin, je dois aux louables recherches de feu l’abbé Meyer de savoir que, vers 1960, le devant de l’autel de Cossey était recouvert d’un antipendium en cuir de Cordoue orné de fleurs et de corbeilles peintes. Cette garniture aurait alors été achetée (à qui ?), pour des raisons ignorées, par le Dr Gondrand de Tullins pour son musée de l’ancien hôtel Dieu, aujourd’hui fermé à toute visite sans que l’on puisse savoir si cet ornement existe toujours.

Il en va de même du retable en bois sculpté qui abritait une statuette de la Vierge à l’Enfant et d’un tabernacle orné de colonnettes torsadées soutenant un entablement portant quatre statuettes d’ange tenant les instruments de la passion.

L’analyse des clichés pris par le père Meyer semble traduire, pour ce qui concerne le retable, le 17ème ou le 18ème siècles. On pourrait penser à une donation faite par la famille Servien. La statue de la Vierge à l’Enfant, par contre, parait beaucoup plus ancienne. De type gothique elle donne à penser aux 15ème siècle.

Derrière ce retable étaient accrochés un grand tableau représentant la crucifixion et deux tableaux plus petits dont la symbolique n’a pus être étudiée.

 

En ce qui concerne l’extérieur de la chapelle, le clocher porche évidé par deux arcatures est d’un style peu répandu puisque pour la proche région les seules analogies sont les clochers de la chapelle de Risset, celui de la chapelle de Pariset et ceux de Champ sur Drac, Saint Jean d’Hérans, Monestier d’Ambel et Pellafol. Pour le reste du département on ne trouve guère d’exemples architecturaux qu’à la chapelle Saint Mamert des Cotes d’Arey, à celle de Bellegarde Pousieu, à Monsteroux Milieu ou encore à Saint Pierre de Saint Jean de Bournay.

 

La cloche située dans la partie supérieure de ce clocher porte l’inscription « JHS ma Sancte Sebastiane ora pro nobis te deum laudamus te dominum confitennur, 1637 ». La note est un la.

 

Dans la partie inférieure du clocher et à droite de l’entrée principale subsiste un bénitier très frustre en pierre pouvant appartenir à la construction originelle.

 

Enfin, la fenêtre de la façade nord, dont le style s’apparente au 14ème siècle, a du supporter à l’origine une grille plus avancée que la grille actuelle car des trous d’ancrage sont encore visibles. Cette fenêtre, élargie en 1636, conserve dans sa partie supérieure la trace d’un blason très martelé et maintenant indéchiffrable : peut être s’agissait-il de celui des Servien ?

 

Devant l’entrée de l’église existait une croix, maintenant disparue. Vraisemblablement d’origine médiévale – dont on ne possède plus qu’une médiocre photo de l’abbé Meyer – cette croix qui pouvait porter une inscription semble avoir été comparable à celle qui subsiste encore devant l’église du Genevrey de Vif.

 

Selon toute vraisemblance, elle appartenait à l’ancien cimetière qui entourait la chapelle. Des travaux de voirie exécutés au cours du premier semestre 1983 autour de la chapelle ont d’ailleurs exhumé des ossements provenant de l’ancienne nécropole.

 

Enfin, il convient, mais avec prudence, de signaler la perdurance d’une tradition de souterrain existant entre la base de l’autel de la chapelle et le château de Cossey. Ce prétendu souterrain ne serait-il pas une crypte ou les substructions de l’église primitive de Cossey ? Seules des fouilles pourraient apporter une réponse sur ce point et, par la même, prouver peut être la très haute origine de ce vénérable monument.